Mais vous êtes fou d'être intéressé par des sorcières, c'est dangereux ces bêtes là
Tu n'as rien vu camarade.
Nous voilà en cette soirée Halloween, que les mortels apprécient tant. J'ai vécu une courte vie, certes, mais animée. A 10, fils de paysan dans un kolkhoze. 15 ans, rebelle dans l'âme, je m'en allai faire des graffitis un peu partout les soirs du 1er novembre, je faisais peur aux gens, m'attaquant à eux et les mordant au cou et repartait aussitôt. Seulement à 20 ans, alors que je pratiquai toujours ce jeu, de nouveaux compagnons m'ont rejoint. Plus que des frères, nous faisions tous ensemble. Des puissances malignes semblaient nous inspirer le soir de cette terrible nuit.
Et à 25 ans, le drame. Alors que nous nous déplaçons, corbeaux rigolards que nous étions, dans la petite ville près de notre village, chandelles à la main, nous fûmes mêler à un groupe d'autres jeunes gens. Nous abandonnions nos projets pour aller boire un verre de vodka dans un bar proche. Une ambiance festive régnait, des enfants venaient parfois, déguisés en citrouille, sorcière et fantôme. Les sorcières étaient mignonnes, et nous leur donnions à toutes un petit quelque chose.
Mais je sentis que quelque chose allait se passer. La lune semblait se dérober sous la brume qui recouvrait peu à peu les rues. Un petit garçon, seul, tard dans la nuit, passa enfin. Nous étions un peu éméchés, mais rien de grave. Silencieusement, il s'approchait tandis que nous nous retournions tous pour l'observer. Il était déguisé en vampire. Il ressemblait étrangement au costume que je portais il y avait de cela presque 20 ans. Et il passa, sans se détourner, étrangement, sans rien nous demander comme les autres enfants.
Puis je ne me souviens plus très bien. Des hommes arrivèrent, nous arrêtèrent. Capitalistes, espions, traîtres, nous fûmes affublés moi et mes compagnons d'insultes et les accusations portées contre nous nous indignaient, fervents défenseurs de la cause communiste. Nous comprîmes que les jeunes gens avec qui nous avions passés la nuit étaient des Américains venus espionner la terre du Stakhanovisme ardent. Le procès fut expéditif, et une semaine après notre arrestation, nous étions dans un goulag.
Mes compagnons moururent un à un. Je suis resté en vie un an, si on peut appeler cela la vie, mû par une force démente. Un gardien me raccompagnait dans ma cellule, la chandelle à la main. L'odeur de l'orage se faisait sentir depuis plusieurs jours, mais il n'avait éclaté que plus tôt dans la soirée. Tandis que l'homme s'efforçait de faire vivre cette flammèche, voulant s'échapper de ce monde sombre, lueur triste et belle qui vacillait faiblement, je sentais mes forces vaciller. Chaque goutte d'eau me rappelait mille flammes perçantes. Puis je m'effondrai, et la lueur s'éteignit. Le gardien fut vidé de son sang et l'on ne retrouva qu'un visage effrayé, et un corps noyé dans la boue.
J'ai retrouvé mes camarades. Et nous attendons cette heure, chaque année. L'heure où nous sortons, continuant notre ouvrage malicieux. Oh, non, les sorcières ne sont pas si terribles mon ami. Les vampires sont bien plus terrifiants.