Le sujet est très sensible et particulièrement compliqué... Surtout qu'aucun système ne peut se vanter d'être parfait.
En gros, il y a deux systèmes de procédure pénale à travers le monde : le système inquisitoire (1.) et le système accusatoire (2.).
1. Le système inquisitoire
Le système inquisitoire est celui institué par Napoléon, c'est aussi le système le plus répandu. Il se propose de retirer aux parties la tâche d'instruire l'affaire, dès lors l'accusation (c'est-à-dire le procureur) et la défense ne s'affrontent pas directement. Un magistrat (le juge d'instruction) s'intercale entre les parties afin de mener une enquête impartiale et équitable.
L'intention originelle est donc louable : la défense, qui est par nature faible par rapport au parquet, peut espérer bénéficier des mêmes moyens afin de faire triompher la vérité. Le juge d'instruction est donc le pivot qui équilibre une balance.
En pratique, la balance est déréglée : elle penche presque systématiquement du côté du parquet... En effet, le juge d'instruction va instruire plus souvent à charge qu'à décharge, autrement dit il va passer plus de temps à rassembler des preuves sur la culpabilité qu'à rechercher la non-culpabilité des témoins et inculpés.
Par ailleurs, la Chambre de l'instruction, statuant en appel contre les décisions rendues par le juge d'instruction, apparaît trop souvent comme une chambre de confirmation des décisions du juge d'instruction. Si cet organe faisait mieux sont travail, nous disposerions d'un véritable contre-pouvoir au juge d'instruction. Faute d'avoir un juge d'instruction et une Chambre d'instruction faisant bien leur travail, nous avons du créer un juge des libertés et de la détention, lequel ne sert d'ailleurs à rien puisqu'il fait aussi mal son travail que les deux précédentes institutions.
Le problème vient en partie du fait que nous disposons d'une justice corporatiste : tous les magistrats professionnels ont fait les mêmes études, travaillent ensemble et font carrière souvent jusqu'à leur retraite. Dès lors, on a un monstre à trois têtes où le juge d'instruction, bien qu'indépendant juridiquement, est soumis à sa hiérarchie directe (président de tribunaux et de cours, CSM) afin d'être mieux noté... Mais est aussi soumis à une hiérarchie indirecte (procureurs de la République et procureurs généraux) au cas où il envisagerait à terme de devenir magistrat du parquet (autant se faire bien voir dès le début). D'où une certaine soumission au parquet.
2. Le système accusatoire
C'est le système le plus ancien, il est surtout utilisé dans les Etats de Common Law. Il consiste à laisser au procureur le soin de rassembler les preuves de la culpabilité, l'instruction ne se fait donc qu'à charge. La défense est libre de présenter ses propres preuves, mais c'est à elle d'en supporter les frais dans un premier temps : autant dire que les plus pauvres seront incapables de produire beaucoup plus que leur seule parole.
L'objectif téléologique est d'aller vite et de ne pas s'encombrer d'une procédure lourde et complexe. En pratique, on se retrouve dans la même situation que dans le cas d'un procès entre personnes privées.
L'avantage indéniable de cette procédure c'est d'une part son coût modéré pour l'Etat, d'autre part sa pureté sur le plan des principes juridiques, ici il n'est pas question de conflit d'intérêt ou de partialité : Chacun est à sa place et les rôles sont clairement définis. Ce n'est finalement qu'un exemple de la théorie des apparences anglo-saxonne : il faut donner l'apparence que la justice est rendue en situation de parfaite impartialité.
Le juge n'intervient ici qu'en tant qu'arbitre, son rôle est tout à fait secondaire si l'on ose la comparaison avec le magistrat instructeur du système inquisitoire.
Bien que l'on sorte un peu du débat, il faut noter que les juges sont en général élus dans les Etats de Common Law, ce qui produit des effets pervers.
Mais dans les deux systèmes, ce que l'on voit le plus, c'est le rôle croissant et de plus en plus prépondérant des experts en tout genre. Les juges s'appuient sur ces rapports d'expertise comme s'il s'agissait de paroles d'évangile, ce qui est grave lorsque l'on a à faire avec des disciplines aussi vaporeuses que la psychologie.
Le problème est ici de deux ordres : d'une part, les experts sont sous-payés donc leurs expertises sont rapides et superficielles (ce qui n'est que la résultante du manque de moyens de la Justice en France), d'autre part, les juges sont incapables de comprendre les raisonnements scientifiques de la plupart des rapports d'expertise du fait de leur parcours scolaire littéraire le plus souvent.
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