chroniques d'Ecarlia, une sacrieur pas comme les autres

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Bonjour à tous et à toutes ! Je suis un peu nouvelle sur JOL et c'est pourquoi j'ai déjà publié ce message sous un titre nul mais sans le faire exprès

Donc je le refait en version plus courte !
J'ai décidé, depuis quelques semaines, d'écrire une histoire assez immense avec pour personnage principal mon avatar dofusien, mais un peu transformée pour l'occasion ^^ (vous comprendrez si vous lisez mon histoire assez loin).

Il s'agit plus d'une nouvelle de grande taille que d'un véritable RP, et c'est pourquoi je ne suis pas sûre de pouvoir faire accrocher tout le monde, peut-être à cause de la lourdeur apparente du texte

Mais les quelques personnes ayant déjà lu les premiers chapitres ont totalement flashé dessus ("la suiiiiiiite !!! x] mdr" pour citer plus précisément). J'ai donc eu l'idée brillante de mettre cette histoire sur JOL, aux yeux avides de tous et de toutes pour voir si vraiment, j'ai réussi à faire quelque chose qui soit d'une qualité passable (ce qui est TRES rare).

Voici donc les deux parties du prologue à l'aventure avec un grand A, et j'espère que vous aimerez mon style un peu trop littéraire selon certains
Prologue - partie I
Prologue


« Salomon, on fait quoi ? »chuchota l’un des soldats.
« Chut ! répondit l'interpelé. Je crois qu’ils arrivent ». Il entendait des bruits de pas dans la pénombre. Bien qu’il ne pu pas voir ceux qui marchaient à cause du peu de lumière et des nombreux bambous, c’était à coup sûr la première vague qui arrivait prudemment. Ces maudit brakmâriens avaient toujours la même technique : une première vague qui frappait de front et qui monopoliserait les défenseurs, puis un assaut coordonné sur le village attaqué par deux autres vagues venant des flans, pendant que tous les bontariens étaient occupés à faire face à la première vague.
Mais cette fois, il avait prévu le coup. Le village de Terrdala allait rester sous domination bontarienne. Le gros des troupes était resté dans l’enceinte du village fortifié, et lui et quelques autres bontariens très expérimentés allaient intercepter la première vague avant qu’elle n’attaque.
Et justement, cette vague arrivait droit dans le guet-apens. Ils étaient postés de part et d’autre du chemin, cachés par l’épaisse forêt de bambous. En tant que Sacrieur, et malgré ses 25 ans seulement, il avait survécu à de très nombreuses batailles, et était par conséquent un combattant et un stratège plus qu’aguerri.
Il se prépara à lancer le signal de l’attaque. Il mit une main sur le cœur de sang tatoué sur sa poitrine, à l’emplacement exact de son propre cœur. Il ferma les yeux. Son cœur cogna une fois avec force. En face, de l’autre côté du chemin, il vit un mouvement presque imperceptible. Il senti son cœur cogner deux fois, de façon si forte que c’en était presque douloureux. Il su que son frère était prêt lui aussi. Il fit signe à ses deux meilleurs compagnons, à ses côtés : « Kan, Cléo, vous êtes prêts ? ». Le pandawa et la xélorette acquiescèrent en silence, dans la semi obscurité. « Très bien. Alors…c’est parti ».
Avec une coordination parfaite, lui et son frère commencèrent à briller. Au même moment, en plein milieu de l’escouade qui avançait, deux guerriers brillèrent aussi. En un instant, les deux sacrieurs se retrouvèrent entourés de dizaines de soldats ennemis. Avant même que un seul d’entre eux n’ait pu réagir, plusieurs tombèrent, foudroyés par la puissance mortelle des sacrieurs. Le temps que les brakmâriens ne réalisent ce qu’il se passait, des deux côtés du chemin jaillirent une vingtaine d’ailes immaculées tout au plus.
Mais quelles ailes ! Leurs propriétaires étaient de véritables monstres de guerre. Un iop à l’apparence particulièrement redoutable avait déjà fauché plusieurs ennemis en quelques secondes. Des ailes rouges et noires à membrane commencèrent à apparaître dans la mêlée. La plupart étaient petites, mais certaines avaient une envergure qui laissait deviner un combattant redoutable.
Salomon esquiva le premier coup de réaction à cette attaque surprise. Un Osamodas l’avait pris pour cible avec son énorme marteau. Salomon l’esquiva sans aucun problème, et donna un coup de pied dévastateur à son attaquant. Celui-ci fut tout simplement soulevé de terre par la force stupéfiante du choc, et retomba lourdement sur une paire d’ailes sombres, les os broyés. Le sacrieur vit alors un jeune iop le charger en hurlant. Il donna un coup de poing vers l’avant, alors que le iop n’était encore qu’à plusieurs mètres. Aussitôt, le jeune guerrier aux petites ailes rouges fut projeté en l’air par un souffle ultra puissant venant du sol. Avant même qu’il ne touche le sol, une deuxième rafale l’envoya valser loin de la mêlée, inconscient. Salomon se félicita d’avoir prit le temps d’apprendre à maîtriser les forces du vent. Il sortit ses katanas de leurs fourreaux, les lames produisirent un son cristallin en frottant contre les gaines en cuir rouge, et commencèrent à émettre une lueur bleutée.
Un autre démon tomba, puis un autre.
Il semblait cependant que leur nombre ne diminuait pas tellement. Il comprit vite pourquoi : un peu en retrait de la mêlée franche, deux eniripsas soignaient les blessures non fatales de leurs congénères, aussitôt qu’elles étaient infligées.
« ZACHARIAS !!! hurla-t-il à pleins poumons. QU’EST CE QUE TU FOUS ?!? »
À peine eut-il prononcé ces mots que l’un des deux eniripsas, celui aux ailes les plus développées, écarquilla les yeux de stupeur. Son compagnon le regarda sans comprendre ce qui lui arrivait. Puis un sram apparut derrière le premier soigneur, une dague ensanglantée à la main. Le deuxième fut pris de panique, et tenta de s’enfuir. Mais à peine avait-il fait un pas pour tenter de lui échapper que quelque chose se déclencha sous ses pieds, qui se bloquèrent dans leur course.
Salomon n’appréciait guère ce sram. Il préféra détourner les yeux lorsqu’il s’avança calmement vers la victime de son piège, et qu’il leva ses dagues. Mais il était forcé de reconnaître son utilité.
Quelques pas plus loin, Kan frappait de ses poings brûlants tous ceux qui passaient à sa portée, et projetait ses ennemis les uns sur les autres. Cléo, plus calme, se frayait un chemin entre les soldats aux ailes sombres qui bougeaient au ralenti, et les anéantissait méthodiquement à coups de marteau et de sortilèges meurtriers.
Un peu plus loin, il vit son frère aux prises avec un féca qui semblait redoutable. Il avait des brûlures sur tout le corps, et semblait ployer sous les coups de bâton de l’adversaire intouchable. Salomon voulut se précipiter à son secours, mais n’en eu pas le temps. Sur sa droite, un dragonnet rouge venait d’apparaître devant un osamodas, et souffla la fureur de son maître droit sur Salomon. Il fut projeté dans les bambous hors du champ de bataille, et les sentit se briser sur son dos comme des dizaines de coups de fouet. Sa tête heurta un tronc d’une dureté de pierre. Sa vision se brouilla.


Alors que tout était particulièrement flou autour de lui, aussi bien les images que les sons, il cru entendre, à quelques pas de lui, un miaulement de douleur.
Sa tête tourna quelques instant encore, mais son endurance surnaturelle reprit vite le dessus. Il se retourna pour savoir d’où provenait ce miaulement, mais pensa que ses sens durement malmenés l’avaient trompés. Il se releva, et se prépara à repartir à la bataille en suivant le sillon de bambous brisés qu’il avait laissé derrière lui. Mais à nouveau, le miaulement étouffé lui parvint, et plus nettement cette fois.
Il n’y avait pas de doute possible. Un écaflip était salement blessé tout près.
« Il y a quelqu’un ? » cria-t-il.
Pas de réponse. Il regarda la bataille qui faisait encore rage, puis la forêt sombre. Les bontariens semblaient mener le combat sans problèmes, comme il le pensait. Il s’avança vers les bambous.
« J’arrive, ne vous inquiétez pas. » dit-il à la pénombre.
Il commença à chercher. Il ne lui fallut que peu de temps pour repérer une traînée de sang dans les feuilles mortes, et pour la suivre. Si un bontarien était en difficulté, son devoir de sentinelle était d’aller l’aider. De nouveau un gémissement : « miaaargh… ». Cette fois il repéra une silhouette sombre, allongée derrière un bambou massif. Il se précipita pour aller aider son compagnon de bataille, mais fut stoppé dans son élan.
Sur les jambes du blessé, une cooleuvre progressait lentement. Salomon s’immobilisa aussitôt. Le moindre mouvement brusque de sa part pourrait causer la perte de cette personne. Il pointa avec d’extrêmes précautions son poing en direction de la cooleuvre. « Surtout ne rate pas ton coup…concentre toi » songea-t-il.
Soudain, comme si le reptile avait senti le danger, il se détendit à la vitesse de l’éclair, et planta ses crochets dans la poitrine du blessé.
  • Non ! hurla Salomon.
Sa main s’ouvrit, et l’animal écailleux y fut comme aspiré en une fraction de seconde. L’instant d’après, Salomon laissait tomber de ses mains puissantes le corps long et désarticulé, sans vie. Il se pencha sur la personne inerte. C’était bien un écaflip, sa fourrure sombre et sa queue ne faisaient aucun doute. La cooleuvre avait mordu juste sous le muscle pectoral droit, à travers la tunique du guerrier. De plus, une large entaille zébrait le flan et la cuisse du chat. Il tremblait et transpirait abondamment, émettant des gémissements de douleur à certains moments. Mais le plus urgent était cette morsure. Salomon arracha le bout de tunique à travers lequel le serpent avait mordu, voulant mettre la morsure à nu.
Il le regretta aussitôt.
Ce qu’il avait prit pour un guerrier écaflip dans la semi obscurité était en réalité…une guerrière.
Son cœur fit un bond magistral alors qu’il tenait le morceau de tunique à la main, et il sentit son visage devenir brûlant alors que son regard ne se détachait pas la jeune femme étendue devant lui. Il regarda vivement autour de lui, vérifiant que personne ne l’avait vu faire…ça, son visage devenant de plus en plus chaud.
Il se senti tout à coup parfaitement idiot. « Stop ! Arrête de penser comme ça ! Elle va mourir si tu ne fais rien ! Allez, courage… ».
Il se pencha de nouveau sur la blessée. La morsure était juste sous son… « NON !!! Pense à autre chose ! À ta mère tient, pense à maman… ».
Il prit une grande inspiration, appliqua ses lèvres sur les deux minuscules trous qui saignaient à peine, et commença à aspirer avec force. Sa fourrure était incroyablement douce et soyeuse…
Un goût amer lui envahit soudain la bouche. Il recracha le liquide, puis recommença à aspirer le venin, jusqu’à ce qu’il ne sente plus que du sang dans sa bouche.
Il tenta de remettre le bout de tunique en place, mais sans y parvenir vraiment…
Il se pencha ensuite sur la profonde entaille de la guerrière meurtrie par le combat. Il observa quelques secondes la blessure. Son cœur failli s’arrêter.
La forme de cette blessure était très spéciale, elle n’était pas nette, pas comme si elle avait été causée par une lame tranchante. L’arme qui avait fait cette blessure avait brisé des os, et arraché des bouts de chairs, comme si elle avait des dents de scie. Cette blessure avait été causée très récemment, et il ne connaissait qu’une seule arme qui puisse faire de tels dégâts.


C’était l’épée magique de son frère.


Il réalisa alors ce qu’il était en train de faire. Il était en train de sauver une brakmârienne de la mort. Il tentait de garder en vie une femme qui avait peut-être tué l’un de ses amis il y a quelques minutes à peine. Il se recula, horrifié, honteux. Il pourrait être accusé de traîtrise pour avoir fait cela.
Aider un ennemi était inconcevable en temps de guerre. Pourquoi en plus soigner une personne qui pourrait le tuer prochainement ? Ou même qu’il devrait tuer de ses propres mains ? Totalement impensable.
Salomon tourna le dos à la jeune femme. Il devait repartir aider ses amis. Il devait repartir au combat.
Il fit quelques pas en avant, sans se retourner. Il entendit une quinte de toux derrière lui, puis un miaulement de douleur. Salomon continua d’avancer, en serrant les dents. De nouveau une quinte de toux, mais encore plus violente. Ses poings étaient serrés à s’en faire éclater les jointures. Il laissait derrière lui quelqu’un de mourant, une personne qui souffrait. Il senti un haut-le-cœur monter progressivement à cette idée. Soudain l’écaflipette poussa un véritable cri de douleur. Pas juste un gémissement quasi-inconscient, un véritable cri.
C’en était trop. Salomon fit volte-face. Il ne pouvait pas laisser mourir cette pauvre fille dans des souffrances atroces. Elle toussait de plus en plus, et sa fourrure sombre, avec une large tache blanche sur le ventre, commençait à se tacheter du sang qu’elle crachait.
Salomon ouvrit la petite sacoche de cuir qu’il ne quittait jamais, et en sorti un petit tube remplit d’une potion bleue. Il s’approcha de la blessée et lui parla.
  • Ne t’inquiète pas, je vais te soigner. Comment tu t’appelles ?
L’écaflipette de répondit évidemment rien, et continuait de trembler. Salomon ne s’attendait pas à une réponse, mais ses amis eniripsas lui avaient dit que parler aux blessés, discuter avec eux, pouvait les empêcher de sombrer dans un total inconscient, duquel il est parfois très difficile de les sortir.
  • OK très chère inconnue, moi c’est Salomon. S’il te plaît, si tu m’entends, sers ma main.
Aucune réaction. Salomon déboucha le petit tube avec ses dents. Il appliqua le liquide sur la longue entaille. Elle se mit aussitôt à fumer, et une odeur âcre s’en échappa. La chatte poussa un hurlement de douleur et agrippa le bras de Salomon, y enfonçant ses griffes profondément. Celui-ci n’en fut aucunement gêné, et était même rassuré qu’elle ressente la douleur que provoquait cette potion. Déjà, les chairs se refermaient là où elle avait été versée. Il continua à appliquer la potion sur la blessure béante, déclenchant de nouveau des hurlements, mais aussi une régénération rapide du corps de la guerrière inconsciente. Enfin, pas si inconsciente que ça, puisqu’il dû détacher les griffes de l’écaflipette de son bras de force, une par une, pour pouvoir se libérer.
Il examina la blessure de plus près. Elle était bien refermée, mais l’arme de son frère causait des blessures extrêmement dangereuses, qui vidaient les victimes de leurs forces petit à petit. Il savait que la chatte allait certainement mourir, même si la blessure semblait guérie, si elle ne regagnait pas rapidement ses forces. Le problème c’est qu’il n’avait pas la moindre nourriture sur lui.
Il songea alors à quelque chose qu’il avait apprit il y a bien longtemps, une technique très risquée des sacrieurs, mais qui pouvait sauver la vie d’une personne aussi sûrement qu’un eniripsa altruiste. Il se concentra, se mit à genoux devant la jeune femme, et débuta une incantation, les mains jointes d’une façon étrange. Au fur et à mesure qu’il continuait son récital, il sentait ses forces le quitter. Une longue cicatrice apparaissait lentement sur son flanc et sa cuisse. Une forte douleur commença à l’envahir, et il senti que plusieurs de ses os commençaient à se fissurer. Son énergie sortait tout simplement de son corps pour aller dans celui de l’écaflipette, et lui guérissait ses blessures en les absorbant. Ses forces l’abandonnaient rapidement, alors que ses côtes se cassaient violemment sous son torse…
Il ouvrit les yeux. La jeune femme avait cessé de trembler, et elle respirait avec plus de régularité. Il sourit. Elle ouvrit à son tour les yeux avec difficulté. Pendant un moment, il ressentit un bonheur revigorant lui emplir le cœur. Pourquoi était-il si heureux ? Ce n’était pas la première fois qu’il sauvait quelqu’un de la mort pourtant.
Puis il s’abandonna à l’épuisement, et à la nuit noire.








Lorsqu’il se réveilla, le soleil filtrait à travers les feuilles de bambou. Son corps tout entier était extrêmement douloureux. Mais il s’en accommoda rapidement. Il se massa le crâne, puis tâta le reste de son corps. Il senti une irrégularité sur la peau de son flan droit. Plusieurs os avaient été brisés. Une cicatrice barrait une bonne partie de son ventre et de sa cuisse. Curieux, il fit passer ses doigts dessus avec insistance, se demandant ce que pouvait faire une telle cicatrice ici, alors qu’il avait toujours mit un point d’honneur à garder un corps en pleine forme. D’ailleurs, il ne souvenait plus d’avoir campé ici la nuit dernière. Son instinct lui dit que quelque chose clochait vraiment…
Soudain il se rappela de tout. L’embuscade, le dragonnet, la cooleuvre, le don de vie…l’écaflipette ! Elle n’était plus là ! Il se leva précipitamment. Il se rendit alors compte qu’il était enroulé dans une couverture, et que les quelques blessures de sa récente bataille, son torse brisé, ainsi que les marques de griffures, avaient été bandées. Il comprit que la jeune guerrière, le trouvant inconscient, s’était à son tour occupée de lui.
Une odeur délicieuse lui vint tout à coup aux narines. Il avança prudemment vers le lieu d’où émanait le fumet. L’écaflipette était là, accroupie près d’un petit feu, où grillaient deux gros poissons et deux oiseaux. Il pu voir la véritable couleur de sa fourrure : rouge-brun foncé, comme une agate d’une pureté extrême. Elle lui tournait le dos, et donc ne l’avait pas vu. Salomon s’avança discrètement, et tenta d’ouvrir la conversation :
  • Heu…bonjour ?
La jeune femme fit un bond d’au moins trois mètres au-dessus du feu en poussant un cri de frayeur.
  • Je…je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur, s’excusa le sacrieur.
  • Ah bon ?!? Et bien c’est raté !! lui lança la féline avec un regard noir. Ça vous prend souvent de vous glisser comme ça derrière les gens ?
  • Hem…je suis désolé.
  • Ouais, j’ai comprit, c’est bon…dit l’écaflipette en se redressant.
Un silence gêné s’installa. Salomon ne savait pas quoi dire.
  • Vous m’avez sauvé la vie n’est-ce pas ?
La question posée était si directe que Salomon en fut décontenancé. Il senti son visage devenir un peu plus chaud.
  • Je…heu…oui.
L’écaflipette s’approcha de lui en baissant les yeux.
  • Merci, dit-elle simplement.
Salomon avait du mal à rester stoïque.
  • J’ai l’impression que vous avez prit soin de moi vous aussi, donc…
Son regard se posa quelques secondes sur la tunique raccommodée de la jeune femme qui lui faisait face. L’écaflipette la regarda à son tour, puis lui dit :
  • Ah oui, à ce propos…
Salomon s’apprêtait à s’excuser d’avoir abîmé ses vêtements, mais avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche, il se prit un coup de patte fantastique dans la tête. Le coup le surpris tellement qu’il tomba à la renverse.
  • ÇA NE VA PAS LA TÊTE !!! DE QUEL DROIT T’AS PU FAIRE UN TRUC PAREIL ESPECE DE MALADE ?!?
  • Mais…? Qu’est ce qui vous prend ? lui dit calmement Salomon en se relevant, sans avoir l’air plus choqué que ça.
  • Ah oui c’est vrai, les sacrieurs ressentent moins la douleur que les autres, on va remédier à ça, dit-elle avec un sourire sadique et en sortant ses griffes.
  • Arrêtez ! J’ai fait ça pour vous sauver la peau ! Vous auriez préféré y rester ou quoi ? lui envoya Salomon depuis derrière ses mains, qui tentaient de protéger son visage.
La guerrière se calma aussi soudainement qu’elle s’était énervée.
  • Comment ça ? demanda-t-elle avec un regard interrogateur.
  • Une cooleuvre venait de vous morde sous le…enfin bon, j’étais obligé de faire ça pour…vous sauver. Mais je vous jure que je n’y ai prit aucun plaisir, ajouta-t-il précipitamment, craignant une nouvelle baffe.
Elle parut gênée de cette situation. Elle rentra ses griffes, et Salomon fut certain que son visage devint encore plus sombre sous sa fourrure… Elle lui tourna le dos, et alla s’asseoir près du feu pour commencer à manger un poisson, sans un mot de plus. Salomon la regarda avec une curiosité et une incompréhension grandissante. La jeune écaflipette lui rendit son regard.
  • Comment tu t’appelles ? demanda-t-elle.
  • …Salomon.
  • Irmine. Viens manger Salomon, tu dois récupérer tes forces toi aussi.
Salomon obéit très sagement à cet ordre. Cela lui semblait bizarre d’obéir, car les ordres venaient bien souvent de lui d’habitude. Il prit un oiseau et s’assit pour le manger, à côté de sa compagne de fortune. Ils ne prononcèrent aucun autre mot pendant leur petit déjeuné.








  • C’est pas possible ! Où est ce qu’il a pu passer ? Il a quand même pas…
  • T’inquiète pas Pad, ton frère est un coriace, le rassura Kan, je suis sûr qu’il va bien.
La bataille était finie depuis plusieurs heures maintenant. Les brakmâriens avaient été plus nombreux que prévu, mais Salomon avait eu raison sur leur stratégie, et les bontariens postés à l’intérieur du village purent retenir les deux assauts coordonnés le temps que lui, Cléo et Padgref reviennent avec leur escouade d’élite pour prêter main forte.
Cependant, lorsque la première vague avait été stoppée, Salomon avait disparu du champ de bataille. Kan connaissait la règle, on ne s’occupait des disparus qu’après que la bataille soit totalement finie, ils avaient donc dû partir aussitôt après leur interception, mais le fait que Salomon ne soit toujours pas revenu commençait réellement à l’inquiéter. Il connaissait parfaitement les capacités extraordinaires de son ami, et ne l’avait jamais vu ployer sous les coups, aussi violents fussent-ils.
  • C’est décidé, je pars à sa recherche, il a dû lui arriver quelque chose, lança Padgref. La plupart de nos adversaires étaient des minables, mais il y avait un osa, un féca et une écaflipette qui étaient redoutable, j’en ai fait les frais.
Il montra les récentes marques de brûlure sur ses bras.
  • Pad, s’il te plaît, calme toi…soupira Kan.
  • Il faut y aller Kan.
Cléo venait d’arriver dans la conversation. Elle était allée se renseigner auprès des gardes de Terrdala sur les créatures dangereuses qui avaient été vues récemment autour du village.
  • Cléo ? Qu’est ce qu’il y a ? demanda le panda.
  • Il y a un pandore qui rôde, depuis peu, répondit gravement la xélorette.
Silence.
  • Si jamais Salomon est tombé dessus, il a probablement eu de très gros problèmes, ajouta-t-elle. Les pandores sont…
  • Merci Cléo, je sais très bien ce que sont les pandores ! l’interrompit Kan. Très bien, je vais venir avec toi Padgref.
  • Pas trop tôt ! répondit celui-ci. Cléo, tu viens aussi ?
  • Évidemment. Allez, dépêchons-nous.





Salomon enleva ses bandages avec précaution. Il n’y avait plus de traces de blessures, tout avait cicatrisé.
  • Pourquoi tu m’as aidée ? demanda une voix féminine derrière lui.
Salomon sursauta. Il se retourna vers l’écaflipette qui s’était glissée derrière lui.
  • Et bien, on peut dire que tu es directe !
  • Réponds-moi s’il te plaît. Pourquoi tu as sauvé une brakmârienne, une de tes ennemies ?
La jeune femme avait une mine sombre. Elle avait l’air de prendre sa question très au sérieux.
  • Donc tu sais que je suis bontarien…
  • On le voit au premier regard.
Salomon haussa un sourcil.
  • Ah bon ? Comment ?
  • T’as pas une seule cicatrice sur tout ton corps. Tous les sacrieurs de mon camp que je connaisse en sont cousus, et ils les exhibent fièrement.
Le jeune homme rougit aussitôt. Ce n’était pas le fait qu’il n’ait effectivement aucune cicatrice qui le gêna, mais plutôt le fait qu’elle ait utilisé l’expression « tout son corps », preuve qu’elle l’avait regardé sous…toutes les coutures.
  • Et toi alors ? Pourquoi tu as sauvé un bontarien ? lui renvoya-t-il en bégayant presque.
  • Moi c’est pas pareil. D’abord tu étais juste épuisé, pas en danger de mort, et puis ça aurait été très…ingrat de te laisser là après ce que tu as fait.
Là, Salomon ne savait pas quoi répondre. La raison en était simple, il ne savait pas lui-même pourquoi il avait fait cela. Il essaya de dire quelque chose mais, rien ne sorti de sa bouche. Il décida donc de tourner le dos à son interlocutrice.
  • Tu ne veux pas répondre ? Très bien, dans ce cas, on n’a plus qu’à se dire au re…

Salomon savait pourquoi elle n’avait pas fini sa phrase. Autour d’eux, trois voix, bien que encore lointaines, se rapprochaient, et semblaient les encercler.
  • Vous trouvez quelque chose ? cria l’une d’elle.
  • Pad, si je trouvais, je t’appellerais, alors arrête de demander toute les minutes…répondit une autre voix.
Salomon reconnut aussitôt la voix de son frère et de Kan. Et la troisième voix, plus timide, devait être celle de Cléo. La peur le prit. Il regarda la chatte derrière lui. Elle semblait en train de paniquer. Les voix se rapprochaient de trois directions différentes, et elle ne savait pas où fuir. Il fallut à Salomon seulement quelques secondes pour réagir. Il mit une main sur la bouche de l’écaflipette et lui chuchota à l’oreille :
  • Ne bouge surtout pas, ne fait pas un bruit, je vais te sortir de là.
  • Mmmhhmm !
  • Chut, surtout ne bouge pas. Je t’en supplie, fais-moi confiance.
Il retira sa main. La jeune femme le regarda droit dans les yeux. On y lisait la peur.
  • Pourquoi tu fais ça ?
Salomon ne lui répondit pas. Il fonça droit vers la forêt profonde, laissant derrière lui la guerrière terrifiée. Il courut jusqu’à une petite grotte, à quelques dizaines de mètres plus loin, mais très bien cachée par une grosse touffe de bambous nains, qu’il avait découverte trois jours auparavant. Il entra dedans, et son corps commença à briller intensément. Il n’avait jamais fait ça d’aussi loin, car il était obligé de voir sa cible pour changer de place avec elle, mais il ne pouvait pas abandonner cette écaflipette. Pas après le mal qu’il s’était donné pour la sauver. Pas après qu’elle se soit à son tour occupé de lui. Et de toute façon, il ne voulait pas qu’elle meure, quel que soit son camp, quoi qu’elle ait fait ou quoi qu’elle fasse par la suite. Il ne voulait pas…
Il ne pouvait pas la voir, mais il sentait tout de même sa présence. Tout son esprit était monopolisé par son effort. Il senti son énergie exploser, et un flash éclaira la grotte entière. L’instant d’après, il était de nouveau dans le petit sous-bois qu’il venait de quitter. Il se sentait beaucoup plus épuisé que d’habitude, lorsqu’il utilisait cette technique, sûrement à cause de la longue distance parcourue.
  • Hé ! Là bas ! hurla la voix la plus grave. Un flash ! Ce doit être lui !
En quelques secondes, un pandawa fit irruption dans la place, suivit de près par un autre sacrieur à la peau mate. Une xélorette arriva bientôt, en remettant en place une de ses bandelettes qui commençait à se détacher.
  • Salomon ! Tu vas bien ? dit Kan en se précipitant pour l’aider à se lever.
  • Frérot, on croyait que tu avais rencontré un pandore ! fit le sacrieur en allant aider le panda à porter Salomon.
La xélorette se contentait de le regarder mystérieusement. Kan commença à lui donner de petites baffes.
  • Hé ho ! Salomon, tu m’entends ?
Il se rendit compte qu’il n’avait rien dit depuis que ses amis l’avaient retrouvé.
  • Heu, oui, ne vous inquiétez pas, je vais bien…
  • Comment ça tu vas bien ? s’exclama Padgref. Pourquoi tu es resté dans cette forêt alors ? On s’est inquiété pour toi je te signale !
  • …désolé.
Ce fut tout ce que Salomon trouva à répondre. Il crut une seconde que son frère allait lui coller son poing sur la figure, mais Kan lança d’un air enjoué :
  • Bon ! On t’a retrouvé, donc tout est bien qui fini bien non ? On va fêter ça !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Un grand tube de bambou apparut dans sa main, et il en vida le contenu en une seule lampée.
  • Hé ! Laisse m’en un peu, j’ai rien bu depuis hier midi ! fit le sacrieur à la peau mate en retenant le bras de Kan.
  • QUOI ??? Mais c’est horrible ! lui répondit le pandawa, affolé.
Deux autres chopes de bambous apparurent dans ses mains, il en tendit une à l’assoiffé. Salomon remarqua alors quelque chose par terre. Un bracelet. Un bracelet en corde tout simple. Il le prit vite pendant que les deux soiffards vidaient leur bambou, et le mit dans sa sacoche en cuir.
  • Dites les fêtards, les interrompit la xélorette, ça vous intéresse de savoir ce qu’il s’est passé exactement ?
Les deux compères lâchèrent leurs chopes et se regardèrent en faisant la grimace. Salomon sourit :
  • Calme-toi Cléo, c’est pas grave, je vous raconterai ça au village.
Il aurait bien le temps d’inventer quelque chose sur le chemin. Les trois bontariens repartirent de bonne humeur vers Terrdala, pour fêter leur victoire de cette nuit. Sur le chemin, Salomon jetait de petits regards derrière lui, assez régulièrement. Il jura même avoir vu un éclair rouge-brun disparaître entre les bambous. Il n’arrêtait pas d’y penser, à cette belle fourrure…
  • Salomon ?
  • Hein ? Oui, quoi, qu’est ce qu’il y a Cléo ? répondit-il en se retournant vite.
La xélorette lui jetait un regard absolument indéfinissable. Salomon ne pouvait que soutenir ce regard, mais il se sentait vraiment de plus en plus mal à l’aise. Ce fut finalement elle qui baissa les yeux.
  • Non, rien…excuse-moi.
Salomon fut soulagé de ne pas devoir continuer la conversation. Il plongea discrètement la main dans sa sacoche, et prit entre ses doigts le bracelet de corde. Il sourit.
Prologue - partie II
Prologue (II)


Environ un mois et demi plus tard


Il n’aurait jamais dû essayer d’en attraper un vivant, c’était de la folie pure. Surtout en étant tout seul. Et voilà à quoi il en était réduit, à fuir devant une véritable armée de kitsous Nere, qui avaient apparemment une folle envie de le goûter.
Salomon courait à toute allure, mais les petites bêtes aux crocs pointus se déplaçaient avec beaucoup plus d’aisance que lui dans cette forêt. Il se retourna juste à temps pour en voir un sauter sur lui, ouvrant sa petite bouche pleine d’aiguilles. Le sacrieur fit un tour sur lui-même en pleine course, et ses katanas sifflèrent alors que les deux moitiés de kitsou tombaient sur le sol.
Il profita du fait que ses congénères se jetaient sur les morceaux pour prendre un peu d’avance. Mais il entendit bientôt les sifflements agressifs qui se rapprochaient de lui. Quelle idée aussi, d’aller à la chasse au kitsou seul !
Une douleur lui traversa le pied. Il venait de buter contre un rhizome qui dépassait du sol. Sa chute fut très brutale, et il glissa sur plusieurs mètres avant de s’arrêter contre un bambou. Il se releva avec peine. Les kitsous se ruaient sur lui. Il allait devoir les abattre tous s’il voulait s’en sortir.
Ses lames fusèrent de tous sens, tranchant les chairs aussi facilement que du beurre. Des centaines de petites dents se plantaient dans ses jambes, ses bras. Une masse grouillante de poils, de griffes et de crocs, le comprimait. Il commençait à avoir du mal à bouger. Un goût métallique emplit sa bouche, et il sentait un liquide poisseux couler le long de son corps. Il ne savait même pas si c’était son propre sang ou celui des kitsous. Peu importe. Il continua à trancher tout ce qu’il pouvait, mais ses coups commençaient à faiblir. Ses jambes pliaient sous le poids du nombre…


Soudain, il se senti allégé. Comme si les kitsous se retiraient et le laissaient tranquille. Son regard se porta autour de lui, et il remarqua alors plusieurs de ses attaquants sans vie, avec des…cartes à jouer plantées dans le corps. Salomon senti l’espoir renaître. Un écaflip venait l’aider ! Mais il avait beau regarder les environs, il n’y avait personne. Les kitsous, qui s’étaient interrompus, hérissèrent leurs poils et reportèrent leur attention sur le sacrieur, qui se remit aussitôt en position de garde.
Les kitsous s’apprêtèrent à bondir quand, venue de nulle part, une volée de cartes vint en faucher plusieurs dans leur élan. Avec un cri d’attaque, une écaflipette tomba depuis le feuillage des bambous en plein milieu des kitsous, qui s’aplatirent au sol comme pour se protéger. Elle maniait une étrange arme, comme une épée courte, mais tellement recourbée qu’elle ressemblait plus à une énorme griffe. Cette griffe cloua trois kitsous au sol avant même que Salomon ne réagisse. La guerrière fit plusieurs pirouettes arrière pour s’éloigner, puis une nouvelle volée de cartes mortelles vint prendre la vie des petites créatures à l’aspect inoffensif.
Les kitsous se retournèrent contre la nouvelle arrivante, montrant leurs crocs pointus comme pour l’avertir du danger qu’ils représentaient. Salomon profita de cet instant pour foncer droit dans la masse de poils, faisant siffler ses katanas à une vitesse étonnante. Les kitsous commencèrent à paniquer devant ce double assaut. Ils se mordaient entre eux, ne savaient plus où aller, où frapper. D’un côté, les lames tranchant os et chairs avec la même aisance, de l’autre, les cartes aux bords effilés et la griffe éventrant tout ce qui s’approchait.
Les petits animaux battirent en retraite en couinant, essayant par tous les moyens de s’échapper. Ils se dispersèrent entre les bambous, et la forêt redevint soudain silencieuse.
On entendait seulement la respiration rapide d’un sacrieur et d’une écaflipette, encore tout essoufflés.
Salomon rengaina ses katanas, qui émirent le même son cristallin que d’habitude.
  • Merci beaucoup mademoiselle, sans vous j’aurais eu du mal à…
Il se tu.
  • De rien, je déteste les kitsous, ce sont vraiment des sales b…MIAAARW ?!?
Ils n’en revenaient pas l’un comme l’autre.
  • QUOI ? C’EST TOI ! s’exclamèrent-ils exactement au même moment.
La fourrure rouge-brun sombre ne pouvait faire aucun doute.
Un sacrieur sans aucune cicatrice ? Ce n’était quand même pas…
  • Irmine !
  • Salomon !
Ils restèrent totalement figés, incapable de dire quoi que ce soit, trop ébahis de se rencontrer à nouveau. Ce fut finalement elle qui brisa le silence, d’une voix plutôt cassante :
  • C’est la deuxième fois que je te sauve la vie ! Tu devrais te faire des vrais amis qui t’empêcheraient de faire des âneries et qui te tiendraient par la main !
Salomon en fut estomaqué.
  • Non mais ho ! Moi aussi je t’ai sauvé la vie deux fois. Et tu m’as dit toi-même que la première fois je n’étais pas en danger de mort, ajouta-t-il en croisant les bras avec un sourire moqueur.
  • Ne commence pas à jouer sur les mots ! Je te signal que…oh et puis zut, puisque tu crois pouvoir te débrouiller tout seul, je m’en vais, fit elle en relevant dédaigneusement le museau.
Le sacrieur allait riposter, mais il se souvint soudain de quelque chose. L’écaflipette allait bondir dans l’arbre le plus proche quand il lui cria :
  • Irmine attend !
La jeune guerrière stoppa son mouvement.
  • Quoi !
  • J’ai…j’ai quelque chose qui t’appartient, enfin je crois.
L’attitude de l’écaflipette changea aussitôt. Son visage prit une totale expression de stupéfaction lorsque Salomon s’avança vers elle, un simple bracelet en corde à la main. Il lui montra le bracelet :
  • C’est bien à toi ?
Irmine prit délicatement le bracelet dans ses doigts griffus, son visage ne reflétant toujours qu’une stupéfaction absolue. Elle le glissa doucement à son poignet, le touchant à peine, comme si le bracelet était un objet sacré. Elle regarda le sacrieur avec des yeux pleins de…de il-ne-savait-pas-quoi.
  • Où l’as-tu trouvé ?
  • Et bien, là où on a, hem…passé la nuit la dernière fois, après que JE t’ai sauvé la vie en t’envoyant dans cette grotte.
Il regretta ses paroles au moment même où elles sortirent de sa bouche, croyant avoir fait une fois de plus une belle gaffe. Mais l’écaflipette ne fit même pas attention au ton de sa phrase.
  • Et tu l’as gardé ? Tu ne l’as pas jeté ?
Le sacrieur commençait à se sentir mal à l’aise.
  • Non, je ne l’ai pas jeté, puisque je viens de te le rend…
L’écaflipette venait de se jeter à son cou, le coupant net dans sa phrase. Elle le serrait le plus fort qu’elle pouvait dans ses bras recouvert de sa douce fourrure. Salomon s’empourpra aussitôt. La dernière fois qu’il avait senti sa fourrure d’aussi près…
Il s’empourpra encore plus.
Lorsque Irmine desserra son étreinte, des larmes humidifiaient les poils de son visage. Elle s’adressa au sacrieur en reniflant.
  • Merci… (snirfl) de l’avoir gardé aussi longtemps… (snouf). Ce bracelet est…il est…très important pour moi et… (snif) merci, merci beaucoup…
Elle serra son poignet contre sa joue, et renifla son bracelet en pleurant.
Salomon était complètement dans les choux. Il n’aurait jamais pensé revoir cette écaflipette, et encore moins devoir faire face à une telle situation. Il ne savait pas du tout comment réagir, jamais il n’avait eu à consoler une femme triste. Il fit la première chose qui lui passa par l’esprit et la serra à son tour dans ses bras.
  • Heu…allez, t’inquiète pas, ça va aller, dit-il hésitant.
Irmine ne se dégagea pas. Elle resta appuyée contre l’épaule du sacrieur, en reniflant doucement. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes silencieuses qu’elle se retira, les poils des joues encore humides.
  • Bon…je dois y aller, dit-elle. J’espère…qu’on se reverra.
Salomon ne dit rien. Il semblait perdu dans ses pensées. La chatte n’insista pas. Elle s’apprêtait une fois de plus à repartir lorsque Salomon reprit ses esprits.
  • Irmine attend !
Cette fois, elle se retourna sans aucune agressivité, elle souriait presque. Salomon hésita un moment. Puis il se décida :
  • Je t’offre un verre ?





Pendant les semaines qui suivirent, les deux compagnons oublièrent totalement leurs différences d’intérêts liées à leurs alignements. Il ne se passait pas un jour sans qu’ils ne combattent ensemble un ennemi un peu trop coriace. Leurs talents au combat étaient assez impressionnants et il y avait peu de créatures capables de résister à leurs assauts simultanés. Mais il ne se passait pas non plus un jour sans qu’ils partagent un repas en discutant, ou qu’ils rient de bon cœur autour d’une chope de bière dans une taverne.
En peu de temps, ils devinrent très proches, bien plus que le sont deux simples amis.
Et puis un jour…




  • Salomon, arrête de t’agiter ! chuchota Kan à son oreille.
  • Facile à dire, je suis complètement écrasé !
  • N’exagère pas non plus, ce n’est pas si terrible.
  • Viens à ma place, on verra qui rigolera le plus.
  • J’y ai été, je te rappelle…je pense plutôt que tu meurs de trouille ! Je me trompe ?
  • Haha ! J’en étais sûr ! Tu veux une bonne lampée de biè… ?
  • NON ! Surtout pas, pas aujourd’hui.
Le silence se fit. Aucun des deux ne parlait. On sentait une tension incroyable dans l’atmosphère. Soudain, Salomon sursauta. Un enutrof à l’air tout joyeux, avec un haut de forme noir qui s’accordait magnifiquement mal avec sa barbe grise, leur faisait signe d’avancer. Salomon déglutit difficilement, ce qui fit pouffer son ami.
Il commença à marcher. Un pas devant l’autre. Chaque pas lui semblait plus long et plus épuisant que n’importe quel marathon. L’enutrof tout rabougri poussa une lourde porte, et des odeurs et une musique uniques parvinrent à son nez et ses oreilles. Cela sentait les fleurs, le tissu neuf. La musique…il avait longtemps pensé qu’il ne l’entendrait jamais.
« Pom, pom popooooooom… ».
Tous ses amis étaient là, ils le regardaient avancer. Certains lui souriaient, d’autres pleuraient comme des madeleines. Il vit Cléo, assise au troisième banc, avec les bandelettes de son visage toutes humides. Salomon sourit. Il n’aurait jamais cru voir Cléo pleurer un jour…
Il y avait aussi des gens qu’il ne connaissait pas du tout. Un en particulier ne lui sembla pas avenant du tout. Un iop déjà grisonnant à l’air renfrogné, mais encore une véritable montagne de muscles. A ses côtés, une petite eniripsa lui tapait sur la main d’un air sévère, semblant lui faire la morale et lui demander d’être « un peu souriant quand même, vieux schnock ».
Son haut de forme à lui manqua de tomber lorsqu’il se prit un coin de tapis. Il détestait ces chaussures, elles lui faisaient mal aux pieds et n’étaient pas pratique du tout pour marcher. Heureusement, Kan était à ses côtés, et le remit en place lui et son chapeau avant même que quelqu’un ne s’aperçoive de quoique ce soit.
« Merci », chuchota-t-il à son ami.
« Je ferais n’importe quoi pour te voir monter les marches avec ces chaussures » répondit le panda avec malice. Salomon lui jeta un regard glacial.
Il arrivait au pied du dit escalier, et pria de toutes ses forces sa déesse de ne pas avoir une soudaine envie de le faire se rétamer.
Il monta la première marche. Sa respiration se coupa.
Deuxième marche. Son cœur s’accéléra.
Troisième marche…son souffle revint.
Il était enfin face au prêtre. Trois marches, trois malheureuses marches. Une pyramide avec ces maudites chaussures.
Le prêtre commença à parler. Il ne comprit rien du tout. Il s’entendit répondre « oui, je le jure » à plusieurs reprises, mais sans vraiment avoir entendu la question.
Tout ce qui importait, c’était la personne à côté de lui. C’était sa fourrure sombre, sa robe blanche, son bouquet de roses…Rien d’autre ne comptait.
  • Salomon Demoël, Irmine Hergriffe, vous êtes à présent mari et femme devant les tout-puissants Ecaflip et Sacrieur !
Salomon se raidit à ces mots. Le prêtre sourit et se tourna vers lui, la mine guillerette.
  • Vous pouvez embrasser la mariée.
Le jeune bontarien souleva le voile recouvrant la tête de son aimée. Il lui jeta un regard plein de reproches.
  • Pourquoi tu m’as obligé à porter ce costume ridicule ? lui chuchota-t-il.
  • Parce que je t’adore quand tu rougis, répondit-elle en souriant.
Ils s’embrassèrent avec passion. La foule explosa de joie. Salomon souleva sa femme du sol tant il était heureux de lui donner ce baiser. Lorsqu’il la reposa, tout le monde hurlait de joie, ou bien pleurait comme une madeleine. Cléo, exception à la règle comme toujours, faisait les deux à la fois. Salomon vit la masse de muscles de tout à l’heure serrer sa petite femme dans ses bras et pleurer de grosses larmes à ses côtés, donnant à l’ensemble un aspect parfaitement grotesque. Il prit sa propre femme dans ses bras, et couru vers la sortie sous les acclamations. Elle en profita pour jeter son bouquet de roses dans la foule. Salomon cru voir plusieurs filles se précipiter dessus en se frappant les unes sur les autres, mais fut par contre certain de voir et d’entendre sa femme pouffer de rire en les voyant se castagner comme des folles.
Un engin volant les attendait à l’extérieur. Kan avait fait très fort pour faire venir un transporteur brigandin jusqu’ici. Il monta à l’intérieur avec sa femme. Le vaisseau qu’il avait pourtant souvent emprunté avait été arrangé cette fois, des coussins rouges en forme de cœur y étaient déposés, et les rideaux de tissu beige avaient été remplacés par de belles dentelles blanches et roses. C’était tellement gnangnan que Salomon fut tenté de ressortir le plus vite possible, mais sa femme le tira de force en riant.
  • On va où les tourtereaux ? demanda le pilote.
  • À l’auberge du...commença Irmine.
  • Ici, à cet endroit, l’interrompit Salomon en lui tendant une petite carte de la région.
  • Ça marche !
Le pilote ferma un panneau de bois (nouveau aussi songea le sacrieur), et le vaisseau commença à vibrer.
  • Salomon ? Où on va ? demanda la jeune femme avec un regard interrogateur.
  • Chez nous, répondit-il simplement.
Irmine cru ne pas comprendre. Puis son visage s’illumina. Elle se jeta au cou de son mari et le serra aussi fort qu’elle le pouvait.
  • Pourquoi tu ne m’as rien dit ! Espèce d’idiot !
  • Ben…j’adore faire des surprises, tu le sais bien.
Salomon se dégagea de sa femme.
  • D’ailleurs, le voyage va être long.
  • Et alors ? demanda-t-elle avec un regard nettement moins interrogateur cette fois.
Elle lui caressa le torse avec le bout de sa queue, remontant jusqu’au menton.
  • Et bien…je trouve que ta robe et mon smoking (qui par ailleurs me gratte), nous vont très mal. Pas toi ?
Irmine sourit en rapprochant son visage du sien.
  • Si…je la déteste.



Ainsi fut célébrée la première union entre un bontarien et une brakmârienne, bien que personne ne le su. Comme on peut le prévoir, de leur union naquit bientôt un premier enfant, une petite fille, qu’ils appelèrent Ecarlia. Cette petite fille avait hérité beaucoup de son père, et un peu de sa mère. Quatre ans plus tard, un nouvel enfant vit le jour. Le petit garçon fut baptisé Cimon. C’est là que l’histoire de deux personnes s’achève, et que l’histoire de deux autres débute…
Chapitre I
Chapitre I




  • Ecarlia ! Reviens à côté de papa, il y a des abraknydes dans cette forêt !
La petite fille s’arrêta de courir, et lança un regard curieux à son père.
  • C’est koua ?
  • Ce sont des arbres qui bougent et qui enlèvent les enfants…qui ne sont pas sages !
La dénommée Ecarlia se mit à pouffer d’un petit rire mélodieux d’enfant.
  • Hi hi, ça s’peut même pas, menteur.
  • Si, « ça s’peut ». Et de toute façon tu m’as promis d’être bien sage si papa t’emmenais avec lui. Alors reste bien derrière.
La petite sacrieur revint derrière son père en faisant la tête et en soupirant sans retenue. Elle pensait qu’aller couper du bois avec lui serait encore plus rigolo que d’aller jouer avec ses amis à la chasse aux craqueleurs, mais en fait elle commençait déjà à s’ennuyer.




Salomon était bien plus stressé que d’habitude. L’atmosphère, aujourd’hui, était étrangement tendue. Pas un seul tofu ne chantait, pas un seul prespic ne passait devant eux pour observer en vitesse les deux créatures inhabituelles qui traversaient leur territoire. La forêt qu’il connaissait par cœur avait aujourd’hui quelque chose de différent. Elle lui semblait étrangère, hostile, et presque effrayante.
Il se ressaisit.
Cette anxiété, il le savait très bien, était liée à ce qui allait se passer demain. Il avait une réunion, à Bonta. Une réunion de la plus haute importance. Une réunion…dangereuse.
Il s’arrêta de marcher, et regarda sa petite fille courir en riant après un magnifique papillon. Son cœur s’emplit de bonheur à cette vue. En rencontrant cette écaflipette, un soir de bataille comme les autres, et en la sauvant, il se rendit compte qu’il avait tout gagné. Lui, le sacrieur nomade et solitaire, qui ne vivait que pour le combat et le danger, qui n’avait pour seul famille qu’un frère tout aussi indépendant que lui qu’il ne voyait que lors des attaques ou des défenses de villages ; il avait maintenant une maison, une femme, une petite fille et un petit garçon. Son attirance pour le combat et le risque de la mort à chaque instant l’avait quitté, depuis qu’il avait une descendance. Plus grand-chose ne comptait à ses yeux que sa famille, et ce n’était que par pure obligation qu’il allait de temps à autres auprès des bontariens pour combattre.


Mais ces réunions…


Ces réunions étaient des risques majeurs, bien pires que le risque de mourir en héros au combat, ou anonymement face à un adversaire trop fort. Elles exposaient sa nouvelle vie au danger. Au danger d’être découverte.
Car même si de très nombreuses personnes connaissaient l’existence de ce mariage, seules deux personnes, en plus d’eux même, connaissaient les véritables identités de Salomon et d’Irmine Hergriffe.


Salomon, héros bontarien, général et tacticien hors pairs et combattant redoutable, ayant maintes fois fait échouer les attaques brakmâriennes sur les villages alignés.
Irmine, sentinelle brakmârienne, combattante elle aussi redoutable, meneuse du dernier raid contre Bonta, qui est arrivé jusqu’à la tour des ordres avant d’être repoussé in extremis.
Seules deux personnes connaissaient la vérité sur ce couple. Deux personnes en qui lui, et sa femme, avaient une confiance absolue.
Mais bien que le secret de leur union soit en apparence parfaitement gardé, à chacune de ces réunions, il avait peur. Il avait peur d’entendre « nous savons où elle se cache ! Il faut aller la supprimer ! ». Il avait peur d’entendre « Traître ! Nous connaissons la vérité, toi et ta famille allez en subir les conséquences ! ». Il avait peur que tout s’écroule. Que tout n’aie jamais été que voué à l’échec. Que tout disparaisse.
  • Hiiiiiiii ! PAPA !
Le cri le sorti de sa contemplation. Sa fille n’était plus derrière lui. Il ne la voyait plus. Elle n’était plus là ! Il commença à paniquer. Pourquoi l’avoir emmenée ? Pourquoi ? Il savait qu’il faisait une bêtise pourtant mais…il aimait tellement sa fille…
  • ECARLIA ! OÙ TU ES ?!?
  • PAPAAAAA !
Elle n’était pas loin. À peine quelques mètres dans les fourrés. Il fonça sans réfléchir. Sa fille…sa fille chérie…elle était en danger !
Il la trouva par terre, comme si elle était tombée en fuyant, et elle regardait quelque chose devant elle. Il regarda à son tour et vit, deux mètre plus loin…


Une arackne.
Une arackne terrifiée par ce bruit, qui n’osait même plus bouger de son tronc d’arbre.
Salomon inspira profondément, puis souffla de soulagement. Il fut d’abord en colère, mais en voyant sa petite fille terrifiée, son envie fut plutôt de rire. Il s’avança vers la pauvre petite bête, la prit dans ses mains, et la jeta au loin.
  • Laisse ma fille tranquille créature assoiffée de sang ! dit-il pour marquer le coup.
Il se retourna vers sa fille.
  • Maintenant que tu as vu qu’il y avait d’horribles monstres dans cette forêt, tu vas rester derrière papa et…
Quelque chose clochait. Sa fille n’allait pas mieux du tout. Elle le pointait du doigt en gémissant.
Non. Ce n’était pas lui qu’elle regardait.
  • PAPAA !
Il fit un bond côté, juste à temps pour voir une épée rouillée mais encore tranchante s’enfoncer dans le sol, à l’endroit exact où il se trouvait une fraction de seconde auparavant. Il fit un roulé-boulé pour se retourner et voir son agresseur.
Un squelette.
Pas un sram, un véritable squelette, portant un casque, un bouclier, un plastron, une cape, et surtout une épée longue. Un ancien guerrier, mort au combat.


Un chafer ??? Dans la forêt ? Mais qu’est ce que cette créature faisait là ?
Salomon n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps. Le monstre venait de reporter son attention sur sa fille, qui n’osait plus bouger. Les jambes de Salomon le propulsèrent dans la direction de sa fille. Il l’emporta dans son élan, à peine une seconde avant que l’épée ne s’abatte à nouveau. Le chafer eu l’air d’être étonné par la disparition de ses cibles un instant avant qu’elles ne soient transpercées. Il regarda bêtement son épée, comme s’il s’attendait à ce qu’elle soit défaillante.
Salomon profita de cet instant pour prendre sa fille sanglotante sans ses bras et pour foncer sur le chemin, en terrain espacé. Là, il déposa son enfant par terre, en lui donnant un baiser sur le front, et en lui disant, de sa voix la plus calme et douce possible :
  • Ne t’inquiète pas ma chérie. Ne bouge pas de là, papa va s’en occuper. D’accord ? Ne bouge pas.
La petite sacrieur hocha la tête en reniflant.
Salomon se redressa. Déjà, la créature infernale sortait des fourrés, et le regardait de ses orbites vides. Salomon se rua sur elle. Le chafer leva son épée, prêt à donner un coup circulaire. Mais au moment où le bras d’os commença son mouvement, le sacrieur en pleine course fit un demi-tour sur lui-même et donna une impulsion au sol avec son pied gauche.
Il s’éleva au-dessus de la lame rouillée, qui faucha l’air à mi-hauteur, et profita de sa rotation pour frapper le crâne du monstre de son pied droit.
L’impact fut terrible, aussi bien pour le chafer que pour le sacrieur.
Salomon senti un os de son pied se briser sur le crâne incroyablement dur. Mais il senti aussi le crâne exploser sous la puissance du coup.
Le chafer fut propulsé à une vitesse démente dans les broussailles, et disparu dans la végétation. Salomon attendit. Plus aucun mouvement. Il se détendit progressivement.


Il entendit une petite course derrière lui, puis quelque chose le percuta et l’enserra faiblement, et recommença à pleurer. Il prit son enfant dans ses bras. Sans un mot, il lui caressa les cheveux, et appuya sa petite tête contre son épaule. Il respira profondément, et se calma lui aussi de l’une des plus grandes peurs qu’il eut jamais eu. Son pied était douloureux, mais il s’en fichait éperdument. Seul ce petit être qui mouillait son épaule comptait.
Au bout de quelques minutes, il la reposa par terre, et lui dit en souriant :
  • Allez, c’est fini, on rentre à la maison.

Ils s’apprêtaient à repartir, mais Salomon s’arrêta. Un bruit de métal l’en empêcha. Il regarda sur sa gauche, là où le chafer avait disparu. Le squelette en armure donnait de grands coups de son épée pour se frayer un chemin dans la végétation. Son crâne était à moitié défoncé, mais cela avait semblé le mettre plus en colère qu’autre chose. Salomon se rua une fois de plus sur lui. Ses pieds voltigèrent à toute vitesse, mais le chafer avait l’air être plongé dans une frénésie meurtrière, et évitait les coups avec une agilité surprenante. Salomon senti plusieurs fois la lame rouillée lui entailler les flans. Il encaissait et attendait patiemment…une erreur, une seule.
Le chafer la fit. Salomon fit semblant de se mettre à genoux devant lui, feignant d’être gravement blessé. Le chafer leva son arme au-dessus de sa tête, voulant achever son adversaire d’un seul coup. Mais au moment où il frappa, Salomon plongea sur le côté. La lame se planta dans la terre. C’était maintenant ou jamais. Le sacrieur se releva d’un seul bond, et donna un coup vertical avec sa jambe entière. Les deux bras du chafer explosèrent au niveau du radius et du cubitus, laissant son épée coincée dans la terre, les deux avant bras cassés pendant mollement dans le vide, accrochés à la poignée. Salomon leva son poing en direction de ce qui restait du crâne du chafer qui ne bougeait même plus, complètement hébété par ce qu’il venait de se passer.
  • PAPAAAA !
Il se retourna. Là, juste derrière sa fille, un autre chafer s’était sournoisement glissé pendant qu’il était aux prises avec le premier, et levait déjà son arme vers son enfant. Salomon senti son cœur s’arrêter de battre.
  • Nooooon !!!
Un flash. Le squelette abattit son épée…et fendit la moitié de crâne de son congénère mutilé. Il se demanda ce qu’il s’était passé, mais n’eut pas le temps d’y songer longtemps. Salomon le chargea, une lueur de fureur dans les yeux. Il senti son énergie se concentrer dans ses poings, les faisant vibrer de puissance. Il frappa. Les os du chafer éclatèrent tous en même temps, dans une déflagration assourdissante.
Le silence se fit.
Salomon se releva, essoufflé. Il n’aimait pas utiliser cette technique. Elle l’épuisait, même si elle signifiait souvent la mort de ses ennemis. Il se retourna vers sa fille. Elle se cachait les oreilles, et fermait les yeux. Il s’approcha d’elle doucement.
  • Ecarlia. C’est bon, tu peux ouvrir les yeux ma chérie, c’est fini.
La petite fille ne bougea pas. Salomon la souleva et la mit sur ses épaules.
  • Hé ! Faut ouvrir les yeux, sinon je vais me cogner dans les arbres ! lui dit-il en riant.
Il ferma lui-même les yeux, et commença à avancer par petits pas. Il les entrouvrit tout de même légèrement pour voir où il allait, et se dirigea volontairement vers un arbre.
  • Non papa, pas là !
Salomon pouffa de rire.
  • OK, par où ?
  • Par là.
Il n’avait bien sûr pas vu quelle direction lui montrait sa fille, mais se redirigea de lui-même vers le chemin, en faisant semblant de fermer les yeux.
  • Tu me dis bien où on va hein ?
  • Ouiii !
Et ils avancèrent en riant et en titubant sur le chemin du retour. Salomon senti quelque chose lui rentrer dans l’oreille, puis lui chatouiller le nez.
  • Petite coquine, c’est pas juste ! Moi je ne peux pas me défendre contre ça ! lui fit son père en remuant la tête de droite à gauche.
La petite sacrieur lui refit entendre son rire cristallin, alors qu’elle embêtait son père avec le bout de sa queue recouverte d’une fourrure rouge-brun. Salomon se sentait bien. Il ne se demandait même plus ce que des chafers faisaient dans la forêt. Il était juste heureux.






« C’est bien lui ? », fit une voix grave et sombre, presque gutturale.
« Ce…ça ne fait aucun doute selon moi mais… » répondit une autre voix tremblotante.
« Très bien. Ton travail s’arrête là. » coupa la première. « Dans ce cas…c’est à toi de jouer. »
Une silhouette sombre sortit de derrière un arbre.
« Oui…maître ». Cette voix-là était vide de tout sentiment. Ni peur, ni haine, ni cruauté.
« Pi…pitié…s’il vous plaît…vous m’avez…promit… » fit la voix tremblotante.
« Va-t’en, misérable. Fui. Avant que je ne change d’avis. »
Une petite forme s’éclipsa à toute vitesse dans les buissons.
« Tu vois ? La force ne sert parfois à rien. Il suffit de se servir de la lâcheté de certains pour arriver à ses fins. Je n’ai même pas eu besoin de menacer cette vermine » dit la voix sombre d’un ton amusé, en semblant s’adresser à la silhouette.
Aucune réponse.
« Bien, si tu ne veux pas répondre, c’est ton choix… ». La personne à qui appartenait la première voix s’avança un peu à la lumière. Sa silhouette était encore plus noire que celle qui était restée dans l’ombre. L’homme eu un rire mauvais.
« Hu hu hu…la nuit promet d’être…mouvementée ».
Ca viendra ! Ca viendra !
Hop, vla le premier chapitre pour le (ou la ?) seul(e) qui m'ait répondu positivement

Je sais que je devrais pas être trop impatiente que mon histoire soit connue, mais à ceux et celles à qui elle plaît, n'hésitez surtout pas à m'écrire pour m'ordonner de continuer, histoire que je devienne pas feignante de mes doigts (hé oui, je suis de ces personnes qu'il faut bousculer assez souvent pour qu'elles se bougent le c...bas du dos !) ; et surtout parlez-en aux gens à qui elle serait susceptible de plaire, mon seul but étant, à la manière d'une très grosse clope, de faire le plus d'accros possibles !

Sur ce, yabada yopla boum

*pfouf*

(disparition inexpliquée dans un nuage de fumée).
chapter two !
merci beaucoup à toi, xervicus pour tes messages d'encouragement, ça fait vraiment chaud au coeur
rien que pour toi, le chapitre II ! Un chapitre extrêmement important, et c'est facile de comprendre pourquoi...Je laisse vos yeux découvrir tout ça


Chapitre II


L’après-midi était déjà bien avancé lorsque Salomon, sa fille endormie sur les épaules, épuisée par les nombreuses émotions, vit enfin la fumée qui s’échappait de la cheminée de sa maison. La chaumière, à la lisière de la forêt d’Amakna, avait un toit en paille et en boue de Boo. Cette boue très solide et ininflammable était particulièrement prisée dans le mobilier, car en plus du fait qu’elle était ignifugée, elle était un excellent isolant, répandait une odeur d’herbe fraîchement coupée et ne se changeait pas en morceaux à la moindre chaleur, ni en flaque à la moindre pluie.
Les murs viraient plutôt sur le beige. Ils étaient en pierre de craqueleur des plaines, l’une des pierres les plus résistantes, les plus légères et les plus esthétiques qui soient. Il y avait une petite terrasse dallée, à l’entrée de la maison, où lui et sa famille pouvaient sortir prendre le soleil lorsque le temps se réchauffait.


Salomon avait pu acheter cette petite merveille quelques jours seulement avant son mariage. Il avait mené une vie de nomade, de combattant solitaire, pendant tant d’années, que sans qu’il s’en aperçoive vraiment, il avait amassé une petite fortune personnelle en revendant ses nombreux butins et objets rares dont il n’avait pas l’utilité. C’est grâce à cela qu’il avait pu emmener sa femme dans ce coin de paradis, à l’abri de la plupart des regards, et surtout loin de Bonta, Brakmâr et de leurs chamailleries incessantes pour le pouvoir.


Salomon entra dans sa maison, après s’être soigneusement essuyé les pieds (Irmine ne plaisantait pas sur la propreté).
  • Il y a quelqu’un ? appela-t-il.
Des pleurs lui répondirent aussitôt. Une xélorette sorti de la pièce d’à côté, un petit paquet dans les bras, et l’air vraiment pas contente du tout.
  • Hem…salut Cléo, lui dit-il avec un sourire forcé.
  • C’est malin, il s’endormait et tu lui as fait peur ! lui envoya-t-elle à travers ses bandelettes.
Salomon soupira.
  • Argh…soit sympa s’il te plait, la journée a été difficile.
Cléo le regarda sévèrement, puis remarqua les entailles déjà cicatrisées de ses flans et son pied enflé.
  • Qu’est ce qui s’est passé ? lui demanda-t-elle avec une lueur d’inquiétude dans le regard.
  • Je te raconterai ça quand Irmine sera rentrée…en attendant (sa voix devint plus douce) on se réveille là haut !
Il secoua lentement ses épaules, et la petite fille qui y était perchée ouvrit les yeux. Elle regarda mollement autour d’elle, puis ses yeux se posèrent sur la petite femme enroulée dans du papier devant elle, et elle se réveilla pour de bon.
  • Tati !
Elle commença à s’agiter, et Salomon la déposa par terre. Il fit un « échange » avec son amie et pendant qu’elle essayait de résister aux assauts de bisous de la petite, Salomon prit le paquet, qui ne pleurait plus, dans ses bras.
Un chaton, les yeux encore fermés, s’y trouvait, et remuait doucement en poussant de tout petits couinements. Sa fourrure était blanche, mais le bout de ses oreilles et de ses minuscules pattes commençait à virer au rouge-brun, en formant des motifs complexes. Il avait également une sorte de larme rouge, sous l’œil droit.
Salomon lui caressa tendrement la tête avec le dos de son doigt.
  • Coucou Cimon, lui chuchota-t-il. Je suis content que mon arrivée t’ait fait autant plaisir.
  • Ne lui en veut pas trop quand même, lui dit Cléo, qui avait réussi à se libérer de la sacrieur miniature en lui donnant un de ces petits jouets qui bougeaient tout seul lorsqu’on remontait une clé dans leur dos, et dont seuls les xélors avaient le secret. Il vient de boire son lailait et s’endormait quand tu es rentré.
Salomon continua à caresser le petit être, jusqu’à ce qu’il s’endorme à nouveau profondément dans ses bras. La xélorette soupira.
  • C’est pas possible…comment tu fais ? Moi il m’a fallu un quart d’heure pour réussir à avoir ce résultat.
Le sacrieur lui sourit, ne sachant pas réellement quoi répondre.
  • Tu sais Cléo, je ne te remercierai jamais assez pour avoir accepté d’être leur marraine, à tous les deux, fini-t-il par dire à l’encontre de son amie.
Cléo prit une expression énigmatique, et détourna ses yeux.
  • Hé hé…j’ai toujours su, depuis qu’on t’a retrouvé dans la forêt de bambou ce jour-là, qu’il y avait quelque chose qui clochait chez toi depuis la nuit passée, lui avoua-t-elle.
Salomon la regarda avec un air ahuri. Décidément, cette xélorette le surprendrait toujours.
  • Du coup j’ai eu tout le temps pour me préparer à cette éventualité.
Le sacrieur se prépara à ajouter quelque chose, mais la porte s’ouvrit de nouveau, et Irmine entra en un grand fracas, en lançant joyeusement :
  • Coucou tout le monde, je suis rentrée !
Le chaton se mit aussitôt à s’agiter en poussant des couinements d’impatience. Salomon fit la moue.
  • Hé ! Moi il a pleuré quand je suis rentré !
  • C’est parce que MOI, je suis sa maman et que TOI, t’es un homme donc un rustre, répondit l’écaflipette en riant.
Salomon lui donna le bébé remuant, et en profita pour embrasser tendrement sa femme. Il la débarrassa de son sac, qui contenait sa chasse de la journée, et l’emmena dans la cuisine, pour commencer à préparer le repas.






  • C’était excellent Salomon, tu t’es encore surpassé, le félicita la xélorette en s’affaissant sur sa chaise.
  • Mouais…il s’est surpassé avec la viande que j’AI ramenée, fit Irmine en se curant les dents avec une de ses griffes.
  • La viande que TU as ramenée et que TU aurais fait brûler en quelques minutes si je n’avais pas été là, répondit celui-ci.
Le coup de pied qu’il se prit, censé être discret, fit vibrer toute la table et lui fit monter la larme à l’œil.
  • Irmine, commença Cléo en prenant la défense du pauvre sacrieur, il faut avouer que ta cuisine est une arme à part entière. Pourquoi tu ne demandes pas à Salomon de t’apprendre les bases ?
  • J’ai déjà essayé, mais ce qu’elle a réussi à faire n’était pas mangeable. On a tout mis dehors et le lendemain, il y avait un sanglier mort devant les restes, plaisanta le sacrieur.
La table vibra de nouveau, accompagnée d’un nouveau « ouille ! ». Tout ce que trouva la xélorette à faire, fut de soupirer en souriant tandis que Salomon se massait les tibias, le visage grimaçant.
  • Pourquoi je m’embêterais à apprendre alors qu’il se débrouille très bien ? Un seul cuisinier ça suffit largement, dit Irmine en serrant contre elle le bras de son époux avec un sourire tellement grand qu’il en paraissait bien plus qu’ironique.
Salomon, prit d’un soudain éclair de sagesse, et terrifié à l’idée d’un autre coup de pied mieux placé, préféra ne faire aucun commentaire.
  • Si tu le dis…répondit Cléo.

Elle reporta alors son regard sur Salomon. Irmine l’imita. Celui-ci en était encore à se frotter les jambes lorsqu’il remarqua que les yeux des deux femmes étaient braqués sur lui. Il se redressa, soudainement très inquiet de ce changement d’attitude qui semblait avoir pour unique source lui-même.
  • Quoi ? fit il hésitant. Qu’est ce que j’ai dit ?

Il se rendit alors compte que ce n’était pas LUI qu’elles observaient, mais plutôt les restes des entailles qui transparaissaient encore sur son corps. Il pensait que Irmine n’avait pas vraiment remarqué, et que Cléo les avait oubliées. Force lui fut de constater qu’il s’était une fois de plus trompé sur les femmes et leur comportement. Il ne pu cependant s’empêcher d’être admiratif devant leur capacité incroyable à changer de sujet.
  • Ecarlia, tu veux bien monter dans ta chambre s’il te plaît ? Il faut qu’on discute de choses importantes…dit-il à sa fille.
Elle lui fit aussitôt ses yeux de chien battu, comme il le craignait toujours lorsqu’il lui demandait quelque chose qui ne lui plaisait pas vraiment. Cette technique millénaire utilisée par tous les enfants de ce monde et par tous les autres enfants de tous les autres mondes marchait d’ailleurs à la perfection sur Salomon. Heureusement (ou malheureusement) pour lui, Cléo arriva à la rescousse. Elle sortit d’on ne sait où un autre petit automate, et le donna à la fillette. Son sourire revint aussitôt, et elle quitta la table sans demander son reste, trop pressée d’essayer ce nouveau jouet. Salomon grimaça. Il n’avait pas d’autre choix que de tout raconter.




Lorsqu’il eut fini son récit, aucune des deux femmes n’avait dit un seul mot. Elles semblaient complètement ahuries par ce qu’elles venaient d’apprendre, mais surtout elles semblaient douteuses.
  • Qu’est-ce que viendraient faire des chafers dans la forêt ? lui demanda Irmine. On n’en avait jamais vu avant, ils ne fréquentent que les cimetières ou les anciens champs de bataille. Enfin…tout ce qui est morbide d’une façon ou d’une autre.
  • J’en sais rien du tout moi, se défendit Salomon. Je te raconte juste ce qu’il s’est passé. J’ai été très…surpris moi aussi.
  • La question n’est pas ce qu’ils faisaient là, intervint Cléo, la question c’est : est-ce qu’il en reste ?
  • Encore une fois, je n’en sais rien…j’ai préféré rentrer le plus vite possible, vu que Ecarlia était avec moi.
Il vit le poil de sa femme se hérisser, alors qu’un frisson d’angoisse la parcourait. Lui-même s’imaginait très bien entendre cette histoire, et il aurait très certainement été paniqué d’avoir su la mort passer aussi près de sa fille. Il fut de plus très étonné que Irmine ne lui saute pas à la gorge pour avoir emmené Ecarlia avec lui. Mais ni lui, ni elle n’auraient pu prévoir une telle éventualité.
La présence de chafers dans la forêt était une chose assez alarmante. Ces monstres étaient de véritables fléaux, qui ne vivaient (enfin façon de parler…) que pour le combat. Il semblait que le seul et unique but de leur existence était de mourir (encore une fois façon de parler) par une quelconque arme, afin de pouvoir enfin trouver la paix dans la destruction définitive de leur corps. Et cet instinct les poussaient bien souvent à attaquer des villages, ou des groupes d’aventuriers. Mais jamais on ne vit des chafers solitaires ou presque se balader dans les forêts à la recherche de personnes isolées à agresser, et encore moins des enfants. Les chafers n’attaquaient que les personnes ou même les créatures qui leurs semblaient susceptibles de les vaincre. Or l’un d’eux avait délibérément levé son arme sur la fillette terrifiée incapable de se défendre.
  • Je ne vois pas trente-six choses à faire, fini par dire Irmine au bout d’un moment de silence.
Les deux autres la regardèrent. Ils croyaient savoir à quoi elle pensait.
  • Demain, nous partons au petit matin, quand les enfants ne sont pas encore réveillés, et nous allons fouiller la forêt, pour voir s’il n’y a aucun autre chafer à se promener tranquillement.
  • Et s'ils se réveillent avant qu’on ne soit rentrés ? demanda Salomon.
  • Je n’ai qu’à demander à leur parrain de venir demain, et il pourra s’occuper d’eux pendant qu’on sera absent, lui répondit-elle aussitôt.

Salomon se renfrogna, alors que sa femme pouffait de rire. Il s’était fait avoir en beauté, encore une fois. Le parrain en question n’était autre que Gilles, le iop boudeur et massif qu’il avait aussitôt repéré le jour de leur mariage. Il était très gentil, mais pour une raison qu’il ignorait totalement, Salomon ne pouvait pas l’encadrer. Cependant, c’était le choix de sa femme, qui l’avait lui-même laissé choisir Cléo comme marraine et comme gardienne de leur secret. Gilles avait lui aussi ce lourd secret à garder, et jusqu’à maintenant, il n’avait pas trahit leur confiance. Il ne trouva donc rien à redire à la proposition de Irmine.


Lorsque Cléo fut partie, après avoir remercié Salomon et Irmine pour leur délicieux repas, ils discutèrent un peu tout les deux, seul à seul. Plus particulièrement de la réunion du lendemain. Salomon était encore très nerveux, mais comme toujours, sa femme trouva vite les mots pour le rassurer, et lui rappela les consignes habituelles pour ne pas attirer l’attention, consignes qu’elle respectait elle-même lors de ses propres convocations du même genre.
La lune était déjà levée depuis un certain temps lorsqu’ils montèrent silencieusement se coucher. Ils trouvèrent Ecarlia dans sa chambre, tranquillement endormie sous ses couvertures malgré la température déjà très agréable de la pièce, les jouets inanimés de sa marraine reposant aussi par terre. Ils fermèrent doucement la porte, sans essayer d’aller l’embrasser, craignant trop de la réveiller.
Ils se dirigèrent ensuite vers leur chambre, où dormait aussi Cimon dans son berceau. Après avoir vérifié que tout allait bien pour lui, ils se déshabillèrent et se couchèrent à leur tour. Salomon se lova contre le dos recouvert d’une douce fourrure de Irmine, et lui passa un bras sous l’aisselle. La jeune femme prit la main de son époux, et la mit sous sa joue en ronronnant très doucement.
Ils s’endormirent dans cette position, heureux de leur vie, heureux d’être en vie.


***


Salomon se réveilla en sursaut. Il avait oublié de fermer la fenêtre, et quelque chose dehors avait produit un grand craquement. Sa femme dormait toujours, mais elle semblait agitée, sur le point de se réveiller elle aussi.
De nouveau le craquement. Et ce n’était pas qu’une brindille. Quelque chose de très gros venait de briser une branche en se déplaçant, il en était sûr. Irmine ouvrit les yeux, et marmonna un « Mgnn…keskispass ? » endormi. Il se leva, et regarda par la fenêtre.
La lune brillait intensément, et on y voyait comme en plein jour.
Encore un craquement. Cette fois il avait vu un arbre entier bouger, et une immense ombre noire disparaître dans les broussailles. C’était une créature énorme, bien plus massive qu’un chafer, qui se déplaçait là dehors. Il enfila son pantalon en vitesse, et secoua sa femme qui s’était rendormie. Elle se réveilla d’un bond, le regard dans le vague, tournant la tête de droite à gauche comme pour comprendre ce qu’il se passait.
  • Salomon ? Que…
Craquement, encore plus proche cette fois. Son esprit embrumé redevint aussitôt beaucoup plus vif, elle se leva avec vitesse et silence, et enfila quelques vêtements avant de prendre son arme accrochée au mur, la même épée en forme de griffe que le jour de sa deuxième rencontre avec Salomon. Ils descendirent les escaliers sur la pointe des pieds, et sortirent à la lueur de la lune, l’un les poings serrés et l’autre l’épée à la main, prêts à devoir faire face à n’importe quoi.


La forme immense qui se déplaçait entre les arbres sortit à son tour de la lisière de la forêt, pour se montrer à la lumière pâle régnant dans la petite clairière.
Ils eurent un mouvement de recul et de frayeur.


Là devant eux, un gigantesque loup de couleur marron gris se redressait de toute sa hauteur, en montrant ses crocs de la taille d‘une tête humaine, et ses griffes longues comme des dagues et épaisses comme des bras. Il hurla. Son hurlement lugubre résonna dans la nuit avec la puissance d’une sirène à vapeur, comme celle qu’ont les bateaux modernes sortant du port de Madrestam. Une deuxième créature de cauchemar sortit de la lisière, avançant sur ses deux pattes arrière comme pour parodier les hommes, labourant le sol de ses griffes, le faisant trembler à chaque pas, et vint se placer à côté de la première.
À eux deux, les énormes mulous totalisaient facilement plus de deux tonnes, et faisaient chacun plus de quatre mètres de haut.


Salomon et Irmine ne pouvaient plus bouger tant la peur les avait envahis. Ils avaient déjà combattu des mulous, mais ces deux-là étaient bien plus gros que tous ceux qu’ils avaient pu chasser, et surtout les voir de nuit leur donnait un aspect encore plus redoutable et terrifiant.
Les deux monstres chargèrent en même temps, ayant déjà choisi leurs proies respectives. Salomon et Irmine firent un bond de côté pour éviter les pattes avant mortelles, et à peine s’étaient-ils relevés qu’ils devaient déjà esquiver les broyeurs à os qui servaient de crocs aux gigantesques animaux.
Les deux guerriers ne pourraient pas tenir longtemps à ce rythme. Leurs acrobaties avaient beau être parfaitement coordonnées, cela finirait par mal tourner. Après une nouvelle esquive, ils se rapprochèrent rapidement l’un de l’autre. Les mulous se réunirent à leur tour, comme animés d’une intelligence soudaine : l’union fait la force.
Salomon et Irmine se regardèrent, puis hochèrent la tête. Ce simple regard, qui avait duré une seconde tout au plus, leur avait suffi pour organiser leur défense.


Les monstres chargèrent à nouveau. Cette fois, les deux guerriers ne partirent pas sur les côtés pour éviter l’assaut simultané. Au contraire, Salomon fonça à leur rencontre, tête baissée. Irmine quand à elle, venait de faire apparaître un jeu de carte entier entre ses pattes. Les cartes fusèrent aux oreilles du sacrieur, mais pas une seule ne l’effleura. En revanche, les mulous les sentirent passer. Irmine avait visé leurs têtes, et les cartes tranchantes comme des rasoirs leur avaient entaillé le cuir tout près des yeux, et s’étaient plantées dans leurs museaux et leurs gueules.
Les monstres hurlèrent de douleur, et leur course fut ralentie et déséquilibrée alors que leurs réflexes les poussaient à se protéger les yeux avec leurs pattes. Salomon profita de leur faiblesse temporaire pour se rapprocher d’eux à toute vitesse. Il prit pour cible celui qui avait l’air d’avoir les yeux les plus abîmés, et sauta en pleine course droit vers sa tête. Il savait que n’importe quelle autre blessure, le mulou pourrait la régénérer facilement. Mais s’il touchait la tête ou le cœur, il avait une chance de le tuer d’un seul et unique coup.
Ses poings vibrèrent et son corps cria de douleur sous la quantité d’énergie qu’y accumula en une fraction de seconde. Il frappa le monstre en haut du crâne. La déflagration eut lieu, et il senti l’os de la bête exploser sous la puissance de la frappe. Le mulou tomba à terre, le crâne fumant et enfoncé, du sang coulant à grands flots de ses narines et de ses oreilles. Salomon retomba durement sur le sol.
La terrible punition des sacrieurs était l’une des techniques les plus mortelles de ce monde, mais aussi une des plus dangereuses à utiliser…Il se sentait momentanément vidé, épuisé, comme d’habitude. Il ne vit pas venir le coup de patte. Les griffes du second mulou lui creusèrent la chair, et la force du coup propulsa le sacrieur en l’air. Alors que son esprit était assailli par la sensation de vide, et par la douleur, il entendit l’écaflipette rugir. Il rencontra une fois de plus le sol, et se senti rebondir plusieurs fois. Il devait absolument reprendre ses esprits le plus vite possible…


La douleur commençait déjà à disparaître. Il releva la tête, et vit le mulou donner de grands coups de patte dans le vide. Sa femme frappait de sa griffe géante tellement vite, et changeait d’angle d’assaut si souvent, que le monstre de force et de brutalité qui lui faisait face ne pouvait que faucher l’air au hasard de ses visions imprécises de son adversaire insaisissable. Salomon se releva avec difficulté, les véritables épées qui servaient de griffes au loup géant ayant labouré sa chair en profondeur. Déjà le mulou était couvert de blessures, et ne donnait plus que des coups de patte mous. Le sacrieur vit l’éclair rouge sombre passer dans le dos du monstre, et lui planter la lame recourbée dans la nuque.
La bête s’effondra.


Salomon s’avança vers le cadavre encore palpitant en titubant légèrement, et l’écaflipette se précipita pour le soutenir.
  • Mon chéri ! Tu vas bien ? Oh, non, mon dieu, quelle question stupide, je suis désolée…attend…
Salomon but un liquide épicé. Une chaleur presque insupportable l'envahit, et il senti ses blessures se refermer, comme si un xélor venait d’accélérer le temps. La douleur disparut vite.
  • Merci Irmine…dit-il en s’appuyant sur l’épaule de sa femme pour se redresser.
  • Allez, viens…on va voir si tu n’as rien de cassé, lui susurra-t-elle en lui déposant un baiser sur la joue et en le guidant vers la maison.
  • Haha ha ! Bravo ! Bravo ! Excellent ! J’aurais difficilement fait mieux moi-même ! Et puis cette « happy end » mielleuse, c’est si…parfait ! Bravo !

La voix grave, gutturale, résonna dans la nuit de la même façon lugubre que le hurlement du mulou. Salomon et Irmine s’arrêtèrent, essayant de voir d’où provenait cette voix cynique et inquiétante. Ils virent, au milieu de la clairière pourtant bien éclairée par l'astre lunaire, une silhouette si sombre qu’elle semblait être un trou noir dans le paysage. Elle frappait dans ses main, applaudissait gaiement, riait de bon cœur.
  • Merveilleux, vraiment…vous êtes des adversaires redoutables, vous le savez ça ? Terrasser deux mulous en aussi peu temps, avec aussi peu de séquelles…enfin, « peu », tout est relatif pour un sacrieur, n’est ce pas ? Haha…déjà contre mes chafers, j’ai été impressionné par ton talent martial.
L’homme avançait vers les deux guerriers, calmement, presque avec désinvolture. Irmine lâcha Salomon, et montra les crocs, se mettant en position d’attaque.
  • Qui êtes-vous ?! lui lança-t-elle férocement.
  • Qui je suis n’a que peu d’importance, lui répondit l’homme soudain menaçant. La question qui pourrait vous intéresser est : qu’est-ce que je veux.
  • Et qu’est ce que vous voulez ? reprit Salomon.
La silhouette s’arrêta. Un nuage masqua la lune. Au niveau de ce qui semblait être sa tête, on vit un reflet blanc luire brièvement. L’homme souriait, et il leva son arme, pointant quelque chose derrière eux. Salomon et Irmine se retournèrent.
Ecarlia était sur le pas de la porte, et elle regardait la scène, le regard inquiet, en tenant sa queue entre ses mains comme un doudou, et en suçant son pouce.


Les cœurs de Salomon et d’Irmine s’arrêtèrent de battre en même temps. Cette…chose, voulait leur enlever leur fille. Avant même d’en avoir entendu plus, il se ruèrent en criant sur l’homme qui leur faisait face. Ils frappèrent dans le vide. À l’endroit exact où se trouvait la silhouette une fraction de seconde auparavant, il n’y avait plus rien.
  • Haha haha ! Mais que croyez-vous ? Je n’ai pas l’intention de perdre mon temps avec vous.
Il était réapparu, quelques mètres plus loin, amusé, riant encore aux éclats. Il claqua des doigts. Une autre silhouette, plus fine, plus élancée, et surtout moins sombre, apparut à ses côtés.
  • Occupe-t’en.
La deuxième silhouette avança. Salomon et Irmine se préparèrent à attaquer. Le nuage s’en alla, refaisant de la lune un soleil nocturne. Et Salomon et Irmine virent qui était la personne qui s’approchait d’eux.
  • Padgref ?!? firent-ils en même temps, complètement déboussolés.
  • Non…Padgref n’existe plus, répondit l’homme sombre.

Il n’y avait pourtant aucun doute possible pour Salomon. Un sacrieur à la peau mate, une cicatrice lui barrant la poitrine, et surtout cette énorme épée, qui semblait en os, fabriquée spécialement pour son frère, et maniable uniquement par lui. C’était bien Padgref. Irmine aussi l’avait reconnu. Salomon s’avança vers lui, une incompréhension totale sur le visage.
  • Padgref, qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce qui se passe ? dit-il à son encontre.
Aucune réponse.
  • Salomon attention ! lui cria Irmine. Il…il n’est pas…il a quelque chose de…

Elle ne fini pas sa phrase. Salomon, par un réflexe inespéré, évita un coup d’épée qui lui aurait été fatal. Son frère venait…de tenter de le tuer, purement et simplement. C’est alors qu’il remarqua quelque chose dans le regard de Padgref. Ses yeux…ses yeux étaient…verts. Un vert magnifique, un vert émeraude, clair, brillant. Mais vert. Entièrement vert. Le vert n’était pas une couleur normale pour les yeux d’un sacrieur, quoi qu’on puisse en dire. Salomon recula. Padgref leva de nouveau son épée géante, prêt à frapper.
  • Mouahahaha ! Amusez-vous bien avec lui mes chers petits tofus !
Il commença à marcher en direction de Ecarlia. Irmine bondit, toutes griffes et crocs dehors, sur l’homme. Padgref s’interposa avec une rapidité fulgurante, bien supérieure à celle d’un sacrieur normal. D’un seul coup de pied circulaire, il stoppa l’attaque de l’écaflipette, et la jeta comme une poupée de chiffon contre le mur de la maison.
Salomon se retourna vers sa fille, et lui cria d’une voix paniquée :
  • Cours Ecarlia ! COURS !!!
La petite fille réagit aussitôt. Elle se mit à courir frénétiquement vers la forêt. Salomon bondit à son tour sur l’inconnu sombre. Encore une fois, Padgref s’interposa. Salomon fut sidéré par la force de son frère. Son coup de pied avait une puissance qui dépassait largement la sienne. Il fut propulsé contre le mur de la maison, et retomba à côté de sa femme, qui se relevait avec difficulté de son choc avec la pierre dure.
  • Bon…je dois la rattraper avant qu’elle ne s’échappe pour de bon. Je ne veux pas qu’ils me gênent, c’est comprit ? demanda calmement l’homme sombre à Padgref.
  • Oui maître.
Salomon eut soudainement peur. Il n’y avait plus aucune émotion dans la voix de son frère. Plus rien. Plus d’humanité, plus de gentillesse, d’inquiétude, ni même de colère, de haine. Plus rien. Ce n’était plus son frère qui était en face de lui. Ce n’était qu’un automate.
Lui et sa femme se jetèrent sans hésitation sur le sacrieur, d’un seul et même mouvement.


***
Ecarlia courait dans l’herbe, le plus vite que lui permettaient ses petites jambes. Elle avait peur. Elle ne savait pas ce qu’il se passait. Son papa lui avait dit de partir, de courir, alors elle a couru. Il avait peur lui aussi, elle l’avait vu. Et sa maman…sa maman avait eu très mal. Elle en était sûre. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Elle avait vraiment peur. Elle ne comprenait pas…


Soudain, elle arrêta de courir. Un homme très grand, tout noir, venait d’apparaître devant elle. Elle ne voyait pas son visage.
  • Allons ma petite, ne t’en fait pas…ce sera rapide.
Ecarlia reparti dans une autre direction. Elle ne savait qui c’était, mais elle ne l’aimait pas tout, il lui faisait peur lui aussi…Elle s’arrêta. Il était encore là, et il riait. Elle voulut partir vers un autre côté, mais il était encore là. Il était partout. Ecarlia recula, terrifiée par ce monstre. Elle trébucha contre une racine, et tomba à la renverse. L’homme s’approcha d’elle. Il leva son épée. Elle ferma les yeux.
  • NE LA TOUCHE PAS !!!

Il y eu un bruit horrible d’os cassés, et un cri de douleur terrifiant. Ecarlia ouvrit les yeux. Cléo se tenait là, devant elle, un marteau énorme et luisant à la main, et l’homme noir était contre un arbre et se relevait en se tenant le bras.
  • Tati !
  • Va-t’en Ecarlia ! Vite ! Vers le zaap ! Comme Tati t’as montré, allez cours !
Ecarlia se releva, et prit une direction bien précise à travers la forêt. L’inconnu se remit à son tour debout, bougea son bras qui émit un craquement sinistre, et reprit son épée.
  • Toi…sale…vermine ! Tu vas me le payer !
  • TU NE LA TOUCHERAS PAS !!!
Cléo fit un mouvement de la main, et l’homme ne bougea plus qu’au ralenti. Elle fonça sur lui, et donna un coup de marteau vertical, avec une puissance inouïe pour sa petite taille. L’homme fut projeté en l’air et cassa plusieurs branches dans sa montée, avant de retomber à plat sur le sol. Cléo leva son marteau et l’abattit sur la tête de l’inconnu.


  • L’arme s’arrêta à quelques centimètres de sa cible. L’homme avait stoppé d’une seule main la masse énorme, et se releva en riant. Il souleva Cléo de terre en même temps que son marteau, et les jeta comme des pantins désarticulés avec une violence démente contre un arbre. Cléo fut presque assommé tant le choc fut rude.
  • Misérable créature…crois-tu réellement pouvoir m’arrêter seule ?! hurla-t-il d’une voix complètement incontrôlée. Je suis le Dark Vlad ! Je suis invincible ! Tout ce que tu as réussi à faire, c’est retarder l’inévitable !

Il disparu. Cléo se remit debout. Ecarlia devait déjà être en sécurité. Oui…oui, elle sentait la présence de la petite fille. Une présence très lointaine. Mais alors, le Dark Vlad ? Où était-il passé ?
Elle failli s’évanouir en comprenant. Elle joignit les mains, puis disparu à son tour.


Elle était dans leur chambre l’instant d’après. Le petit pleurait, réveillé par le vacarme du dehors. Le Dark Vlad ne pouvait apparaître directement dans la maison, elle avait posé une rune de protection contre les intrusions sur chaque porte. Mais il ne serait pas retenu longtemps. Elle prit le bébé dans ses bras, et lui parla avec des mots calmes pour le rassurer.


Soudain, la porte explosa dans une gerbe de flammes. Le Dark Vlad entra, une épée enflammée à la main. La lueur dansante de son arme montrait son visage. Il était gris. Comme mort, momifié. Ses yeux brillaient comme deux braises ardentes, ils brillaient d’une folie meurtrière. Ses cheveux étaient eux aussi enflammés, des flammes jaunes et blanches, qui chauffaient tellement que l’air se déformait autour de lui, et que le plafond devenait noir à son passage. Son ancien habit de iop n’était plus qu’une parodie de la fierté de cette classe. Plus de croix représentant le courage et la force, mais une épée, de laquelle gouttait le sang. Cléo recula contre le mur.
  • Déjà là ? Tu as plus d’un tour dans ton sac décidément…dit-il presque tranquillement de sa voix d’outre-tombe. Donne-moi l’enfant, et peut-être que tu survivras.
Cléo le regarda d’un air de défi.
  • Je crois que nous savons tous les deux ce que représentent ces enfants pour ce monde, Vlad. Je préfèrerais mourir que de les laisser entre tes griffes.
Le Dark Vlad sourit, dévoilant des dents pointues.
  • Soit.
Il prit son épée à deux mains, et la brandit vers la xélorette. Cléo ferma les yeux, et leva l’enfant en pleurs au-dessus d’elle.
Le monstre écarquilla les yeux.
  • NOOOOOON ! NE FAIT PAS ÇA !
Un flash lumineux. Le bébé n’était plus là.
Le Dark Vlad hurla d’une fureur sans limites. Les flammes tourbillonnèrent autour de lui. Cléo sourit, et une sensation de soulagement bienfaisante l'emplit entièrement.
La chambre explosa.


***


Salomon n’en pouvait plus. Son frère était trop fort, trop rapide…sa femme était à bout de force elle aussi. Elle tomba à genoux, des entailles recouvraient son corps. Ils n’avaient pas réussi à toucher Padgref une seule fois. Le sacrieur les avait défait tous les deux en même temps. Salomon n’avait pas réussi à protéger sa famille. Un sentiment de vide s’empara de lui, alors qu’il tombait lui aussi à genoux, anéanti. Il vit son frère lever son épée.
La douleur fut terrible. Bien pire que tout ce qu’il avait pu endurer. Il sentait le métal froid dans chaque partie de son corps, meurtrir chaque parcelle de chair qui le composait. Puis une douce chaleur l’envahit. Il laissa aller son esprit à la délivrance. Son regard se troubla, il ferma les yeux, et senti l’herbe fraîche sur son visage.


***


Irmine venait de voir l’épée traverser la poitrine de son mari. Mais elle refusa de le croire. Impossible. Ce n’était pas imaginable. Même dans ses cauchemars les plus horribles, elle n’avait jamais pu concevoir une telle horreur.
Elle vit l’épée ensanglantée se pointer vers elle.
Elle s’en fichait. Pire, elle voulait que cela arrive plus vite. Elle était pressée que tout finisse. Elle releva la tête, pour voir le visage de son bourreau, celui qui lui avait tout enlevé en une nuit. L’épée se leva.
Une explosion retentit. Elle sentit son poil roussir sous la chaleur. Sa maison venait d’exploser. Elle n’avait plus rien du tout désormais. Son bébé dormait dans sa chambre. Personne ne l’avait mit en sécurité. Une silhouette enflammée retomba sur ses pieds à quelques mètres d’elle. Dans un beuglement de rage, cette silhouette donna un coup terrible au sacrieur, qui alla s’écraser dans un arbre un peu plus loin, sans un seul cri de douleur.
Puis la silhouette se tourna vers elle. Irmine se senti brûler sous une chaleur infernale. Tout devint noir.


***


Le Dark Vlad était furieux. Non, pire, il était complètement fou de rage. Rien n’avait marché. Cette xélorette avait tout fichu en l’air. Il sauta de la chambre carbonisée, et atterri juste à côté de son pantin, qui levait son épée sur l’écaflipette. Ce type l’insupportait. Il avait été si sûr de lui lorsqu’il l’avait affronté…ce fut pitoyable. À tel point qu’il avait tout de suite vu en lui un parfait larbin, une fois… « conditionné ». Vlad lui donna un coup de poing rageur dans la poitrine, et le sacrieur vola sur plusieurs mètres avant de s’écraser contre un arbre, inconscient.
L’écaflipette était encore en vie. Cette traîtresse…


Il prit son épée flamboyante et la pointa vers la jeune femme agonisante. Un tourbillon de flammes l’entoura. Elle tomba sans vie, face contre terre.
Il se dirigea ensuite vers le corps de Padgref. Il plongea sa main dans sa poitrine, sans y faire aucun trou, juste comme si c’était une illusion, ou bien de l’eau fluide.
Il en sorti un œuf brillant, gros comme une tête, de couleur verte émeraude.
Quel idiot, ce sacrieur…croire qu’il lui donnait un dofus après avoir été battu en combat singulier…c’était d’une stupidité effrayante.
Au moment où le Dark Vlad retirait le faux dofus du corps du sacrieur, celui-ci inspira un grand coup, en ouvrant ses yeux redevenus normaux, comme s’il n’avait plus respiré depuis des jours.
Le Dark Vlad disparut.


***


Padgref ouvrit les yeux. Où était-il ? La dernière chose dont il se rappelait, c’était d’avoir défait le Dark Vlad en combat singulier, et d’avoir prit le dofus émeraude au vaincu. Ensuite…plus rien. Il regarda autour de lui. Il vit son épée ensanglantée à côté de lui. Que s’était-il passé ? Et cet endroit…c’était la maison de son frère ! La maison…elle était complètement détruite. Il restait quelques flammes éparses de l’incendie. Et par terre, à quelques mètres de lui…son frère.
Padgref se releva et s’approcha du corps étendu. Son frère gisait sans vie, dans une flaque de sang. À côté de lui, sa belle-sœur fumait encore, inerte.
Padgref eu un haut-le-cœur. Il dû se retenir pour ne pas vomir. Son épée…son épée avait tué son frère…il avait tué son propre frère…
La panique l’envahit soudain. Il ne savait pas quoi faire. Il n’avait plus de famille. Il était seul. Il regarda autour de lui. Personne. Il ramassa son épée. Sans un mot, sans un seul regard aux deux corps étendus, il partit. Faire quoi ? Il ne savait pas. Il voulait juste marcher droit devant. Son cerveau ne lui dictait plus rien de cohérent. Il s’enfonça sans bruit dans la forêt, vers une destination inconnue.


***


Ecarlia avait suivit à la lettre ce que lui avait expliqué sa tantine. Elle avait couru vers le « zaap », la grosse bague en pierre, avait pensé très fort à un autre « zaap », et était passée dans l’anneau. Elle s’était retrouvée ailleurs, et avait attendu. Puis elle était repassée dans l’anneau, en repensant fort à sa maison, et était revenue devant le premier « zaap ». Là, elle rentrait chez elle, parce que ensuite, sa tantine ne lui avait pas dit ce qu’elle devait faire. Elle arriva à sa maison, le plus silencieusement possible. Mais elle ne reconnaissait rien.


Tout était noir. Il n’y avait plus de toit, les murs étaient tout cassés. Il y avait des gens endormis par terre. Elle s’approcha d’eux en tenant sa petite queue serrée contre elle.
Il y avait son papa. Elle le secoua doucement.
  • Papa…papa…
Il ne bougeait pas. Il était trop bien endormi.
À côté il y avait sa maman. Elle était toute noire aussi, comme la maison. Elle alla la secouer à son tour. Sa maman ne répondait pas non plus. Elle commença à avoir peur, elle ne savait pas quoi faire.
Soudain sa maman toussa. Elle ouvrit les yeux.
  • E…carlia ? C’est toi ?
Sa voix était faible. Ecarlia comprit que sa maman avait très mal. Elle senti les larmes monter.
  • Ma…chérie, é…coute…écoute bien… (toux violente). Reste là, ne bouge…pas. Tonton…tonton va…venir. Il…va…venir…
Sa maman s’endormit, une expression de soulagement profond sur le visage. La fillette avait comprit ce qu’elle avait dit. Elle mit son pouce dans sa bouche, se blottit contre le ventre de sa maman, et s’endormit paisiblement à son tour.


***


Aussi matinal et de bonne humeur que d’habitude, Gilles marchait en chantonnant sur le chemin qui conduisait à la chaumière des Hergriffes. Il n’avait jamais vraiment comprit pourquoi Salomon avait décidé de prendre le nom de sa femme mais bon…cela était sans importance.
  • Ce petit chemin, qui sent la noisette-heu, me rappelle soudain, ce grand jour de fête-heu, où plusieurs gredins, me prenaient la tête-heu, mais comme j’suis bourrin, je leur pète leur…
Une odeur de brûlé lui parvint aux narines. Le iop comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas. Son pas s’accéléra, jusqu’à courir.


Lorsqu’il arriva à la maison, une vision d’horreur failli lui faire perdre l’équilibre. Tout était détruit. La maison n’était plus qu’une ruine noircie. Et par terre…
Il se précipita sur le premier corps, celui de Salomon. Sa poitrine avait été transpercée de part en part. Il était mort depuis plusieurs heures. Plus rien à faire. Il se rua ensuite sur l’écaflipette, complètement affolé. Son corps avait été gravement brûlé, et on voyait encore de nombreuses entailles sur sa peau. Et là…contre son ventre. Gilles prit le petit corps immobile et innocent dans ses bras massifs. Ses yeux se mouillèrent. Non, impossible…pas elle ! Quel monstre aurait pu faire une telle chose ?


C’est alors qu’il senti la respiration discrète de la petite fille. Elle n’était que profondément endormie.
Il alla la déposer au pied d’un arbre, sans la réveiller, et entreprit d’enterrer les deux parents. Il leur creusa deux tombes, côte à côte, et y planta deux petites croix bricolées pour l’occasion, en attendant de pouvoir leur offrir une réelle sépulture. Il ne pleura pas. Il n’essaya même pas de comprendre ce qu’il s’était passé. Pour l’instant, le plus important, il le savait, c’était la fillette endormie. Il fallait la mettre en sécurité. Si Cléo avait bien fait son travail, le petit Cimon était en sécurité lui aussi. Il n’avait pas à s’inquiéter pour lui. Il savait ce qu’il avait à faire, et s’attarder ici ne servirait à rien.
Il la prit de nouveau dans ses bras, sans la réveiller. Et sans un mot, il quitta la clairière dévastée, laissant derrière lui les restes d’une ancienne vie, et emmenant avec lui le début d’une nouvelle.
Les petits malins !
Certines personnes très honnêtes m'ont fait remarquer que mon histoire avait un peu été pompée sur 'Légende d'un héros, histoire d'un homme'.

Et c'est c'est tout à fait exact ! Je ne m'en cache pas le moins du monde ! Cette histoire est tellement bien écrite que forcément, quand on l'a lue, il y a des petits trucs qui restent

Voilà donc mes petites explications pour les petits trucs en question :

- Les écaflipettes sont les avatars de dofus auxquels on s'attache le plus selon moi ! Donc en faire apparaître une en tant que personnage principale me semblait absolument inévitable ^^

- Malheureusement, la mort des parents n'est pas du tout propre à l'oeuvre de Guecko-Astra, car la plupart des histoires les mieux construites mettent en scène des orphelins (une certaine JK Rolw...Rwol...une écrivaine dont je me souviens plus du nom, a réussi parait-il à faire quelque chose d'assez connu sur cette base. Faudra que j'aille voir ça...)

- Dark Vlad...effectivement, c'est directement tiré de l'histoire d'un héros
Et la raison en est simple : c'est le supervilain le plus parfait qu'on puisse trouver dans Dofus! Devenu fou après avoir lui-même tué sa promise, possesseur des dofus émeraudes et d'une puissance quasi-nucléaire, et pour finir d'une intelligence plus que machiavélique, comment trouver mieux ? ^^
Son rôle peut être beaucoup plus complexe dans l'histoire que celui d'un Chêne mou ou bien d'un Kimbo, qui par ailleurs ne sont PAS maléfiques, car le dark Vlad possède sa propre histoire tragique, avec laquelle on peut jouer pour en faire un rebondissement fantastique ! (je ne dévoilerai rien de plus )

- Pour finir avec ce message : l'intrigue politique arrivera, pas de panique ! Et l'histoire qui semble simple pour le moment (vengeance crapuleuse et simpliste) va se compliquer de façon exponentielle !!! (figure stylistique ici utilisée : hyperbole).

En bref, continuez à m'envoyer vos remarques en tous genres, c'est toujours très stimulant pour les doigts
chapitre III

Chapitre III


Ecarlia courait à travers bois, zigzaguant le plus possible entre les troncs. Derrière elle, un bruit de sabots martelant le sol se rapprochait de plus en plus, accompagné d’un souffle puissant et rapide. Si elle continuait à courir en slalomant, elle n’aurait aucun souci à se faire, mais si elle arrivait en terrain découvert…les défenses de la bête auraient vite fait le lui causer de graves blessures.
Derrière elle, le sanglier des plaines commençait déjà à s’essouffler. Il respirait très bruyamment et un liquide visqueux lui sortait du groin à chaque expiration. C’était le bon moment.


Ecarlia commença à ralentir sa course, pour calquer sa vitesse sur celle du sanglier. Elle l’entendit se rapprocher très près d’elle, à tel point que l’odeur nauséabonde qui s’en dégageait lui picota le nez, et que sa queue, qui flottait au vent derrière elle, effleura les poils de la bête. Elle repéra un arbre volumineux, sur sa droite. Parfait. Elle fit un brusque crochet et fonça droit dessus, le sanglier à ses trousses. N’importe qui aurait certainement été obligé de ralentir pour ne pas déraper, mais elle, grâce à cette queue que lui avait offert sa mère, pouvait sans problème effectuer ce genre de virage.
Le sanglier poussa un grognement aigu de victoire, alors qu’il voyait sa proie se prendre elle-même au piège. Il donna une ultime impulsion de ses sabots et baissa ses défenses, prêt à éventrer cette intruse.


Ecarlia arriva droit sur l’arbre. Mais au lieu de s’y arrêter, elle accéléra encore plus. Lorsqu’elle fut juste en face, elle sauta, et grâce à son élan, elle continua à courir sur le tronc à la verticale, et s’éleva de plusieurs mètres de hauteur. Alors qu’elle était suspendue dans le vide, elle senti le bois vibrer sous ses pieds nus. Le sanglier avait une fois de plus fait preuve de la stupidité de son espèce, et était rentré tête baissée dans l’arbre, à pleine vitesse.
La sacrieur dû cependant penser à sa réception sur le sol, elle ne resterait pas longtemps en l’air comme ceci. Lorsqu’elle senti que son élan diminuait, elle donna un coup de pied puissant contre le tronc, et eut alors l’impression de voler.
Il n’y avait rien sous elle, seulement le vide sur plusieurs mètres. Cette sensation était grisante. Elle se sentait pousser des ailes…


Son impulsion lui permit de tourner sur elle-même, et elle se stabilisa en l’air grâce à sa queue, le regard pointé vers cette terre si rude qui l’attendait. Elle pu estimer la distance qui la séparait du sol. Un peu trop élevée pour avoir une réception sans heurt.
Sa véritable chute commença. Le vent lui sifflait déjà aux oreilles, et le sol fonçait sur elle à vive allure. Elle tendit ses bras vers cet ennemi immobile qui semblait la menacer, et qui lui en voulait de l’avoir délaissé pour l’élément aérien. Ecarlia senti son énergie se concentrer dans ses poings fermés, et l’air autour d’elle vibra.
À peine trois mètres avant de heurter la terre, elle libéra toute sa puissance accumulée. Une violente détonation retentit, et un souffle d’air surpuissant sembla sortir du corps de la sacrieur pour venir frapper le sol qui voulait se venger de l’impertinente qui l’avait quitté. Un nuage de poussière se souleva sous elle. Sa chute fut brusquement ralentie, et elle atterri avec un petit « pof » lorsque ses pieds rencontrèrent la terre froide.


Ecarlia se redressa, en pleine forme, alors que la poussière retombait lentement, absolument ravie de ce petit vol plané. Elle adorait le vent, se sentir entourée de rien d’autre que l’air frais, c’était une sensation de liberté incomparable, que peu de personnes pouvaient comprendre.
Malheureusement, cette sensation était courte. Quoi qu’elle fasse, elle devait retomber un moment où un autre. Elle était une créature qui appartenait à la terre, et celle-ci était jalouse. Elle était comme une jeune fille qui allait en secret passer des journées de plaisir avec son amant, mais dont la mère intransigeante venait toujours ramener contre sa volonté à la maison…


« Le vent me rend même un peu poétesse » songea-t-elle en souriant intérieurement.
Malheureusement, la réalité de la maison et de la maman trop stricte s’imposa bientôt à elle, et elle dû quitter ses méditations lyriques pour y faire face, encore une fois…
Elle reporta son attention sur le sanglier immobile à quelques pas d’elle. La bête avait chargé à toute vitesse dans l’arbre, et était morte sur le coup, la tête complètement enfoncée. Ecarlia sorti son couteau de chasse, et s’agenouilla à côté du sanglier pour commencer à le dépecer.


***


  • Coucou ! Je suis de retour ! lança gaiement Ecarlia en ouvrant la porte de la maison.
Une eniripsa, un peu vieillissante, avec de petites lunettes rondes sur le nez, descendit les marches d’un escalier en chêne pour venir l’accueillir un torchon à la main.
  • Bonjour ma chérie, lui répondit-elle. Alors, la chasse a été bonne ?
En guise de réponse, Ecarlia lui montra un grand sac, qui semblait bien lourd, et dont le fond commençait à rougir.
  • Et peut-on savoir ce que c’est ? demanda la petite fée avec une grimace dégoût.
  • Du bon, du savoureux, du encore tout frais…sanglier des plaines ! fanfaronna Ecarlia avec un sourire jusqu’aux oreilles.
  • Tu as été jusqu’aux plaines de Cania ? Ma pauvre chérie ! Tu dois être morte de fatigue, laisse-moi te débarrasser de ça, fit la petite bonne femme en posant son torchon pour prendre le sac de viande.
La sacrieur se laissa volontiers faire, et cru un instant que la pauvre eniripsa allait être écrasée sous la quantité de viande que contenait le sac. Mais elle tint bon, et réussi à transporter la nourriture, en titubant, vers la cuisine. Ecarlia pouffa de rire dans sa main, en essuyant ses pieds pleins de poussière avant d’entrer dans la maison impeccablement entretenue.
  • Tu sais, tu n’es pas obligée d’aller aussi loin à chaque fois que tu vas chasser, lui envoya l’eniripsa depuis la cuisine. On se contenterait très bien de ce qu’il y a ici à pandala.
  • Vous peut-être, mais moi j’aime bien manger un peu exotique de temps en temps, lui répondit la sacrieur tout en enlevant sa tunique de voyage pour être plus à l’aise. Et puis je me suis habituée à toutes les bestioles qui vivent dans le coin, ça me ferait mal de les zigouiller et de les manger ensuite…
  • Mais qu’elle est sensible cette jeune fille ! se moqua l’eniripsa. Mais je dois tout de même avouer qu’ici, il n’y a pas grand-chose de réellement mangea…HO ! Ecarlia !

La petite fée du logis venait de sortir de la cuisine et voyait à présent la sacrieur dans sa tenue favorite. Un pantalon qui descendait jusqu’aux chevilles, et un simple maillot marron sans brettelles qui faisait le tour de sa poitrine assez…imposante, et en masquait juste le minimum. Ecarlia feignit l’innocence, et la regarda en haussant les sourcils.
  • Quoi ?
L’eniripsa fit un rapide battement de ses ailes translucides, et se retrouva en une seconde face à la sacrieur, qui la dominait d’au moins trois têtes. Elle saisit le haut de son maillot et tenta de le relever, sans réel succès.
  • Quoi « quoi ? » ? Ne fait pas l’innocente, tu sais très bien que je n’aime pas ce genre de tenue chez moi. Ce n’est pas digne d’une jeune fille de dix-neuf ans !
  • Si je t’écoutais, je serais en permanence étouffée dans un corset trop serré et je cuirais dans une robe avec cinq épaisseurs, dit-elle d’un ton dépité en se laissant faire. Je ne suis plus une fillette Prune ! Il va falloir que tu t’y fasses.
  • Taratata ! Tu n’es plus une fillette, mais tu habites encore sous mon toit, donc tu dois te plier aux règles que j’y ait érigées ! Et la première est : pas de tenue indécente.
Elle força un grand coup vers le haut, se faisant rougir sous l’effort, sans aucun succès. Elle fini par abandonner l’idée et se posta, essoufflée, les bras croisés, devant Ecarlia, la mine sévère.
  • Jeune fille, allez mettre quelque chose par-dessus ceci !
La sacrieur soupira en levant les yeux au ciel.
  • Très bien, je vais mettre une chemise…PAS transparente ! ajouta-t-elle devant le regard de la petite femme.
  • Parfait. Et dépêche-toi, Gilles va bientôt rentrer et il va amener un ami avec lui.
Ecarlia lui lança un regard interrogateur.
  • Qui ça ?
  • Je crois que c’est Wallace, mais je n’en suis pas sûre…allez ! Presse-toi !
Mais avant que Ecarlia n’ait pu faire un seul autre geste, Prune lui dit :
  • Et n’oublie pas de…la cacher.

La mine de la sacrieur, auparavant enjouée malgré les remarques sur sa tenue, auxquelles elle était maintenant habituée, devint soudain plus sombre. Elle senti sa queue pendre derrière elle, comme affaissée par un grand désespoir. Elle jeta un regard noir à la petite femme, qui la fixait à travers ses lunettes.
  • Oui…ne t’inquiète pas, fini-t-elle par dire.
Prune n’ajouta rien. Elle se dirigea en silence vers la cuisine. Ecarlia fit de même en montant l’escalier.


Elle arriva dans sa chambre, et ferma la porte derrière elle, sans la claquer, bien qu’elle en eût une envie irrépressible. Elle détestait faire ça…cacher sa queue devant les gens qui la connaissaient. Elle avait l’impression que ceux qu’elle appelait son oncle et sa tante avaient honte d’elle. Pourtant elle en était fière elle de sa queue ! Elle trouvait sa fourrure très jolie, et de plus elle savait que c’était la seule chose qui lui restait de sa mère.
Ses tuteurs ne lui avaient jamais caché la vérité sur ses parents. Elle savait que lorsqu’elle avait environ quatre ans, ils avaient été assassinés pendant la nuit. Elle n’avait que très peu de souvenirs de cette nuit, ou même de ses parents, mais parfois elle refaisait des cauchemars, toujours les mêmes, où elle voyait une grande forme sombre rire devant elle, et lever son épée. Elle voyait aussi deux personnes se battre devant ses yeux contre des monstres énormes, qu’elle ne pouvait jamais identifier. Mais c’était tout. Rien que de troubles images issues du temps…


Elle chassa ceci de son esprit et prit une chemise et un pantalon propre dans son armoire. Même si sa tante n’aimait pas particulièrement cela non plus, Ecarlia ne porterait certainement jamais de robe, à part éventuellement le jour de son mariage, qu’elle espérait le plus tard possible. Elle trouvait ça vraiment trop ridicule et « bonne pomme ».
Elle enleva son pantalon abîmé et son maillot, et avant de passer ses vêtements propres se regarda dans le miroir. Pourquoi est-ce que sa tante tenait absolument à ce qu’elle cache tout ça ? Elle trouvait qu’elle avait un très joli corps, élancé, sportif, et bien proportionné. C’était une fierté plus qu’une honte pour elle, et devoir le masquer à la vue des autres la gênait. Elle voulait s’afficher, pas passer inaperçue ! Et il semblait que sa tante ne l’ait jamais vraiment compris. D’ailleurs comment est-ce que sa tante pouvait espérer qu’elle puisse un jour attirer l’attention d’un homme si elle ne la laissait jamais mettre en avant ses atouts ???


Ecarlia se retourna et se tordit la tête pour regarder dans son dos. Le long de sa colonne vertébrale, un léger duvet roux descendait jusqu’en bas du coccyx, et devenait de plus en plus foncé au fur et à mesure qu’il s’approchait de l’endroit où sa queue sortait. Elle la fit bouger de droite à gauche, comme un balancier, puis essaya plusieurs mouvements plus compliqués. Elle la fit tourner, la tordit dans tous les sens, tenta de faire des figures géométriques simples….Elle maîtrisait parfaitement cet appendice, certes peu commun pour un sacrieur, mais tellement utile pourtant ! Après tout, c’était grâce à sa queue qu’elle avait un équilibre si parfait en course, et qu’elle pouvait se stabiliser sans problème dans les airs. Sans parler du fait qu’elle pouvait véritablement s’en servir comme d’un troisième bras, pour tenir certaines choses, comme des paniers, alors que la plupart des gens monopolisaient une de leurs mains pour ce faire.


Elle sorti avec une grimace un corset de son armoire, et passa sa queue dans son dos avant de le serrer par-dessus. Ce corset était vraiment l’une des choses qu’elle détestait le plus. Elle se sentait totalement ridicule avec ça autour du corps, et surtout il l’empêchait de respirer normalement. Elle qui aimait tellement l’air…Qui plus est, elle n’avait absolument pas besoin d’avoir une taille encore plus fine, et ce bout de tissu tortionnaire donnait l’impression qu’elle était carrément sous-alimentée !


Mais sa tante s’était toujours très bien occupée d’elle, comme une véritable mère, bien qu’elle fusse parfois un peu vieux jeu…Ecarlia ne voulait pas la rendre triste, ou bien la décevoir d’une façon ou d’une autre, et c’est pourquoi elle préférait obéir à ce tout ce que lui demandait ce petit bout d’amour et de bonté pure ambulant, même quand cela lui causait bien plus d’effort que de se rebeller comme une adolescente en crise.
Elle enfila sa chemise et son pantalon, et se tourna de nouveau pour regarder derrière elle. Personne n’aurait pu deviner la queue de chat qui était écrasée contre son dos, elle était parfaitement bien cachée. Il fallait dire qu’elle avait l’habitude à force…cela faisait des années qu’elle faisait passer cette différence inaperçue.


Elle entendit des paroles enjouées et le bruit de la porte qui s’ouvre et se ferme en bas.
« Gilles doit être rentré… » pensa-t-elle.
Elle donna un petit coup de brosse à ses longs cheveux roux légèrement emmêlés, et y plaça à intervalles réguliers des ficelles qu’elle serra et rapprocha ensuite les unes des autres, faisant ainsi des sortes de « boules » de cheveux du plus bel effet.
Elle descendit ensuite accueillir son oncle ainsi que son invité.


Gilles n’avait que très peu changé depuis qu’elle avait des souvenirs de lui, se rendit-elle compte en le voyant dans l’entrée. Bien qu’il fût grisonnant, le iop avait encore la carrure massive de sa jeunesse, passée à sillonner le monde des 12 à la recherche des célèbres dofus. Finalement, ne trouvant pas son bonheur dans l’aventure et le voyage, il s’était installé à pandala, où il avait apprit les techniques de fabrication des boucliers les plus poussées, art ultime des pandawas. Avec sa grande expérience de la forge d’armes, qu’il avait acquise au cours de ses années de déplacement, il était vite devenu une personnalité de l’île, chez qui bon nombre d’aventuriers faisaient le détour pour se faire fabriquer des objets uniques. Il coulait ainsi une retraite tranquille mais loin d’être ennuyeuse.
Il était de nature assez grognon, probablement une cicatrice du temps qu’il avait passé à combattre pour sa vie contre des créatures toutes plus vicieuses et dangereuses les unes que les autres. Mais si l’on prenait la peine de le connaître un peu, on pouvait se rendre compte qu’il avait un cœur d’or, complété par un code de l’honneur plus que chevaleresque, qui en faisait un compagnon et un ami de confiance.
À côté de lui se tenait un xélor, pour ainsi dire sans aucun signe distinctif. Lorsque Ecarlia arriva, il était en train de déposer un baiser sur la main de Prune, en balayant le sol de son chapeau avec un grand mouvement extrêmement… « ringard », pensa aussitôt la sacrieur. « Ce doit être Wallace… ».
Quand elle arriva devant les trois adultes, un sourire forcé sur les lèvres, le xélor s’illumina soudain.
  • Ça alors ! Vous devez être Ecarlia !
  • En effet, répondit-elle.
  • Je n’en reviens pas…la dernière fois que vous ai vu vous ne faisiez même pas ma taille ! lui dit-il en riant. Mais vous êtes devenue une très belle jeune femme à ce que je vois…
Il prit la main de la sacrieur et y déposa à son tour un baiser tout sec. Ecarlia ne savait plus vraiment où se mettre. Elle ne pensait pas du tout pouvoir être au goût d’un petit être entouré dans des bandelettes…
  • Hem…Ecarlia, voici Wallace, cru bon d’ajouter Gilles. Il est montreur de montres, c’est un très vieil ami, nous avons fait un long bout de chemin ensemble autrefois…
  • Enchantée, dit-elle à l’encontre du xélor qui souriait toujours aussi béatement.

Elle ne savait absolument pas ce qu’était un « montreur de montres », mais supposa que, comme elle n’en avait jamais entendu parler, ce devait être un métier pour le moins rare et difficile, prestigieux. Comme s’il avait pu lire les pensées de la jeune femme, le xélor la regarda avec malice.
  • Je vous expliquerai de quoi il s’agit tout à l’heure, lorsque nous serons à table, si vous le souhaitez.
Ecarlia rougit. Elle ne se sentait pas, mais alors pas du tout à l’aise en présence de ce Wallace.
  • Ah oui ? Vous restez manger ? dit-elle faussement joyeuse.
  • Ma foi, ce bon vieux Gilles me l’a gracieusement proposé, et connaissant les talents de Prune aux fourneaux je n’ai pas pu résister !
« Génial » songea-t-elle.


***


Après avoir discuté de choses et d’autres, qui intéressèrent follement Ecarlia (la plupart des dialogues portaient uniquement sur des détails soi-disant croustillants des aventures des deux vieux de la vieille), Prune les appela, et ils passèrent à table.
Ecarlia reconnut aussitôt le sanglier qu’elle avait tué quelques heures auparavant, et fut tout bonnement ébahie par la vitesse à laquelle sa tante avait réussi à cuisiner cette viande, pourtant réputée n’être utilisable que par les meilleurs cuisiniers, à cause de la préparation très difficile qu’elle exigeait.
Et bien évidemment, le repas fut délicieux. Le sanglier était accompagné de pouces de bambous à la sauce aigre-douce. La combinaison était originale, mais exquise.
Le repas se déroula sans aucun problème, les deux hommes plaisantant en permanence, et les deux femmes souriant poliment à leurs plaisanteries. Ecarlia ne se sentait pas à son aise dans ce repas, personne ne faisait réellement attention à elle, et elle ne s’en plaignait pas vraiment.
Cependant, lorsque chacun eu fini son assiette et était plus qu’heureux de ce sanglier fraîchement chassé, un petit silence de digestion s’installa. Le xélor prit une fois de plus son air mystérieux, reportant son attention sur Ecarlia. Elle le remarqua, et soutint son regard transperçant, que les xélors savaient si bien faire.
  • Mademoiselle, il m’a semblé tout à l’heure que votre visage s’était teint d’incompréhension lorsque votre oncle a parlé de mon…métier, si je puis dire.
Ecarlia hocha timidement la tête. Wallace eu un petit rire.
  • Allons, ne soyez pas gênée, le titre de monteur de montres n’est pas courant, et il est tout à fait normal qu’une personne de votre âge n’en connaisse pas encore l’existence.
Il mit ses coudes sur la table, joignant ses mains devant son visage, et la fixa intensément. Ecarlia, malgré le fait qu’elle soit d’un courage assez peu courant pour une jeune fille, se senti rétrécir face à la puissance de ce regard, et comprit mieux que jamais que la petite taille des xélors était un piège qui pouvait se révéler mortel à quiconque ne les prenait pas au sérieux.
  • Seul les xélors qui délaissent toutes les autres disciplines peuvent devenir montreurs de montres, car cela demande une étude et une maîtrise des mécanismes d’horlogerie et du temps qu’un xélor qui, par exemple, serait obnubilé par la quête des dofus, ne pourrait jamais atteindre. C’est d’ailleurs pour cela que (il se tourna vers Gilles), j’ai dû quitter mes compagnons d’aventure. Pour pouvoir me consacrer uniquement à cet art.
Gilles hocha gravement la tête, le regard perdu dans le vide, contemplant probablement un de ses nombreux souvenirs.
  • Mais, heu…ça consiste en quoi exactement ? demanda Ecarlia, qui commençait à porter un intérêt grandissant au petit personnage assis devant elle.
Le xélor lui sourit.
  • Expliquer la chose en détail est probablement impossible pour ceux qui ne sont pas versés dans la manipulation du temps, mais il est possible d’en faire une description approximative pour les profanes, dont, je suis au regret de vous en informer, vous faites partie.

Il s’installa bien confortablement sur les coussins qui lui permettaient d’être à la hauteur de la table, et commença son explication :
  • Imaginons le temps comme un rayon de lumière blanche, et les montreurs de montres comme un prisme très complexe. La lumière passe à travers le prisme, et se décompose en une infinité de rayons de lumières, aux couleurs toutes différentes. Jusque là ça va ?
Ecarlia fit « oui » de la tête. Elle avait déjà vu plusieurs fois des xélors faire ça. Ils mettaient un morceau de cristal poli et sculpté de façon étrange en travers d’un rayon de lumière blanche, et quand elle passait au travers, on observait sur la surface sur laquelle elle arrivait de nombreuses couleurs, mais pas de blanc. Elle s’était d’ailleurs souvent demandée par la suite si les arcs-en-ciel ne fonctionnaient pas sur un principe semblable, sauf qu’à la place d’un morceau de cristal, on avait des millions de gouttelettes de pluie.
  • Excellent. Et bien voyez-vous, le montreur de montres a la faculté de pouvoir reconstituer à travers ses montres, ce qui se passe pour cette lumière avant qu’elle ne passe dans le prisme, à l’intérieur même du prisme, et lorsqu’elle en sort. Et ce quelle que soit la couleur de départ de la lumière, et quelles que soient ses couleurs après qu’elle eut été décomposée par le prisme.
  • Ça veut dire que vous pouvez…
  • Oui, jeune fille, vous avez comprit. Les montreurs de montre peuvent savoir ce qui a été, ce qui est réellement, et ce qui sera.
Il eut un sourire de satisfaction.
  • Nous pouvons connaître l’avenir en quelque sorte.

Ecarlia n’en revenait pas. Elle n’aurait jamais pu imaginer, même dans ses rêves les plus fous, qu’une telle chose soit possible. Mais surtout, elle fut très étonnée d’avoir comprit tout ce que le xélor avait dit. À côté, son oncle se frottait les yeux, et sa tante semblait voir renoncé il y a bien longtemps déjà à comprendre ce discours.
  • Mais…il y a bien évidement des risques, continua Wallace. Une telle manipulation du temps entraîne une sorte de…coagulation de celui-ci, je ne saurais quel autre terme utiliser, à l’intérieur des montres. C’est la réaction des montres face à cette déformation du temps qui permet au montreur d’en déduire les changements du destin de la personne qui regarde les montres, ainsi que son passé ou bien la vérité sur son présent. Mais cette coagulation du temps, qui n’est absolument pas stable, demande une parfaite maîtrise de la part du xélor qui la provoque. Si par malheur, il venait à en perdre le contrôle…
Il se tu, et fixa Ecarlia, qui était totalement suspendue à ses lèvres, comme jamais elle ne l’avait été. Il sembla très fier de son petit discours, et fini sa phrase d’une voix grave :
  • Son esprit pourrait être ravagé par le temps déformé, qui se tord pour revenir à son état normal, et son corps subirait les dangereux aléas d’une puissance qui, non maîtrisée, se retournerait contre son maître. Un peu à la manière d’un osamodas qui se ferait flamber par son dragonnet en colère.

Il avait dit cette dernière phrase sur un ton de plaisanterie, mais cela ne fit rire que Gilles. Ecarlia, elle, ne disait rien. Elle était complètement sous le charme de ce qu’elle venait d’apprendre.
Voir ce qui a été, ce qui est, et ce qui sera…Quelle perspective incroyable ! Un tel pouvoir était absolument fantastique ! Non, plus que fantastique…hallucinant ! Elle s’imaginait déjà en train de prédire leur avenir à des dizaines de personnes, « Ecarlia la magnifique ».
Autant de rêves de petite fille qui lui montaient soudain à la tête, comme un geyser monte des entrailles de la terre pour jaillir à la surface.
Mais Wallace avait bien dit que seuls ceux ayant une maîtrise exceptionnelle sur le temps et une connaissance des mécanismes d’horlogerie sans pareille pouvaient devenir montreurs de montres…
Elle s’en fichait. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais devenir une voyante extralucide, mais cette idée lui plaisait plus qu’aucune autre jusqu’à maintenant.
Elle se dit qu’en fait, ce Wallace qui lui avait semblé être tout sauf digne d’intérêt au premier abord, allait bientôt figurer dans sa liste personnelle de personnes intéressantes.




Le reste de la soirée se déroula sans événement particulier. Wallace avait de nombreuses anecdotes sur son travail, et la personne curieuse et particulièrement intéressée qui se trouvait face à lui le poussait à parler de lui et sa discipline avec un grand plaisir.
Lorsque Wallace annonça qu’il devait partir, Ecarlia fut la première à être surprise de l’heure tardive à laquelle leurs discussions les avait emmenés. Elle lui dit au revoir avec un grand regret, que Wallace perçu très facilement. Il lui donna donc son adresse, à Bonta, et lui proposa de lui rendre visite quand elle voulait, pour lui montrer son matériel de montreur.


Lorsqu’il fut parti, une autre réalité moins agréable s’imposa à Ecarlia : sa queue commençait à s’engourdir douloureusement, et son ventre avait de plus en plus de mal à contenir le repas copieux qu’elle avait avalé tant il était écrasé.
Elle fonça donc dans sa chambre, et retira le corset avec un immense soupir de soulagement. Elle étira sa queue pour en enlever les fourmis, fit quelques figures avec pour le simple plaisir de faire des figures avec. Elle remit ensuite sa chemise, et descendit aider sa tante à nettoyer la cuisine après cette soirée. En dévalant les escaliers, elle lança en parlant assez fort pour que son oncle l’entende :
  • Il était sympa ton ami tonton. Il était intéressant, je pense que je vais bientôt aller lui rendre visi…

Ecarlia s’immobilisa en bas des escaliers.
Wallace était là, dans l’entrée. Il semblait qu’il avait oublié de remettre des documents à Gilles, et était revenu donner des rouleaux de parchemin au vieux iop, pendant qu’Ecarlia était montée se libérer de son corset étrangleur.
Et il la regardait avec un visage plus que surprit. Il semblait effrayé.
Ecarlia comprit vite ce qui clochait.


Sa queue était parfaitement visible derrière elle. Et impossible de la cacher.


Gilles avait une expression d’effarement sur son visage.
La sacrieur ne bougeait pas, elle ne savait pas du tout quoi faire.
Prune sortit de la cuisine, pour savoir ce qui avait provoqué ce silence soudain. Elle poussa un petit cri lorsqu’elle vit Ecarlia, et plaqua ses mains sur sa bouche.
La scène se figea dans cette position, comme si le dieu Xélor avait voulu qu’elle soit particulièrement bien comprise par des spectateurs invisibles.
Et ce fut justement le xélor qui brisa le silence.
  • Hum…et bien, je suis très flatté de vous avoir fait une telle impression ma chère…puis-je vous proposer une date précise ?
Le regard de Gilles se fit dur. Très dur.
  • Ecarlia…remonte tout de suite.
La jeune femme fut tentée de remonter aussi vite que possible, sans un seul regard derrière elle, tant elle était embarrassée par cette situation. Mais quelque chose en elle l’en empêcha. Wallace avait déjà vu sa queue.
  • Non.
Cette fois, le regard du iop se teinta d’incompréhension.
  • Co…comment ?
  • Tu m’as très bien entendu ! NON ! cria Ecarlia vers son oncle, qui fit un pas en arrière, surprit de ce soudain accès de colère. Je ne veux pas la cacher une fois de plus ! Je ne veux plus la cacher parce que vous avez honte de moi !
  • Honte ??? Qui a parlé d’avoir honte ? Si nous te demandons de la cacher c’est parce que…
Ecarlia attendit la suite, les yeux brûlants de colère. Mais le iop ne continua pas sa phrase.
  • De toute façon, c’est quoi ce comportement hein ? Obéit ! Remonte immédiatement !
Le xélor tenta de calmer le iop furieux :
  • Voyons Gilles, cette jeune fille n’a rien fait de mal…j’ai vu des choses si étranges que ceci en est ridiculement banal à mes yeux…si c’est à cause moi, il ne faut pas…
  • Tu ne peux pas comprendre ! lui répondit Gilles d’une voix qui trahissait à présent plus d’angoisse que de colère. Tu ne devais pas voir ça ! Il faut qu’elle la cache aux yeux de tous, au moins jusqu’à ce que…
Encore une fois, il ne termina pas sa phrase. Il se tourna vers la sacrieur et lui ordonna d’un ton brusque :
  • Remonte ! Maintenant !
Elle lui lança un regard glacial, et lui répondit, la voix vibrante de colère face au comportement répugnant de son oncle :
  • Il n’en est pas question.
La sacrieur passa devant Gilles comme une tempête, et sorti en trombe de la maison. Prune, qui n’avait encore rien dit, se précipita à sa suite, complètement paniquée.
  • Ecarlia ! Mais où vas-tu ?
Elle se retourna.
  • Je vais les voir. Au moins, je suis sûre que eux, ils ne me rejetteront pas pour ce que je suis.
Elle avait dit cela d’une voix tellement cinglante que la petite eniripsa s’arrêta net, et ses yeux se remplirent de larmes.
Ecarlia s’en fichait, elle n’en avait rien à faire. Elle marcha droit devant elle, les poings et les dents serrés à lui en faire mal. La seule chose qui la gênait, c’était que Wallace eût été obligé de voir ça…mais après tout tant pis. Tout ce qu’elle voulait pour le moment, c’était atteindre le zaap de pandala.


***


Wallace regardait la jeune femme partir dans la nuit. Il avait deviné depuis qu’il l’avait revue tout à l’heure que cette fille avait quelque chose de spécial, mais il n’aurait pas su dire quoi…et il avait été très surprit lorsqu’il avait vu cette queue d’écaflip. Alors c’était bien elle…était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Même son grand talent de montreur de montres n’aurait pas pu prévoir ce qu’il venait de voir ce soir. Le destin était en marche…


***


Ecarlia arriva au zaap, le cœur battant la chamade, et les yeux humides. Elle ne comprenait pas…elle ne comprenait pas pourquoi elle devait sans arrêt se cacher, cacher ce qu’elle était, ce qu’elle serait toujours.
Elle pensa à un anneau de pierre posé dans une petite clairière, entourée d’un joli bois. Le vortex bleu ciel brilla, et la sacrieur passa dedans. Une impression de froid…comme si elle plongeait dans un cours d’eau en plein hiver. Et elle arriva à destination. La clairière était bien là, inchangée depuis la dernière fois qu’elle était venue.


Il y avait un chemin qui serpentait à travers la forêt. Elle le suivit. Son cœur battait déjà moins vite. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais cet endroit l’apaisait, la calmait. La nuit était loin d’être fraîche, contrairement à pandala au même moment. Elle était au contraire tiède, particulièrement agréable. On voyait les étoiles merveilleusement bien, comme des milliers, des millions de diamants qui scintillaient dans les cieux éloignés. Ecarlia pu reconnaître des constellations. En cette saison, on voyait très nettement Osamodas et Sram, l’un une succession d’étoiles en forme de ‘S’ ressemblant à un grand dragon, l’autre une forme qui rappelait un crâne. Elle réussi même à distinguer Ecaflip et Sacrieur. Le grand rectangle symbolisant une carte à jouer avec six étoiles alignées comme les six points d’un dé, et les deux grands groupes d’étoiles presque symétriques, qui ressemblaient à une paire d’ailes.


Son esprit en colère redevint plus paisible devant les bruits et les odeurs de la forêt. Ici, elle se sentait vraiment bien…aussi bien que dans les airs.
Elle continua à suivre tranquillement le chemin, jusqu’à ce qu’elle arrive, quelques minutes plus tard, à une grande clairière. Malgré la semi-obscurité et l’absence de lune, les étoiles brillaient tellement qu’elle pouvait voir tout ce qu’il restait dans la clairière.


Une ruine noire, brûlée, recouverte par la végétation depuis maintenant des années, était encore visible. Sa toute première maison était là, vestige de son passé, preuve que la jeune femme qu’elle était à présent avait été un jour une toute petite fille courant dans l’herbe de la clairière.
Et à la lisière de la forêt, protégées des bêtes nocturnes fouineuses par une grille serrée à pointes, deux tombes blanches, encore plus lumineuses que le reste sous la lueur des milliards d’astres luisants, comme éclairées de l’intérieur.


Ecarlia se dirigea vers les stèles Elle ouvrit la porte de la grille, et s’approcha des deux monuments brillants. Sur les plaques de marbre, on lisait les inscriptions gravées en lettres d’or :
« Ci-gît : Salomon Hergriffe, sacrieur. Né en 586. Décédé en 617, à l’âge de 31 ans »
« Ci-gît : Irmine Hergriffe, écaflip. Née en 588. Décédée en 617, à l’âge de 29 ans »
La jeune femme s’agenouilla devant les tombes, et sourit.
  • Bonsoir papa, bonsoir maman.

Et elle leur parla. Elle leur parla sans attendre aucune réponse, juste pour leur parler. Elle leur parla de ce qu’il s’était passé depuis la dernière fois qu’elle leur avait rendue visite. Elle leur parla de ses parties de chasse, des nouvelles rencontres qu’elle avait faites, des garçons mignons qui lui avaient fait de l’œil, et qu’elle avait gentiment repoussés. Elle adorait leur parler, elle ne se sentait pas du tout ridicule. Au contraire.
Et puis elle leur parla de Wallace, le xélor qu’elle avait rencontré le soir même, et qui lui avait expliqué en quoi consistait le métier de montreur de montres. Elle leur expliqua ce qu’elle en avait comprit, avec un intérêt ouvert. Elle s’attarda même assez longtemps sur le sujet, comme pour éviter ce qu’elle savait pourtant inévitable.
Mais elle fini par leur avouer sa dispute avec son oncle et sa tante, le soir même, sous le regard de Wallace…Cet aveux lui fit plus mal qu’elle ne l’aurait pensé, raconter toute la scène la plongeant dans une grande tristesse.
  • Pourquoi ils ne veulent pas que les gens sachent ce que je suis réellement ? demanda-t-elle plus à elle-même qu’à l’attention de la pierre blanche. Moi je n’en ai jamais eu honte…c’est un cadeau de toi maman, comment pourrais-je en avoir honte ? Et pourtant ils ne veulent pas…ils ne comprennent pas…

Des larmes coulèrent sur ses joues, et vinrent s’ajouter à la rosée qui commençait déjà à perler sur l’herbe verte. Elle ne savait plus quoi faire, elle était perdue…si seulement quelqu’un pouvait l’aider…l’aider à comprendre pourquoi sa queue était un tel problème.


Elle aperçu soudain une lumière vaciller derrière elle. Il y avait quelqu’un. Elle se releva, et alla s’accroupir derrière la tombe de son père, se demandant qui pouvait bien venir ici, et surtout à une heure pareille.
  • Hé ho ! Il y a quelqu’un ? appela une voix cassée et un peu bourrue. Il ne faut pas rester là ! C’est dangereux ! Sortez !
Ecarlia regarda discrètement à qui appartenait cette voix. C’était un enutrof, qui tenait une lanterne à la main. Il dirigeait la lumière vers sa position, mais n’avançait pas. On aurait dit qu’il n’osait pas approcher les tombes…
La sacrieur se leva, et s’exposa à la lumière.
  • Qui t’es toi ? demanda le vieil homme. Qu’est ce que tu fais là ?
  • Je m’appelle Ecarlia, je viens rendre visite à mes parents, répondit-elle simplement.
Le vieillard paru surpris.
  • À tes parents ? T’es leur fille ?
  • Oui.
  • Nom de nom de bondiou de bwork asthmatique ! C’est dingue ! Il paraît que les gosses de ces deux là n’ont jamais été retrouvés ! Et toi tu arrives comme ça et tu dis que t’es leur fille ? Ho ho, en voilà d’une nouvelle qu’elle est pas banale ! Mais t’es sûre que ce sont vraiment tes parents, gamine ?
Ecarlia fut choquée de cette question. Comme si une telle chose se discutait !
  • Et on peut savoir qui vous êtes ? interrogea-t-elle sur le ton de la colère montante.
  • Mildiou ! J’me suis pas présenté à la damoiselle ! fit le gaillard et se tapant sur le front de sa main libre. Je suis Igorotchev, mais tout le monde m’appelle Igor. Je suis le gardien de ces lieux depuis peu, mon travail consiste juste à les entretenir. C’est pour ça que ces belles tombes restes aussi blanches, gamine ! Parce que bibi est là et surveille tout ça !
La sacrieur ne pensait pas que quelqu’un d’autre qu’elle venait ici régulièrement, et encore moins que c’était pour entretenir les tombes de ses parents. Cet homme rabougri et à l’allure un peu folle lui inspira tout à coup de la sympathie.
  • Donc ma petite, je sais pas qu’est-ce qui te pousse à venir ici la nuit, et je veux même pas savoir si t’es vraiment leur fille ou pas, tu rends visite à qui tu veux où tu veux, ça me regarde pas. Mais je te conseille quand même de pas rester là.
Ecarlia le gratifia d’un long regard interrogateur. L’enutrof le remarqua très bien, et s’approcher d’elle pour lui parler à voix basse, comme si elle lui avait clairement demandé des explications plus précises.
  • Ces derniers temps, y a un type qui vient assez souvent la nuit. Un type complètement noir. J’arrive jamais à voir son visage. Un genre de pilleur m’est avis. Il vient fouiner autour des tombes et de la maison. Mais…ha ha ! Il reste jamais longtemps, parce que…
Il prit une pose et une voix supposées être inquiétantes.
  • Il se fait botter le train vite fait par des fantômes. Ouais !

Il parut content d’avoir dit cela. Ecarlia leva les yeux au ciel. Des fantômes, voyez-vous ça…ce vieil homme avait passé trop de temps à la taverne, c’était évident. Elle ne pouvait pas trop lui en vouloir malgré tout, son métier ne devait pas être amusant tous les jours. Il fallait bien qu’il se fasse plaisir de temps à autres. La bonne conduite aurait voulu qu’elle le raccompagne quelque part en le tenant par le bras pour ne pas qu’il aille se cogner contre un arbre, mais elle se dit que jouer le jeu lui ferait un peu de distraction, amusée qu’elle était par ce vieux bonhomme, qui lui faisait un peu de compagnie dans le moment de solitude qu’elle était en train de vivre.
  • Des fantômes ? Vous voulez dire des spectres tout blancs ? Tout laiteux ? Transparents ? Qui lévitent à quelques centimètres du sol ? lui demanda-t-elle en essayant de paraître intéressée.
  • Nenni mon petit ! répondit l’enutrof. Justement, rien à voir avec des fantômes classiques ! Ceux-là ils sont tout sombres, et ils sont dans le sol, ils sont pas en train de jouer les tofus à trois mètres de haut ! Et puis ils ressemblent à rien, ils changent toujours de forme ! Le type en noir qui vient essaye de se défendre, mais il fini toujours par se tirer dard-dard ! Et autant vous dire que moi j’aurais fait pareil.

Cette fois c’était sûr, le vieil homme avait fait un concours de beuverie avec un pandawa, et avait gagné. Il continuait à parler des apparitions qu’il voyait, avec un intérêt redoublé. Ecarlia se dit qu’il fallait qu’elle l’arrête d’une façon ou d’une autre, sinon il allait finir par rester là le reste de la nuit.
  • Écoutez, monsieur…
  • Pas de monsieur chez moi gamine ! l’interrompit aussitôt l’enutrof. Ça me fait un poil de barbe blanc en plus en plus à chaque fois ! Moi c’est Igor, ni plus ni moins.
  • Très bien, Igor…merci beaucoup pour vos conseils, je pense que je vais bientôt rentrer chez moi. Vous devriez faire pareil.
  • Hé là ! Qu’est-ce que tu insinues petite jeune ? Que je suis trop vieux pour rester dehors à cette heure là, c’est ça ?
Ecarlia le regarda d’un air las.
  • Je vais rentrer chez moi, mais c’est bien parce que j’en ai envie figure-toi ! Et tu devrais faire pareil le plus vite possible ! lui envoya-t-il en faisant déjà marche arrière.
  • C’est ça…bonne soirée à vous Igor.
Le vieux s’en alla, et la lumière de sa lanterne le suivit, replongeant progressivement la clairière dans la pénombre. Ecarlia resta un peu sur place, sans bouger, le temps que ses yeux s’habituent de nouveau à la simple clarté des étoiles, puis elle retourna en face des tombes de ses parents. Elle leur adressa un sourire moqueur.
  • Hé bien ! On dirait que vous ne vous ennuyez pas ici. C’est un drôle de type celui-là…mais il l’air sympa. Et puis il prend soin de vous.
Elle aurait bien voulu rester un peu plus longtemps, mais un vent froid commençait à se lever.
  • Brrr…je crois que je vais rentrer, dit-elle à l’adresse des blocs de pierre. À bientôt, prenez soin de vous, vous aussi.
Elle tourna le dos aux tombes, et sorti du petit enclos en prenant bien soin de refermer la grille derrière elle. Elle frissonna. Le vent était devenu glacial tout à coup.


Une rafale souffla. Elle poussa un cri de surprise tant elle était froide. Soudain inquiète, elle s’arrêta de marcher, et regarda autour d’elle. Rien. Elle se senti stupide. « Mais qu’est ce que tu t’attendais à voir, un fantôme ? Grande bêtasse » se dit-elle.
Cela dit, elle n’était pas complètement rassurée. Elle se remit à avancer, mais plus prudemment.
Nouvelle rafale. Cette fois, le froid était si intense qu’elle se recroquevilla sur le sol, son corps complètement contracté par la soudaineté du changement de température. Quelque chose n’allait pas, c’était sûr cette fois. Un froid pareil en cette saison n’était pas normal. Elle se releva une fois de plus et regarda de nouveau autour d’elle.


Et elle le vit.
Une grande forme noire avançait vers elle sur le sol, comme une ombre mouvante. Igor n’avait pas bu un peu trop. Le fantôme était là devant elle. Ecarlia ne pouvait pas bouger. Elle était paralysée par la peur de cette soudaine apparition. L’ombre avançait vers elle en serpentant sur le sol comme un reptile. Une voix morte lui parvint aux oreilles.
Va-t’en.
Fuit.
Va-t’en.
Laisse-les en paix.
Laisse-les tranquilles.
Va-t’en.
Ou tu mourras.


Ecarlia ne bougea pas. L’ombre était sur elle. Elle se redressa comme un immense et sombre cobra. La sacrieur vit deux points blancs luire en haut de cette ombre.
Et des griffes invisibles la lacérèrent.
La douleur la fit réagir. Un réflexe soudain la fit sauter sur le côté pour échapper à l’ombre. Elle reprit ses esprits et regarda son corps. Sur ses bras et sur son torse, il y avait des entailles profondes et bien nettes. Pourtant elle n’avait vu aucune griffe sortir de cette ombre. Mais elle n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps. Déjà, la créature était rentrée dans le sol, et se dirigeait à nouveau vers elle.
Va-t’en.
Meurtrier.
Va-t’en.
Ou tu mourras.
L’ombre se redressa encore. Ecarlia vit de nouveau luire les deux points blancs. Mais cette fois, ce fut elle qui frappa. Elle donna un coup de poing en direction de l’ombre, et elle senti le souffle puissant sur son visage, alors qu’un jet d’air jaillissait du sol juste sous la créature, pour venir la frapper avec la force d’un boulet de canon.
Elle poussa un cri perçant, insupportable. Ecarlia se boucha les oreilles, mais elle l’entendait toujours. Le bruit était insoutenable. Elle tomba à genoux, les tympans vrillés par le vacarme assourdissant.
D’autres griffes la tailladèrent.


Elle se releva, et commença à courir. Mais courir où ? Où pourrait-elle être à l’abri ? L’ombre la suivait. Il fallait qu’elle coure pour sauver sa vie, qu’elle s’en aille le plus vite possible. Elle ne pouvait rien faire contre cette chose.
L’ombre réapparut juste devant elle. Elle failli en tomber à la renverse. Comment avait-elle fait ça ? Elle reparti dans la direction opposée, le souffle court. Non ! L’ombre était encore là ! Elle regarda autour d’elle. Il y avait des ombres partout. Elle ne pouvait pas fuir. Des flashs de son passé lui revinrent en mémoire. Elle courrait, et l’inconnu sombre était lui aussi partout…
Va-t’en.
Ils sont en colère.
Va-t’en.
Fuit.
Tu vas mourir.
Ils sont en colère.
Ils ne veulent pas de toi ici.
Va-t’en.
Meurtrier.


Douleur.
Des dizaines de griffes invisibles la meurtrissaient. Ses bras, ses jambes, son ventre, son dos…son visage. Elle senti le sang couler le long de sa peau, un peu partout. La peur l’envahit pour de bon. Elle allait mourir. Rien ne pourrait la sauver. Elle vit sa tante et son oncle, sur le pas de la porte, la regardant partir avec des yeux désespérés. Non, elle ne pouvait mourir après avoir fait ça…il fallait qu’elle s’excuse…elle les aimait, elle ne pouvait pas partir comme ça…


Soudain, les assauts cessèrent. Elle s’était roulée en boule dans la position du fœtus, le dos vers le haut, les mains sur la tête. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait. Les sensations de brûlures commencèrent à s’estomper. Les ombres ne l’attaquaient plus. Elle releva craintivement la tête. C’était peut-être un piège.
Non, les ombres étaient toujours là. Mais elles se contentaient de la regarder. Ou plutôt elles regardaient…sa queue.
Ecarlia ne bougea pas. Pourquoi s’étaient-elles arrêtées ?
Les ombres recommencèrent à s’agiter. Mais elles ne touchaient plus la sacrieur.
Ce n’est pas lui.
Pas lui.
Qui est-ce ?
Ce n’est pas lui.
Ils ne veulent pas.
Ce n’est pas lui qui les a tué.
À ces mots Ecarlia, se releva. Ils ne veulent pas ? Ce n’est pas lui qui les a tué ? Ce n’était quand même pas…


Pas lui.
Ils ne veulent pas.
  • De…de qui parlez vous ? cria Ecarlia dans le chaos de paroles. Est-ce que…ce sont mes parents qui vous parlent ?
Ce n’est pas lui.
Qui est-ce ?
Ils ne veulent pas.
C’est leur enfant.
Ils veulent qu’elle reste.
  • Mes parents ? Mes parents vous parlent ?
Ecarlia voulait en savoir plus. Mais les ombres ne semblaient plus faire attention à elle. Elles remuaient dans tous les sens, certaines commençaient à disparaître dans le sol.
  • Attendez ! S’il vous plaît ! hurla Ecarlia au bord des larmes. Attendez ! Qui cherchez-vous ? Vous cherchez leur assassin ? Qui est-ce ? Je vous en supplie attendez !
Pas lui.
C’est leur enfant.
On ne doit pas.
Pardon…
On ne doit pas.
  • Qui est leur assassin ? QUI EST-CE ?!? REPONDEZ-MOI !!!
Ils ne veulent pas.
Ils veulent qu’elle vive.
Ils ne savent pas.
Leur assassin…
Ils disent émeraude.
Émeraude.
Padgref.
Ils disent « trouve Padgref »
Émeraude…
Padgref…
Trouve-les.
Ils disent...


Les ombres disparurent.
  • Non ! Je vous en supplie, restez ! cria Ecarlia en martelant le sol de ses poings, ses joues ruisselantes de larmes. Restez ! Qui est Padgref ? Pourquoi émeraude ? Je ne comprends pas ! C’est Padgref leur assassin ? Qui est-ce ? Revenez !
Mais la sacrieur hurlait seule dans la nuit à présent. Plus rien ne lui répondait.
Hophophop ! Jme remue !

Chapitre IV


Le vent froid s’était tu. La nuit était redevenue calme depuis un long moment déjà. Les criquets et autres petites bêtes de la forêt avaient reprit leurs activités, et la mélodie sauvage qui berçait les hommes depuis des millénaires recommençait timidement à monter dans l’air, comme pour assurer les alentours que tout danger était écarté. La clairière redevint le lieu paisible qu’elle était habituellement, un lieu de repos éternel, où seuls les bruits de la forêt venaient troubler le silence.


Cependant, dans ce havre de paix bucolique, un léger sanglot se mélangeait au chant des insectes nocturnes, et trahissait une présence humaine au milieu du règne de mère Nature. Ecarlia était à genoux sur l’herbe humide, la tête posée par terre, et le cœur battant. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle venait de voir, d’entendre.
Ces monstres, ces ombres mouvantes, aux griffes tranchantes et invisibles…
Elles lui avaient laissée la vie sauve. Elles auraient pu la tuer, la sacrieur aurait été sans aucun moyen de se défendre. Mais elles ne l’avaient pas fait. Ecarlia était toujours en vie. Et elle était sûre, elle était convaincue, que c’étaient ses parents qui l’avaient sauvée. Les ombres avaient dit « Ils ne veulent pas. C’est leur enfant ». Elle les avait très nettement entendu dire cela. Et qui, à part ses parents, auraient pu les arrêter en leur disant « Non ! Laissez-la tranquille, c’est notre enfant ! » ? Ils étaient là, avec elle, dans cette clairière. Ils avaient stoppé les créatures qui auraient pu lui prendre sa vie.


Ecarlia était chamboulée. Elle était certaine que c’était la vérité, que ses parents avaient arrêté les monstres sans corps et lui avaient sauvé la vie ; mais d’un autre côté une telle chose était parfaitement impossible, irrationnelle ! Ses parents étaient morts, enterrés, à quelques pas d’elle ! C’était Gilles lui-même qui les avait inhumés après leur décès ! Il n’aurait jamais pu lui mentir à propos d’une chose pareille ! D’ailleurs un tel mensonge ne lui aurait absolument rien apporté. Qu’a-t-on à gagner en faisant croire qu’on a enterré deux personnes ? C’était absurde…ses parents étaient morts et bel et bien morts.


Et pourtant les ombres écoutaient quelqu’un, faisaient et répétaient ce que ces personnes leur disaient…et elles avaient dit « c’est leur enfant, ils ne veulent pas ». Donc ses parents étaient vivants, ils n’auraient pas pu parler aux créatures s’ils avaient été morts !
Ecarlia plaqua ses mains contre ses oreilles et serra les dents pour ne pas crier, comme si un esprit persécuteur et mauvais la tourmentait en lui susurrant des horreurs auxquelles elle ne pouvait pas échapper.
Elle ne savait pas quoi penser. Tout dans sa tête se mélangeait, tournait dans un chaos sans nom, lui donnant le vertige et la nausée.


Et puis il y avait ce nom : Padgref. Les créatures l’avaient répété plusieurs fois, lorsqu’elle avait demandé qui était le meurtrier de ses parents. Padgref…ce nom ne lui était pas inconnu. Elle l’avait déjà entendu, mais où ? Dans un rêve…dans un souvenir… mais c’était un souvenir lointain. Trop lointain.
Les monstres lui avaient dit « trouve Padgref ». Le trouver ? Mais comment ?! Elle ne connaissait que son prénom, pas son nom de famille ! Elle ne savait pas du tout qui était ce Padgref ! Elle n’était même pas sûre que ce fût bien l’assassin de ses parents…


Ecarlia n’aurait pas su dire combien de temps elle était restée là, immobile, recroquevillée sur le sol. Mais alors que son esprit luttait encore pour reprendre le contrôle des événements, une voix bourrue résonna derrière elle :
  • Ben alors ! Toujours là toi ? T’as passé la nuit ici ou quoi ?
Elle senti quelque chose lui taper doucement dans le dos.
  • Hey ! Tu m’entends gamine ? Allons bon, qu’est ce qu’elle a ? Elle est dans les pommes ou quoi ? On dirait qu’elle s’est prise un marteau de trooll en plein sur la caboche.
Un bras puissant la prit sous la taille, et la releva presque sans effort. Elle entendit un claquement de doigts, mais ne s’en souciait pas du tout. Elle ne remarqua même pas tout de suite l’enutrof qui se tenait devant elle et qui la regardait d’un air inquiet :
  • Elle a l’air en état de choc mon vieux Igor…Houlà ! Mais t’as pleuré toute l’eau de ton corps ma pauvre ! Attend…
Elle vit qu’on lui tendait une gourde. Elle avait soif…non pire, elle était complètement déshydratée. Machinalement, sa main prit le récipient. Elle porta le goulot à sa bouche et en bu une grande gorgée.
Le liquide lui brûla la gorge, et lui fit écarquiller les yeux de surprise. La gourde était pleine de l’alcool le plus fort qu’elle eût jamais goûté !
Elle recracha le peu de liquide qui était encore dans sa bouche, et se mit à tousser violemment en se tenant la gorge à deux mains, les larmes aux yeux.
  • Ha ha ha ! Elle est pas bonne l’eau de vie de cawotte d’Igor ? fit l’enutrof en riant de bon cœur, les poings sur les hanches. Elle a sauvé plus d’un blessé dans les vap' cette gourde, tu peux me croire ! ajouta-t-il en refermant délicatement le récipient. Pour ma part, j’y toucherai jamais à cette saleté, trop fort pour moi.
Ecarlia se redressa, le ventre en feu, et le regard furieux.
  • Vous êtes malade ou quoi ?!? Ce truc pourrait servir à désherber ! J’ai failli avoir une attaque !
  • Tiens ? Tu parles maintenant ? plaisanta-t-il. Désolé de t’avoir fait subir ça petite, mais t’avais l’air tellement défoncée qu’il te fallait bien ça pour reprendre tes esprits.
La sacrieur fut indignée d’une telle accusation.
  • Défon… ? Vous avez cru que je m’étais DROGUÉE ???
  • Ho moi, ce que j’en dit, tu sais…lui répondit le vieil homme espiègle en prenant l’air désintéressé. Tu fais ce que tu veux de ton corps, c’est pas mon problème.
  • Je…je ne…vous…
Ecarlia était prête à donner un bon coup sur la tête du vieux, qui ne faisait en réalité que se moquer d’elle, juste histoire de le faire taire et rétrécir encore plus en même temps. Mais elle se rendit compte que quelque chose n’était pas normal.


Son corps. Il n’avait rien, pas la moindre cicatrice. Elle regarda ses bras. Rien. Elle n’avait pourtant pas rêvé la douleur. Elle avait bien senti sa chair être tailladée et le sang couler de ses blessures. Même si les sacrieurs avaient la faculté de cicatriser très vite, de telles meurtrissures auraient dû laisser une trace, voire même saigner encore…
Mais elle n’avait indéniablement rien.


Voyant la jeune femme s’ébahir devant ses mains et le reste de son corps, l’enutrof fronça les sourcils d’un air sévère.
  • Je disais ça pour rire au début, mais je me demande si t’as pas vraiment snifé du pavot en fait, lui dit-il durement.
Ecarlia arrêta de s’ausculter en rougissant. Décidément, ce petit vieux n’allait pas la lâcher.
  • M…mais non ! C’est juste que…je viens d’être attaquée par des…bêtes, et…enfin, c’est bizarre, je n’ai plus aucune trace de blessure, lui expliqua-t-elle.
Cela eu tout sauf l’effet de rassurer l’enutrof sur l’état de santé mental de la personne en face de lui. Il paru au contraire encore plus suspicieux et croisa les bras sur sa poitrine, le regard accusateur.
  • C’était de la bonne dit-moi ! À qui tu veux faire croire ça, des bestioles qui blessent sans laisser aucune cicatrice ? J’ai l’air si stupide que ça ? T’as eu une grosse hallu, voilà tout !
  • Mais pas du tout ! se défendit-elle. Je ne me suis pas droguée ! Je me suis vraiment faite attaquée par…ho, et puis zut !
Voyant très bien qu’elle s’enfonçait dans des explications confuses sur un phénomène qu’elle ne comprenait même pas, et qu’en plus elle tentait d’expliquer à une personne qui ne croyait apparemment pas un mot de ce qu’elle racontait, elle voulu partir sans demander son reste.
Mais à peine avait-elle fait trois pas qu’une soudaine nausée la fit tomber à genoux, et elle dû mettre ses deux mains devant sa bouche pour ne pas vomir tripes et boyaux.


Le papy vint aussitôt la soutenir.
  • Ma parole, mais t’es complètement stone ! Pas question que je te laisse repartir toute seule dans cet état ! Non mais regarde-toi…encore un pas et tu rendais ton petit déjeuner d’avant-hier !
  • (Heurk)…stone, mon œil…, répondit-elle vaseuse, (burp)…c’est votre truc qui m’a retourné l’estomac, oui !
L’enutrof retrouva soudain sa bonne humeur.
  • Ha ha ha ! C’est fort probable, en effet ! Ça chamboule un peu l’usinage, mais avec ce que tu t’es envoyé, au moins, t’es certaine de pas être malade pendant trois semaines minimum ! C’est radical contre tous les petits microbes et virus qui traînent !
  • Non, vous avez raison…ça n’attendra pas trois semaines, lui répondit Ecarlia avec une voix nauséeuse.
  • Allez, viens, je t’emmène chez moi le temps que ça aille mieux. De gré ou de force ! lança Igor, le visage radieux, en relevant Ecarlia comme si elle ne pesait pas plus qu’un enfant de cinq ans.
N’ayant pas la force de résister, la sacrieur se laissa gentiment guider par le vieil homme souriant. Après tout, qu’est ce qu’elle avait à y perdre…


***


Au bout de quelques minutes de marche, Ecarlia se senti déjà mieux, et elle voulu poliment laisser le vieil homme pour retourner chez son oncle et sa tante. Mais Igor insista pour qu’elle vienne tout de même chez lui, mettant en avant le fait qu’elle était encore toute pâle et qu’elle marchait toujours en zigzag comme un pandawa après un mariage. « Et puis t’es plus une fillette ! Ils vont pas te gronder parce que t’as un peu de retard ! » ajouta-t-il joyeusement.
Ecarlia ne trouva rien à redire à cela, et avait fini par comprendre que quoi qu’elle dise ou fasse, elle n’échapperait pas au vieux bonhomme.


Ils marchèrent ainsi encore quelques minutes, et finirent par arriver devant la « maison » de l’enutrof. Une grande cabane de bûcheron, en bois de sapin apparemment, chose étrange dans une forêt d’arbres caducs se dit Ecarlia.
  • Si c’est pas beau ça ? Hein ? Fabriquée entièrement avec mes petites mains et mes petits outils…la fierté de ma vie ! s’exclama-t-il en montrant la cabane, les bras grands ouverts.
Ecarlia préféra acquiescer de la tête pour ne pas paraître impolie, même si pour elle cette maison n’était pas une œuvre d’art à part entière, comme semblait le penser l’enutrof. Mais le vieillard avait l’air d’être suffisamment en extase devant son domicile pour ne plus du tout faire attention à la jeune femme, qui avait plus l’impression d’être une victime d’enlèvement qu’une réelle invitée.
Il continua à avancer vers la cabane, encore plus radieux qu’auparavant, et lança d’une voix forte :
  • Jane ! C’est moi ! Je ramène quelqu’un !
Une enutrofette sorti aussitôt de la maison, un torchon à la main. Elle rappela aussitôt à Ecarlia sa tante. Elle avait les mêmes lunettes et la même douceur de mamie gâteau sur le visage.
  • Mais quel ours celui-là ! se mit-elle à crier d’une voix perçante, qui surprit tellement Ecarlia, plongée mentalement dans sa comparaison avec sa petite tante ailée, qu’elle sursauta. Pourquoi tu tiens absolument à ce que toutes les bestioles jusqu’à Astrub le sachent ?
  • Mais enfin mon amour…c’est parce que je suis content qu’on ait de la visite, lui répondit timidement Igor, soudain bien moins fanfaron.
  • Ce n’est pas une raison pour nous casser les oreilles ! Quand est-ce que tu vas comprendre que…oh, ciel !
La petite bonne femme venait de se rendre compte de la présence d’Ecarlia qui observait la scène, amusée qu’elle était par ce couple original. La sacrieur, comprenant que l’enutrofette à la voix qui portait loin reportait son attention sur elle, eut une envie subite de pouvoir se rendre invisible pour échapper à son regard.
  • Ma pauvre petite, vous avez l’air épuisée ! dit la petite femme en se précipitant sur elle. Et puis vous êtes toute pâle…vous couvez quelque chose, c’est sûr ! Allons, venez, je dois avoir de quoi vous requinquer. Ce vieux fou a eu un éclair de raison dans sa sénilité en vous amenant ici !
  • Hé ! Je suis toujours là moi ! Excusez-moi d’exister ! intervint celui-ci, l’air boudeur.
  • Ho, ça va ! Rend-toi plutôt utile, va chercher du bois, il n’y en a plus et j’ai mal au dos depuis…l’autre soir, répondit Jane en poussant Ecarlia vers la porte.
Le visage d’Igor s’illumina, comme s’il était heureux de pouvoir enfin faire quelque chose qui plaise à sa femme.
  • D’accord ma biche, j’y vais !
La sacrieur n’avait encore pas prononcé un seul mot, mais elle tenta faiblement de protester contre la vieille qui l’emmenait de force à l’intérieur.
  • M…merci beaucoup de votre accueil, mais je vous assure que…
  • Pas de chichi entre nous, ça me fait plaisir ! la coupa la petite femme.

Lorsqu’elle entra dans la maison contre son gré, Ecarlia fut agréablement surprise par l’intérieur. Ce n’était pas du tout ce qu’elle aurait imaginé. Les rondins de bois qui faisaient tellement précaires de l’extérieur, étaient peints en jaune, et donnait à la cabane entière une luminosité et une joie qu’elle n’aurait pas soupçonnées un seul instant.
Rien qu’à la vue de la décoration intérieure de cette maison, elle se sentait déjà revigorée, et comprit aussitôt d’où venait l’énergie étonnante du vieux couple.
Il y avait des étagères fixées aux énormes troncs qui servaient de murs, sur lesquelles étaient entreposées toutes sortes de bocaux, fioles et bibelots colorés, qui contenaient des choses diverses et variées.
Il y avait aussi de nombreux placards très bien décorés, avec des petites fleurs et autres dessins enfantins. Elle remarqua un grand bocal, rempli de cawottes fripées et d’un liquide jaune translucide. Son ventre émit un bruit de panique en pensant à ce qu’elle avait bu un peu plus tôt ce matin. Plutôt s’en aller en courant que de reboire ça…
L’enutrofette vit que Ecarlia regardait le bocal avec anxiété, et éclata de rire :
  • Ha ha ha ! J’ai l’impression que vous avez fait connaissance avec l’eau de vie de cawottes de mon mari ! Ne vous en faites pas, on ne l’utilise que pour réveiller les morts ou pour enlever la rouille des outils de jardin.
Elle se dirigea vers un placard et l’ouvrit. Il était plein de toutes sortes de choses, nourriture ou bien autres. Elle prit une boîte en métal, et alla la poser sur une petite table ronde avec une nappe blanche à carreaux rouges tout ce qu’il y a de plus banal. Elle revint ensuite pousser Ecarlia vers un tabouret et la força à s’asseoir devant la boîte, qu’elle ouvrit. Elle contenait des biscuits ronds de couleur marron foncée, avec des petites graines. Ecarlia se rendit alors compte qu’elle mourrait de faim, comme si elle n’avait pas mangé depuis une semaine. Avant même qu’on lui propose, elle prit un biscuit et mordit dedans à pleine dent. Ils étaient absolument délicieux.
  • Je préfère ça ! dit Jane en souriant. Ce sont des biscuits que j’ai inventés, ils sont succulents et super nourrissants, vous serez calée avant d’en avoir avalé trois !
Effectivement, Ecarlia venait de finir le premier biscuit et elle avait pratiquement l’impression d’avoir fait un repas complet. Elle décida tout de même d’en prendre un autre, et alors qu’elle le commençait, elle senti sa bonne humeur remonter comme une flèche.
  • Ch’est vraiment délichieux madame. Mais ch’est quoi cette couleur ? demanda-t-elle la bouche pleine.
  • Ah ça, c’est du chocolat, une trouvaille de nos amis sadidas. Je ne sais pas comment ils ont réussi à produire ça, mais c’est la meilleure invention pour les cuisiniers depuis la spatule au moins ! Ça m’étonne que vous ne connaissiez pas encore, ajouta-t-elle en fronçant un sourcil curieux. Vous n’êtes pas de la région ?
  • Je chuis de Pandala. Heu…vous n’auriez pas quelque chose à boire s’il vous plaît ?
  • Si si, bien sûr !
Jane sorti à toute vitesse de la maison, et revint quelques secondes plus tard avec un pichet d’eau.
  • Désolée, j’avais oublié qu’ils donnaient aussi soif, s’excusa-t-elle en versant de l’eau dans un gobelet en bois et en le tendant à Ecarlia qui le vida d’une traite. Pandala ? Vous êtes bien courageuse pour venir de si loin ! Qu’est-ce qui vous a amené ici ?
Ecarlia avala son deuxième biscuit et reprit une grande rasade d’eau fraîche. Elle regarda ensuite le fond de son gobelet, et répondit d’une voix lasse :
  • Je suis venu voir mes parents.
Jane eut l’air de comprendre aussitôt, et s’assit en face de la jeune femme.
  • Je vois, lui dit-elle d’une voix douce. Cela fait longtemps que ça s’est produit ?
  • Oui, je devais avoir quatre ans. On vivait ici, dans la maison…enfin la ruine maintenant, jusqu’à ce qu’ils soient assassinés. Le meurtrier n’a jamais été retrouvé.

La petite vieille écarquilla les yeux de surprise devant ces paroles. Elle parue choquée d’un discours aussi cru. Ecarlia le remarqua et s’en justifia tout de suite :
  • Je n’ai pas beaucoup de souvenirs d’eux, alors ça ne me gêne pas trop d’en parler aussi…durement.
  • Je comprend oui…fit Jane en se détendant.
La porte de la maison s’ouvrit brusquement et un gros tas de bois entra en lévitant dans les airs. Du moins, c’est ce que Ecarlia cru avant de voir qu’en réalité Igor était en-dessous des branches et des bûches, et qu’il portait juste une telle quantité de bois qu’il avait disparu dessous. Alors que sa femme le guidait jusqu’à une petite cheminée en pierre, Ecarlia se rendit compte de la force qu’avait l’enutrof. Elle n’avait pas fait attention au fait qu’il avait réussi à la soulever presque sans effort quand elle était par terre, mais maintenant qu’elle y pensait, elle devait faire au moins deux fois son poids, et ce tas de bois avait l’air encore plus lourd qu’elle. Elle se demandait vraiment ce qui pouvait donner une telle énergie au petit vieux qui semblait bien frêle au premier abord…
Son attention se reporta ensuite sur la cheminée. Elle était classique, en pierre, un peu en hauteur avec une cheminée qui donnait sur l’extérieur…mais cependant quelque chose la dérangeait. Et elle comprit vite ce qui clochait, et failli en tomber de son tabouret.


Il y avait une cheminée dans une cabane en bois de résineux sec ! L'un des bois les plus inflammables qui soit !
Mais en voyant le couple mettre du bois dans le feu, elle se dit qu’il y avait sûrement une explication à cette bizarrerie. Elle se leva et s’approcha d’eux, l’air tout de même un peu inquiet.
  • Excusez-moi mais…ce n’est pas dangereux de faire du feu dans une cab…maison en sapin ? demanda-t-elle timidement.
Les deux vieux croûtons se regardèrent, puis éclatèrent ensemble d’un rire franc, mais pas moqueur.
  • Allons gamine ! lui répondit Igor les larmes aux yeux. Tu ne croyais quand même pas que nous allions faire un feu dans un chalet en sapin normal ? Ha ha, c’est du bois enchanté voyons ! J’ai demandé, lorsque j’ai fini cette maison, à un ami féca de très longue date de graver une rune incandescente sur les deux seules portes ! Ainsi la totalité de la maison est ininflammable ! Si c’est pas génial ça ? Hein ? Encore mieux que de la boue de boo tu crois pas ?
  • Tu vas cesser de te vanter vieille canaille ? lui envoya sa femme en lui chatouillant les côtes comme une petite fille. Ce n’est pas parce que tu as eu quelques bonnes idées dans ta vie que tu es un génie !
  • Ma biche arrête ! supplia Igor en se tortillant pour échapper à ses doigts. Pitié ! Je vais aller chercher d’autre bois si tu me lâches !
Jane arrêta sa torture immédiatement, et le vieil homme sorti de la maison en titubant avec des hoquets de rire.
  • Il n’en a pas l’air comme ça mais il est forme pour son âge ! D’ailleurs (elle fit un clin d’œil à Ecarlia et lui donna un petit coup de coude). C’est à cause lui que j’ai mal au dos depuis l’autre nuit…devinez pourquoi ! Hé hé…
La sacrieur essaya aussitôt de penser à un ballon rouge à pois blancs, et de concentrer tout son esprit dessus, pour que les images qui lui venaient spontanément en tête n’y restent pas une seconde de plus. Le vieil homme revint très vite les bras à nouveau chargés de rondins et vint les déposer dans un coin de la pièce, loin de la cheminée, avant de retourner auprès des deux femmes.
  • Ben ça y est gamine ! Tu m’as l’air en pleine forme ! s’exclama-t-il en regardant Ecarlia. T’es plus blanche comme un linge au moins, ça rassure.
  • Oui…merci beaucoup Igor, et à vous aussi Jane.
  • Mais de rien ma petite…au fait, qu’est-ce qui vous est arrivé ?
  • Et bien je, heu…

Elle hésita à reparler de ce qui était arrivé. Igor l’avait déjà prise pour une droguée lorsqu’elle avait essayé de lui raconter sa mésaventure, et elle-même commençait à douter de ce qu’elle avait vu et entendu.
  • Je crois qu’elle s’était faite attaquée par les ouassingues quand je suis arrivé. L’air était glacial autour d’elle…dit Igor avant même qu’elle n’ait pu répondre.
Ecarlia en fut complètement désemparée.
  • Je…de quoi ? Par des quoi ?
  • Allons bon, vous aussi ? s’insurgea Jane. C’est la deuxième fois ! Il va falloir faire quelque chose Igor, ils sont trop dangereux !
  • Oui, je sais…
  • Attendez…vous saviez ce qu’il m’était arrivé, et vous m’avez traitée de droguée alors que vous saviez que ce que je racontais était vrai ? s’indigna la sacrieur.
Jane lança un regard plein de reproches à son mari, qui baissa les yeux, penaud :
  • Il est toujours en train de plaisanter, il est incapable de garder son sérieux !
  • Mais…c’est plus fort que moi, j’aime bien faire marcher les gens ! répondit-il sur le ton d’un enfant capricieux.
  • Bon, passons, dit Ecarlia légèrement froissée qu’on se soit payé sa tête. Mais c’est quoi des ouaf singes ?
  • Les ouassingues, corrigea Jane. Ce sont des créatures de la nuit, qui vivent dans les cimetières souvent, enfin dans tous les endroits où il y a des morts enterrés ou ensevelis. On dit qu’ils peuvent entendre la…voix des morts, et que leur comportement est le reflet de ce que ressentent les esprits. Ils n’attaqueraient que si l’esprit est en colère en quelque sorte…ce sont des bestioles vraiment imprévisibles.

Ecarlia resta bouche bée.
Alors c’était vrai. Tout s’expliquait.
Ses parents lui avaient bel et bien sauvé la vie. Ils étaient en colère parce qu’ils croyaient que c’était leur assassin qui était revenu sur le lieu du crime, donc les monstres, les…ouassingues, l’avaient attaquée. Mais lorsqu’ils ont vu sa queue, ils se sont arrêtés. Parce que ses parents l’avaient reconnue, et les avaient stoppés. C’était complètement fou…
Elle entendit son nom plusieurs fois, et elle sorti de sa contemplation alors qu’on la tirait par le bras.
  • Hé ho ! Tu es avec nous ? lui disait Jane en la secouant un peu.
  • Pardon ? Ah oui, pardon…j’étais perdue dans mes pensées, s’excusa la sacrieur.
  • Je disais qu’en tout cas, vous avez eu de la chance, les ouassingues font bien souvent disparaître leurs victimes après les avoir tuées. Ce sont des sales bêtes, vous pouvez me croire ! Demain j’irai avec Igor pour l’aider à nettoyer le lieu de repos de vos parents, comme ça vous pourrez revenir les visiter sans risque.
  • Vous voulez dire que vous allez affronter ces créatures ? s’inquiéta Ecarlia. J’ai essayé d’en repousser une mais je n’ai même pas pu la ralentir ! Vous êtes certain de pouvoir… ?
  • T’inquiète pas gamine ! C’est mon boulot de virer ces trucs des cimetières si elles font trop de grabuge ! Ma femme et moi on s’y connaît ! fanfaronna une fois de plus Igor avec son grand sourire.

Ecarlia n’insista pas. Après tout, s'il disait qu’il savait ce qu’il faisait, elle n’avait pas de raison de s’inquiéter pour lui. Mais une petite chose lui vint à l’esprit alors que Igor et Jane discutaient de comment ils allaient s’y prendre le lendemain.
  • Excusez-moi…vous avez bien dit que j’étais la deuxième que les ouassingues avaient attaquée ?
  • Oui, enfin la deuxième que j’ai retrouvée en vie, lui répondit Igor avec une grimace.
  • Le premier était un jeune guerrier écaflip, continua Jane. Je ne me souviens plus de son nom, mais il était assez spécial comme garçon.
  • Ah bon ? Comment ça ? demanda Ecarlia curieuse.
  • Spécial…un peu comme vous en fait, dit l’enutrofette avec un regard malicieux.

Ecarlia ne comprit pas tout de suite ce que la vieille femme voulait dire.
Puis elle rougit en se rendant compte qu’elle parlait de sa queue ! Elle avait complètement oublié que sa queue n’était pas cachée dans son dos, comme d’habitude, et le vieux couple n’avait eu aucun commentaire désobligeant ou même curieux à son égard, comme si sa queue avait été parfaitement normale pour eux !
Ecarlia fut d’abord gênée, mais quelque chose de plus compliqué l’envahit soudain. Une sorte de bien-être, de reconnaissance. Pendant le peu de temps qu’elle avait passé dans cette maison où vivaient deux parfaits inconnus, elle avait totalement oublié sa différence qui l’avait si souvent hantée lorsqu'elle était petite, et cela la rendait particulièrement heureuse.


Elle avait envie de rester encore un peu avec ces gens qui l’avaient traitée comme une personne qui avait besoin d’aide uniquement, et pas comme une curiosité de la nature, mais étrangement ce furent eux qui la pressèrent de partir, alors qu’ils insistaient pour qu’elle reste au début.
  • Allez, allez, ton oncle et ta tante doivent s’inquiéter pour toi ! lui disait Igor en la poussant gentiment dehors. Il faut que tu rentres chez toi.
  • Revenez quand vous voulez Ecarlia ! lui lança Jane depuis la cuisine.

Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle s’était retrouvée sur l’herbe, avec une petite boîte de biscuits maison dans les bras, et avec deux petits vieux qui lui faisaient au revoir en souriant devant leur porte d’entrée. Elle s’éloigna en les saluant de la main, sans même avoir eu le temps de le remercier pour leur gentillesse et leur hospitalité, mais heureuse tout de même d’avoir pu les rencontrer. Et alors qu’elle marchait, et que la maison était déjà hors de vue, un détail la frappa. Jane l’avait appelée par son prénom, alors qu'à aucun moment elle ne leur avait dit comment elle s’appelait. Mais elle oublia bien vite ce détail insignifiant, pour se demander ce qu’elle allait bien pouvoir raconter à son oncle et sa tante.


***


La sacrieur s’éloignait en leur disant au revoir. Lorsqu’elle fut hors de leur champ de vision, Igor soupira.
  • Elle a grandi hein ?
  • Encore plus que ce que j’aurais pu croire, lui répondit Jane en s’appuyant sur son épaule.
  • T’as super bien joué le jeu ma biche, je me demandais comment tu allais réagir lorsque tu la verrais.
  • Espèce de vieille bique, lui dit-elle en lui pinçant la joue. Me refait jamais une surprise pareille ou bien je te colle ma pelle dans les dents !
  • Une pelle ? Pourquoi pas ma foi ! répondit l’enutrof en riant.
  • J’espère qu’elle va trouver ce qu’elle cherche…
  • Oui, je le pense.
Il entrèrent dans leur maison en se tenant la main comme deux adolescents, et refermèrent la porte, ne laissant plus que le chant des oiseaux faire obstacle au silence de la forêt.


***


Ecarlia marcha jusqu’au zaap de la forêt, la mine réjouie, sa queue se balançant de droite à gauche comme signe de sa bonne humeur. Elle était partie de chez elle dans une colère noire, et elle revenait joyeuse et souriante, avec une boîte de biscuits dans les mains. Cela dit, elle commençait à s’en vouloir terriblement de ce qu’elle avait dit en partant…ses mots avaient dépassé sa pensée, et avaient profondément blessé son oncle et sa tante, elle l’avait bien vu. Elle arriva au zaap en pensant à ce qu’elle allait bien pouvoir leur dire pour s’excuser de sa conduite, et surtout comment elle allait leur annoncer tout ce qu’elle avait apprit dans la nuit. Après tout…elle connaissait désormais le nom de l’assassin de ses parents. Ils avaient le droit de savoir, plus que n’importe qui, ce qu’elle savait sur lui.


Elle prit le zaap machinalement, et ne fit même pas attention à l’habituelle sensation de froid lorsqu’elle traversa l’anneau de pierre gris clair. Elle était trop occupée à chercher les mots qui conviendraient le mieux à ce qu’elle avait à dire à son oncle et sa tante. Mais lorsqu’elle arriva à pandala, sur la place publique, quelque chose la tira de sa réflexion malgré elle.


Il n’y avait presque personne. À part quelques bedeaux de passage et des ivrognes endormis qui n’avaient pas encore cuvé leur vin de la veille. C’était pourtant un jour comme les autres, la place aurait dû être bondée de monde. Mais il n’y avait réellement personne. Ecarlia se demanda si elle n’avait pas oublié que aujourd’hui était un jour spécial. Un jour sans zaap ? Non, ça n’existait pas…La journée « restons chez nous » ? Encore plus stupide…
Elle se dit qu’elle trouverait certainement une explication chez Gilles et Prune, et continua son chemin, l’air très pensive tout de même.


Après quelques minutes de marche, elle arriva devant la maison qu’elle considérait comme la sienne.
Et elle su où était passée la foule.
Devant chez elle, toutes les personnes qui étaient sensées être sur la place publique tentaient de se grandir pour voir quelque chose. Elle s’arrêta, soudain prise d’un accès de panique. Qu’est-ce que c’était que cet attroupement ? Une personne se retourna, et elle l’entendit prononcer son nom. Un grand nombre de visages se retournèrent dans sa direction en murmurant des choses incompréhensibles.
Elle courut vers la maison. Les gens s’écartèrent sur son passage, comme si le moindre contact avec elle aurait été dangereux. Elle arriva devant la porte. Elle avait été défoncée. Derrière elle, des exclamations de surprise s’élevèrent.
  • Mais…elle a une queue !
  • Maman regarde, elle a une queue la dame !
  • Ça alors, je n’aurais jamais pu imaginer ça…

Ecarlia n’y prêtait aucune attention. Elle fixait l’intérieur de la maison. Tout avait l'air à peu près en ordre. Le sol était cependant sale, chose étrange lorsqu'on connaissait Prune. Des traces de pas, ainsi qu'une longue traînée noire étaient visible sur le plancher clair.
Et il y avait du sang par terre. Ecarlia n’arrivait plus à respirer. Ce sang…elle pria de toutes ses forces pour que personne ne vienne lui annoncer, en lui tapant sur l’épaule, qu’il appartenait à…
Il y avait quelqu’un allongé dans la pièce. Une personne vêtue d’habits ocre, rapiécés, avec un chapeau mité. Elle avait des ailes mécaniques cassées dans le dos, et ne bougeait plus. Elle tenait des dagues dans ses poings serrés, des dagues sur lesquelles on voyait encore des traces rouges. Mais surtout, elle baignait dans une marre de sang, un trou béant dans le ventre.


Ecarlia se cacha les yeux à la vue de ce cadavre encore rose. Que s’était-il passé ? Où étaient Gilles et Prune ? Et qui était cette personne ?
Elle senti une main lui tapoter l’épaule. Son cœur s’emballa. Non...pas ça…
  • Mademoiselle, s’il vous plaît, relevez-vous, lui dit gentiment une voix d’homme.
Elle se retourna. Un garde de Pandala était entré, et plusieurs autres dispersaient la foule, qui tentait d’entrer dans la maison comme si ça avait été une nouvelle attraction effrayante dans un parc.
  • S’il vous plaît, vous ne pouvez pas rester là, c’est une scène de crime. Allez, relevez vous…
  • Où…où sont mon oncle et ma tante ? demanda-t-elle d’une voix tremblante. Est-ce qu’ils sont…
  • Nous ne savons pas où ils sont, la coupa le garde. Mais tout laisse à penser qu’ils sont encore vivants. C’était un escadron de la mort des Sériannes. Regardez ce badge qu’il y a sur le buste de la femme par terre, deux épées entrecroisées avec un corbeau stylisé, ça ne fait aucun doute.
Ecarlia ne regarda pas. Elle ferma les yeux pour essayer de se sortir cette image cauchemardesque de la tête. Le garde continua, comme si de rien n’était.
  • Leur but était de tuer les personnes de leur contrat, et de les laisser sur place ensuite. Il n’y a ni Gilles, ni Prune d’étendu par terre dans cette maison, donc ils ont certainement dû réussir à s’enfuir après avoir repoussé leurs agresseurs.

Le garde alla fouiller la maison plus en détail, laissant la jeune femme plantée sur le pas de la porte. Il n’en fallu pas plus à Ecarlia.
Ils étaient vivants, et ils se cachaient quelque part, des Sériannes à leurs trousses. Les Sériannes avaient leur quartier général à Astrub.
La sacrieur monta en vitesse sans que les gardes, trop occupés à repousser la foule, ne l’aperçoivent, et alla prendre son sac dans sa chambre. Elle redescendit aussi vite qu’elle était montée, et était dehors avant même que quelqu’un ne se rende compte qu’elle était allé en haut.
Elle commença à courir. Elle n’était encore jamais allée à Astrub, mais elle savait où était la ville.

Et surtout, elle savait ce qu’elle allait y faire.





Un merci du fond du coeur
Le chapitre IV est là, et le VI est en préparation !

Vu que de telles quantités de textes sont très longues à écrire, et assez incompatibles avec les études de Terminale S (et oui, je suis un dofuscientifique ;D ), je vais essayer de ne pas publier plus d'un chapitre par semaine, pour éviter de devoir faire attendre les lecteurs de mon coeur pendant trop d'heures

A part ça, le merci du fond du coeur va bien évidement à ceux et celles qui m'ont envoyé de si magnifiques messages d'encouragement, mêlés d'honnêteté, de gentillesse et d'humour, qui m'ont vraiment donnés envie de verser des larmes de bonheur et de continuer cette histoire

Et merci plus particulièrement à Guecko, qui par sa sollicitude et ses mots magiquement touchants (on comprend pourquoi il a choisi un eni ) m'a fait monter au sommet de la joie et de la bonne humeur

Mille mercis, et à bientôt à tous et à toutes
Aune zeu rot de gaine
bon...en fait, ce titre n'a qu'un seul but : vous pousser à lire ce qui suit car vous n'aurez rien comprit ^^

Ce petit message est à titre informatif, pour vous informer (logique) que je suis sur un autre projet, en parallèle avec ma petite histoire.
En effet, en écrivant, je me suis rendue compte qu'il était assez difficile, même pour moi, de bien imaginer les expressions, les postures, les comportements de mes personnages, alors que je n'en ai même pas une image précise dans la tête !
J'ai donc prit mes crayons de bois, mes feuilles d'imprimante A4 (on fait avec ce qu'on a, et canson j'ai pas ) et ma gomme usée mais toujours d'attaque, pour donner un corps et un visage aux personnages principaux de l'aventure ! Ceci bien évidemment pour ensuite les scanner et les insérer par-ci par-là entre les chapitres, afin de vous faire partager la vision que je me fait de mes humbles créations littéraires

UNIQUE petite tache sur ce bôôôô tableau...j'ai pas de scanner

Donc je vais être obligée de dépendre de quelqu'un d'autre pour pouvoir mettre tout ça sur le forum, ce qui est LE truc que je déteste (heu...pas le forum hein, dépendre de quelqu'un, on est d'accord...).
Heureusement, j'ai des amis sur qui compter, et le projet pourrait voir le jour très bientôt ! Ce n'est probablement qu'une question de jours avant que vous ne découvriez Ecarlia en gris et blanc !

Une affaire à suivre donc

PS : Le chapitre V est déjà écrit, mais je ne vous le présenterai que lorsque j'aurai fini le VI, ceci afin de pouvoir éventuellement corriger des incohérences entre les deux chapitres. Avouez qu'une incohérence, ça fait très tache
Il va donc falloir patienter un pti peu, désolée !
Mauvaise nouvelle... HRP
Bonjour à tous...

Certains ou certaines savent peut-être que pour les classes de Terminale S, la période du bac blanc arrive à grands pas. Et bien évidemment, cela a des conséquences sur la quantité de texte que je pourrai écrire et donc publier ici

Même si le chapitre VI n'est pas fini, j'ai décidé, en vue du laps de temps durant lequel je risque de ne pas me manifester beaucoup, de mettre le chapitre V aujourd'hui.

Ce chapitre est un peu moins long et palpitant que les autres, mais il est nécessaire pour la suite évidemment, puisqu'il permet de faire entrer en scène un nouveau personnage ! ^^

Promit, pour ceux qu'il décevrait, le VI sera bien plus long et mouvementé...mais plus long à venir aussi

Désolée donc, pour ce petit contretemps, mais qui ne ternit en rien mon envie de continuer à écrire cette histoire qui, on le dirait, plaît à tant de monde autour de moi !

Sur ce, bonne lecture
Chapitre V
Chapitre V


L’adrénaline qui giclait dans le sang d’Ecarlia lorsqu’elle était partie en courant vers le grand pont de Pandala pour rejoindre le continent disparu assez vite de son corps, et elle dû bientôt s’arrêter, complètement épuisée et en sueur, sur le bord du chemin.
Quelle idée de courir ! se dit-elle en reprenant son souffle. C’était le meilleur moyen pour arriver à Astrub encore moins vite, si elle devait s’arrêter tous les deux kilomètres…Elle opta donc pour le voyage à pied en marchant, ce qui était moins fatiguant, et plus efficace en terme de distance au final. Mais elle essayait tout de même de garder un rythme soutenu, l’image de son oncle et de sa tante prisonniers dans une geôle humide, voire pire, la hantant à chaque seconde…


Pendant trois jours, presque sans s’arrêter, elle marcha sur le chemin qui serpentait dans la forêt de bambou, croisant parfois quelques groupes d’aventuriers ou bien des touristes en quête, les uns d’objets rares et exotiques, et les autres…d’objets rares et exotiques aussi en fait. Tout le monde venait à pandala pour y chercher quelque chose qui puisse rapporter, d’une façon ou d’une autre.
Ecarlia était complètement indifférente à ce genre de personnes, et continuait son chemin sans demander son reste, et sans répondre quand on lui demandait : « Hé ! Mademoiselle ! Vous n’auriez pas des trucs cool et typiques à vendre ? ». Elle essayait de chasser le plus possible sa nourriture, afin de garder ses biscuits pour les jours où elle ne trouvait absolument rien à manger. Quant à l’eau…Pandala regorgeait de ruisseaux d’une eau pure et claire, qui prenaient pour la plupart leur source au village d’Akwadala.


L’île était partagée en quatre villages fortifiés qui possédaient les ressources de l’île les plus importantes. Akwadala, au sud produisait du riz, en grandes quantités, car ce village était situé sur une énorme caverne dans laquelle coulait une rivière souterraine, et dont l’eau débordait à la surface, créant un milieu propice à la culture de la céréale.
Aerdala, à l’ouest, faisait pousser du bois de bambou sacré, qui servait dans la fabrication de nombreux objets enchantés.
Terrdala était surtout un village militaire, servant à entraîner les gardes de la milice de l’île entière, mais avait aussi un sol riche en pierres précieuses.
Enfin, le village de Feudala, le plus reclus et mystérieux, au nord de l’île, était l’un des seuls endroits au monde où poussait le bambou sombre, et où l’on pouvait voir des gisements entiers de dolomite, un minerai très rare et cher.


Bonta et Brâkmar se disputaient sans cesse le contrôle de ces villages, et les gardes de chacun étaient fidèles à la force en présence, défendant le village contre l’alignement opposé.
Ecarlia était neutre, et elle n’avait donc jamais pu avoir accès à l’un de ces villages, car celui-ci était réservé à ceux qui prenaient part aux combats pour le pouvoir…
Mais elle se fichait éperdument de ne pas pouvoir entrer dans ces villages, et elle n’avait de toute façon aucune raison d’y aller.
Son seul but pour le moment était d’aller à Astrub, à la maison des mercenaires. Elle était certaine de pouvoir y trouver des renseignements sur Gilles et Prune. Comment le savait-elle ? Elle connaissait quelqu’un, une personne très spéciale, qui était Sérianne, et qui lui avait apprit très tôt ce qu’il fallait savoir sur lui et les siens.
Elle savait que la plupart des Sériannes n’avaient aucune morale, et jamais aucun scrupule. Il s’agissait seulement de mercenaires, qui étaient payés pour accomplir une tâche bien précise. Une tâche dont une personne du peuple n’avait pas le temps, ou pas le courage, de s’occuper, et qui avait mit un contrat à la maison des Sériannes, à la vue de tous les Sériannes de passage. Et un ou plusieurs d’entre eux avaient prit ce contrat…
Le contrat de l’assassinat de Gilles et Prune.


Ecarlia savait qu’elle n’aurait aucune chance de retrouver les Sériannes qui les avaient agressés, mais elle savait comment retrouver le contrat. Et en retrouvant le contrat, elle retrouverait le véritable agresseur de son oncle et de sa tante. Celui qui avait mit un contrat mortel sur leurs noms. Celui qui avait payé l’escadron de la mort. Et si elle était logique, le contrat devrait être encore libre, puisque Gilles et Prune s’étaient échappés. Et par conséquent, elle obtiendrait probablement des renseignement sur le bénéficiaire du contrat et sur ce qui était vraiment arrivé à son oncle et sa tante.
C’était à Astrub, dans la maison des mercenaires, qu’elle aurait le plus de chances de trouver ce contrat.


***


Au bout du quatrième jour de marche, Ecarlia sorti enfin de la forêt de bambou, et vit, au loin, le pont de Pandala, la construction la plus immense du monde des 12. Elle décida de s’arrêter pour la nuit à la sortie de la forêt, dans l’idée de pouvoir bien se reposer et de traverser le pont le lendemain, en une seule journée.
Elle mangea un biscuit de Jane, toujours aussi bons et nourrissants, et s’allongea dans l’herbe, sur sa cape de voyage, sous le ciel étoilé. Il faisait suffisamment chaud pour passer la nuit sans couverture, et de toute façon les sacrieurs avaient une résistance exceptionnelle au froid. Selon leurs légendes, leur déesse ailée serait apparue au cours d’un hiver extrêmement long et froid qui aurait décimé une grande partie de la population du monde des 12. Aucune surprise donc quant à la grande résistance des sacrieurs aux températures très basses.
Mais Ecarlia ne s’endormit pas. Il s’était passé trop de choses ces derniers jours. En réalité, elle n’avait pas pu fermer l’œil depuis qu’elle était partie. Son esprit était en permanence assaillit par des pensées et des souvenirs noirs.
Elle s’imaginait son oncle et sa tante, pleurant son départ - précipité, égoïste et capricieux, elle s’en rendait bien compte à présent - en s’en voulant de son mal-être d’un soir, alors qu’elle s’éloignait d’eux à grandes enjambées.


Puis quelqu’un frappe à leur porte. Ils se précipitent pour ouvrir, la croyant revenue, pour la serrer dans leurs bras. Et des tueurs entrent. Ils sont frappés, blessés…Gilles se défend alors qu’un mercenaire se jette sur Prune. Ils parviennent à se défaire de leurs agresseurs, et fuient, en laissant leur maison derrière eux. En laissant un cadavre derrière eux.
La maison dévastée, et le corps éventré étendu par terre…
Elle se rappela les ombres mouvantes, aux griffes acérées, fondre sur elle.
Leur voix glaciale, qui disait « c’est leur enfant, ils ne veulent pas ».
Leur voix ténébreuse qui disait « cherche Padgref ».
Padgref.
Le souvenir de ce nom résonnait plus fort que tous les autres dans le crâne d’Ecarlia. Le meurtrier de ses parents. C’était son nom. Elle savait maintenant qui était le monstre qui avait anéanti une famille en une seule nuit, le monstre qui ne l’avait épargnée que par hasard, la croyant morte, dans les bras de sa mère.
Car Gilles lui avait dit que lorsqu’il avait découvert la scène effroyable, au petit matin, il l’avait trouvée contre sa mère, du sang sur le corps, immobile, et qu’il l’avait lui-même cru morte. Elle devait sa vie à la nuit, qui avait empêcher l’assassin de voir qu’elle n’était que inconsciente. Sinon, elle aurait été tuée, comme Salomon, comme Irmine, comme son père et sa mère. Tuée sans pitié.
Elle ferma ses yeux, qui devenaient brûlants, alors que tout cela se tortillait comme un long serpent noir dans sa tête. Et ce fut sur ces idées sombres de vengeance, de culpabilité et de haine, que sa fatigue prit le dessus, et que sa souffrance s’apaisa le temps d’une nuit.


***


Un bruit très proche la tira de son sommeil précaire. Elle ouvrit les yeux, mais ne fit aucun mouvement. Son instinct lui disait de ne pas bouger, de rester parfaitement immobile, pour essayer de déterminer ce qu’était ce bruit avant de faire le moindre geste irréfléchi. Pas un seul mouvement sur son corps ne pu trahir son réveil.
« Taisez-vous bande d’idiots ! Vous risquez de la réveiller ! » chuchota une voix grave derrière elle. « Je préfère qu’elle ne se réveille pas, on risquerait de prendre des coups. Il faut supprimer cette racaille d’aventuriers méthodiquement ».


Des pandikazes. Aucun doute possible.
Ecarlia connaissait par cœur ces pandawas renégats. C’étaient des terroristes dangereux, dont le seul et unique but était de faire le plus de mal possible autour d’eux, et tout particulièrement aux étrangers de l’île. En effet, tous étaient persuadés que ceux qui venaient sur leur île voulaient voler le dofus que gardaient les entrailles de leur terre natale et sacrée à leurs yeux. Elle avait déjà eu affaire à eux, la plupart n’étaient pas réellement des dangers permanents, juste de petits délinquants peu expérimentés qui essayaient de se faire une place dans une organisation en apparence puissante.
Et la discrétion de ceux qui allaient l’attaquer en disait long sur leur efficacité.


Elle entendit très clairement des pas lourd s’approcher d’elle, se voulant silencieux, et vit une ombre sous l’éclat faible de la lune. C’était le moment.
Son corps se mit à briller intensément, et en une fraction de seconde, elle se retrouva debout, face à trois pandawas enrobés avec un foulard rouge leur barrant la bouche. Ils avaient tous une expression d’ahurissement profond dans leurs yeux, et ils eurent un mouvement de recul lorsque Ecarlia se tourna vers eux, une lueur inquiétante dans le regard. Leur camarade qui s’était approché d’elle était étendu à terre, et battait des mains et des jambes comme s’il allait tomber, ne comprenant absolument rien à ce qui venait de se passer. La sacrieur comprit qu’il s’agissait d’adolescents de son âge, peut-être même plus jeunes, qui venaient probablement d’être embauchés par les pandikazes. Ils n’avaient sûrement jamais tué personne, et avait en ce moment même une peur bleue de la sacrieur.
En revanche, le panda qui était en train de se relever avait l’air bien plus dangereux, bien que peu discret pour un soi-disant assassin. Il sorti des katanas de deux fourreaux, et semblait savoir comment s’en servir. Il toisa la sacrieur avec haine, et fit siffler ses lames en avançant lentement. Soudain il fonça sur elle. Ecarlia failli tomber à la renverse sous la surprise. L’attaque avait été réellement soudaine, et rien sur le visage du terroriste n’avait laissé transparaître son envie de se ruer sur elle. Mais elle réagit aussitôt, et évita le premier coup de sabre sans aucun problème. Elle avait déjà dû éviter des attaques bien plus rapides. Le deuxième coup fut parfaitement horizontal, et elle se mit hors de portée des lames d’un bond en arrière. Elle concentra son énergie, et l’air autour d’elle vibra.
Le pandikaze se redressa, étonné de cet adversaire peu commun, qui se contentait d’éviter ses attaques. Il fonça de nouveau sur la sacrieur, mais cette fois il le regretta. À peine avait-il commencé à charger qu’il eu l’impression de recevoir un coup de poing de Firefoux en pleine poitrine, accompagné d’une forte déflagration. Il se senti soulevé du sol comme une feuille, et un second coup de poing géant lui brisa les reins en l’air. Il retomba sur le sol, complètement cassé. Il tenta de se relever, mais ses muscles refusèrent le moindre mouvement. Il ne comprit pas du tout ce qui lui était arrivé.
Ecarlia vit le pandikaze retomber quelques mètres plus loin, et se redressa fièrement. Elle se tourna de nouveau vers les autres pandikazes, qui avaient regardé la scène sans bouger. Leur regard terrifié confirma ce que pensait Ecarlia, ils n’avaient probablement jamais combattu. Lorsqu’ils croisèrent son regard, ils paniquèrent comme des enfants et coururent vers la forêt et poussant de petits cris de frayeur. La sacrieur ne les poursuivi pas, ils n’en valaient pas la peine.
Leur chef se relevait péniblement un peu plus loin, et essaya de s’enfuir à leur suite sans demander son reste et en titubant. Elle le regarda partir, boitillant, vers les bambous, et laissa un sourire s’afficher son visage. Elle senti une fierté chaude lui envahir la poitrine, alors que la tension du combat s’échappait lentement de son corps, décrispant ses muscles petit à petit. Ses pouvoirs de sacrieur…elle aimait s’en servir. Sentir l’air lui obéir au doigt et à l’œil, laisser ses ennemis ébahis, sur le carreau, alors qu’elle était déjà à plusieurs mètres d’eux avant même qu’ils ne frappent. Le vent, avec qui elle se sentait si bien, si libre…combattre à ses côtés, le manipuler pour en faire une arme redoutable, voilà ce qui lui plaisait plus que tout. La sensation de contrôle sur cet élément en apparence insaisissable était une raison valable de se sentir fière, pour elle.
Peu de sacrieurs suivaient le chemin du vent, elle le savait. La plupart devenaient des combattants à la force destructrice, sans aucune subtilité, de véritables clones de iops. Mais ceux qui se décidaient à devenir des sacrieurs du vent devenaient également extrêmement agiles, et jouaient d’acrobaties et d’esquives en tous genres pour surprendre leurs adversaires, plutôt que de faire du rentre-dedans dangereux et parfois peu efficace. Ecarlia était de ceux-là. Et cela lui convenait parfaitement.


Le silence et le calme étaient revenus à la lisière de la forêt de bambous, mais essayer de se rendormir ici aurait été une grave erreur. Même si les pandikazes avaient fui, rien ne les empêcherait de revenir pendant son sommeil, et de toute façon le bruit risquait d’avoir attiré des prédateurs nocturnes bien plus redoutables que de simples terroristes en herbe. C’est pourquoi Ecarlia décida sagement de ne pas se recoucher sur le lieu de son agression, et de se remettre en route. La lune était déjà basse dans le ciel de toute façon, l’aube ne tarderait pas à arriver, apportant avec elle la sécurité relative du jour. En plus, voyager un peu de nuit lui ferait croiser nettement moins de personnes naïves en quête de richesse, ce qui, estima-t-elle en pensant au dernier crétin de ce genre qu’elle avait rencontré, lui ferait le plus grand bien.


***


Le jour se levait à peine lorsqu’elle arriva enfin devant le grand pont de pandala. L’air était encore un peu frais, et la rosée couvrait chaque brin d’herbe comme des milliers de perles minuscules, donnant à la prairie l’aspect d’un ciel étoilé couleur émeraude, sous les premiers rayons tièdes du soleil. La beauté du spectacle de ces innombrables gouttelettes qui brillaient à la lumière dorée de l’astre montant lui emplit le cœur de bonne humeur, et elle se senti presque honteuse de marcher sur ce sol magnifique, ayant l’impression de détruire sauvagement une merveille de la nature de ses pieds maladroits.


Le pont était déjà assez encombré pour une heure aussi matinale, ce qui la surprit beaucoup. De nombreux aventuriers à pied, en dragodinde, ou bien des véhicules de marchandise, circulaient sur l’ouvrage titanesque avec une organisation précaire. Les sortants semblaient prendre le côté droit, et les arrivants venaient du côté gauche. Elle se dirigea vers la file de droite, qui était nettement moins dense que celle de gauche. Mais alors qu’elle se préparait à se frayer un chemin entre les gens qui s’agglutinaient de plus en plus, une voix forte, derrière elle, la fit se retourner.
  • Non ! Je n’ai rien à vendre ! Voulez-vous bien me fiche la paix avant que je ne m’énerve !
Elle connaissait cette voix. Ses yeux cherchèrent d’où elle venait, et finirent par se fixer sur un pandawa, d’âge mûr, qui tentait de se débarrasser d’un féca apparemment très énervant ayant un chapeau qui ressemblait étrangement à une tête de bouftou empaillée. Celui-ci fini par lâcher prise et parti en vitesse devant le panda, qui avait une hache particulièrement imposante attachée à la ceinture, et qui avait déjà posé sa main sur le manche, l’air menaçant.


Elle s’approcha de lui. Il ne l’avait pas encore remarquée. Pas étonnant avec cette foule !
  • C’est pas très bon pour le tourisme ce que tu fais Kan ! lui lança-t-elle alors qu’il lui tournait le dos.
Le panda se retourna, et écarquilla les yeux de surprise quand il la vit.
  • Ça alors ! Mais c’est Ecarlia ! Qu’est ce que tu fais ici ma grande ? lui envoya-t-il tout joyeux, en lui donnant une forte tape dans le dos.
  • Heurf…je dois aller à Astrub. Pour…régler quelques affaires, répondit-elle le souffle coupé. Et toi ? Qu’est ce que tu fais de beau ici ?
  • J’ai accompagné ma nièce jusqu’ici, je voudrais l’envoyer faire une course à Astrub aussi. J’irais bien moi-même mais j’ai pas trop le temps. Pam ! Viens, je voudrais te présenter quelqu’un !
Une pandawa que Ecarlia n'avait pas encore remarquée sembla apparaître de nulle part à coté de Kan. Elle avait à peu près le même âge qu’elle, et portait la tenue classique des pandawas, de couleur vert foncé.
  • Pam, je te présente Ecarlia, commença Kan. Elle a été élevée par Gilles et Prune, tu te rappelles d’eux ?
  • Vraiment ? répondit la dénommée Pam. Ça fait longtemps que je ne les ai pas vus, comment vont-ils ?
Ecarlia se raidit aussitôt. Lorsqu’elle avait abordé Kan elle ne pensait pas que la discussion allait virer sur Gilles et Prune. Devait-elle leur dire ? Elle le connaissait pour l’avoir déjà vu en compagnie de son oncle, il devait être de confiance, mais…
  • Oh ils…ils vont bien, ils sont parti à Bonta pour une affaire urgente, dit Ecarlia en essayant de rester le plus naturel possible.
Kan la regarda d’un air interrogateur.
  • À Bonta ? Qu’est ce qu’ils peuvent bien aller faire là bas ?
  • Je…ils sont allé voir un ami. Il s’appelle…Wallace, répondit Ecarlia du mieux qu’elle pu.
  • Wallace ? Le montreur de montres ?! s’exclama joyeusement Pam. Je le connais, il venait souvent voir mes parents quand j’étais petite, et il m’apportait des jouets à chaque fois ! J’aimerais bien le revoir…

Une image traversa l’esprit d’Ecarlia à la vitesse de l’éclair. Une xélorette, qui lui tendait un petit tofu avec une clé dans le dos…L’image disparut en une fraction de seconde, aussi vite qu’elle était arrivée. Ecarlia ne sembla même pas se soucier de ce souvenir. Elle se sentait extrêmement mal à l’aise en ce moment. Elle dû monopoliser toute sa volonté pour pouvoir réussir à rester naturelle, et à sourire à la pandawa.
  • Moi je ne le connais pas, fit Kan. Il est montreur de montres à Bonta ?
  • Heu…oui, je l’ai rencontré hier. Hier soir, ajouta Ecarlia.
Elle n’avait pas l’habitude de mentir, mais trouva qu’elle s’en sortait plutôt bien. Les deux pandawas avaient l’air de gober totalement son histoire. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle mentait mais…quelque chose lui disait que moins il y aurait de personnes au courant de ce qu’il se passait, mieux ce serait.
  • Faudra que vous me le présentiez vous deux, un de ces jours, leur dit le grand panda. J’ai connu une montreuse de montres moi aussi, il y a quelques années. Je serais curieux de savoir si ce Wallace est aussi doué qu’elle l’était ! envoya-t-il en affichant une mine enjouée et en croisant les bras.

Ecarlia se dit que cette rencontre pouvait attendre encore un peu. Sur le moment, elle commençait à regretter d’avoir engagé la conversation, car le pandawa avait l’air de vouloir la faire durer. Il commençait à raconter certaines de ses aventures à travers le monde, comme si c’était un véritable réflexe pour tout ceux ayant un peu voyagé dans leur jeunesse, pensa Ecarlia. Elle remarqua d’ailleurs que Pam, à côté de son oncle, levait la tête au ciel et se frottait les yeux avec le pouce et l’index. Ce ne devait pas être la première fois que Kan partait dans un monologue, et à voir la réaction de sa nièce il ne devait pas non plus être très court. Ecarlia tenta de s’enfuir le plus poliment possible :
  • Kan, c’est passionnant mais…il faut vraiment que j’y aille, on m’attend à Astrub, dit-elle timidement à l’encontre du panda.
Celui-ci arrêta aussitôt son récit (duquel elle n’avait absolument rien suivit) et baissa ses oreilles, comme s’il était un peu honteux.
  • Ah oui…bien sûr, pardon pardon, quand je m’emballe c’est dur de m’arrêter ! Allez petite jeune, part ! Je ne te retiens plus ! lui lança-il toujours aussi gaiement en pointant la direction du pont avec son doigt.
Ecarlia n’en demanda pas plus et marcha le plus vite possible, mais en essayant de ne pas paraître pressée, vers le pont en question. Mais à peine cru-t-elle s’être échappée du duo curieux en se perdant dans la foule qu’une voix derrière elle l’appela :
  • Ecarlia attend !
Elle se retourna, priant pour que ce ne soit pas Pam, qui lui demanderait de l’accompagner à Astrub.


Perdu.
La pandawa se frayait un chemin entre tous les passants vers la sacrieur.
  • Ouf…merci de t’être arrêtée ! lui dit-elle en arrivant devant elle. Désolée si mon oncle t’as retardée, il est un peu…nostalgique. Il bouge un peu moins qu’il y a quelques années, alors il adore raconter ses exploits à tout va ! Ça lui remonte le moral.
  • Oui…j’ai vu ça, répondit Ecarlia sur un ton neutre.
  • Dit-moi, ça te dérange si je te suis pour aller à Astrub ? demanda la pandawa, le regard plein d’espoir. Je n’y ai jamais été, et comme tu as l’air de savoir où tu vas…
Ecarlia fut tentée de répondre « NON ! » et de se sauver en courant, dans l’espoir de la semer dans la foule. Ce n’était pas qu’elle n’appréciait pas la jeune femme, mais elle avait peur de devoir s’engager dans des conversations sur Gilles et Prune, desquelles elle n’aurait aucun moyen de s’échapper. Cette éventualité ne lui plaisait pas du tout.
Cependant, devant les yeux suppliant de chien battu qui lui faisaient face, elle se dit qu’après tout, un peu de compagnie féminine ne lui ferait pas de mal…


Il sembla que Pam comprit aussitôt que Ecarlia acceptait, car son visage s’illumina soudain, et elle ouvrit la marche sans rien ajouter, d’un pas guilleret. La sacrieur se demanda pourquoi elle avait cru entendre « ça te dérange si je te suis ? », alors que présentement, c’était elle qui était derrière à suivre la pandawa. Mais bon, tant que Gilles et Prune ne devenaient pas un sujet de conversation, qui était devant et qui était derrière lui importait autant que la couleur des vêtements des passants.


***


Kan perdit de vue les deux jeunes femmes assez rapidement, tant il y avait de monde. Il se mit les poings sur les hanches, satisfait de son petit stratagème. D’ici demain soir, sa nièce aurait fait sa « course » et…hé hé…
Soudain, il se rappela de quelque chose. Cela faisait bien plusieurs semaines que Gilles lui avait prêté un marteau de forge, et qu’il n’avait jamais eu l’occasion de lui rendre. Puisqu’il avait un peu de temps devant lui, il allait passer chez eux pour leur rendre ce marteau, et leur passer le bonjour accessoirement.
Il envoya balader plusieurs badauds qui lui demandèrent s'il avait des choses à vendre, puis alla se placer un peu en retrait de la foule, pour éviter d’attirer les regards. Il sortit de sa poche un petit sifflet, et y souffla un grand coup. Il ne fallu que quelques secondes pour qu’une dragodinde de couleur rouge apparaisse devant lui, en frétillant de ses ailes minuscules. Il s’approcha d’elle, et lui flatta l’encolure. Puis il monta sur la selle attachée sur le dos de l’animal, et prit les rennes entre ses mains.
  • Allez Cerise ! On est parti ! s’exclama-t-il en donnant un petit coup de poignet vertical.
La dragodinde pourpre s’exécuta aussitôt, et parti comme une flèche vers une destination qu’elle connaissait déjà par instinct. La maison de Kan, puis celle de Gilles et Prune.
Ecarlia \HRP/
Et voilà, chose promise, chose due, voici Ecarlia, telle que je l'imagine !
Merci beaucoup à Joévin pour m'avoir fait profiter de son scanner de grande qualité aussi généreusement.

N'hésitez à me donner des conseils pour améliorer mon trait et à dire ce que vous en pensez ! Aussi bien en réponse sur la discussion qu'en e-mail personnel !

(dessin en pièce jointe)
Miniatures attachées
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Nom : Ecarlia.JPG
Taille : 397x600
Poids : 32,2 Ko
ID : 41191  
Bravo, franchement histoire très bien construite, les fautes ont ne les vois pas tellement nous sommes plongé dans l' histoire.... Passionnant .
J' aime aussi vraiment beaucoup le dessin, tu est décidément douée pour tout =)

Sur ce continue de nous faire accrocher a cette histoire aussi bien que tu ne le fais déjà,bonne continuation

Xioto
__________________


Autre dessin
Bonjour à tous ! ^^

Voici un autre dessin, fait depuis déjà quelques temps, mais que je n'ai pas voulu mettre parce que...et bien ce personnage n'est pas encore "apparu" à proprement parler !

Cela dit, ceux qui ont bien lu l'histoire pourront peut-être deviner de qui il s'agit.

Pour ce qui est du chapitre VI, il avance bien, et est presque fini, mais je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps pour l'instant (rapport au bac blanc...quelle plaie !)

Enfin bon, les vacances arrivent, et les heures libres aussi ! Courage, la suite bientôt !

Merci à tous pour vos encouragements, et à bientôt
Miniatures attachées
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Nom : Cimon.jpg
Taille : 434x600
Poids : 24,5 Ko
ID : 41905  
Chapitre VI
Ecarlia se demandait pourquoi la pandawa était aussi joyeuse d’aller à Astrub. Son pas léger et son sourire permanent contrastaient terriblement avec l’air renfrogné de la sacrieur, qui regardait fixement devant elle sans la moindre expression. Personne n’aurait pu deviner que les deux jeunes femmes étaient en train de voyager ensemble. Alors que l’une fredonnait en marchant, l’autre était enfermée dans un silence presque total. L’une était vêtue de vêtements éclatants et visibles, l’autre d’habits de voyage qui faisaient un peu tapisserie. Bref, tout semblait différencier Ecarlia et Pam, duo improbable d’une sacrieur et d’une pandawa, mais qui avançait pourtant d’un même pas vers une destination identique : la ville des mercenaires.

Elles marchèrent l’une derrière l’autre, Pam en tête, pendant un certain temps. Elles continuaient à croiser des gens, mais de moins en moins étrangement. Ecarlia se dit que les grandes foules étaient situées aux accès au pont, ce qui semblait logique, puisque c’était là que les marchants en tous genres se postaient pour vanter leurs produits. Et elle ne s’en plaignait pas en réalité. Elle n’avait jamais vraiment apprécié les foules, elle s’y sentait enfermée, comprimée en permanence. Sa préférence allait de loin aux grands espaces, là où la liberté la plus totale parlait d’elle-même à ceux qui savaient l’entendre. D’ailleurs, elle se sentait bien sur ce pont, car tout autour d’elle c’était l’océan vert qui régnait en maître. Une étendue infinie d’eau, sur laquelle personne n’avait la moindre emprise, et dont le vent était le seul contact qui pouvait sembler amical.
Elle se senti frissonner de plaisir devant la simple vue de l’immensité incroyable de ce monde, qui semblait pourtant, pour certains, limité à une maison, un village ou parfois une ville. Elle essaya de s’imaginer sur un bateau, fendant les flots à toute allure, le vent sur son visage et les vagues lui fouettant le corps. Une expérience qu’elle devrait tenter un jour…
- Pourquoi tu vas à Astrub ?
Ecarlia sursauta. Elle était tellement plongée dans ses rêves de liberté qu’elle n’avait même pas remarqué que Pam s’était discrètement rapprochée d’elle.
- Et bien…j’ai une personne à aller voir, c’est tout, répondit-elle un peu sur la défensive.
- Hum…mystère, mystère hein ? J’ai comprit le message ! fit la pandawa qui semblait plus amusée qu’autre chose. Moi je dois aller chercher quelque chose chez un certain…Deudoiné.
- Jamais entendu parler.
- Il paraît que c’est l’un des meilleurs forgerons du monde, expliqua Pam, et que les aventuriers viennent de partout pour se faire initier à la forge d’armes par lui.
- Ah ? Il doit être doué en effet.
- Mon oncle lui a probablement commandé une arme, ou je ne sais pas quoi…et c’est moi qui doit aller la chercher !!! dit-elle soudain en haussant la voix, ce qui surprit Ecarlia.
- Heu…oui, c’est un peu…
- Je ne te le fais pas dire ! la coupa Pam. Selon quoi j’aurais « besoin de sortir un peu de mon nid » ! Je ne suis pas un tofu quand même ! Ils ne te disent jamais des trucs comme ça Gilles et Prune ?
- Si…parfois, mais…
- Et voilà ! J’en étais sûre ! lança-t-elle en levant les bras au ciel. Mais quand est-ce qu’ils vont nous considérer comme des adultes, hein ? On a à peu près le même, toutes les deux, non ? Tu ne trouves pas qu’on est encore considérées comme des gamines ?
Ecarlia était un peu désemparée devant cette attitude si soudaine d’adolescente en pleine crise, mais elle dû reconnaître que la pandawa avait en partie raison. La manie des plus âgés de vouloir dicter leur conduite aux plus jeunes était assez énervante. Elle repensa par exemple à la petite eniripsa qui essayait toujours de lui remonter son maillot, et qui au final l’obligeait à aller se changer.
- Si, je trouve, répondit la sacrieur.
- Moi avec Kan, j’ai vraiment l’impression d’avoir dix ans de moins, on dirait qu’il croit encore que j’ai encore neuf ans, et qu’il ne veut pas me faire grandir !
- Ah bon ? fit Ecarlia étonnée. C’est bizarre, avec moi il a toujours été très mature, aussi loin que je me souvienne en tout cas. Il m’a toujours traitée plus ou moins comme une adulte.
- T’as bien de la chance…Mais dit-moi, comment tu l’as rencontré ? Mon oncle ?
Ecarlia se sentait soudain beaucoup plus volubile. Elle avait envie de parler.
- Houlà, c’était il y a longtemps, j’étais toute petite. Je crois qu’il était venu un jour pour l’anniversaire de Gilles, et…

La conversation s’engagea alors, aussi étrange que cela puisse paraître. Peut être était-ce là un autre don des pandawas, que de mettre les gens à l’aise, ou bien cela venait-il juste de cette pandawa là ? Toujours est-il qu’elles commencèrent à parler, et surtout qu’elles continuèrent pendant un certain temps. Et des choses à dire, les deux jeunes femmes en avaient plus qu’elles ne le croyaient. Surtout Ecarlia…


La journée passa vite pour les voyageuses qui marchaient sur l’interminable pont. Elles s’arrêtèrent à peine pour manger, se contentant de marcher à allure plutôt vive tout en discutant de tout et de rien. En une seule journée, Ecarlia cru croiser plus de personnes qu’elle n’en avait croisé pendant dix-huit ans. Elle vit des gens de tous horizons, à l’allure étrange parfois. Des silhouettes angoissantes encapuchonnées dans un grand habit sombre, laissant à peine voir leur visage qui avait l’air d’une extrême maigreur. « Ca ? Ben c’est des srams ! » lui avait dit Pam lorsqu’elle lui avait fait part de son impression devant ces personnages inquiétants. Elle vit aussi des personnes portant deux petites cornes et…une longue queue se terminant par deux pointes de flèche. « Des osamodas » pensa-t-elle. On lui en avait déjà fait une description assez ressemblante, mais elle n’en avait jamais rencontré en vrai.
Mais ce qui retint surtout son attention, ce furent les hommes et les femmes ayant l’apparence de chats. C’était la première fois qu’elle en voyait pour de vrai. Des écaflips…elle savait que sa mère avait ressemblé à ça. Ils avaient réellement une allure humaine. Deux jambes, deux bras, une démarche tout à fait normale…mais leur visage était bien plus proche de celui des chats. Deux oreilles pointues, des yeux perçants, des moustaches et un museau court. Leur corps était entièrement recouvert d’une fourrure aux couleurs très variées, Ecarlia n’en avait pas vu deux avec la même teinte. Et surtout, surtout, ils avaient une longue queue.
Lorsqu’elle remarqua ce détail, quand elle vit le premier écaflip, un sentiment très étrange s’empara d’elle.
Il était impressionnant. Sa fourrure était d’une couleur peu commune : indigo assez clair, avec le bout des doigts blanc. Il portait des vêtements étranges : un chapeau d’osier en forme de cône très aplati, avec un pictogramme dessiné dessus ; une cape qui semblait…en bois sombre, mais qui pourtant flottait au vent comme du tissu. A sa ceinture pendait une épée de couleur pourpre, en forme de griffe. Le guerrier avait véritablement l’air redoutable. Une grande fierté emplie tout d’abord le cœur d’Ecarlia. Elle se sentait proche de cette créature noble, qui respirait la puissance, plus proche que n’importe quelle autre personne qu’elle avait pu croiser auparavant. Mais alors même que cette fierté commençait à l’emplir, elle fut ternie par autre chose. Quelque chose de bien plus complexe
Ecarlia se sentait proche de ces écaflips, c’était vrai, mais…elle n’en était pas un. Même si elle en avait la queue, elle n’était pas un écaflip. Dans ce cas, qu’était-elle ? Est-ce qu’elle était une sacrieur ? Non plus, un sacrieur n’a pas de queue. Elle se rendit alors compte, mieux que jamais, qu’elle n’avait aucun semblable en ce monde. Elle était absolument unique. Non, ce n’était pas unique le mot auquel elle pensait…
C’était seule.
Ce sentiment qu’elle ressentait, et qui lui faisait une impression si étrange et indéfinissable, c’était la solitude. Quel sentiment lourd se dit-elle, il lui écrasait le cœur comme on écrase une éponge dans ses mains…d’une telle lourdeur que ses épaules s’affaissaient petit à petit, et que ses yeux ne regardaient plus que le sol.
C’est alors qu’elle senti un regard posé sur elle. Elle releva la tête, et vit qu’à côté d’elle, une pandawa d’environ son âge la fixait avec des yeux plein de compassion. Pendant une seconde, Ecarlia cru qu’elle avait réellement pensé tout haut, tant on lisait de la peine dans le regard de Pam.
- Ecarlia…commença-t-elle avec une voix douce. Je ne sais pas si tu me connais assez pour pouvoir me parler de tes problèmes mais…tu as l’air tellement déprimée que je commence presque à être inquiète.
La sacrieur la regarda dans les yeux, sans afficher la moindre expression. Pam continua :
- Je ne sais absolument pas ce qui te rend si sombre, mais ce que je sais c’est qu’il ne faut pas garder pour soi des souffrances comme celles que tu as l’air d’endurer.
La pandawa détourna son regard quelques instant pour regarder par terre.
- Tu peux me croire, j’en ai fait les frais…
Elle reporta rapidement son attention sur la sacrieur, dont ces paroles quelque peu troublantes avaient réussi à interloquer.
- Bref, si jamais tu veux parler de quelque chose…quoi que ce soit, je suis là. On ne va probablement pas rester très longtemps ensemble alors…autant que ça nous profite un peu, tu crois pas ?
Ecarlia baissa les yeux. Quelqu’un à qui parler. Pas juste une compagne pour discuter, une véritable personne qui l’écouterait, et qui pourrait la consoler. Une…confidente. Elle senti l’étreinte qui lui écrasait le cœur se desserrer. Est-ce qu’elle avait une…amie ? Cette pandawa qu’elle connaissait depuis quelques heures à peine avait réussi à briser une barrière qui l’enfermait à l’intérieur d’elle-même depuis trop longtemps. Une larme perla de son œil, mais elle se dépêcha de la chasser. Son cœur n’était plus du tout serré à présent, au contraire, elle avait l’impression qu’il gonflait. Elle n’était pas seule.
Ecarlia se redressa, et regarda Pam, un sourire bienveillant sur le visage.
- Merci beaucoup…Pam. Ca va aller, ne t’inquiète pas.
La pandawa sourit à son tour, et lui donna une petite tape dans le dos.
- Je préfère ça ! Bon allez…on sort de ce fichu pont avant ce soir ! s’exclama-t-elle gaiement en accélérant brusquement le pas.
Ecarlia s’entendit rire alors qu’elle dû elle aussi donner un grand coup de jambe pour pouvoir rester au même niveau que Pam. Elle ne riait pas souvent. Vraiment pas.

Le rythme soutenu qu’avait imposé Pam s’avéra rapidement payant. La luminosité décroissait à peine lorsque la fin de l’interminable pont leur servi enfin d’horizon. Elles marchèrent encore une heure environ, et se retrouvèrent progressivement de plus en plus serrées par la foule. Celle-ci était encore plus dense et plus bruyante qu’à pandala, ce qui ne manqua pas d’énerver Ecarlia. Elle fut obligée de se tailler un chemin entre les personnes, des marchants pour la plupart, agglutinées comme dans une ruche. Lorsqu’elle réussi enfin à sortir de la foule, cela faisait déjà plusieurs minutes qu’elle avait perdu Pam. Elle parvint finalement à la voir en train de pousser les gens, lui rendaient d’ailleurs très bien, pour se frayer un passage. La pandawa s’extirpa avec difficulté d’entre les nombreuses personnes, et rejoint Ecarlia un peu plus loin.
Le contraste de densité de la foule entre le pont et environ cent mètres plus loin était assez spectaculaire. Il n’y avait tout simplement plus personne. Le paysage changea très vite alors qu’elles marchaient, pour passer de la plaine à la montagne. Ecarlia et Pam étaient toutes les deux totalement subjuguées par ce changement si soudain d’environnement. Elles étaient tellement habituées aux forêts de bambous, aux plaines, aux cours d’eau limpides, que ce paysage gris et rocheux leur semblait extraordinaire, surnaturel. Même Ecarlia, qui pourtant allait parfois dans les plaines de Cania, trouvait cet endroit étrange. Pendant un certain temps, aucune de deux ne parla, trop occupées qu’elles étaient à observer cet endroit inconnu et mystérieux.
Elles marchaient sur un petit chemin de terre battu au pied d’une gigantesque montagne, qui avait l’air d’être très souvent emprunté, et tout autour d’elles d’énormes roches gris clair parsemaient le sol recouvert d’un tapis vert. Elles ressemblaient à des maisonnettes sans aucune ouverture, comme celles qui bordent parfois la route en pleine nature, tant elles étaient immenses. Il était évident que ces énormes masses de roche étaient tombées de la montagne lors de tremblements de terre, et que l’érosion, au fil des années voire des siècles, leur avait données leur forme arrondie, lisse.
Ecarlia imagina avec un frisson ces fragments de montagne dévaler la pente rocheuse à toute vitesse, détruisant absolument tout sur leur passage. Son cœur se serra lorsqu’elle vit, au bord de la route, au pied de la montagne, les restes d’une maison dévastée depuis des années, avec quatre petites tombes un peu en retrais. De l’autre côté du chemin, un rocher particulièrement immense était fissuré sur toute sa hauteur. Il n’était pas difficile de deviner ce qu’il s’était passé ici, autrefois. Cet endroit lui rappelais la clairière…sa clairière.
- Quel endroit…triste, murmura Pam.
- Oui.
Ecarlia était troublée par tant de ressemblances.
Presque tout était là. Les restes d’une belle maison, d’une splendide maison. Les marques d’un choc brutal avec le destin dans toute sa cruauté, dont le destin était ressorti vainqueur.
Et puis ces petits, tellement petits souvenirs d’une vie, d’une famille. Des souvenirs de pierre, planté dans le sol, qui semblaient vouloir se dresser contre l’oubli de toute leur hauteur. Il y avait quelques fleurs qui poussaient devant les tombes immaculées, à même le sol. Des fleurs absolument superbes, d’un panel de couleurs qui inspiraient à la fois la joie, et le respect sacré de l’endroit.
Ecarlia et Pam passèrent devant ce lieu en baissant la tête. La sacrieur cru voir, dans l’ombre des ruines, une forme noire passer et deux points blancs les fixer l’espace d’un instant. Pam l’aperçue également, et d’un hochement de tête entendu, les deux jeunes femmes accélérèrent leur pas, pour quitter plus rapidement ce lieu de repos éternel pour certains, mais de danger pour ceux qui étaient restés.

Lorsque les voyageuses purent enfin voir, à l’horizon, les murs ocre de la cité des mercenaires, la douce lumière orange du crépuscule enveloppait déjà la montagne entière. Les pierres grises brillaient d’une façon insoupçonnée sous le voile chaleureux du soleil couchant. Elles avaient à présent l’air constituées de milliers de petits miroirs qui réfléchissaient la lumière orangée, donnant l’impression que les pierres devenaient peu à peu incandescentes. Le chemin montagneux arrivait presque à sa fin, il n’y avait plus qu’à descendre sur un peu plus d’une centaine de mètres pour enfin se retrouver au niveau du sol. Mais elles étaient toutes les deux totalement captivées par ce spectacle, si bien qu’elles s’arrêtèrent à un endroit particulièrement magnifique pour essayer de comprendre ce qui provoquait ce phénomène étrange. Elles allèrent toucher toutes les pierres qu’elles pouvaient, les observer, casser les plus petites pour voir ce qu’elles contenaient.
Rien n’y fit. Elles avaient beau chercher sous tous les angles, impossible de comprendre d’où venait cet effet miroir.
Lorsque la lumière eût trop décroît, elles furent obligées de stopper leurs investigations. En fait, elles ne s’arrêtèrent que quand leurs yeux ne purent presque plus discerner les pierres « brillantes » des pierres classiques. Leur curiosité les avait entraînées un peu loin cette fois, car elles n’auraient probablement même pas le temps de finir de descendre la montagne sur le peu de distance qu’il restait, ou bien elles se feraient réellement piégées par l’obscurité. Mais l’endroit où elles s’étaient arrêtées semblait quant à lui tout à fait convenable. Il s’agissait d’une sorte de petit « trou » dans la montagne, comme un genre de cratère, mais à la forme un peu étrange cependant. Les pierres qui le parsemaient avaient aussi une forme bizarre, très carrée par rapport à l’apparence lisse des autres roches. Elles ne s’en inquiétèrent pas plus que cela, d’autant que le drôle de cratère était par endroit recouvert de terre et d’herbe bien verte, particulièrement accueillante pour des dormeurs à la belle étoile. C’est d’ailleurs cette dernière raison qui les poussa à rester ici pour la nuit, en plus du fait que descendre une montagne qu’elles ne connaissaient pas à l’aveuglette était proche de la stupidité.

- Bon, qu’est ce qu’on a à manger ? demanda Pam, dont le ventre commençait apparemment à réclamer pitance.
- Avant de manger, il faudrait peut-être faire un feu, répondit Ecarlia. Ca ne m’étonnerait pas qu’il y ait des prédateurs un poil dangereux ici.
En effet, la nuit était tombée encore plus vite que ce que les deux jeunes femmes auraient pu penser. Elles s’étaient arrêtées depuis quelques minutes et déjà elles ne voyaient presque plus ce qui les entourait.
- Les pandawas ne sont pas sensé tout savoir sur les alcools d’une façon générale ? Tu dois bien avoir sur toi une fiole de je-sais-pas-quoi qui s’enflamme à la moindre étincelle, non ?
- Hem, ça va poser problème ma grande, je suis une pandawa de l’eau moi, fit Pam avec une moue. Alors tu penses bien que le feu, ça me connaît moyennement, sauf pour ce qui est de l’éteindre.
- Bon, on va faire avec ce qu’on a alors…dit Ecarlia en fouillant son sac.
Elle en sorti deux pierres de taille moyenne, et les cogna l’une contre l’autre. Aussitôt, des petites étincelles jaillirent. La sacrieur sourit.
- J’ai pas perdu la main à ce que je vois.
- Ce sont des silex ? demanda Pam, curieuse. Tu arrives à faire autant d’étincelles avec juste deux silex ?
- Non, c’est de la roche ferreuse. C’est encore mieux que le silex, mais c’est beaucoup plus rare par contre.
- Je vois…mais je crois que tu oublies quelque chose là, super trapeuse.
- Et c’est quoi madame « moi-le-feu-je-l’éteint » ? lui lança Ecarlia en faisant d’autres étincelles dans le vide.
Pam pouffa de rire.
- On n’a pas de bois !
Ecarlia manqua de se taper sur les doigts. Non mais évidement ! Quelle idiote de vouloir faire du feu en pleine montagne, sans aucun arbre à des kilomètres ! Pam riait sans retenue, voyant parfaitement que la sacrieur se sentait ridicule de son erreur. Ecarlia jeta les pierres de pyrite de fer par-dessus son épaule, la mine renfrognée.
Ce qu’il se passa fut tout simplement prodigieux.
Lorsque les deux pierres retombèrent, elles s’entrechoquèrent et provoquèrent une petite étincelle, qui alla s’éteindre sur un petit caillou à quelques centimètres plus loin. Il y eut un flash. Les deux amies se relevèrent d’un bond, surprises par cet éclair.
Et là, elles virent un caillou en train de brûler.
La petite pierre à côté de laquelle les fragments de pyrite de fer étaient retombés avait tout simplement prit feu. Ecarlia et Pam restèrent bouche bée devant ce spectacle. Aucune des deux ne faisait un seul geste. La pierre brûla encore quelques minutes, puis le feu s’éteignit progressivement, laissant la pierre presque indemne, à peine noircie.
- Eh ben ça, dit simplement Pam. Ca c’est pas banal.
Ecarlia s’approcha prudemment de la pierre, qui semblait à présent tout à fait normal. Elle la prit dans ses mains. A peine chaude…
En revanche elle exhalait une très forte odeur. Ecarlia ne la connaissait pas du tout. Elle la tendit à Pam, qui fit non de la tête elle aussi.
- Jamais senti ça, mais ce que je peux te dire c’est que ça pu, dit-elle en illustrant ses paroles en se bouchant le nez.
- Oui, merci, j’avais remarqué. Mais moi ce que je voudrais savoir, c’est d’où elle vient cette odeur.
Elle ramassa une autre pierre par terre, et la renifla. Oui, c’était la même odeur. Elle était presque imperceptible sur cette pierre, mais c’était bel et bien la même. Elle lâcha son caillou et se dirigea cette fois sur un bloc de roche beaucoup plus massif. L’odeur imbibait aussi cette pierre. En voyant son amie aller renifler les morceau de roche les uns après les autres, Pam eu soudain peur pour sa santé mentale.
- Ca va, tu t’amuses bien ?
- Elles ont toutes la même odeur…toutes les pierres qui brillaient.
Ecarlia prit une petite pierre à l’odeur très forte, et la plaça bien en évidence sur un petit tas de terre. Elle alla ramasser les deux fragments de pyrite, et s’approcha prudemment de la boule de roche grise totalement anodine posée par terre. Pam la regardait avec une certaine inquiétude.
- Ecarlia, qu’est ce tu… ?
Elle entrechoqua les deux pierres. Des étincelles jaillirent. Aussitôt, un flash éclaira le cratère et le gravier prit feu. Ecarlia, bien qu’elle s’y fût attendue, perdit l’équilibre et tomba à la renverse. Des taches blanches dansèrent devant ses yeux pendant encore quelques instants, puis sa vue revint. Pam était déjà à côté d’elle, et la prit par le bras pour l’aider à se relever. Ecarlia n’en revenait pas. Elle venait de faire s’enflammer une pierre.
- Woaw ! Incroyable ! s’exclama la pandawa. Tes cailloux en fer peuvent mettre le feu à d’autres cailloux !
- Mais non…c’est pas mes allumeurs, c’est ce qui recouvre ces cailloux là.
Pam haussa un sourcil.
- Comment ça ce qui les recouvre ?
- Je crois qu’ils sont recouverts d’un genre de produit inflammable, c’est pour ça qu’ils sentent fort. Et dès qu’on fait une étincelle…hop. Et ça doit aussi être pour ça qu’ils brillaient à la lumière du soleil.
La pandawa se pencha et ramassa une autre pierre à l’odeur forte. Elle la fit sauter dans sa main, et regarda les dizaines d’autres pierres autour d’elle, de toutes les tailles. Elle lança à Ecarlia celle qu’elle avait dans la main, accompagnée qu’un regard malicieux.
- En tout cas, pour le feu, le problème est réglé.


A peine cinq minutes après, un grand feu flambait au milieu du cratère, avec pour originale origine un gros tas de pierre, que deux jeunes femmes alimentaient à tour de rôle avec de nouvelles pierres lorsqu’il faiblissait. Elles semblaient atteintes d’une sorte de frénésie, de joie, presque de pyromanie, devant la facilité avec laquelle il était possible de faire un feu aussi immense. Les flammes grondaient et produisaient une vive chaleur, ainsi qu’une odeur assez incommodante lorsqu’on se trouvait à côté. Mais les deux comparses veillaient à rester suffisamment éloignées du brasier rageur, et se contentaient d’abord de sa lumière intense plutôt que de sa chaleur infernale. D’ailleurs, la chaleur n’était qu’un plus, puisqu’elles n’avaient absolument pas froid en cette soirée de printemps tiède et très agréable, et rien non plus à faire cuir.
- QUOI ? Comment ça on a rien à faire cuir là-dessus ?!? hurla Pam. Mais pourquoi on a fait un feu alors ? Et qu’est ce qu’on va manger, hein ?!?
- Calme-toi Pam…soupira Ecarlia. Le feu c’est pour éloigner les éventuelles bestioles qui traîneraient. Et pour ce qui est de manger je te rassure, tu vas être servie, ajouta-t-elle avec un sourire.
Elle sorti de son sac une boîte en métal, et l’ouvrit devant le nez de la pandawa. Celle-ci jeta un regard curieux aux biscuits au chocolat. Elle non plus ne semblait pas du tout connaître cet ingrédient.
- Vas-y, prends-en un, fit Ecarlia en lui tendant la boîte.
- Heu…c’est quoi cette couleur ? demanda Pam, méfiante. Parce que je ne veux pas paraître rabat-joie, mais on dirait vraiment de la me…
Ecarlia venait d’en prendre un et de mordre dedans, coupant la pandawa dans sa phrase.
- T’es chure que t’en veux pas ? Tu chais pas che que tu rates, crois-moi, dit la sacrieur la bouche à moitié pleine.
Pam hésita encore un instant, la main en l’air, puis se décida enfin à en prendre un et à en croquer un petit bout. A la seconde où le morceau de biscuit fondit dans sa bouche, ses yeux s’illuminèrent, et elle mordit à son tour dedans à pleines dents.
- Alors ? Comment tu trouves ? demanda la sacrieur.
Pam avala sa bouchée, et lui offrit un immense sourire.
- C’est absolument délicieux ! Et j’ai déjà l’impression d’avoir mangé un pain en entier ! C’est quoi ces gâteaux ?
- C’est une…vieille amie qui m’en a fait cadeau. Ils sont fait avec du cocholat je crois.
- Du cocholat ? Jamais entendu parler de cha, répondit Pam en mâchant sa deuxième bouchée.
- Moi non plus…il paraît que ce sont les sadidas qui ont trouvé ça il y a quelques temps, et que ça a fait un carton en cuisine.
La pandawa fini son biscuit ultra nourrissant et poussa un soupir de contentement, comme après un repas copieux.
- En tout cas c’est super bon. Et puis on ne risque pas de mourir de faim avec ça ! Houlà, il faut aller remettre une pierre dans le feu…ajouta-elle en se dirigeant vers le foyer.
La sacrieur la laissa faire. Elle se demandait où est ce que Pam pouvait trouver une telle énergie, après une journée pareille passée à marcher dans la montagne. Ses jambes étaient en compote. Tout ce qu’elle voulait, c’était s’allonger et dormir. Elle étendit sa cape par terre, et se coucha dessus. L’herbe sous sa cape était moelleuse, on aurait dit un matelas…Son regard se perdit dans l’immensité du ciel. A cause du feu, on voyait moins bien les étoiles, mais elle pouvait encore reconnaître Sacrieur, avec ses deux groupes d’étoiles qui ressemblaient à des ailes. Cet endroit était vraiment reposant. Elle ferma les yeux et inspira profondément l’air pur de la montagne. Son esprit alla petit à petit vagabonder avec ses souvenirs, puis avec sa simple imagination…
Qu’y avait il là-haut, parmi cette myriade de points lumineux ? D’ailleurs, qu’étaient-ce exactement les étoiles ? Des trous dans un voile sombre qu’une divinité mystérieuse maniait, recouvrant le ciel chaque soir ? Ou bien des sortes de soleils, comme celui de son monde, qui éclairaient chacun un monde différent, mais si lointains qu’on les voyait à peine ? La sacrieur aimait particulièrement cette hypothèse. Elle n’était pas très « mystique », ou déiste, mais plutôt rêveuse. Des milliers et des milliers d’autres mondes, chacun différent…
- Ecarlia !
Allons bon…
- Ecarlia, viens ! Il y a un problème.
La sacrieur se releva sans rien dire, mais en poussant tout de même un profond soupir, et se dirigea vers le feu. Pam était à quelques mètres du foyer, et regardait une des étranges grosses pierres assez carrées qui parsemaient le cratère.
- Quoi ? Qu’est ce qu’il y…
- Cette pierre n’était pas là.
Ecarlia regarda la pandawa. Elle avait un air inquiet.
- Comment ça ?
- J’ai été chercher de quoi raviver le feu, et quand je me suis retournée elle était là.
La sacrieur leva les yeux au ciel.
- Tu ne l’avais pas remarquée, c’est tout…il y a des pierres partout ! Comment tu peux savoir laquelle était là et laquelle était ici ?
- Elle n’était pas là ! J’en suis sûre !
- Ecoute…il fait nuit et le feu fait jouer les ombres un peu partout. Tu as cru qu’elle était plus loin, et puis tout à coup, pouf, elle avait l’air plus près, c’est tout…
La pandawa ne semblait pas convaincue. Elle continuait de surveiller la pierre avec méfiance.
- Bon…si tu veux continuer à regarder ce caillou, c’est toi que ça regarde, moi je vais me coucher, envoya-t-elle par-dessus son épaule d’une voix lasse.
Elle fit demi-tour en direction de sa cape. Son cœur fit un bond.
Il y avait une pierre sur son chemin. Une très grosse pierre. A l’endroit exact où elle était passée quelques secondes auparavant. Elle fit un pas en arrière.
- Ok Pam, je te l’accorde, il y a quelque chose de pas normal.
Les deux jeunes femmes se mirent dos à dos. Et elles purent alors se rendre compte de ce qu’il clochait vraiment.
Tout autour d’elle, un cercle de grosses pierres s’était formé, sur un rayon d’environ cinq mètres, sans qu’elles ne s’en rendent compte. Les blocs avaient presque tous la même taille et des formes similaires, et semblaient tournés dans leur direction. Soudain, Ecarlia vit l’une des pierres bouger.
- Il y en a une qui a bougé ! hurla Pam.
- J’en ai vu une aussi, dit la sacrieur en se mettant lentement en position de garde.
La pierre qu’elle fixait était en train de…s’ouvrir. Des bras avaient l’air d’apparaître sur les côtés. C’étaient de simples morceaux de rocher, mais mis bout à bout et maintenus entre eux par une force quelconque, et qui les faisait ressembler à des bras qu’un sculpteur débutant aurait taillés dans du granit. Ecarlia vit le rocher vivant se lever sur de courtes jambes, elles aussi de simples empilements de pierres, ayant grossièrement la forme de pieds. La créature se redressa. Elle n’était pas très grande, mais était massive, et surtout avait l’air très en colère.
La sacrieur pu voir ce qui ressemblait à une tête et des yeux : un gros bloc à la forme bien rectangulaire, posé sur l’ensemble, sans cou, et deux cailloux blancs bien sphériques avec une large tache noire au milieu. Le monstre de roche ressemblait vraiment à un…enfant.
Soudain, il poussa un cri très étrange vers Ecarlia et Pam. Comme si on tapait deux pierres l’une contre l’autre à très grande vitesse. A l’instant même où le son résonna dans le cratère, toutes les autres pierres s’ouvrir en même temps, comme si elles attendaient ce signal pour montrer leur présence. Des copies conformes de la créature qu’Ecarlia avait en face d’elle s’approchaient maintenant des deux jeunes femmes de tous côtés, en les regardant d’un air mauvais. En quelques secondes, elles furent entourées de ces êtres de pierre silencieux.
Aucun n’avait fait le moindre geste agressif pour l’instant, mais leurs yeux fixés en permanence sur le duo avaient réellement de quoi inquiéter.
Ecarlia et Pam ne bougeaient pas. Elles restaient dos à dos, et surveillaient le moindre geste suspect de la part des créatures rocailleuses. Ce fut le premier être de pierre à s’être montré qui bougea. Sa tête se tourna vers le feu, qui commençait à décroître. Il s’en approcha, et prit dans ce qu’on pourrait appeler une main un petit caillou incandescent.
- Ecarlia ! Qu’est ce qu’il fait ? demanda Pam à voix basse, car elle était tournée dans l’autre direction et ne pouvait pas voir.
- Il…prend une pierre dans le feu. Et je crois qu’il la renifle, répondit la sacrieur, à voix basse également.
La chose avait en effet porté la petite boule rougeoyante à un endroit qui devait être son nez, et la faisait tourner entre ses doigts. Soudain, sans raison apparente, elle jeta l’objet dans le brasier, et poussa un nouveau cri. Mais celui-ci n’avait plus rien à voir avec le précédent. Il ressemblait à un grincement grave, comme quand d’énormes rouages sont bloqués par un simple gravier, et qu’ils exercent une telle force sur l’ensemble de la machine que tout l’ensemble produit un bruit de tension effrayant.
Et ce cri n’avait rien de rassurant non plus.
Les autres créatures commencèrent à s’agiter autour des deux femmes, et leur cercle se resserra petit à petit. Celui qui avait prit une pierre dans le feu chargea Pam. Avant même qu’Ecarlia n’ai pu réagir, la pandawa s’était retournée et avait saisi l’un des bras du monstre. Celui-ci fit un vol plané, et alla s’écraser sur une autre créature dans un bruit de roche brisée. Ecarlia écarquilla les yeux. Pam avait soulevé une masse de roche énorme, et l’avait jetée comme si ç’eût été un vulgaire galet ! Et elle ne semblait même pas avoir eu le moindre mal à le faire !
Mais la sacrieur n’eut pas le temps de s’extasier plus longtemps sur ce prodige. L’attaque du premier monstre avait causé la fureur des autres. Ils se précipitèrent sur les deux jeunes femmes dans un fracas assourdissant. Ecarlia esquiva un bras rocheux qui lui aurait probablement brisé un os, et l’air commença à vibrer autour d’elle. Elle donna un coup de poing vers la jambe de son agresseur, et aussitôt l’une des pierres qui la constituait vola. Il s’écroula par terre, impuissant, incapable de soutenir le poids de son corps sur une seule jambe. Un autre le remplaça et chargea la sacrieur. Elle fit un bond de côté pour éviter la masse en mouvement, et passa derrière la créature. Une détonation retenti alors que la tête du monstre fut projetée au loin elle aussi, comme frappée par le poing gigantesque d’un colosse d’air. La créature décapitée continuait à bouger, et à courir en zigzaguant, donnant des coups de-ci de-là. Ecarlia jeta un regard rapide autour d’elle. Pam était aux prises avec trois monstres en même temps. Elle avait l’air d’avoir été frappée au bras gauche, car il pendait mollement sur son côté. Elle continuait pourtant de combattre, et la sacrieur la vit donner un coup de pied circulaire dans le vide. Un jet d’eau sous pression jailli de terre à d’endroit où la pandawa se trouvait, et sembla suivre le mouvement de son pied en prenant la forme d’une vague. Le jet vint frapper de plein fouet l’une des créatures sur le flanc, qui se disloqua sous la puissance du choc. Malheureusement il en restait encore deux. Ecarlia se précipita à l’aide de son amie, mais un monstre de pierre l’intercepta d’un fantastique coup de poing dans le ventre, qui la souleva de terre. Ecarlia cru que tout son corps allait éclater tant la frappe fut violente. Alors même qu’elle était encore en l’air, elle senti qu’on lui attrapait la queue. Quelque chose la tira vers le sol avec tant de force qu’elle eut peur que sa queue se soit arrachée, et sa tête heurta la terre sur le côté, suivie de près par le reste de son corps. Elle senti un liquide chaud couler de sa bouche, et sa vue était complètement brouillée. Elle tenta de se relever, mais sa jambe gauche la fit pousser un cri de douleur lorsqu’elle s’appuya dessus, et elle retomba. Le sol trembla, et de nouveau un coup terrible lui fut asséné dans le dos, suivi d’un autre dans les côtes. Ecarlia ne se rendait plus compte de ce qui lui arrivait. Les coups se succédaient les uns après les autres. La douleur l’assaillait un peu plus à chaque seconde. Les créatures de pierre la martelaient sur tout le corps de coups violents, rageurs. Ses jambes et des bras ne lui répondaient plus, ses poumons se remplissaient de quelque chose, la faisant tousser du liquide à chaque fois qu’elle essayait de respirer. Ses sensations l’abandonnaient…
Et puis tout à coup, les attaques répétées cessèrent. Elle essaya d’ouvrir les yeux, mais une forte lumière l’éblouie, et elle les referma aussitôt. Son corps fut inondé de chaleur, et elle parvint à bouger un bras. La lumière se dissipa, et elle vit les monstres de pierre se diriger vers trois personnages à la lumière du feu. Pam était avec eux, et son bras gauche ne pendait plus. Elle ne connaissait pas les deux autres. L’un était de petite taille, et avait des ailes de chauve-souris. Un eniripsa…
Quant à l’autre, il était très musclé, avait une peau couleur chocolat. Sa tête était noyée dans des poils verts foncés, et il avait un long bâton avec une poupée accrochée au bout. Ecarlia essaya à nouveau de se relever. Cette fois, ses jambes lui obéirent, et elle réussi à se mettre debout. Les créatures de pierre tentaient de s’approcher du groupe, mais étaient à chaque fois repoussées par…des ronces. De très grosses ronces sortaient du sol comme par magie juste sous les créatures et les frappaient avec force, ou bien leur bloquaient les pieds. Pam les « arrosait » à distance, le petit personnage ailé maniait une étrange baguette, qui lançait de petits éclairs rouges à chaque fois qu’il la faisait virevolter. Les monstres restant hésitaient à s’approcher. Ils commençaient même à reculer, effrayés par cet assaut combiné. Ecarlia avança en direction du groupe. Même si ses jambes allaient mieux, elle boitait, marchait avec difficulté, et ses sens n’étaient pas encore opérationnels. Elle entendit crier son nom, et vit les trois personnes faire de grands gestes. Puis une douleur terrible la foudroya juste derrière la tête. Et ce fut le noir total.


Elle courait. Tout était sombre autour d’elle. Il y avait des arbres, une forêt. Où allait-elle ? Elle ne savait pas. Elle fuyait quelque chose. Quelque chose de dangereux. Elle trébucha. Il y avait quelque chose derrière elle, qui la suivait. Elle se retourna pour voir son poursuivant. Elle ne vit que la mort. Un squelette nu riait. Elle ferma les yeux. Le rire ne disparaissait pas. Elle rouvrit les yeux. Le squelette n’était plus nu, il avait un habit militaire et une épée. Soudain il s’arrêta de rire, et la regarda de ses orbites creux et noirs. Sa voix glaça le cerveau d’Ecarlia.
« Ne t’inquiète pas, ce sera rapide… »
Elle voulu se relever et courir, mais tous ses mouvements étaient lourds, lents. Le squelette abattis sa lame.

Du bruit. Il y avait du bruit dehors. Elle se leva, en faisant bien attention à ne pas écraser ses jouets par terre, et se dirigea vers la chambre de ses parents. Ses parents…ils étaient dans cette pièce, au bout du petit couloir. Elle poussa la porte.
Personne. Le lit était défait. Ses parents n’étaient pas là. Où étaient-ils ? Ecarlia voulait les voir. Elle voulait voir leur visage. Elle entendit de petits couinements venant d’un berceau, à côté du lit. Elle se dirigea vers lui, et se mit sur la pointe des pieds pour en voir le contenu.
Un chaton y était allongé, et il commençait à se réveiller. Elle tendit son bras le plus possible, et caressa la tête du bébé. Il se calma presque aussitôt, mais ne se rendormit pas pour autant.
Il fallait qu’elle trouve ses parents, pour leur dire qu’il était réveillé.
Il n’y avait plus de bruits dehors. Elle sorti de la chambre et descendit les marches. Ses parents étaient encore dehors. Elle voulait les voir, elle devait les voir. A quoi ressemblaient-ils ? Et puis surtout le bébé était réveillé.
Elle arriva devant la porte d’entrée. Sa petite main tourna la poignée, et elle tira pour ouvrir la lourde porte. Un frisson parcouru sa peau alors que l‘air frais s’engouffrait dans la maison. Elle prit sa queue dans ses mains, et mit son pouce dans sa bouche. Deux personnes lui tournaient le dos. Il y avait deux immenses formes allongées par terre un peu plus loin.
Elle remarqua alors l’homme complètement noir qui la fixait, et la pointait du doigt.
Elle s’en fichait. Ses parents étaient là, à quelques mètres…
Elle fit un pas en avant.
L’une des deux personnes bondit sur la silhouette noire. Un bruit sourd. Sa maman est projetée contre le mur, et retombe inerte.
Elle hurle.
« NOOOOOOOOON !!! »
Aucun son ne sort de sa bouche.
La deuxième personne se retourne. Ecarlia crie de terreur. Son père…
Il a un énorme trou dans la poitrine, qui verse des torrents de sang. Elle ne voit pas son visage.
« COURS ECARLIA ! COURS ! »
Non ! Elle voulait rester ! Pourquoi devait-elle s’enfuir ? Elle voulait rester avec eux…
Elle se dirigea vers la forêt sombre. Son corps obéissait à sa mémoire, pas à son esprit. Elle n’avait aucun contrôle sur les événements. Elle voulait rester…

Elle ouvrit les yeux. Elle était dans une très jolie cuisine. Face à elle, une petite personne, emmitouflée dans un manteau bleu nuit, qui lui tournait encore le dos. Elle tendit le bras vers la silhouette. La personne se retourna. C’était une xélorette souriante qui lui faisait face désormais. Ecarlia avança dans sa direction. Mais elle n’arrivait pas à s’en approcher. Elle commença à courir. Rien à faire, elle restait sur place. La petite femme la regardait, toujours en souriant.
« Attend-le » dit la xélorette, l’air sereine.
« Quoi ? »
« Attend sa venue, répéta-t-elle ».
A la seconde où la xélorette dit cela, une ombre plus noire que la nuit empli la pièce, et Ecarlia reconnu la silhouette sombre de la clairière. Tout explosa.


Elle se réveilla d’un bond. Son cœur battait la chamade, et elle respirait très vite, comme si elle avait retenu sa respiration pendant plus d’une minute. Elle était en sueur, et tremblait de tout son corps. Son estomac menaçait de la lâcher, et sa tête la faisait atrocement souffrir.
Et d’un seul coup, toutes les émotions qu’elle avait accumulées au long des derniers jours explosèrent dans son ventre comme un ballon qu’on aurait trop écrasé pour qu’il prenne moins de place.
Elle se prit la tête entre les mains, et pleura.
Ouiiii s'il te plaît je meurs d'envie de connaître la suite moi aussi.
Au point de me connecter une demi-douzaine de fois par jour si elle est là^^

Vive les sacrieurs
__________________
Soit donc ami sincère ou sincère ennemi, mais ne reste pas traitre et fidèle demie...

De retour dans notre monde /HRP/
Bon, me revoilà parmi vous, après une semaine de MALADE et un week-end de OUF (la fin d'un bac ça s'arrose assez copieusement, malheureusement pour moi u_u)
Trois petites choses dans ce message :

1°) Merci beaucoup à toutes les personnes m'ayant souhaité une bonne chance et tout le courage possible au cours cette semaine, je vous envoie tout plein de bizous baveux pixellisés ! (^o^ *grosmack*)

2°) Don't worry, le chapitre VII est commencé, et sera probablement là d'ici le week-end prochain. Vu que je m'impose un genre de rythme, ça devrait pas poser de problème de vous satisfaire dans les temps, bande de gloutons

3°) Le paragraphe n°3 ne sert indéniablement et absolument à rien, si ce n'est vous dire à bientôt
Message hors-roleplay
\HRP/ Pas de panique !!!
Bonjour à tous et à toutes, en ce joyeux début de week-end ensoleillé ! (en tout cas pour moi...)

Il semblerait que certaines personnes s'inquiètent de ne pas voir beaucoup de messages de moi sur le topic, et craignent soit que je les ai oubliées, soit que l'on m'oublie moi.

A ces personnes je répond : aucune inquiétude ! J'ai simplement eu beaucoup à faire cette semaine, et par conséquent le temps pour écrire et répondre aux messages d'encouragements m'a cruellement manqué
Je vais donc me donner un bon coup de pied au c*l ce week-end pour pouvoir, d'ici dimanche soir ou lundi matin (autrement dit très tard...) poster le chapitre VII !
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