Barien, barienne,
Ma vie est en passe de prendre un tournant sans précédent.
En effet, cela fait maintenant plusieurs semaines que je traîne au pays des ours.
C'est un pays sympa, il fait -10°C des fois mais vu que Kurd s'est mangé -38 hier ou avant-hier (je sais pas trop vu qu'il est décalé dans les heures à force d'habiter dans un pays paumé tavu), ben ça va quoi, on n'est pas trop à plaindre.
Mbref. Osef.
Comme tu le sais, moi je suis plutôt du genre avec un goût de citron, un peu amère (et le premier qui dit aigrie, putain mais rien parce que j'ai pas les idées très claires mais quand même je n'en penserais pas moins alors pouet pouet camembert). Je crois que j'étais en train de dire un truc avant d'ouvrir la parenthèse. Ah ouais.
Donc comme tu le sais, ou comme tu vas le deviner, j'ai la réputation de ne pas être très sociable. Mais c'est pas de ma faute, c'est parce que les gens sont cons.
Et ici, dans ce pays où ils ont fait leur putain de révolution pendant que j'étais à l'école, que c'était juste impossible de retenir les cours de géographie parce que les pays d'Europe de l'Est changeaient de nom, de capitale et de régime politique tous les matins, dans ce pays donc, où ils parlent une langue bizarre avec des déclinaisons et plein de façons différentes de conjuguer les verbes, que même le français à côté c'est izi mode, dans ce pays donc, j'ai été confrontée à un phénomène incroyable : j'ai rencontré des gens sympa.
Je te promet Barien, j'ai rencontré juste des gens bien, des gens dans la rue que tu parles pas leur langue mais ils s'en foutent, des gens que t'apprends à dire bonjour, au revoir et merci dans leur langue, ça leur fait plaisir comme pas permis, des gens qui certes ne font pas des horaires de timbrés mais bossent et abattent parfois un boulot phénoménal, des gens qui ne te regardent pas bizarrement parce que tu es un bourreau de travail mais qui se disent juste que boarf, si t'es heureuse comme ça, chacun son truc après tout. Des gens un peu tolérants, un peu ouverts d'esprit, un peu déconneurs, un peu super accueillants, un peu des gens comme c'est écrit dans les histoires que tu lis dans la bibliothèque verte quand t'es gamine tu sais, et que après forcément tu éprouves la vraie vie et t'as comme un putain d'arrière-goût de déception qui te donne envie de gerber le steak frite trop cuit que le serveur t'as jeté à la gueule en tirant la tronche. Un peu tout ça à la fois en même temps.
Bref, des gens bien. Des gens que t'as pas l'impression que y'a un truc qui t'oblige à aller te faire chier toute une soirée à boire des bières avec des connos rapias qui se casseront en loosdé sans payer, et que t'as beau pas avoir de problèmes d'argent, 300€ les 18 whisky et les 30 moresques, y'a comme qui dirait une couille dans le potage.
Non, des gens que tu vas boire une Ursus avec le soir et c'est juste cool. Pas vraiment que tu le ferais tous les soirs, mais c'est cool. En plus ils parlent une langue où y'a tellement d'expression pour dire faire l'amour que ça te vire l'empreinte digitale du doigt à force de scroller sur le browser du smartphone. Forcément, ces gens-là ne peuvent être que bien.
Alors ok, y'a la neige, ok, on se les pèle un peu. Mais juste le fait de se lever le matin sans avoir à se demander si t'as envie d'aller au boulot pour te battre encore toute la journée avec des emmerdeurs patentés qui se syndicalisent pour pas se faire virer (belle perversion du système cela dit en passant), qui dépensent une énergie phénoménale en réunions interminables improvisées à la machine à café pour essayer de t'expliquer qu'ils n'y peuvent rien parce que se sortir les doigts du fion pour faire ce pour quoi ils sont payés, ça leur arracherait la gueule, ça leur brûlerait les doigts et ça salirait le clavier, juste le fait d'ouvrir les yeux et d'être juste satisfaite d'être là et d'avoir à aller bosser sans sentir les odeurs de thé au jasmin des branleurs qui te servent de co-citoyens sur le trajet, sans avoir à slalomer entre les odeurs de poubelles parce que les éboueurs sont (encore) en grève et sans avoir à t'excuser de ne pas pouvoir passer quand une rampe de trois cagoles occupent toute la largeur du trottoir alors qu'elles ont même pas un gros cul, ben juste ça, c'est cool.
Du coup, je me demande Barien, et plus particulièrement toi, Barien français exilé dans un pays étranger, c'est moi qui déraille où les français sont vraiment cons ? Tu crois que c'est compliqué de louer un appart' dans un pays étranger ? Et comment je présente le truc à mon boss pour lui dire que la bande de connos à mi chemin entre le j'm'en foutisme et le faux cul-isme qui bossent en France, même en peinture leur sourire me stresserait, sans pour autant me ruiner la possibilité de dealer une petite ré-évaluation salariale avant l'extradition ?
Aide moi Barien, je suis perdue dans mon for intérieur. Et j'ai pas trop le temps de réfléchir à la question moi-même, faut que je fasse ma valise.
Mais d'abord, je bois une Ursus, et je crois que j'en boirai une dernière demain midi, avec des snitzel de pui cu piure de cartofi, et puis de la salata de rosii aussi, pour se donner bonne conscience niveau équilibrage du repas. Et puis des clatite cu afine [ici insérez le mot pour dire confiture] parce que les crèpes, c'est bon.
Merci par avance des conseils avisés que tu pourras me donner Barien.
J'ai confiance en toi, ne me déçois pas.
Résumé : Plus je vis loin, moins j'aime les Français. Que faire ?
Résumé du résumé : Je veux épouser un vampire des Carpathes. Aide moi.