Ce n'est pas ma faute. = Ce n'est pas ma faute si la réponse à la question est prévisible, ce n'est donc pas moi qui suis prévisible, c'est la question, enfin la réponse, enfin les deux.
Encore une fois, personne n'a parlé de faute. Le mécanisme de
ton raisonnement est facilement compréhensible, c'est ce qui te rend prévisible dans des types de situation donnée. Parce que bien sûr, la réponse est prévisible. Quand on a une idée de
ton mode de raisonnement dans ce type de situation.
Tu avais parfaitement compris ce que je voulais dire, mais puisque tu entretiens la confusion, explicitons. Non, la réponse n’est pas prévisible dans l’absolu: il suffit de lire les réponses dans les sujets cités, pour s’en apercevoir. Elle est prévisible en ce qui
te concerne. Pour la plupart des gens, la situation se présente ainsi : ils savent que les situations présentées dans les sujets sont des sortes de jeu, de simulation, et ils en acceptent les règles pour le fun, pour le plaisir de jouer. Il ne leur viendrait pas à l’idée, si on leur disait « jouons aux échecs » de dire « ça n’a pas de sens, la dame ne peut pas être aussi puissante et le roi si faible ». En fait, si le jeu ne leur plait pas, ils ne jouent pas, simplement. De même, dans le texte que j’ai présenté, personne, ni toi ni les autres posteurs, n’a de mal à comprendre qu’il implique de se mettre à la place du protagoniste, et de s’imaginer comment il aurait dû agir s’il avait nos conviction morales, ou bien comment on aurait agi à sa place. Dire
Aurait-il dû agir autrement : C'est stupide comme question, nous n'en savons strictement rien.
Pourquoi : Tout simplement parce que cet homme à fait ce choix en son âme et conscience, avec son vécu, ses aspirations, et ses convictions, que nous ne connaissons pas.
est assez évident pour pas mal de gens. Cela ne réclame pas de grand moyens intellectuel de raisonner comme cela, et pourtant… les gens jouent quand même le jeu, parce qu’ils ont compris quel en est le but et que cela les amuse et / ou les intéresse de jouer ainsi. Par contre, cette volonté de ne pas « jouer », de ne pas accepter les règles du jeu, de prendre une méta-position pour pouvoir le critiquer, a l’air de correspondre à ta façon de faire ici, sur le Bar de Jol.
Bon, on va maintenant donner une orientation un peu différente à ce sujet. Et pour ceux qui lisent le premier message et répondent sans lire le fil, je vais éditer mon premier message.
Le texte présenté fait partie d’une série de textes, chacun d’entre eux présentant un dilemme moral. Le but de ces textes n’est évident pas de savoir qui a « raison » ou « tort » dans chacune de ces situations. Kohlberg était un chercheur qui a créé un modèle de développement moral. Dans ce modèle, il y a diverses étapes (des « stades ») de développement moral, que l’on franchit à diverses étapes de la vie. Toutefois, nous ne sommes pas obligé de les franchir toutes, et en fonction du type de réponse que vous donnez au texte, vous pouvez vous situer à une étape ou à une autre. Un stade ne dit rien sur ce qui est « bien » ou « mal », il explique simplement la structure de la pensée morale à cette étape-là.
Pour déterminer le stade de développement moral auquel est parvenu un individu, Kohlberg va utiliser des dilemmes. Il les soumettra aux individus en s'intéressant non pas, à la solution retenue, mais à la manière dont le sujet est parvenu à cette décision.
Exemple classique de dilemme : Le dilemme moral de Heinz
La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir d’un instant à l’autre si elle ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez le pharmacien et lui demande le médicament, ne fût-ce qu’à crédit. Le pharmacien refuse.
Que devrait faire Heinz ? Laisser mourir sa femme ou voler le médicament ?
Rappelons que l'on peut choisir une même issue au dilemme pour des raisons différentes. C'est sur la base des justifications invoquées par les sujets de l’expérience pour choisir une solution, Kohlberg élaborera sa théorie du développement moral en trois niveaux et six stades moraux (article précédent).
Ce qui caractérise le stade moral, ce n’est donc pas le choix retenu mais l'argumentation invoquée. Laisser sa femme mourir ou voler le pharmacien, peu importe, ce qui compte, c’est la manière dont le sujet d’expérience a été amené à faire ce choix.
Je ne vais évidemment pas interpréter les réponses des posteurs pour savoir à quelle stades ils en sont. D’abord, parce que je n’en ai pas les compétences, ensuite, parce qu’à l’évidence, ce sujet n’a rien à voir avec les conditions d’un véritable test. Où déjà on présente une série de cas, et non un seul. Je vais grosso merdo expliquer ces stades, et leur relation avec le dilemme présenté ici. Si vous avez répondu, à vous de voir ce qui ressemble le plus, dans votre réponse, à un stade donné. Si vous n’avez pas encore répondu, vous pouvez le faire, et éventuellement vous inspirer de la description des stades pour savoir quelle réaction vous semble la plus juste.
LE DÉVELOPPEMENT MORAL
Lawrence Kohlberg a été l’un des premiers, à la suite de Jean Piaget, à s’intéresser au développement moral de l’individu. En soumettant ses sujets à des dilemmes moraux sous forme de petites histoires, Kohlberg leur demandait de porter un jugement moral sur le comportement de l’acteur principal de l’histoire. En s’attardant surtout sur les raisons évoquées pour porter leur jugement, Kohlberg en vint à dégager trois grands niveaux de jugement moral, lesquels se subdivisent à leur tour en deux pour former six stades successifs où la personne tient de plus en plus compte des autres dans sa façon de se comporter.
Les deux premiers stades, dits « préconventionnels », ont lieu avant que l’individu ne prenne conscience des conventions sociales. Au stade 1 (entre 2-3 ans et 5-6 ans environ), il cherche surtout à éviter la punition que les détenteurs de l’autorité (les parents par exemple) peuvent lui donner.
Au stade 2 (entre 5 et 7 ans, jusqu’à 9 pour certains), il apprend qu’il est dans son intérêt de bien agir parce qu’il y a des récompenses à la clé.
Les deux stades suivants sont décrits comme « conventionnels » car ce n’est plus l’individu mais le groupe social (famille, amis) qui est vu comme détenteur du pouvoir. Au stade 3 (entre 7 et 12 ans environ), l’individu ressent le besoin de satisfaire aux attentes des membres de son groupe d’appartenance. Ce faisant, il cherche à préserver des règles engendrant un comportement prévisible.
Au stade 4 (entre 10 et 15 ans en moyenne), les conventions qui orientent le comportement s’étendent à celles de la société dans laquelle évolue la personne. En réfléchissant au bien-fondé d’une action, l’individu se demande si elle est conforme aux normes et aux lois de la société dans laquelle il évolue.
Les deux derniers stades se situent au-delà des balises d’une société donnée et sont qualifiés pour cette raison de « postconventionnels ». Au stade 5 (dès 12 ans pour certains), l’individu a l’impression d’avoir un engagement contractuel, librement consenti, envers chaque personne de son entourage. Cet engagement se fonde sur une estimation rationnelle des bienfaits que chacun pourrait retirer de l’existence de ces règles et d’une recherche du consensus.
Au stade 6, ce sont des principes moraux universels qui influencent les jugements du bien ou du mal. La personne admet que les lois et les accords sociaux ont une certaine validité, mais si les lois entrent en conflit avec ses principes fondés sur la dignité humaine, il respectera plutôt ces derniers qu’il considère comme une exigence intérieure.
Pour Kohlberg, les gens franchissent ces stades dans l'ordre indiqué, la plupart des enfants possédant une moralité préconventionnelle, et la plupart des adultes une moralité conventionnelle. Quant au niveau postconventionnel, Kohlberg évaluait à seulement 20 ou 25 % la proportion des adultes qui l’atteignent.
Kohlberg a un peu plus tard décrit un stade 7, appelé mystique, qui désigne un stade méta-éthique : le sujet devient capable de problématiser toute action ou intention en se demandant pourquoi celle-ci pourrait être morale.
Cette modélisation du développement moral, bien qu'elle soit critiquable à bien des égards, a l’intérêt de rappeler certaines lignes de force qui structurent le cheminement d'un individu pour construire son rapport aux autres.
Une étude a été menée chez 183 militants opposés aux politiques nucléaires, aux impôts, etc. Comparé aux non résistants, ces militants rejetaient plus fortement les autorités sociales et politiques et croyaient que la conscience individuelle était un meilleur guide de conduite que les lois. Ces conceptions morales les place donc dans les stades 5 et 6 de Kohlberg. En comparaison, les conservateurs se situaient surtout au stade 4 et les libéraux au stade 5.
En ce qui concerne le texte présenté dans ce sujet, voici des réponses typiques selon les stades :
Solution 1 : Heinz doit laisser mourir sa femme
Stade préconventionnel (enfants) :
Stade 1 (Obéissance et évitement de la punition) : « Il ne faut pas le faire, parce que l’on va se faire prendre et aller en prison ».
Stade 2 (Intérêts personnels) : « Parce qu’ainsi il pourra se trouver une autre femme ». Ou : « S’il va en prison il sera plus malheureux que si sa femme est morte ».
Stade conventionnel (adolescents et adultes jeunes)
Stade 3 ("Conformisme") : « Parce que ses collègues ne comprendraient pas qu'il puisse être un voleur » ou « Heinz ne devrait pas voler le médicament parce que voler est mal et qu'il n'est pas un criminel ».
Stade 4 ("Maintien de l'ordre social") : « Parce que le vol est interdit par la loi ».
Stade post-conventionnel (adultes)
Stade 5 ("Contrat social") : « Parce que le droit de propriété est à la base des législations démocratiques » ou « Heinz ne devrait pas voler le médicament, car le pharmacien a le droit à une compensation ».
Stade 6 ("Principes universaux") : « Parce que le droit de propriété est un principe universel » ou « Heinz ne devrait pas voler le médicament parce que d'autres pourraient avoir besoin de ce même médicament et que leur vie ont une importance égale ».
Heinz doit voler le pharmacien
Stade préconventionnel (enfants)
Stade 1 (Obéissance et évitement de la punition) : « Parce que sinon Dieu le punirait d'avoir laissé mourir sa femme ». Ou parce que, dans l’optique pas vu as pris, « parce que le médicament ne vaut pas le prix demandé, qu’Heinz a proposé de l’acheter et ne vole rien d’autre ».
Stade 2 (Intérêts personnels) : « Parce qu’il veut que sa femme puisse encore lui faire à manger », ou « Il l’aime et a besoin d’elle pour être heureux »
Stade conventionnel (adolescents et adultes jeunes)
Stade 3 ("Conformisme") : « Parce que ses amis ne comprendraient pas qu'il ait laissé mourir sa femme » ou « Heinz devrait voler le médicament parce que c'est ce que sa femme attend de lui : il veut être un bon mari».
Stade 4 ("Maintien de l'ordre social") : « Parce que la non-assistance à personne en danger est punissable par la loi » ou « Heinz devrait voler le médicament, à condition de purger sa peine et de rembourser le pharmacien par la suite ».
Il y a pas mal de réponses de ce type, j’ai l’impression, dans le sujet.
Stade post-conventionnel (adultes)
Stade 5 ("Contrat social") : « Parce que la santé est un principe de bien-être » ou «Heinz devrait voler le médicament car tout le monde a le droit de vivre. »
Stade 6 ("Principes universaux") : « Parce que le droit à la vie est un principe universel » ou « Heinz devrait voler le médicament parce que la vie est une valeur plus fondamentale que n'importe quel autre droit ».
Quelle conclusion tirer de tout cela ? Aucune de définitive, ce n’est qu’un modèle. Il peut être utile dans certains contexte, aussi bien pour nous que les autres. Il a été critiqué et enrichi par d’autres chercheurs :
Les objections de Gilligan
Kohlberg avait en effet comme collaboratrice Carol Gilligan (1936) et celle-ci fera à propos de ses travaux plusieurs troublantes observations suggérant qu’ils sont biaisés en faveur des garçons.
Non seulement les échantillons étaient-ils majoritairement constitués de garçons, dira-t-elle, mais encore et surtout le système de notation retenu était biaisé en faveur de réponses faisant intervenir des principes et contre des réponses se situant plutôt sur un plan «relationnel». Gilligan pouvait ainsi expliquer une étonnante conclusion de Kohlberg, qui pensait avoir constaté qu’en moyenne les filles parviennent à des stades de développement moral inférieurs à ceux garçons.
Revenons au dilemme de Heinz. Des réponses typiques de garçons de 12 ans invoquent, en partie, des règles et des principes et semblent dès lors se situer aux stade 4, voire 5. Elles sont donc présumées plus élevées sur l’échelle (et «meilleures») que celles qui sont typiques des filles du même âge (et qui sont donc présumées inférieures), lesquelles refusent de faire de ce dilemme un froid conflit de règles et insistent pour le replacer dans un contexte interpersonnel.
Voici — par exemple et pour en juger — une réflexion caractéristique d’une jeune fille de 12 ans, que Kohlberg classerait sans doute, disons, au stade 3:
«Heinz ne devrait pas voler. Il doit exister une autre solution. Il pourrait emprunter l’argent à des amis, aller voir une banque, ou autre chose…. Il ne devrait pas voler, mais sa femme ne devrait pas mourir non plus…. S’il vole le médicament, il sauvera peut-être sa femme, mais il ira peut-être en prison et alors sa femme pourrait devenir plus malade encore et il ne pourrait plus obtenir d’autres doses de médicament … Lui et le pharmacien devraient discuter et trouver une manière de réunir l’argent.»
Kohlberg a pris ces critiques au sérieux et revu ses échelles et ses échantillons. Cela fait, les garçons et les filles arrivaient en moyenne aux mêmes stades.
Gilligan, elle, a tiré une tout autre conclusion de ces observations. Selon elle, c’est parce qu’elle présuppose que les morales fondées sur des principes (morales utilitaristes ou déontologiques qu’elle dira «masculines») sont supérieures, que l’échelle de Kohlberg situe les femmes à un niveau moral inférieur. Mais est-ce juste de présupposer cela?
Non, répond Gilligan, qui soutient que les femmes ont plutôt, typiquement, une autre manière de penser l’éthique, d’en parler (le très célèbre livre qu’elle écrira à ce sujet s’appelle d’ailleurs : D’une voix différente), et de la pratiquer, une manière moins axée sur les conséquences ou les principes que sur ce qu’elle nommera : la «sollicitude» (en anglais : care).
Les morales de la sollicitude («ethics of care»), contrastées aux morales déontologiques ou utilitaristes, cette idée qu’il existerait, en éthique, une voix féminine et différente, tout cela est aujourd’hui très discuté et débattu. On pourrait présenter les idées au cœur de ces morales de la sollicitude à travers une série d’oppositions entre des termes qui représenteraient respectivement les manières typiquement féminine et masculine d’envisager l’éthique : personnelle-impersonnelle; partiale-impartiale; privée-publique; compassion-équité; naturelle-contractuelle; émotion-raison; concrète-universelle; responsabilité-droits; relationnelle-individuelle; solidarité-autonomie.
Mais existe-t-il vraiment une telle voix féminine? Si oui, comment l’expliquer? Et d’abord d’où vient-elle? Enfin, qu’est-ce que tout cela signifie plus concrètement pour l’éthique?
Des sources, mais vous pouvez en trouver des centaines sur Internet :
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i..._09_s_dev.html
http://www.netrover.com/~darveau/rd-kohlb.htm
http://psychotherapeute.blogspot.com...ohlberg-3.html
http://nbaillargeon.blogspot.com/200...thqiue-10.html
http://www.geocities.com/Athens/Ithaca/3243/sta.html
http://julien.dutant.free.fr/blog/in...s-psychologues
tss.. j'ai explosé le côté "Bar", là
. De plus, j'ai fais faire un "test" sans donner toutes les infos au départ... Tout cela est-il moralement répréhensible, selon vous
? Et j'ai même laissé "Dilemne" au lieu de "dilemme", horreur !