Très vaste, très intéressant, très divers, sujet lancé ici, car sous cette anodine question : " qui parle quoi ? ", on y décèle ouvertement une autre question, qui d'ailleurs a été posée par l'initiateur du sujet : Mort ou survie des langues régionales, ouverture ou fermeture, rapport avec la mondialisation, ethnocentrisme, tribalisme et sectarisme.
Tout d'abord, quelques définitions, ça fait pas de mal.
Langue : En gros, un ensemble de signes verbaux servant aux individus d'une communauté à communiquer entre eux.
Patois : Parler local employé par une communauté généralement rurale et restreinte ( dixit mon Larousse, ça laisse rêveur, non ? ).
Définition de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires :
par l'expression «langues régionales ou minoritaires», on entend les langues:
1. pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un Etat par des ressortissants de cet Etat qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l'Etat; et
2. différentes de la (des) langue(s) officielle(s) de cet Etat
Doit-on, dès lors, parler de langues régionales, ou de vulgaires patois parlés par quelques ouvriers agricoles alcooliques et sans le sous ? ( note aux sensibles, je fais de l'ironie - rarement comprise sur ce forum, donc je précise ).
Pour éviter toutes discordes, je vais opter pour ma classification : le patois sera restreint à quelques villes et villages, la langue peut raisonnablement débuter à partir d'une "région" ( par commodité, on prendra nos régions actuelles ).
Pur hasard et art de la transition, on parlait de régionalisme, et de langues " régionales ".
Certains auteurs ont parlé de repli communautaire, en réaction au mondialisme, autrement dit au rapprochement de ses "origines" ( souvent lointaines et erronées d'ailleurs ... ), face à l'intensification des échanges culturels, économiques et militaires ( je t'envoies un missile, je te renvois 3 porte-avions ), entre nations.
Cette mondialisation serait à l'origine d'une uniformisation des comportements de toute nature, culinaire, culturel ( cinéma, musique, etc ), laissant apparaitre une domination de l'économiquement fort ( j'ai de l'argent, je fais de la pub, tout le monde fait pareil, en gros ).
On va partir de ce postulat ( largement discutable, mais ce n'est pas le sujet ).
Alors quid des langues, dans ce magma de nations, de replis, de communautés ?
Ce que ne disent pas les dictionnaires, c'est qu'une langue représente une tradition, une origine et est parlée ( et oubliée ) par des Hommes.
Les langues sont donc un patrimoine, au même titre que le sac d'euros planqué sous le matelas de Mamie Yvette ( ou mieux, les références de son compte PEA La Poste ).
En bref, une langue est égale à une histoire, et donc à une origine. La mondialisation, comme on l'a dit, diluerait peu à peu l'individu dans un tout qu'il ne sait pas appréhender, et d'ailleurs, qui irait reprocher à Kévin, statisticien à la Sécurité Sociale, de ne pas savoir qu'Halloween, non, n'a pas été créé par Carrefour, au même titre que la fête des mères fut créée par les fleuristes - c'est son pote fleuriste qui lui a dit, c'est au demeurant complètement faux, je vous laisse vous renseigner.
Bref, dans ce magma mondial qui nous fait si peur ( brrrrrrrr ), certain(e)s ont cru bon de dire : les langues régionales, c'est la solution à tous nos problèmes.
En effet, qui dit langue dit communauté. Qui dit communauté, dit personnes qui se connaissent, se reconnaissent même, par une même langue.
Pourquoi pas le français ? Ma foi ... La communauté française doit être trop diluée, trop large, et puis dur de connaître 60 millions de personnes et de partager une histoire commune proche de soi, "réelle".
Mais pourtant la France est bien l'origine de ceux qui y sont nés ? Certes, certes, aurait dit Timsit, mais on veut une communauté, pas un pays néo-libéral qui se dilue dans le monde ( la honte ).
Donc, on en arrive aux langues "régionales". Pour peu que sa famille soit ancrée dans la région depuis quelques siècles, on en revient aux origines, à "ses" origines.
Bref, on se réinvente une identité propre, un truc à soi, et on est tout content de papoter avec les vieux le dimanche sur le banc du square, en se disant : " Sacrebleu, fichtre, diantre, foi de sexe de gnou, mais oui ! Je parle à cet ancêtre, comme mon ancêtre parlait au sien : en langue de ma région !
Je suis d'ici, il est de là, nous sommes bien enracinés ici, vive nous ! "
Me voilà régionalement identifié, prêt à affronter le monde mondialisé, et à en découdre sur internet en insultant un sud-africain en occitan. Je roxe ! Pardon, je ruxe ( forme primitive de roxe, régionalement inventé en France, mélange de " j'éructe", et d'un mot très sale. Bouh. ).
Et voilà, il est là le truc de la langue régionale, le noeud du bout ( attention modos, jeux de mot inside, je préviens, histoire d'éviter les salves malignes de quelques mauvaises langues ), l'astuce qui tue : Tu parles langue régionale, tu as une identité. Une vraie. Pas la française qu'on t'impose mondialement, non, une mieux, celle qui vient de l'histoire, de tes racines, de la région où tu es né. Top moumoute.
Du coup, nous revoilà au temps de Louis VI le Gros ( bien connus de tous les visiteurs de JoL .... Bon celui-là est nul ), qui dans les années 1100, s'évertuait à grand coup d'épée bâtarde dans la tête, à unifier le territoire français ( qui n'existait pas ), ainsi que tous ses successeurs royaux jusqu'à ....... Mmmm ... Allez on va dire Louis XV.
Mais alors voilà, ce renouveau ( très relatif, soit dit en passant ), signifie-t-il repli et refus, ou alors recherche d'une nouvelle identité, autre que française, ou venant s'y ajouter ? Un nouveau moyen d'exclure ( ceux qui ne parlent pas comme moi sont "autres" ) ? Un intéressement à l'histoire ?
Je vais répondre brièvement, en guise de conclusion ( car je pave sacrément - non, je ne bave pas, je pave ).
La réponse pessimiste : le renouveau ( relatif ) des langues régionales est un refus, voire une inadaptation totale au monde dans lequel nous vivons, monde de diversité, d'ouverture, et qui oblige, lorsqu'on veut vivre "dedans", à une certaine maturité et un certain recul.
Parler une langue que personne ou presque ne pratique, c'est non seulement s'exclure, mais aussi exclure autrui de la communication, pourtant fondamentale à l'heure actuelle.
Dès lors, on considère qu'être de nationalité française reste un mot sur une carte en plastoc, et que l'histoire et l'avenir ne résident pas dans le pays, mais bien dans la tradition, la coutume locale, bref, dans ses origines propres. La construction identitaire reste au stade tribal, en somme.
La réponse optimiste : Le renouveau des langues régionales est une chance pour tous les pays du monde. Elles sont un enrichissement personnel, permettent une meilleure identification de l'individu au sein de sa communauté et de son pays, et préparent donc à affronter les vents venus d'ailleurs, bien ancré dans ses racines locales. En effet, si je sais qui je suis, d'où je viens, je compare plus facilement ma situation avec celle d'autrui, je suis donc plus à même de mieux considérer l'évolution de mon pays et de celle de mes voisins.
Ma synthèse ( pour les feignasses qui ont sauté tout mon beau pavé, bande de méchants ) :
Plus les échanges entre pays deviennent intenses, plus le besoin de savoir qui on est devient fort. L'Homme n'a jamais pu se contenter de savoir qu'il est Homme, qu'il vit sur la même Terre de plus de 6 milliards d'autres Etres, et que sa culture, c'est celle de tous ( car il y a un fonds commun, le Mc Do par exemple ).
L'individu a besoin d'abord de se différencier, avant de s'agglomérer. La langue régionale est un outil de différenciation, à l'heure actuelle, plus que de communication. Elle était "utile" il y a cinq siècle. De nos jours, elle est un outil de recherches de sources, de ses sources, pour les individus qui, se considérant français, estiment que la France, c'est aussi 21 régions administratives, et autant d'histoires.
C'est donc un double mouvement qui agite le regain d'intérêt pour les langues régionales : Dans un premier temps un repli communautaire qui, dans le meilleur des cas ( et qui sont la majorité, je suppose ... Sauf dans les îles apparemment ), permet dans un second temps de brandir sa carte d'identité nationale à l'aéroport de Tambouctou, en gueulant : " Montjoie, Montmirail, je suis français, breton / picard / corse / Ch'ti / normand / niçois / savoyard etc ..., et je vous aime, Homme de l'hémisphère Sud, car comme vous, je mange du McDo en insultant les caissiers en patois ! "
En somme, j'adopte la vision optimiste : connaitre sa langue régionale, c'est connaitre son pays, son histoire, se connaitre soi-même, et si la mondialisation permet ce mouvement, alors tant mieux, car en apprenant toutes ces choses, on se rend compte qu'on ne vient jamais d'un endroit unique, mais que comme nous, nos ancêtres ont voyagé, et force copulé à travers toute l'Europe, pour donner naissance à ..... vous. Nous sommes tous des gens venus d'ailleurs. Si. ( Vous vous rappelez pas, Brassens, les c*** qui sont nés quelque part ?

) Donc la mondialisation, une fois tout ça en tête, ben c'est pas si mal.
Langue régionale, vecteur de tolérance ? Pourquoi pas ....
Oui, les langues régionales ont un avenir.
Merci de votre (in-)attention.