Je suis effaré par le nombre de généralités, les amalgames, les vérités à la mord-moi le noeud qui sont proférées ici, effaré par ceux qui défendent soi-disant la liberté d'expression, mais qui n'ont pas l'intelligence de cette liberté d'expression. Heureusement qu'il y en a qui rattrape le lot, jugule une émotion et une indignation de bon aloi (et finalement qui finit par se rapprocher sous certaines formes de celles des intégristes islamistes).
Alors, je vais donner mon avis sur la totalité de l'affaire, bien que je sois déjà intervenu avant.
1/ Parmi les caricatures, il y en a qui sont maladroites et on ne peut que le reconnaître. La fameuse caricature du prophète avec un turban qui ressemble à une bombe, par exemple, et qui semble être l'objet du litige. Vis-à-vis de cette caricature, je crois que le message que le dessinateur a voulu faire passer est limite : Mahomet est symbole de la religion islamique, ce qui veut dire que nombre de musulmans (croyants et/ou pratiquants) le reconnaissent comme une sorte de modèle. Pourtant tous ne sont pas des kamikazes, des islamistes intégristes rêvant de désintégrer, des mouhadijines, etc. Or la caricature présuppose un raccourci qui tendrait à réduire le coran au petit manuel du parfait djihadiste on comment faire des XPs sur les croisés et les infidèles, les musulmans à de simples terroristes. Il n'y a que cette caricature qui m'emmerde, les autres me semblent plutôt soft.
2/ L'interdiction de représenter le prophète / dieu etc. Le prophète a été très souvent représenté et pourtant à un moment donné, il n'y a plus eu le droit. D'un point de vue de liberté absolue, c'est dommageable. Je tends à penser qu'on peut dessiner, représenter, caricaturer tout et n'importe quoi à condition que l'idée contenue dans la représentation est intelligente, porteuse de réflexion et non d'amalgames ; en tout cas, rien qui ne laisserait penser à une ambiguité malsaine. Autrement dit, le dessin ou la réprésentation n'est que le prolongement de l'intention de l'artiste. Dans le cas de la caricature sus-citée, j'aurai tellement cru plus intelligent de représenter un Mahomet à double-face, l'un enturbanné d'une bombe et l'autre, volontiers plus altière, probe, moins sévère, plus amicale (peut-être baillonné ?). Et cela pour traduire l'ambiguïté que porte effectivement l'islam en elle : d'un côté, une minorité de fanatiques ayant une interprétation ligne à ligne du Coran ; de l'autre, une grande majorité silencieuse (hélas), parfois et trop souvent bridée soit par les premiers ou par des dictateurs. Est-ce que ça n'aurait pas été plus intelligent ?
3/ Bien conscient qu'au fond la question n'est pas simplement celle de la mise en forme mais toujours de cette conception de la représentation ou non, je suis bien d'accord pour dire que des intégristes n'ont pas à mêler religion et politique. L'indignation d'un certain nombre de musulmans est compréhensible (cela reste dans le jeu de la critique) mais que des menaces de représailles soient proférées ne l'est pas. Les deux sont à distinguer : il y a ceux qui s'indignent et critiquent au nom d'une règle qui est la leur et pas la nôtre, mais que nous pouvons comprendre dans une certaine mesure et il y a ceux qui instrumentalisent cette indignation à des fins scélérates, non seulement liberticides mais purement et simplement inhumaines. Là encore, ne tombons pas dans l'amalgame.
4/ Ceux sur le thread qui s'amusent (s'amusaient ?) à citer des passages du Coran pour appuyer des propos fondant leur approche du coran comme livre d'inhumanité ne font pas mieux que les intégristes et rigoristes qui ont une lecture ligne-à-ligne des hadiths, sourates et que sais-je, et ainsi justifient les lapidations de femmes, la mutilation et j'en passe. Le problème de TOUT livre religieux (et donc pas seulement du Coran), c'est de savoir si on doit suivre à la lettre les règles morales afférentes à la loi divine ou alors faire une interprétation. En ce sens, on ne peut résumer une communauté religieuse -ou plutôt, devrais-je dire des infra-communautés religieuse regroupés dans une communauté globale (le besoin simpliste des hommes de classer dans des catégories...)- à des écrits, mais aux actes. De même que les actes d'une minorité ou la parole d'un pouvoir ne peut résumer la pensée d'une majorité.
Conclusion : les amalgames, c'est ce qu'attendent les extrémistes. Les choses sont autrement plus complexes qu'on ne croît et penser ce genre d'affaire dans le registre de l'émotion amène invariablement au sentiment de vengeance, si ce n'est à la vengeance même. Vous fustigez les intégristes ? Alors faites le intelligement, sans tomber dans les travers et les mêmes méthodes qu'ils usent.
|