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Hop hop hop voici enfin la publication du dernier opus de l'Ex Libar \o/
Sans plus tarder voilà les textes, bonne lecture à tous !
Texte 1
Posté par Moi
Aux pays des contines et des fées. Où le vent chantonne aux creux de votre oreille, où les lutins jouent avec les roses, ou le ciel s'illumine de mille et une couleurs, j'ai entendu une histoire que je vient vous conter. Celle qui me l'a soufflé, je ne m'en souvient guère car les seules souvenirs que j'ai d'elle sont ses cheveux roux et l'ocre du couché du soleil nous éclairant au flanc d'une colline, dans un verger. En tout cas je vais essayer de vous la retranscrire car j'ai entendu dire que les histoires prononcés dans ce monde merveilleux éclairaient notre monde d'un fugace rayon de magie, de plaisir et de rêve. Et parce que je veux que vous aussi, vous vous retrouviez entouré de lucioles étincelante, de couleur obsédantes et de calme reposant, je vais vous faire partager ce qu'entre rêve et réalité j'ai pu me souvenir de mon voyage.
L'histoire commençait au jour le plus attendu de l'année, le vingt-deux décembre, le jour du givre. Ce jour là, la nature elle même reflètait le monde et sur chaque arbre, et chaque petites brindilles, les perles d'eau cristalisées avaient aménagée leur logis. Et comme tous les ans, dans la grande salle, les Grands Lustres de cristal, organisaient une fête pour célébrer l'arrivée du givre. Tous étaient invités, les miroirs, reflets du monde, qui étaient de grands voyageurs, et de prestes messagers, ils venaient de tout le royaume ; étaient aussi présents les vitres, protecteurs des flammes, les verres et les vases créateurs de milles fontaines étincellantes, et beaucoup d'autres. Car tous voulaient être présent pour le plus grand jour de l'année. Et pour la première fois Petit-Miroir était là : il n'était né qu'au mois d'octobre. Il était timide mais lui aussi voulait participer à la fête.
C'est en se dirigeant vers la grande salle qu'il vit les portes de glace gardant l'entrée, elles étaient gigantesques ! et Petit-Miroir ressentit un mélange de craintes et de respect devant la beauté de leur ouvrage. Mais il prit son courage une fois encore : il n'avait pas fait tout ce chemin pour finalement n'être pas présent. Il avança et s'avança encore, et plus il s'approchait, plus il entendait la douce mélopée du bal. Il arriva devant les portes, elles le regardèrent de haut, et l'examinèrent en silence, et sans un mot les portes s'ouvrirent. Elle dévoilèrent la salle majestueuse où des milliers de couleurs s'échappèrent. Tout brillait, tout resplendissait. Petit-Miroir vit alors des assiettes de cristal danser avec des pierres précieuses, des verres projeter des jets d'eau, des vases s'admirer et échanger des compliments, et vit les flûtes enchantée qui accompagnait le ballet. Il vit tout ça, et tellement d'autre choses : il admirait encore et encore, et sous le froncement de sourcil des portes, il ne remarqua pas que, lassées d'attendre, elles commençèrent à se refermer. Petit-Miroir prit de panique entra précipitamment dans la salle. Et sans l'avoir voulu, se trouva encadré par la foule. Il fut bousculé à droite, poussé à gauche ; il cherchait un moyen de s'éloigner. Et bien qu'aveuglé, il finit par s'échapper en bousculant un diamant et en courant vers le fond de la salle. Tout se monde ! Petit-Miroir n'en revenait pas. Il restait émerveillé, et observait en silence le spectacle de ces danses et reflet.
Un long moment s'écoula, sans que Petit-Miroir ne fasse rien, et on l'avait remarqué. Un groupe de miroirs s'approchait. Petit-Miroir eu peur. Ils étaient grands, et ils s'approchèrent avec le regard mauvais. "Ahaha, le petit-bout-de-verre-à-sa-moman a peur dans tout se monde", Petit-Miroir ne répondit rien, il avait l'habitude, les grands l'embêtaient toujours, toujours ils se moquait de lui. "Eh regarde !" dit l'autre. Petit-Miroir connaissait la suite, elle lui était arrivée tellement de fois. "Il a défaut, regardez ! regardez ! Il à un défaut dans son verre !" Petit-Miroir n'écoutait plus, il attendait, il entendit vaguement des "gueules cassés !" ou "vers de terre !" ou encore "comment il est moche ! T'as pas honte ?". Tout recommençait, une partie de lui avait raison : il n'aurait pas du venir, c'est toujours pareil, toujours la même chose.
Il avait courut, s'était noyé dans la foule, caché dans le bal, et maintenant se cachait derrière un poteau. Il regardait les autres s'amuser entre eux, rire et danser. Pourquoi avait-il eu une imperfection ? Pourquoi ? Pourquoi lui ? Des questions qu'il se posait depuis sa naissance. Modissant tous, et tout le monde. Un silence l'arrêta dans ses pensées. Que se passait-il ? Il jeta un coup d'oeil vers la foule et vit Beau-Miroir. Beau-Miroir était parfait, il reflétait avec magnificence toute les couleurs : se regarder à l'intérieur, c'était voir de la beauté, de la beauté à l'état pur. Et pour cela, il était aimé et encensé. C'en était trop pour Petit-Miroir, il s'enfuit, il courut, roula, cria après les portes pour qu'elles s'ouvrent, et courut. Il partait loin, très loin, il ne voulait plus revoir le monde, ne voulait plus venir à la fête, il ne voulait même plus plus vivre. Pourquoi lui ?
C'est au bord d'un ravin qu'il s'arrêta. Que devait-il faire ? Il n'en savait rien. Il regarda au fond du précipice et remarqua de très nombreux miroirs et débris de verre, cassés : mort. Alors c'est comme cela qu'il allait finir ? Au fond d'un précipice ? Oui, il roula et tomba.
Mais une main le rattrapa, il vit alors un horrible monsieur l'admirer. Puis il entendit une terrible voix féminine au loin.
"Tu te regarde encore dans se miroir ! J'en ai marre ! Arrête ! Pourquoi as-tu fais ce miroir ? Pour oublier la réalité ? Tu es comme tu es, et moi je t'aime comme cela. Alors vient !".
A contre coeur l'homme lâcha le miroir et son doux reflet, et se fit entraîner par sa femme.
Petit-Miroir restait immobile, il avait peur, mais était heureux, quelqu'un au moins l'aimait pour ce qu'il était. Il pensa un moment et comprit : il devait se de l'horrible bonnefemme qui empèchait l'horrible monsieur de le regarder, elle qui chaque matin regardait Beau-Miroir.
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texte 2
Enfin arrivé à destination ! Je croyais bien ne jamais y arriver. Entre les cahots, les yeux bandés et les cris des enfants, ça n’a pas été un voyage de tout repos. Je dois encore patienter quelques instants sur le pas de la porte pour qu’on daigne bien s’occuper de moi. Et je finis, triomphal, sur un petit secrétaire du salon, le bandeau retiré de mes yeux. Je m’absorbe alors dans la contemplation de cet intérieur décoré de manière ostentatoire, sans la moindre parcelle de bon goût.
Les styles s’enchevêtrent et s’affrontent dans ce champ de bataille. Ici, une commode triomphe par sa carrure d’un fauteuil Louis XIII rapetissé par les ans. Là, une table de ferme, rustique et pittoresque, soupire, entourée qu’elle est de chaises Ikea. Je repère très vite mon entourage et me dis, qu’après tout, je n’ai plus qu’à m’y faire, n’ayant pas le choix en la matière.
La petite Sophie triomphe enfin du terrible Kevin, son frère, dans la cuisine. Seulement, cette victoire ne va pas sans les plaintes sonores dudit vaincu, et commence déjà à me taper sur les nerfs.
Il fait nuit, désormais. Les ombres de l’extérieur jouent avec les motifs du tapis pour former des figures inquiétantes. Un moment, tout se fige. Les marches de l’escalier grincent et l’instant s’étire. Je vois passer le petit dernier et relâche la tension qui m’habite. Il va, comme à son habitude, exécuter une razzia dans le frigidaire dont feront les frais desserts, fromages et à coup sûr, un quignon de pain. En passant devant moi, il me sourit, et ses fossettes me ravissent.
Plus tard. Les habitants de cette maisonnée ont bien grandi, et les disputes, toujours aussi insupportables, ont changé de sujet. La dernière en date, reléguant les échos de la dernière guerre mondiale au stade de vétille, concernait les vacances. La mère, à son habitude, a fini par céder devant Sophie, maintenant adolescente.
Voici donc cette jeune imbécile responsable de la maisonnée, moi compris. Evidemment, le petit ami de Sophie fait irruption peu de temps après le départ du reste de la famille. Alors qu’il passe devant moi, il se remet une mèche en place et feint de ne pas se rendre compte de sa beauté. Que la jeunesse est légère !
Les trois enfants sont réunis au milieu d’une sombre assemblée. Une majorité reste silencieuse, tentant de prendre aussi peu de place que possible dans le salon. L’espace sonore n’abrite que quelques reniflements et des discussions faussement polies, hypocrites.
« Mes pauvres petits, lance l’oncle obèse, haletant, c’est une bien triste journée pour nous tous. Vous n’êtes pas sans savoir que vos parents souhaitaient que je m’occupe de vous en cas de … de malheur. »
Petite pause. Revêtant son masque d’autorité de chef comptable, comme au bureau, il poursuit.
« Etant donné la situation, je ne vais pas y aller par quatre chemins : même si vous êtes en âge d’avoir vos propres appartements, je ne peux pas subvenir à tous vos besoin. Il va donc falloir que vous veniez habiter chez nous. Votre tante et moi-même feront tout pour vous accueillir aussi bien que possible. » Nouvelle pause. Froncement de sourcils.
« Mais la succession risque de nous coûter beaucoup. Enfin … vous n’y êtes pour rien. » soupire finalement la grosse limace.
Quelques petits fours avalés plus tard, les convives se retirent un à un. Certains me jettent un dernier regard, mais personne ne semble s’intéresser au fait que je vais sûrement rester ici seul. Pendant un moment.
Nouvelle assemblée, plus joyeuse que la dernière et plus bruyante, aussi. Toute cette agitation me sort de ma torpeur. Le mobilier est envahi par des grappes de gens, plus ou moins jeunes. Les visages se tordent dans un effort de digestion rendu difficile par l’alcool ingéré.
J’admire Sophie, resplendissante, remettre un peu d’ordre dans ses effets. Elle est forte, cette petite, pour trouver l’envie de revenir ici après tout ce temps. Son jeune mari l’aide évidemment à franchir ce cap, mais une ombre fugitive traverse tout de même le regard de la mariée, tandis qu’elle se tient face à moi. Finalement, elle me fait un clin d’œil et repart de plus belle dans le tourbillon de sa nouvelle vie.
Dernière trouvaille en date, ils viennent d’adopter un chat. L’idée en soit, n’est pas si mauvaise. Surtout depuis que les enfants sont partis à leur tour étudier en ville. Seulement, un chat, rendez-vous bien compte, ce n’est tout de même pas très poli. Ou plutôt, c’est suffisant. Ca vous regarde, méprisant, du coin de l’œil. Et si, par malheur, vous plongez votre regard dans le sien, soit il se moque, soit il se hérisse. Non, ce n’est pas vraiment pas de tout repos de le supporter.
Le pire, finalement, ce n’est pas tant son ego surdimensionné, à cette bête là. Non, c’est plus sa fâcheuse tendance à agir bêtement. Comme lorsqu’il se glisse dans mon dos, au risque de me faire basculer. Si seulement je pouvais le repousser à l’infini et au-delà.
Une autre nuit. Toujours les ombres, toujours la mélancolie du vent dans les branches du cerisier, dehors. Et comme souvent, les marches de l’escalier qui grince. Je ne prends même plus la peine de m’en inquiéter, cela doit être le petit qui va chercher un casse-croûte.
Finalement, c’est une chute lourde, maladroite, qui survint. La vieille femme qui occupe les lieux est avachie juste sur ma droite, un bras bloqué le long du corps et l’autre porté à la poitrine. Un râle et puis s’en va. Fragile petite chose, tout de même. Je retrouve le calme des nuits qui n’appartiennent qu’à moi. Je me demande qui va hériter de cette bicoque et de moi-même par la même occasion. J’aimerais bien en finir avec cette triste famille. Je verrais bien, j’ai tout mon temps.
Ah, voilà l’autre damné animal. Il vient voir si sa maîtresse est encore en vie. Ou plutôt, si la pâtée sera servie demain. A l’entendre feuler, il faut croire que non. Ridicule. Il tourne en rond, les poils hérissés. Il miaule. Vivement qu’il en finisse.
Mais, que fait-il ? Le voilà qui se met à courir dans tous les sens ! Vraiment, il ne va pas bien cet animal. Non ! Mais arrête ! Arrête de courir, et si près de moi en plus. Mais va tu …. NON !
Chute. Fracas. Me voici en mille morceaux. Et même pas un humain à maudire pour 7 années de malheur ! Quelle ironie ! Ma conscience s’étiole … je m’endors.
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Texte 3
Anchise et Vénus Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux
Charles Baudelaire Nous sommes à la campagne.
La nuit, glacé par le froid, je suis au volant, repensant au merveilleux
sourire de mon filleul lorsqu’il ouvrît son cadeau. Ses yeux brillèrent de mille
étoiles. Une larme peut-être ?
Machinalement, je regarde le ciel. Je m’y attarde un instant. La pleine lune
se distingue sans peine au travers des nuages. Tout à coups, une forte lumière
retient mon attention. J’en suis presque aveuglé.
Sur le bas côté de la petite route peu fréquentée, un somptueux miroir se
dresse magistralement contre un chêne.
Intrigué, je m’arrête non loin. Je m’approche de la relique qui semble tout
juste sortie des contes de fée. Me prenant les pieds dans des racines, je trébuche,
je tombe et me brise le nez sur un pied du chef-d’oeuvre toujours immobile. Du sang,
couleur vermeille, en recouvre maintenant une partie.
Luttant contre la douleur, je décide toutefois d’emporter cette charge colossale.
Une demi-heure, deux heures passent…Existe-t-il une fin de réveillon plus
charmante que celle d’attendre dans les urgences d’un hôpital de province ?
Aux visages des infirmières, j’en déduis qu’il ne doit plus rester beaucoup de
champagne. Qu’en est-il des médecins ?
Cela m’a semblé interminable, et pourtant, j’en sors bien soigné et pourvu
d’un magnifique masque de coton blanc. Je rentre finalement chez moi à six
heures du matin, en compagnie cette fois, non pas d’une femme mais d’un miroir.
L’après-midi d’une belle journée, je me réveille. Et si c’était mon cadeau ?
Dépêchons ! Je dois m’assurer qu’il est en bon état. Il faisait trop sombre pour
que je m’en préoccupe. Après quelques vérifications, il paraît comme neuf.
Un sentiment étrange m’envahit. Je le place juste assez proche de la cheminée
pour qu’il n’ait pas trop froid, mais assez éloigné afin que la chaleur ne le
travaille pas trop. Sa position lui permet également de se réjouir de la rougeur
qu’offrent Anatola et les premières lueurs du soleil qui l’accompagne.
Si j’étais un objet, je n’aurais pas souhaité un autre arrangement.
Je ressens le besoin de regarder mon reflet au-dedans de lui.
Malheureusement, mon visage est à moitié caché.
Je m’en approche. Je m’y attarde. Je parviens pour finir à m’en détacher
en prétextant un quelconque travail. N’ayant pas assez dormi la veille, ce précieux
Morphée, triste compagnon d’infortune, m’accueille avec douceur peu de temps
plus tard.
Pour la seconde fois de la journée, je me lève. Je m’éclaircis les idées
en buvant un café bien serré.
Subitement, je m’aperçois que mon miroir a disparu ! A la place, j’y trouve
une ravissante jeune femme.
Je reste tout pantois ! Stupéfait ! Je ne bouge plus ! Après quelques
respirations, mes esprits reviennent. Je commence à l’observer.
Elle ressemble trait pour trait à celle qui tourmente mes rêves depuis si
longtemps. Resserrée à la taille par une ceinture, attribut divin, une toge en
fine soie l’habille. Trois bijoux la parent dont l’un d’eux attire mon regard :
un collier doré muni d’un splendide rubis couleur vermeil.
Je me tiens à quelques mètres d’elle, néanmoins une agréable odeur de jasmin
envahit mon odorat. Je la connais, son nom aussi. Ces quelques mots ridicules
sortent tout de même de ma bouche.
- Bonjour, ça va ? Je m’appelle Anchise et toi ? Dis-je, la larme à l’œil.
- Sujet masculin d’un mètre quatre-vingt trois, septante quatre kilos, pull-over
beige en laine, pantalon brun clair en coton, chaussures noir en cuir, cheveux
châtain clair coupés courts, yeux turquoise…
Des années durant, j’ai bien tenté de l’éduquer, de lui apprendre la vie.
Rien n’y fait. Quand je lui adresse la parole, elle répond invariablement par cette
stupide description.
Je l’ai baptisé Vénus comme son père l’a fait avant moi.
Encore merci pour ce cadeau.
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Texte 4
Elle regardait son reflet avec une certaine satisfaction. Elle n’avait pas fait tous ces efforts pour rien. Un bruit derrière elle la fit sursauter, elle se retourna, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Mais elle ne vit rien, pas plus derrière elle, que dans le miroir qui lui faisait face. Elle souffla sur la bougie qui éclairait la pièce, et s’emmitoufla dans sa couette.
Le lendemain matin, elle se para de ses plus beaux atours, et partit en direction de son bureau. Sur son chemin, tout avait changé. Non les paysages, ni les bâtiments. Mais l’attitude de tous les passants qu’elle croisa ce jour-là, qui la regardaient différemment. Elle avait gagné.
Arrivée devant l’entrée, elle s’arrêta quelques instants, et regarda l’image que lui renvoyaient les vitrines de ce vieux building. Elle entra enfin. S’ensuivit les saluts d’usage, qu’elle maîtrisait à la perfection, mais là encore, plus rien n’était pareil. Les hommes la regardaient avec un désir non dissimulé. Elle commença à sentir la confiance en soi qui s’insinuait en elle, ce dont elle avait toujours rêvé se dessinait enfin devant ses yeux. Au bout du couloir, le miroir, ce putain de miroir, qui lui avait tant de fois renvoyé son image de jeune fille rachitique aux cheveux gras, et à la peau encore acnéique trônait bien en face d’elle. Mais cette fois-ci, elle affronta l’image qu’il lui montrait. Et c’est avec jubilation qu’elle se sourit, avant d’ouvrir, enfin, la porte de son bureau. Sa journée fut différente de toutes les précédentes… Le coursier lui amena son courrier directement, et lui proposa d’aller chercher son café. Lorsqu’elle voulu s’allumer sa cigarette en salle de pause, tel un cliché, plusieurs briquets se tendirent en direction du tube mortel. Le regard des femmes sous-entendait l’envie, la jalousie. Ah ça pour sûr, elles en crevaient de jalousie, et dès qu’elle tournait le dos, ces vieilles pies aigries lançaient leur venin, cherchaient une explication à ce miracle…Tandis qu’elle jubilait.
Elle remplit ses tâches quotidiennes, et en fin de journée, décida de s’avancer un peu, histoire de pouvoir faire un saut dans le dernier bar à la mode, qui n’ouvrait que quelques heures plus tard, pour tester son pouvoir de séduction. Lorsqu’elle regarda à nouveau sa montre, il était déjà tard, et elle tout le monde était déjà parti. Elle rangea son bureau et en sortit. En fermant sa porte, elle l’entendit à nouveau, comme la veille au soir. Ce petit bruit si terrifiant. Elle se retourna lentement, et le vit dans le miroir, cet homme si grand et si inquiétant, mais maintenant si familier.
« Que me voulez-vous ? J’ai fait tout ce que je devais faire pour vous, je ne vous doit plus rien. »
L’homme en noir ricana de sa voix puissante. « Certes, mais je t’avais donné une dernière mission, t’en rappelles-tu ? »
Elle essaya de protester, mais aucun son ne sortir de sa gorge. Elle s’avouait vaincue. Elle savait que pour conserver ce qu’elle avait enfin obtenu après des années d’efforts, il allait falloir qu’elle lui obéisse, encore. Elle savait que lutter ne servirait à rien, il la retrouverait où qu’elle se cache. Lui, l’homme du miroir, celui à qui elle avait vendu son âme pour enfin accéder à la beauté, et au pouvoir qu’elle confère, celui de ne plus souffrir de la moquerie des autres.
Tout avait commencé deux ans auparavant, quand il lui était apparu dans ce même miroir, et qu’il lui avait proposé ce marché. Elle avait d’abord cru à une farce, mais lorsqu’elle s’était aperçu que l’homme n’était qu’un reflet, et non pas un être de chair, elle l’avait écouté, intriguée. Il lui expliqua qu’il connaissait sa souffrance, et qu’il pouvait y remédier. Mais que pour cela, il aurait besoin de ses services. Elle lui avait demandé une preuve, il lui avait donné en lui montrant ce qu’il pourrait faire d’elle, ce qu’elle voyait désormais dans ce maudit miroir.
Elle avait alors passé plusieurs jours à peser le pour et le contre, puis avait accepté, car elle ne pouvait plus supporter les moqueries de ses collègues, et de sa sœur, la belle et parfaite Lisa.
Aussi, la chasse avait commencé, les soirées passées dans les bars, à sympathiser avec de belles jeunes filles, et à les attirer dans ce piège, ce miroir du fond du couloir… qui les aspirait. A chaque fois, elle les regardait, impuissante, subir ce pouvoir d’attraction, et elle voyait leur expression terrifiée lorsqu’elles se noyaient dans le liquide du miroir. Et sa propre métamorphose avait commencé, d’abord, sa pilosité avait été moins dense, puis ses jambes s’étaient subtilement allongées, elle avait gagné du poids, et de façon avantageuse. Les jeunes femmes sacrifiées au fil des semaines lui permettaient de se révéler comme une vraie beauté. Le dernier sacrifice datait de la veille, et elle avait enfin atteint son summum, en obtenant la confiance en soi, qui la rendait magnifique.
Elle revint à la réalité et à son corps qui se reflétait de façon spectrale dans ce miroir assassin, beaucoup moins séduisant que quelques instants auparavant.
« Je vais vous la chercher », s’entendit-elle dire.
Au lieu de partir en direction du bar, comme elle l’avait prévu quelques minutes auparavant, lorsqu’elle était encore heureuse de sa nouvelle vie, elle prit la direction de chez elle. En poussant la porte d’entrée de l’appartement, elle se détestait plus que tout au monde. Sa sœur l’accueillit avec un grand sourire, magnifique, comme à son habitude, avec un vieux t-shirt de leur université commune sur le dos et de grosses chaussettes épaisses aux pieds. Sa chère sœur avait toujours été la meilleure en tout : meilleure qu’elle en classe, en sport, en chant, en musique, et elle avait toujours été plus belle. Leur mère avait surnommé Lisa, sa princesse, tandis qu’elle était relayée au rang de vilain petit canard. La souffrance de toujours être moins bien, de toujours devoir se battre pour arriver à ses fins, et de subir les moqueries incessantes de sa sœur, sur son physique ou sur ses capacités. Toute une vie sous les quolibets vous change un être humain en quelque chose d’autre. Et Cette injustice avait fini par traumatiser Anna, et la pousser à accepter l’offre de l’homme des miroirs. Mais il fallait qu’elle arrête de se tourmenter. Oui, Lisa l’avait bien cherché, et c’est elle qui l’avait indirectement poussée à accomplir tous ces meurtres, et sans aucun remord. Ces bimbos l’avaient bien cherché. Ce soir, ce serait l’ultime sacrifice. Chacun son tour, comme il lui avait dit, pour finir de la convaincre.
« Qu’y a-t-il Anna, tu as l’air étrange ?»
« Je viens de me rendre compte que j’avais oublié quelque chose au bureau, mais je me sens tellement fatiguée que je ne me sens pas capable de conduire à nouveau jusque là-bas. Tu ne voudrais pas me servir de chauffeur ? »
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Texte 5
« Les yeux sont le miroir de l’âme, mais le miroir n’est-il pas les yeux de l’âme ? »
Elle est entrée tôt, ce matin. Déjà habillée à la va-vite, pull-over sienne et pantalon de laine, elle avait sa tête des mauvais jours et son visage était marqué par de larges cernes violacées. Elle m’a regardé, s’est examinée brièvement, a plongé la tête sous l’eau glacée, geignant, frissonnant. Je sais à quel point elle hait le froid, je l’ai même vue pleurer dans un bain trop frais pour elle, un soir d’hiver alors que le chauffage faisait défaut. Lorsqu’elle a relevé le buste, de larges mèches humides sont venues encoller ses joues, lui donnant un air plus misérable encore. Elle a paru déçue et ne m’a plus guère prêté d’attention. Ses gestes automatiques ont mis un certain ordre dans son réveil brouillon. Coiffure simple, raie sur le côté, un peu sage, un peu enfantin. Maquillage rapide, discret, combinaison de mascara et de crayon khôl noir. Parfum vanille, sucré, rassurant. Un coup d’œil inspecteur, vérificateur, presque mécanique et puis elle m’a laissé, a claqué la porte et je l’ai entendue fredonner quelques notes de Rhapsody in Blue en quittant l’appartement.
Avec le temps, j’ai appris qu’elle n’aimait pas ce que je lui montrais d’elle. Pourtant, l’une de mes anciennes locataires, une grande femme au teint blanchâtre, passait de longues heures à inspecter sous toutes les coutures sa maigre silhouette, harpie décharnée au regard glacé et aux mains crochues vernies de rouge. Dans ces moments d’extatique contemplation, j’aurais voulu rejeter son image qu’elle faisait mienne, la lui lancer à la face pour qu’elle comprenne à quel point elle était laide et effrayante, mais elle paraissait se délecter de chacun des détails qui me dégoûtait, les creux de ses côtes, ses clavicules saillantes, ses chevilles squelettiques, les os de ses hanches. Ses amants aussi la chérissaient, baisaient chacun des recoins de sa peau trop pâle, ange repoussant, froide et abominable idole. Souvent j’ai souhaité qu’elle me débarrasse de ce répugnant tableau et j’ai éprouvé une forme de soulagement honteux lorsque je l’ai vue crever un soir, dans sa baignoire, l’eau rougie autour d’elle. Les pompiers vinrent la chercher quand son corps vide commença à sentir si fort que la concierge s’en aperçut.
Plusieurs mois durant, je suis resté seul. J’entendais les bruits au-dehors, dans la cage d’escalier, mais personne ne franchissait le pallier et je songeais à périr honorablement, brisé sous les coups des monstrueuses machines de démolition lorsqu’un beau jour, la porte s’est ouverte sur un quinquagénaire en costume trois pièces et qui présentait bien. La vie a dès lors repris son cours, dans de meilleures conditions.
La fée qui aujourd’hui me prête ses traits m’enchante, lutine vaguement triste, un peu fatiguée, trop souvent lasse, les yeux au bord des larmes. Ce n’est pas faute d’essayer de la flatter. Si je pouvais un instant me déformer et changer ma glace en eau mouvante, je me tordrais en tous sens pour lui façonner de longues ailes de lumière avec l’éclat du vieux néon. Mais la surface est dure, rien ne bouge et ses yeux pers me rappellent avec acuité ma place figée. Je ne peux que la regarder, et la regarder se regarder en moi. Je suis une face d’elle, changeante, peu flatteuse sous la lumière crue de la salle de bains, une face lisse où glissent ses yeux honteux. Je suis celui qui voit sans être vu, vision absolue pétrie d’impuissance et de cruelle vérité. Je n’ai jamais pu mentir, mais s’il m’était donné de transformer la réalité de l’image, j’aimerais pour un court moment façonner un univers propice au sourire et voir ses lèvres esquisser une riante, une fugace demie-lune…
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Texte 6
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Clic.
L’œil se posa, le compte à rebours démarra.
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Le miroir se brisa.
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C'est tout et c'est déjà pas mal du tout pour cette 6eme édition de l'Ex Libar !
Merci à tous les participants, en vous souhaitant de joyeuses fêtes !
N'oubliez pas de voter ! (le sondage dure 10 jours)
ps: je n'ai pas participé par manque de temps en période de fêtes+partiels, donc faudrait pas que le gagnant s'emballe trop en pensant qu'il est bon hein.
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