Soyons sérieux, c'est l'activité humaine qui est vecteur de progrès, pas le travail en soi. Le "travail" n'a rien de naturel.
Ca t'a peut- être échappé, mais les Grecs et les Romains, que tu cites, comme toutes les grandes civilisations méditerranéennes de l'Antiquité, avaient le travail au coeur de leur organisation politique, économique, sociale, culturelle et religieuse. Et elles le faisait souvent effectuer par des esclaves, dont le rôle était précisément de contribuer ou d'assumer la fonction productive (travaux agricoles).
Pour ce qui est de la cité grecque par exemple (et de la République romaine par extension), elle est une forme d'organisation sociale centrée sur la terre civique, et la citoyenneté politique est totalement ancrée dans la possession et l'exploitation de la terre. Même quand les réalités sociales et économiques diffèrent, le discours civique, lui, ne change pas : Aristote en est précisément un excellent exemple, puisque dans un IVème siècle en pleine mutation, il se réfère en permanence au discours civique des siècles passés (Vème et VIème siècles av.JC), qu'il définit comme le modèle du bon gouvernement. Tu peux multiplier les exemples pour l'Antiquité, le Moyen Age, la période moderne et la majeure partie de l'époque contemporaine.
Quant aux progrès dont on parle, ils n'ont globalement pas été le fruit des gens qui travaillent, mais qui des gens qui vivent grâce au travail des autres (castes militaire, marchande et sacerdotale). Des gens donc suffisamment privilégiés par les inégalités sociales (bien nés ou devenus riches par une autre activité que le travail de la terre, qui n'a jamais donné la fortune) pour pouvoir échapper à la précarité de la survie, et qui, de fait, ont contribué non à la survie simple, mais à l'évolution globale de l'humanité.
Je crois que tu oublies un peu vite le lien vital qui existe entre l'homme et la terre, l'importance plus que vitale de l'agriculture depuis des millénaires. Ce qui est normal si on estime que tu es (comme nous tous ici je pense) le représentant d'une société de consommation qui ne comprend même plus que, pour acheter des tas de conneries en supermarché, il faut d'abord les planter, les faire pousser, les ramasser, les transformer, les acheminer, avant de les acheter et de les consommer.
Dans les sociétés pré- industrielles (qui sont toujours une large partie de l'humanité, je me permets de le rappeler), le travail est éminemment "naturel", dans la mesure où le travail de la terre est en gros l'unique source de subsistance. C'est d'ailleurs l'un des enjeux les plus fondamentaux du XXIème siècle, et des siècles à venir.
Qu'on appelle ça "travail" ou "activité", pour moi, ça ne change pas grand chose, dans la mesure où l'enjeu demeure le même : assumer le réel, c'est- à- dire, nourrir les hommes. Peu importe que ça soit fait par des chasseurs- cueilleurs du Néolithique, par des esclaves de l'Antiquité, par des serfs du Moyen Age, par des ouvriers du XIXème siècle, ou par des salariés du secteur tertiaire du début du XXIème siècle : la réalité demeure la même, se nourrir et nourrir sa famille, et, par extension, assumer une fiscalité dont dépend l'ensemble de l'organisation politique, sociale, économique et culturelle.
De ce point de vue, oui, le travail est la base de tout, tout dépend de lui, et rien n'est plus naturel, si tu estimes naturel d'être vivant et de vouloir continuer à le rester en assumant tes besoins les plus primaires.