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L'amélioration à l'écrit est intéressante, à corréler avec le rapport qui emmerde un peu Peillon à ce sujet sur les effets des politiques d'apprentissage précoce en maternelle.
Bref, je résume ce que je pense : les inégalités culturelles sont épouvantables en France, entre un enfant dont la famille utilise 150 mots de français dans la vie courante (dont nombre de putain-merde-con-chier-zyva) et le petit Maxence à qui ses parents ont fait lire le petit prince pour ses 5 ans.
Seule l'école a une faible chance d'atténuer cette inégalité fondamentale, mais encore faut-il que ce soit son objectif. Les délires constructivisme, les bourdieuseries mal comprises d'une part, l'inertie de l'institution scolaire d'autre part, les recrutements en dent de scie enfin ont donné naissance à un monstre où l'école devient une garderie pour les enfants issus des milieux défavorisés et ou toute tentative de transmettre du savoir est perçu comme une oppression culturelle.
On y ajoute une bonne tranche de kafkaisation bureaucratique (sérieusement, QUI a écrit les compétences du socle commun ? ) et on a nos échecs actuels.
Toujours dans les trucs qui posent soucis : la France est aussi le pays où les enfants, d'après PISA, ont le plus de problèmes avec la discipline et redoublent le plus. On devrait peut-être commencé à réfléchir aux valeurs qu'on transmet et aux effets que ça a sur la construction de gamins en manque de repères ? Un modèle angoissant ? Tu m'étonnes : si tu redoubles, tu redoubles.
Du coup, on pourrait peut-être regarder ailleurs ce qui marche. Le modèle finlandais, qui avait un petit côté "aberration statistique" a pris du plomb dans l'aile. On s'aperçoit du coup que la domination asiatique se renforce, à savoir celle de pays culturellement très homogène (et ça, l'école ne pourra rien y faire en France) où la discipline et le travail sont valorisés, sans doute à l'excès.
Ce qu'on peut en retirer, malgré tout :
- importance de réapprendre la concentration et la maîtrise de soi aux enfants, en particulier à ceux issus de milieux défavorisés et dont les capacités empathiques sont restructurés par les écrans. Ce serait le rôle des petites et moyennes sections de maternelle, avec par exemple bien plus d'activités basées sur le contrôle de la voix (parler, parler à voix basse, chuchoter...). Dans la même idée, faire bosser très tôt et plus longtemps les enfants sur la maîtrise de la motricité fine, par le dessin* et l'écriture. Quand on a régulièrement des copies entre les mains, on constate sans peine qu'il y a un gros soucis de ce côté. La multiplication de cas pathologiques (dyspraxie ou je ne sais quoi) est inquiétante et demanderait probablement une formation adapté des enseignants du primaire et/ou une collaboration avec le secteur médical.
* je vais faire hurler mes collègues d'éducation aux arts plastiques, mais, au moins en primaire, il y a des priorités plus urgente que de transformer les enfants en artistes contemporains. Apprendre à utiliser des stylos et des crayons de couleur en fait partie.
-En grande section de maternelle, il ne faut surtout pas revenir sur les réformes engagées par la droite sous prétexte que les pédagos ont dit qu'il ne faut pas apprendre trop tôt. Qu'ils aillent se faire foutre : ce qui compte, ce ne sont pas les théories, ce sont les résultats. Et on a pu voir les effets positifs de la préparation précoce à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
- tout au long du primaire (maternelle comprise), un effort considérable doit en plus être mis sur l'apprentissage d'un vocabulaire riche. C'est devenu, avec les difficultés d'orthographe, le plus gros problème des élèves : quand on ne comprend ni un énoncé, ni un document, on ne peut pas répondre à la moindre question. Il n'est pas nécessaire d'utiliser pour ça de trop désuètes leçons de mot, mais des guides et un "programme" précis et facilement utilisable par les enseignants (avec des outils qui vont bien, comme les images-histoire de jadis) me semble nécessaire.
- toujours tout au long du primaire, il est nécessaire de rendre sa place à l'orthographe et à sa maîtrise, parce que, tant dans sa version lexicale que dans sa version grammaticale, elle est porteuse de sens. Du coup, il faudrait revenir au nombre de dictées qui étaient effectuées jadis. Quitte, vu les résistances que ça risque d’entraîner du côté des enseignants, à utiliser l'informatique pour faciliter la correction et l'autocorrection. En plus, la relative rigidité des OCR des tablettes pourrait être paramétrée pour forcer les élèves à s'appliquer sur leur écriture.
-le redoublement, en particulier au collège mais aussi au primaire, doit disparaître TOTALEMENT. Globalement, ça coûte cher et ça ne marche pas. En plus, c'est une sanction irrémédiable : quand on a redoublé, c'est à vie, ça ne se rattrape jamais. Absurde.
A la place, qu'on utilise enfin nos vacances hyper-longues de manière utile. Si un enfant ne maîtrise pas telle ou telle compétence** à tel ou tel moment de l'année, il choppe des cours de rattrapage obligatoire pendant les vacances. Pas de départ au ski, pas de voyage au bled, raté. La pression serait à la fois bien plus forte, mais les conséquences de la sanction bien moins graves et bien plus positives. Les modules de rattrapage seraient d'une semaine, utilisant chaque matinée pour du travail encadré, et chaque après-midi pour du travail préparatoire à la maison (lecture, recherche etc.). Chaque séance se terminerait par une évaluation. A la fin de la semaine, une évaluation terminale permettrait de valider ou pas le rattrapage. S'il n'est pas validé, l'élève repart pour une semaine de plus. Pour les grandes vacances, la dernière semaine resterait libre même en cas d'échec (restons humains), mais dans ce cas, l'enfant serait pris en charge dès la rentrée suivante dans un dispositif adapté à ses difficultés, en relation si besoin avec les services sociaux et médicaux.
- responsabiliser les enfants. Il n'y a pas que des conneries chez Montessori (il y en a même peu en fait, c'est juste que ça ne fonctionne pas dans tous les contextes). C'est à dire leur donner des responsabilités, individuelles et collectives, croissantes. Trop souvent, les profs font tout. Au lieu de leur apprendre à devenir des adultes, on les infantilise. La gestion de clubs, l'entretien et la décoration d'une salle de classe (même en collège !), le tutorat entre élèves (le truc qui est vraiment valorisant et qui donne un vrai sens au mot "fraternité"), la réalisation d'un journal d'établissement, l'organisation d'activités événementielles... tout ce qui peut permettre "d'apprendre" l'esprit d'équipe, la responsabilité, le goût du travail bien fait, la confiance en soi et dans les autres... Ce sont des choses qui devraient être généralisées au-delà de l'expérimentation et du volontariat de tel ou tel prof pour être mis en place dans chaque établissement, avec le volume horaire et les aménagements d'emploi du temps qui vont bien avec.
-les maths, les sciences. Déjà, je propose la peine de mort pour tout journaliste débile (hein Yann Barthez ?) ou cinéaste (hein del Toro ?) qui ferait croire au public qu'un scientifique, un informaticien ou un mathématicien est forcément un naze boutonneux avec des grosses lunettes et un problème relationnel avec les filles.
Ensuite, on recrée des postes au CNRS et dans les universités d'enseignant-chercheur, tout en facilitant le passage du public vers le privée (je sais qu'un chercheur n'est pas un ingénieur, mais ça ne veut pas dire qu'il est incapable dans ce domaine). Et on revalorise leurs salaires pour les rendre attractifs.
Je n'ai après pas d'opinion pour l'enseignement de ces matières, je ne m'y connais pas assez, mais il me parait évident que faire des TP en classe entière, ça n'ira pas loin... En math, c'est là où l'utilisation de l'outil informatique (pas pour remplacer la calculatrice hein...) aura le plus de sens, pour aider les élèves à visualiser et à comprendre ou à manipuler plus intuitivement des notions assez abstraites.
-les langues. Travail en 1/2 groupe, labos de langue partout. Utilisation de supports variés et attractifs : je n'irai pas jusqu'à encourager des travaux de scanlation par exemple (surtout si les originaux sont déjà des traductions vaguement foireuses...), mais pourquoi pas ?
- L'histoire-géo-éducation civique. Suppression de l'éducation civique en tant que matière distincte. Le contenu civique doit être intégré dans les programmes d'histoire afin de lui donner un sens. La démocratie et les droits de l'homme, on apprend ce que c'est bien plus facilement en découvrant l'histoire de la révolution française (et en en prenant le temps !) ou celle de la seconde guerre mondiale qu'en perdant son temps sur des schéma institutionnels (qui risquent d'être faux une fois l'enfant arrivé à l'âge adulte, merci la réforme territoriale...).
-Pour les lycée : une vraie revalorisation des filières techniques et pro. Et littéraire tant qu'à faire. La transformation du bac en une série de capacités et de connaissances (des modules quoi) à maîtriser, dans un cadre national et anonyme, plutôt qu'en concours/loterie/bonux. La maîtrise de ces modules pourrait être évaluée informatiquement dans des centres d'examens ouverts toute l'année. Si tu rates ton premier passage, tu peux revenir x semaines/mois plus tard jusqu'à avoir validé TOUT les modules exigés pour ta filière.
-Dans le supérieur :
* numerus closus dans toutes les matières sans débouchés réels, autres que les concours de l'éducation nationale et Paul Lemploie : histoire (ah...), psycho, socio, philo, ethno... Du coup, ceux qui seraient dedans seraient VRAIMENT bons, et ne seraient pas entassés à 1000 dans des amphis envahis périodiquement par le CNT ou les jeunesses ouvrières de je ne sais quel groupuscule estudiantin désireux d'utiliser une masse de neuneus desoeuvrés pour déclencher le grand soir en collant des chewing-gum dans des serrures... (ça sent le vécu ? oui...)
* re-création d'une filière de type "école normale", une sorte de prépa généraliste, pour les futurs enseignants du primaire. Possibilité d'un tronc commun avec la fac pour ceux qui se destinent au secondaire (à voir, pas d'avis tranché là dessus). A l'issu de ces deux ans d'apprentissage (multi)disciplinaire approfondie, début de la formation pédagogique, avec une place croissante sur deux ans réservée à la pratique sur le terrain. Puis concours en 4e année, puis stagiarisation (à mi-temps donc, histoire d'avoir le temps d'évaluer et de discuter la pratique avec le tuteur, qui disposerait lui aussi d'une décharge horaire si besoin).
* rapprochement grandes-écoles/facultés. On est pas obligé de les fusionner, mais faciliter les échanges et les aller-retours entre les deux serait judicieux.
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