En vingt ans, le revenu annuel des 40 700 ménages les plus riches a plus que doublé. Une croissance bien plus rapide que pour le reste de la population, relève une étude du ministère de l’économie. [...]
L’étude se focalise sur les 40 700 foyers fiscaux disposant des revenus les plus élevés, soit le 0,1 % de la population le plus aisé. Un tout petit monde composé de footballeurs, d’hommes d’affaires, de banquiers, de chirurgiens, de dentistes, d’avocats, etc., vivant pour beaucoup à Paris ou alentours. Pour faire partie de ce club très sélect, assez figé, il fallait en 2022 avoir déclaré un revenu d’au moins 463 000 euros. En moyenne, cependant, ces ménages affichaient alors un revenu annuel d’un peu plus d’un million d’euros, soit 30 fois plus que le reste des Français.
Ce qui frappe vraiment, c’est l’évolution de ce revenu moyen : entre 2003 et 2022, il a plus que doublé (+ 119 %). Un dynamisme
« tout à fait remarquable, même par rapport aux autres foyers à revenus élevés », relèvent les auteurs. Les 0,9 % qui suivent au classement ont aussi vu leurs revenus grimper, mais nettement moins (+ 79 %).
La hausse a été un peu moins vive encore (+ 61 %) pour le groupe immédiatement derrière, réunissant les foyers dont les revenus s’étagent du 91
e au 99
e centile. Et pour le reste de la population, soit neuf foyers sur dix, l’accroissement des revenus n’a pas dépassé 39 % au cours de ce début de siècle. Pour le dire autrement, le revenu des ultrariches a augmenté de 3 % par an hors inflation depuis 2003, alors que celui des autres Français progressait de 0,5 %, indique l’étude.
Comme dans une course cycliste, les très très riches forment ainsi un groupe de tête qui s’échappe chaque jour davantage des coureurs qui les suivent, et plus encore du peloton.
« Les écarts de revenus tendent à se creuser, même entre foyers aisés », relatent les experts de Bercy.
L’évolution n’est pas propre à la France. Aux Etats-Unis aussi,
« l’inégalité des richesses a grimpé en flèche, car les plus riches des riches – qui possèdent l’écrasante majorité des actifs financiers – profitent de l’augmentation de leurs valeurs due à des taux d’intérêt extrêmement bas, affirment les économistes Rudiger von Arnim et Joseph Stiglitz dans
L’Inégalité est un choix (Editions de la Maison des sciences de l’homme, 475 pages, 24 euros).
Ces dernières années, huit hommes blancs possédaient plus de richesses que toute la moitié la moins fortunée de la population américaine. »
En France, le spectaculaire enrichissement des « coureurs de tête » tient également pour une large part à la source de leurs revenus. Pour eux, les traitements et salaires ne représentent que 35,5 % du total. L’essentiel de leurs ressources provient plutôt des dividendes et des plus-values tirés des capitaux dont ils sont propriétaires (47 %), des bénéfices des entreprises qu’ils détiennent (10,5 %) et de leur patrimoine foncier (3 %). Ces ultrariches ont ainsi bénéficié à plein du tonus des marchés financiers, notamment du CAC 40, l’indice vedette de la Bourse de Paris, qui a doublé entre 2003 et 2022, et de la hausse des prix de l’immobilier, qui a valorisé leur patrimoine. [...]
Au bout du compte, les auteurs de l’étude constatent logiquement un accroissement des inégalités. Désormais, les 10 % de ménages les plus aisés représentent ensemble 34,1 % des revenus de tous les Français, contre 32,4 % en 2003. Un mouvement décomposé en quatre phases : une première hausse de 2003 à 2010, une réduction au moment de la crise des subprimes et des dettes souveraines (2010-2013), une nouvelle accélération jusqu’en 2020, puis une stabilisation. Sur l’ensemble de la période, l’accentuation des inégalités tient à 44 %, d’après les calculs de Bercy, à l’enrichissement des 10 % de foyers les mieux dotés.
Source :
https://www.lemonde.fr/politique/art...15_823448.html