Je comprends bien ce que tu dis au niveau des risques mais s'élever contre un pouvoir arbitraire c'est automatiquement accepter ce risque, franchir ce point de non retour où il n'y a qu'une alternative : la victoire ou la mort.
Ce n'est pas facile mais il y a un moment où on doit se regarder en face dans un miroir : pouvons-nous accepter de vivre dans un monde inique? ne faut-il rien faire et accepter car on prend un risque pour sa vie?
Face à une menace mortelle, il te reste toujours une liberté, celle d'accepter de mourir pour tes idées, celle de mourir pour que demain le monde soit meilleur.
Pardonne- moi de trancher d'une manière sèche, mais... ce sont des mots tout ça, juste des mots.
On ne parle pas d'une lutte idéologique ou politique là. On parle de la tyrannie brutale exercée par des crapules qui ne reculeront devant rien pour te massacrer, et qui ne te laisse pas d'autre choix de te taire ou de mourir.
Y a pas d'honneur là, il n'y a que de la survie, et je suis prés à parier que 99% des joliens la boucleraient et continueraient à vivre avec leur honte silencieuse, et je ne me mets pas en dehors du groupe dont je parle.
Je me souviens d'un documentaire passé sur Arte au début des années 1990, à peu prés au moment où les juges Borsellino et Falcone furent assassinés (je crois que c'était un hommage d'ailleurs), qui s'intitulait, si ma mémoire est bonne, "
la ballade des saigneurs", et qui revenait sur la vie des hommes inculpés lors du maxiprocés de Palerme (Riina, Greco, Marchese, etc.). Je m'en souviens parce qu'à un moment, il y a une mère dont le fils avait été massacré, puis dissout dans l'acide, elle avait l'assassin de son fils en face d'elle, elle pouvait l'envoyer en prison, et pourtant, elle ne répondait aux questions du juge qu'après avoir regardé Riina pour savoir ce qu'elle devait faire, au point que Falcone avait littéralement hurlé sur elle pour qu'elle cesse, ce qu'elle ne fit pas. Et là, je trouve que c'est particulièrement révélateur du niveau de terreur et d'emprise que la mafia exerce sur la population. Parce qu'après tout, quelle mère n'aurait pas tenté de venger son fils unique ? Je me souviens aussi du témoignage de Buscetta, LE repenti par lequel tout a pu être possible, et qui a eu 33 personnes de sa famille massacrées... et qui n'a collaboré que parce qu'il n'avait plus rien à sauver à part sa vie, et encore, en échange de garanties énormes, puisque lui- même était un parrain majeur de la mafia sicilienne (et donc, tout sauf un héros...). Je m'en souviens encore parce qu'à la fin de son procès, Riina, le parrain des parrains, se permet de condamner à mort Falcone, devant tout le monde, lui qui incarne alors l'Etat italien. Et en effet, Falcone est mort... [EDIT : j'ai revu des vidéos en italien sur le maxiprocès de Palerme sur Youtube, et en fait mes souvenirs sont bien confus... par exemple, ça n'est pas Riina, mais Michele Greco qui condamne à mort le juge, à mots à peine couverts)
La belle affaire de mourir pour ses idées, quand on la certitude de mourir comme une merde dans un lieu sordide, dissout dans l'acide ou démembré, après peut- être avoir vu sa famille massacrée de la pire des manière, parce que la mafia a décidé de faire un exemple... On ne parle pas d'une autorité qui respecte le droit là. On parle de la violence arbitraire à l'état pur.
Quelle est la marge de manoeuvre d'un citoyen lambda de Palerme, alors que depuis qu'ils existent, pratiquement tous les juges anti- mafias ont finalement été assassinés (Dalla Chiesa, Falcone, Borsellino...), eux qui sont sur place les plus hauts représentants de l'Etat et qui bénéficiaient en théorie de toutes les mesures possibles de sécurité ? Pour le citoyen lambda, le message est clair et sans appel : parler = mourir. Il y a quelques semaine, Xavier Rauffer narrait une anecdote apparemment récente en Sicile : deux enfants de moins de dix ans ont été enterrés vivants (devant leurs familles si je me souviens bien) pour avoir simplement répondu à des policiers qui leur demandait leur chemin (je crois que c'était au moment de l'arrestation de Provenzano, en 2006, mais je n'en suis pas certain).
Alors moi je veux bien entendre tout ce qu'on veut sur le choix et le respect de la loi ou des droits de l'homme appliqués à ces mafieux... mais bon... je ne pense pas que ça puisse véritablement changer quoi que ce soit. Alors bon, quitte à ne pas changer grand chose, si on peut au moins se débarrasser physiquement de ces personnes, j'ai la faiblesse de croire que ça ne rendra pas le monde pire que ce qu'il est aujourd'hui. Mais bon, je suis un fasciste qui veut la mort du Tiers- Monde... Bref...