merci beaucoup à toi, xervicus pour tes messages d'encouragement, ça fait vraiment chaud au coeur

rien que pour toi, le chapitre II ! Un chapitre extrêmement important, et c'est facile de comprendre pourquoi...Je laisse vos yeux découvrir tout ça
Chapitre II
L’après-midi était déjà bien avancé lorsque Salomon, sa fille endormie sur les épaules, épuisée par les nombreuses émotions, vit enfin la fumée qui s’échappait de la cheminée de sa maison. La chaumière, à la lisière de la forêt d’Amakna, avait un toit en paille et en boue de Boo. Cette boue très solide et ininflammable était particulièrement prisée dans le mobilier, car en plus du fait qu’elle était ignifugée, elle était un excellent isolant, répandait une odeur d’herbe fraîchement coupée et ne se changeait pas en morceaux à la moindre chaleur, ni en flaque à la moindre pluie.
Les murs viraient plutôt sur le beige. Ils étaient en pierre de craqueleur des plaines, l’une des pierres les plus résistantes, les plus légères et les plus esthétiques qui soient. Il y avait une petite terrasse dallée, à l’entrée de la maison, où lui et sa famille pouvaient sortir prendre le soleil lorsque le temps se réchauffait.
Salomon avait pu acheter cette petite merveille quelques jours seulement avant son mariage. Il avait mené une vie de nomade, de combattant solitaire, pendant tant d’années, que sans qu’il s’en aperçoive vraiment, il avait amassé une petite fortune personnelle en revendant ses nombreux butins et objets rares dont il n’avait pas l’utilité. C’est grâce à cela qu’il avait pu emmener sa femme dans ce coin de paradis, à l’abri de la plupart des regards, et surtout loin de Bonta, Brakmâr et de leurs chamailleries incessantes pour le pouvoir.
Salomon entra dans sa maison, après s’être soigneusement essuyé les pieds (Irmine ne plaisantait pas sur la propreté).
- Il y a quelqu’un ? appela-t-il.
Des pleurs lui répondirent aussitôt. Une xélorette sorti de la pièce d’à côté, un petit paquet dans les bras, et l’air vraiment pas contente du tout.
- Hem…salut Cléo, lui dit-il avec un sourire forcé.
- C’est malin, il s’endormait et tu lui as fait peur ! lui envoya-t-elle à travers ses bandelettes.
Salomon soupira.
- Argh…soit sympa s’il te plait, la journée a été difficile.
Cléo le regarda sévèrement, puis remarqua les entailles déjà cicatrisées de ses flans et son pied enflé.
- Qu’est ce qui s’est passé ? lui demanda-t-elle avec une lueur d’inquiétude dans le regard.
- Je te raconterai ça quand Irmine sera rentrée…en attendant (sa voix devint plus douce) on se réveille là haut !
Il secoua lentement ses épaules, et la petite fille qui y était perchée ouvrit les yeux. Elle regarda mollement autour d’elle, puis ses yeux se posèrent sur la petite femme enroulée dans du papier devant elle, et elle se réveilla pour de bon.
Elle commença à s’agiter, et Salomon la déposa par terre. Il fit un « échange » avec son amie et pendant qu’elle essayait de résister aux assauts de bisous de la petite, Salomon prit le paquet, qui ne pleurait plus, dans ses bras.
Un chaton, les yeux encore fermés, s’y trouvait, et remuait doucement en poussant de tout petits couinements. Sa fourrure était blanche, mais le bout de ses oreilles et de ses minuscules pattes commençait à virer au rouge-brun, en formant des motifs complexes. Il avait également une sorte de larme rouge, sous l’œil droit.
Salomon lui caressa tendrement la tête avec le dos de son doigt.
- Coucou Cimon, lui chuchota-t-il. Je suis content que mon arrivée t’ait fait autant plaisir.
- Ne lui en veut pas trop quand même, lui dit Cléo, qui avait réussi à se libérer de la sacrieur miniature en lui donnant un de ces petits jouets qui bougeaient tout seul lorsqu’on remontait une clé dans leur dos, et dont seuls les xélors avaient le secret. Il vient de boire son lailait et s’endormait quand tu es rentré.
Salomon continua à caresser le petit être, jusqu’à ce qu’il s’endorme à nouveau profondément dans ses bras. La xélorette soupira.
- C’est pas possible…comment tu fais ? Moi il m’a fallu un quart d’heure pour réussir à avoir ce résultat.
Le sacrieur lui sourit, ne sachant pas réellement quoi répondre.
- Tu sais Cléo, je ne te remercierai jamais assez pour avoir accepté d’être leur marraine, à tous les deux, fini-t-il par dire à l’encontre de son amie.
Cléo prit une expression énigmatique, et détourna ses yeux.
- Hé hé…j’ai toujours su, depuis qu’on t’a retrouvé dans la forêt de bambou ce jour-là, qu’il y avait quelque chose qui clochait chez toi depuis la nuit passée, lui avoua-t-elle.
Salomon la regarda avec un air ahuri. Décidément, cette xélorette le surprendrait toujours.
- Du coup j’ai eu tout le temps pour me préparer à cette éventualité.
Le sacrieur se prépara à ajouter quelque chose, mais la porte s’ouvrit de nouveau, et Irmine entra en un grand fracas, en lançant joyeusement :
- Coucou tout le monde, je suis rentrée !
Le chaton se mit aussitôt à s’agiter en poussant des couinements d’impatience. Salomon fit la moue.
- Hé ! Moi il a pleuré quand je suis rentré !
- C’est parce que MOI, je suis sa maman et que TOI, t’es un homme donc un rustre, répondit l’écaflipette en riant.
Salomon lui donna le bébé remuant, et en profita pour embrasser tendrement sa femme. Il la débarrassa de son sac, qui contenait sa chasse de la journée, et l’emmena dans la cuisine, pour commencer à préparer le repas.
- C’était excellent Salomon, tu t’es encore surpassé, le félicita la xélorette en s’affaissant sur sa chaise.
- Mouais…il s’est surpassé avec la viande que j’AI ramenée, fit Irmine en se curant les dents avec une de ses griffes.
- La viande que TU as ramenée et que TU aurais fait brûler en quelques minutes si je n’avais pas été là, répondit celui-ci.
Le coup de pied qu’il se prit, censé être discret, fit vibrer toute la table et lui fit monter la larme à l’œil.
- Irmine, commença Cléo en prenant la défense du pauvre sacrieur, il faut avouer que ta cuisine est une arme à part entière. Pourquoi tu ne demandes pas à Salomon de t’apprendre les bases ?
- J’ai déjà essayé, mais ce qu’elle a réussi à faire n’était pas mangeable. On a tout mis dehors et le lendemain, il y avait un sanglier mort devant les restes, plaisanta le sacrieur.
La table vibra de nouveau, accompagnée d’un nouveau « ouille ! ». Tout ce que trouva la xélorette à faire, fut de soupirer en souriant tandis que Salomon se massait les tibias, le visage grimaçant.
- Pourquoi je m’embêterais à apprendre alors qu’il se débrouille très bien ? Un seul cuisinier ça suffit largement, dit Irmine en serrant contre elle le bras de son époux avec un sourire tellement grand qu’il en paraissait bien plus qu’ironique.
Salomon, prit d’un soudain éclair de sagesse, et terrifié à l’idée d’un autre coup de pied mieux placé, préféra ne faire aucun commentaire.
- Si tu le dis…répondit Cléo.
Elle reporta alors son regard sur Salomon. Irmine l’imita. Celui-ci en était encore à se frotter les jambes lorsqu’il remarqua que les yeux des deux femmes étaient braqués sur lui. Il se redressa, soudainement très inquiet de ce changement d’attitude qui semblait avoir pour unique source lui-même.
- Quoi ? fit il hésitant. Qu’est ce que j’ai dit ?
Il se rendit alors compte que ce n’était pas LUI qu’elles observaient, mais plutôt les restes des entailles qui transparaissaient encore sur son corps. Il pensait que Irmine n’avait pas vraiment remarqué, et que Cléo les avait oubliées. Force lui fut de constater qu’il s’était une fois de plus trompé sur les femmes et leur comportement. Il ne pu cependant s’empêcher d’être admiratif devant leur capacité incroyable à changer de sujet.
- Ecarlia, tu veux bien monter dans ta chambre s’il te plaît ? Il faut qu’on discute de choses importantes…dit-il à sa fille.
Elle lui fit aussitôt ses yeux de chien battu, comme il le craignait toujours lorsqu’il lui demandait quelque chose qui ne lui plaisait pas vraiment. Cette technique millénaire utilisée par tous les enfants de ce monde et par tous les autres enfants de tous les autres mondes marchait d’ailleurs à la perfection sur Salomon. Heureusement (ou malheureusement) pour lui, Cléo arriva à la rescousse. Elle sortit d’on ne sait où un autre petit automate, et le donna à la fillette. Son sourire revint aussitôt, et elle quitta la table sans demander son reste, trop pressée d’essayer ce nouveau jouet. Salomon grimaça. Il n’avait pas d’autre choix que de tout raconter.
Lorsqu’il eut fini son récit, aucune des deux femmes n’avait dit un seul mot. Elles semblaient complètement ahuries par ce qu’elles venaient d’apprendre, mais surtout elles semblaient douteuses.
- Qu’est-ce que viendraient faire des chafers dans la forêt ? lui demanda Irmine. On n’en avait jamais vu avant, ils ne fréquentent que les cimetières ou les anciens champs de bataille. Enfin…tout ce qui est morbide d’une façon ou d’une autre.
- J’en sais rien du tout moi, se défendit Salomon. Je te raconte juste ce qu’il s’est passé. J’ai été très…surpris moi aussi.
- La question n’est pas ce qu’ils faisaient là, intervint Cléo, la question c’est : est-ce qu’il en reste ?
- Encore une fois, je n’en sais rien…j’ai préféré rentrer le plus vite possible, vu que Ecarlia était avec moi.
Il vit le poil de sa femme se hérisser, alors qu’un frisson d’angoisse la parcourait. Lui-même s’imaginait très bien entendre cette histoire, et il aurait très certainement été paniqué d’avoir su la mort passer aussi près de sa fille. Il fut de plus très étonné que Irmine ne lui saute pas à la gorge pour avoir emmené Ecarlia avec lui. Mais ni lui, ni elle n’auraient pu prévoir une telle éventualité.
La présence de chafers dans la forêt était une chose assez alarmante. Ces monstres étaient de véritables fléaux, qui ne vivaient (enfin façon de parler…) que pour le combat. Il semblait que le seul et unique but de leur existence était de mourir (encore une fois façon de parler) par une quelconque arme, afin de pouvoir enfin trouver la paix dans la destruction définitive de leur corps. Et cet instinct les poussaient bien souvent à attaquer des villages, ou des groupes d’aventuriers. Mais jamais on ne vit des chafers solitaires ou presque se balader dans les forêts à la recherche de personnes isolées à agresser, et encore moins des enfants. Les chafers n’attaquaient que les personnes ou même les créatures qui leurs semblaient susceptibles de les vaincre. Or l’un d’eux avait délibérément levé son arme sur la fillette terrifiée incapable de se défendre.
- Je ne vois pas trente-six choses à faire, fini par dire Irmine au bout d’un moment de silence.
Les deux autres la regardèrent. Ils croyaient savoir à quoi elle pensait.
- Demain, nous partons au petit matin, quand les enfants ne sont pas encore réveillés, et nous allons fouiller la forêt, pour voir s’il n’y a aucun autre chafer à se promener tranquillement.
- Et s'ils se réveillent avant qu’on ne soit rentrés ? demanda Salomon.
- Je n’ai qu’à demander à leur parrain de venir demain, et il pourra s’occuper d’eux pendant qu’on sera absent, lui répondit-elle aussitôt.
Salomon se renfrogna, alors que sa femme pouffait de rire. Il s’était fait avoir en beauté, encore une fois. Le parrain en question n’était autre que Gilles, le iop boudeur et massif qu’il avait aussitôt repéré le jour de leur mariage. Il était très gentil, mais pour une raison qu’il ignorait totalement, Salomon ne pouvait pas l’encadrer. Cependant, c’était le choix de sa femme, qui l’avait lui-même laissé choisir Cléo comme marraine et comme gardienne de leur secret. Gilles avait lui aussi ce lourd secret à garder, et jusqu’à maintenant, il n’avait pas trahit leur confiance. Il ne trouva donc rien à redire à la proposition de Irmine.
Lorsque Cléo fut partie, après avoir remercié Salomon et Irmine pour leur délicieux repas, ils discutèrent un peu tout les deux, seul à seul. Plus particulièrement de la réunion du lendemain. Salomon était encore très nerveux, mais comme toujours, sa femme trouva vite les mots pour le rassurer, et lui rappela les consignes habituelles pour ne pas attirer l’attention, consignes qu’elle respectait elle-même lors de ses propres convocations du même genre.
La lune était déjà levée depuis un certain temps lorsqu’ils montèrent silencieusement se coucher. Ils trouvèrent Ecarlia dans sa chambre, tranquillement endormie sous ses couvertures malgré la température déjà très agréable de la pièce, les jouets inanimés de sa marraine reposant aussi par terre. Ils fermèrent doucement la porte, sans essayer d’aller l’embrasser, craignant trop de la réveiller.
Ils se dirigèrent ensuite vers leur chambre, où dormait aussi Cimon dans son berceau. Après avoir vérifié que tout allait bien pour lui, ils se déshabillèrent et se couchèrent à leur tour. Salomon se lova contre le dos recouvert d’une douce fourrure de Irmine, et lui passa un bras sous l’aisselle. La jeune femme prit la main de son époux, et la mit sous sa joue en ronronnant très doucement.
Ils s’endormirent dans cette position, heureux de leur vie, heureux d’être en vie.
***
Salomon se réveilla en sursaut. Il avait oublié de fermer la fenêtre, et quelque chose dehors avait produit un grand craquement. Sa femme dormait toujours, mais elle semblait agitée, sur le point de se réveiller elle aussi.
De nouveau le craquement. Et ce n’était pas qu’une brindille. Quelque chose de très gros venait de briser une branche en se déplaçant, il en était sûr. Irmine ouvrit les yeux, et marmonna un « Mgnn…keskispass ? » endormi. Il se leva, et regarda par la fenêtre.
La lune brillait intensément, et on y voyait comme en plein jour.
Encore un craquement. Cette fois il avait vu un arbre entier bouger, et une immense ombre noire disparaître dans les broussailles. C’était une créature énorme, bien plus massive qu’un chafer, qui se déplaçait là dehors. Il enfila son pantalon en vitesse, et secoua sa femme qui s’était rendormie. Elle se réveilla d’un bond, le regard dans le vague, tournant la tête de droite à gauche comme pour comprendre ce qu’il se passait.
Craquement, encore plus proche cette fois. Son esprit embrumé redevint aussitôt beaucoup plus vif, elle se leva avec vitesse et silence, et enfila quelques vêtements avant de prendre son arme accrochée au mur, la même épée en forme de griffe que le jour de sa deuxième rencontre avec Salomon. Ils descendirent les escaliers sur la pointe des pieds, et sortirent à la lueur de la lune, l’un les poings serrés et l’autre l’épée à la main, prêts à devoir faire face à n’importe quoi.
La forme immense qui se déplaçait entre les arbres sortit à son tour de la lisière de la forêt, pour se montrer à la lumière pâle régnant dans la petite clairière.
Ils eurent un mouvement de recul et de frayeur.
Là devant eux, un gigantesque loup de couleur marron gris se redressait de toute sa hauteur, en montrant ses crocs de la taille d‘une tête humaine, et ses griffes longues comme des dagues et épaisses comme des bras. Il hurla. Son hurlement lugubre résonna dans la nuit avec la puissance d’une sirène à vapeur, comme celle qu’ont les bateaux modernes sortant du port de Madrestam. Une deuxième créature de cauchemar sortit de la lisière, avançant sur ses deux pattes arrière comme pour parodier les hommes, labourant le sol de ses griffes, le faisant trembler à chaque pas, et vint se placer à côté de la première.
À eux deux, les énormes mulous totalisaient facilement plus de deux tonnes, et faisaient chacun plus de quatre mètres de haut.
Salomon et Irmine ne pouvaient plus bouger tant la peur les avait envahis. Ils avaient déjà combattu des mulous, mais ces deux-là étaient bien plus gros que tous ceux qu’ils avaient pu chasser, et surtout les voir de nuit leur donnait un aspect encore plus redoutable et terrifiant.
Les deux monstres chargèrent en même temps, ayant déjà choisi leurs proies respectives. Salomon et Irmine firent un bond de côté pour éviter les pattes avant mortelles, et à peine s’étaient-ils relevés qu’ils devaient déjà esquiver les broyeurs à os qui servaient de crocs aux gigantesques animaux.
Les deux guerriers ne pourraient pas tenir longtemps à ce rythme. Leurs acrobaties avaient beau être parfaitement coordonnées, cela finirait par mal tourner. Après une nouvelle esquive, ils se rapprochèrent rapidement l’un de l’autre. Les mulous se réunirent à leur tour, comme animés d’une intelligence soudaine : l’union fait la force.
Salomon et Irmine se regardèrent, puis hochèrent la tête. Ce simple regard, qui avait duré une seconde tout au plus, leur avait suffi pour organiser leur défense.
Les monstres chargèrent à nouveau. Cette fois, les deux guerriers ne partirent pas sur les côtés pour éviter l’assaut simultané. Au contraire, Salomon fonça à leur rencontre, tête baissée. Irmine quand à elle, venait de faire apparaître un jeu de carte entier entre ses pattes. Les cartes fusèrent aux oreilles du sacrieur, mais pas une seule ne l’effleura. En revanche, les mulous les sentirent passer. Irmine avait visé leurs têtes, et les cartes tranchantes comme des rasoirs leur avaient entaillé le cuir tout près des yeux, et s’étaient plantées dans leurs museaux et leurs gueules.
Les monstres hurlèrent de douleur, et leur course fut ralentie et déséquilibrée alors que leurs réflexes les poussaient à se protéger les yeux avec leurs pattes. Salomon profita de leur faiblesse temporaire pour se rapprocher d’eux à toute vitesse. Il prit pour cible celui qui avait l’air d’avoir les yeux les plus abîmés, et sauta en pleine course droit vers sa tête. Il savait que n’importe quelle autre blessure, le mulou pourrait la régénérer facilement. Mais s’il touchait la tête ou le cœur, il avait une chance de le tuer d’un seul et unique coup.
Ses poings vibrèrent et son corps cria de douleur sous la quantité d’énergie qu’y accumula en une fraction de seconde. Il frappa le monstre en haut du crâne. La déflagration eut lieu, et il senti l’os de la bête exploser sous la puissance de la frappe. Le mulou tomba à terre, le crâne fumant et enfoncé, du sang coulant à grands flots de ses narines et de ses oreilles. Salomon retomba durement sur le sol.
La terrible punition des sacrieurs était l’une des techniques les plus mortelles de ce monde, mais aussi une des plus dangereuses à utiliser…Il se sentait momentanément vidé, épuisé, comme d’habitude. Il ne vit pas venir le coup de patte. Les griffes du second mulou lui creusèrent la chair, et la force du coup propulsa le sacrieur en l’air. Alors que son esprit était assailli par la sensation de vide, et par la douleur, il entendit l’écaflipette rugir. Il rencontra une fois de plus le sol, et se senti rebondir plusieurs fois. Il devait absolument reprendre ses esprits le plus vite possible…
La douleur commençait déjà à disparaître. Il releva la tête, et vit le mulou donner de grands coups de patte dans le vide. Sa femme frappait de sa griffe géante tellement vite, et changeait d’angle d’assaut si souvent, que le monstre de force et de brutalité qui lui faisait face ne pouvait que faucher l’air au hasard de ses visions imprécises de son adversaire insaisissable. Salomon se releva avec difficulté, les véritables épées qui servaient de griffes au loup géant ayant labouré sa chair en profondeur. Déjà le mulou était couvert de blessures, et ne donnait plus que des coups de patte mous. Le sacrieur vit l’éclair rouge sombre passer dans le dos du monstre, et lui planter la lame recourbée dans la nuque.
La bête s’effondra.
Salomon s’avança vers le cadavre encore palpitant en titubant légèrement, et l’écaflipette se précipita pour le soutenir.
- Mon chéri ! Tu vas bien ? Oh, non, mon dieu, quelle question stupide, je suis désolée…attend…
Salomon but un liquide épicé. Une chaleur presque insupportable l'envahit, et il senti ses blessures se refermer, comme si un xélor venait d’accélérer le temps. La douleur disparut vite.
- Merci Irmine…dit-il en s’appuyant sur l’épaule de sa femme pour se redresser.
- Allez, viens…on va voir si tu n’as rien de cassé, lui susurra-t-elle en lui déposant un baiser sur la joue et en le guidant vers la maison.
- Haha ha ! Bravo ! Bravo ! Excellent ! J’aurais difficilement fait mieux moi-même ! Et puis cette « happy end » mielleuse, c’est si…parfait ! Bravo !
La voix grave, gutturale, résonna dans la nuit de la même façon lugubre que le hurlement du mulou. Salomon et Irmine s’arrêtèrent, essayant de voir d’où provenait cette voix cynique et inquiétante. Ils virent, au milieu de la clairière pourtant bien éclairée par l'astre lunaire, une silhouette si sombre qu’elle semblait être un trou noir dans le paysage. Elle frappait dans ses main, applaudissait gaiement, riait de bon cœur.
- Merveilleux, vraiment…vous êtes des adversaires redoutables, vous le savez ça ? Terrasser deux mulous en aussi peu temps, avec aussi peu de séquelles…enfin, « peu », tout est relatif pour un sacrieur, n’est ce pas ? Haha…déjà contre mes chafers, j’ai été impressionné par ton talent martial.
L’homme avançait vers les deux guerriers, calmement, presque avec désinvolture. Irmine lâcha Salomon, et montra les crocs, se mettant en position d’attaque.
- Qui êtes-vous ?! lui lança-t-elle férocement.
- Qui je suis n’a que peu d’importance, lui répondit l’homme soudain menaçant. La question qui pourrait vous intéresser est : qu’est-ce que je veux.
- Et qu’est ce que vous voulez ? reprit Salomon.
La silhouette s’arrêta. Un nuage masqua la lune. Au niveau de ce qui semblait être sa tête, on vit un reflet blanc luire brièvement. L’homme souriait, et il leva son arme, pointant quelque chose derrière eux. Salomon et Irmine se retournèrent.
Ecarlia était sur le pas de la porte, et elle regardait la scène, le regard inquiet, en tenant sa queue entre ses mains comme un doudou, et en suçant son pouce.
Les cœurs de Salomon et d’Irmine s’arrêtèrent de battre en même temps. Cette…chose, voulait leur enlever leur fille. Avant même d’en avoir entendu plus, il se ruèrent en criant sur l’homme qui leur faisait face. Ils frappèrent dans le vide. À l’endroit exact où se trouvait la silhouette une fraction de seconde auparavant, il n’y avait plus rien.
- Haha haha ! Mais que croyez-vous ? Je n’ai pas l’intention de perdre mon temps avec vous.
Il était réapparu, quelques mètres plus loin, amusé, riant encore aux éclats. Il claqua des doigts. Une autre silhouette, plus fine, plus élancée, et surtout moins sombre, apparut à ses côtés.
La deuxième silhouette avança. Salomon et Irmine se préparèrent à attaquer. Le nuage s’en alla, refaisant de la lune un soleil nocturne. Et Salomon et Irmine virent qui était la personne qui s’approchait d’eux.
- Padgref ?!? firent-ils en même temps, complètement déboussolés.
- Non…Padgref n’existe plus, répondit l’homme sombre.
Il n’y avait pourtant aucun doute possible pour Salomon. Un sacrieur à la peau mate, une cicatrice lui barrant la poitrine, et surtout cette énorme épée, qui semblait en os, fabriquée spécialement pour son frère, et maniable uniquement par lui. C’était bien Padgref. Irmine aussi l’avait reconnu. Salomon s’avança vers lui, une incompréhension totale sur le visage.
- Padgref, qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce qui se passe ? dit-il à son encontre.
Aucune réponse.
- Salomon attention ! lui cria Irmine. Il…il n’est pas…il a quelque chose de…
Elle ne fini pas sa phrase. Salomon, par un réflexe inespéré, évita un coup d’épée qui lui aurait été fatal. Son frère venait…de tenter de le tuer, purement et simplement. C’est alors qu’il remarqua quelque chose dans le regard de Padgref. Ses yeux…ses yeux étaient…verts. Un vert magnifique, un vert émeraude, clair, brillant. Mais vert. Entièrement vert. Le vert n’était pas une couleur normale pour les yeux d’un sacrieur, quoi qu’on puisse en dire. Salomon recula. Padgref leva de nouveau son épée géante, prêt à frapper.
- Mouahahaha ! Amusez-vous bien avec lui mes chers petits tofus !
Il commença à marcher en direction de Ecarlia. Irmine bondit, toutes griffes et crocs dehors, sur l’homme. Padgref s’interposa avec une rapidité fulgurante, bien supérieure à celle d’un sacrieur normal. D’un seul coup de pied circulaire, il stoppa l’attaque de l’écaflipette, et la jeta comme une poupée de chiffon contre le mur de la maison.
Salomon se retourna vers sa fille, et lui cria d’une voix paniquée :
- Cours Ecarlia ! COURS !!!
La petite fille réagit aussitôt. Elle se mit à courir frénétiquement vers la forêt. Salomon bondit à son tour sur l’inconnu sombre. Encore une fois, Padgref s’interposa. Salomon fut sidéré par la force de son frère. Son coup de pied avait une puissance qui dépassait largement la sienne. Il fut propulsé contre le mur de la maison, et retomba à côté de sa femme, qui se relevait avec difficulté de son choc avec la pierre dure.
- Bon…je dois la rattraper avant qu’elle ne s’échappe pour de bon. Je ne veux pas qu’ils me gênent, c’est comprit ? demanda calmement l’homme sombre à Padgref.
- Oui maître.
Salomon eut soudainement peur. Il n’y avait plus aucune émotion dans la voix de son frère. Plus rien. Plus d’humanité, plus de gentillesse, d’inquiétude, ni même de colère, de haine. Plus rien. Ce n’était plus son frère qui était en face de lui. Ce n’était qu’un automate.
Lui et sa femme se jetèrent sans hésitation sur le sacrieur, d’un seul et même mouvement.
***
Ecarlia courait dans l’herbe, le plus vite que lui permettaient ses petites jambes. Elle avait peur. Elle ne savait pas ce qu’il se passait. Son papa lui avait dit de partir, de courir, alors elle a couru. Il avait peur lui aussi, elle l’avait vu. Et sa maman…sa maman avait eu très mal. Elle en était sûre. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Elle avait vraiment peur. Elle ne comprenait pas…
Soudain, elle arrêta de courir. Un homme très grand, tout noir, venait d’apparaître devant elle. Elle ne voyait pas son visage.
- Allons ma petite, ne t’en fait pas…ce sera rapide.
Ecarlia reparti dans une autre direction. Elle ne savait qui c’était, mais elle ne l’aimait pas tout, il lui faisait peur lui aussi…Elle s’arrêta. Il était encore là, et il riait. Elle voulut partir vers un autre côté, mais il était encore là. Il était partout. Ecarlia recula, terrifiée par ce monstre. Elle trébucha contre une racine, et tomba à la renverse. L’homme s’approcha d’elle. Il leva son épée. Elle ferma les yeux.
Il y eu un bruit horrible d’os cassés, et un cri de douleur terrifiant. Ecarlia ouvrit les yeux. Cléo se tenait là, devant elle, un marteau énorme et luisant à la main, et l’homme noir était contre un arbre et se relevait en se tenant le bras.
- Tati !
- Va-t’en Ecarlia ! Vite ! Vers le zaap ! Comme Tati t’as montré, allez cours !
Ecarlia se releva, et prit une direction bien précise à travers la forêt. L’inconnu se remit à son tour debout, bougea son bras qui émit un craquement sinistre, et reprit son épée.
- Toi…sale…vermine ! Tu vas me le payer !
- TU NE LA TOUCHERAS PAS !!!
Cléo fit un mouvement de la main, et l’homme ne bougea plus qu’au ralenti. Elle fonça sur lui, et donna un coup de marteau vertical, avec une puissance inouïe pour sa petite taille. L’homme fut projeté en l’air et cassa plusieurs branches dans sa montée, avant de retomber à plat sur le sol. Cléo leva son marteau et l’abattit sur la tête de l’inconnu.
- L’arme s’arrêta à quelques centimètres de sa cible. L’homme avait stoppé d’une seule main la masse énorme, et se releva en riant. Il souleva Cléo de terre en même temps que son marteau, et les jeta comme des pantins désarticulés avec une violence démente contre un arbre. Cléo fut presque assommé tant le choc fut rude.
- Misérable créature…crois-tu réellement pouvoir m’arrêter seule ?! hurla-t-il d’une voix complètement incontrôlée. Je suis le Dark Vlad ! Je suis invincible ! Tout ce que tu as réussi à faire, c’est retarder l’inévitable !
Il disparu. Cléo se remit debout. Ecarlia devait déjà être en sécurité. Oui…oui, elle sentait la présence de la petite fille. Une présence très lointaine. Mais alors, le Dark Vlad ? Où était-il passé ?
Elle failli s’évanouir en comprenant. Elle joignit les mains, puis disparu à son tour.
Elle était dans leur chambre l’instant d’après. Le petit pleurait, réveillé par le vacarme du dehors. Le Dark Vlad ne pouvait apparaître directement dans la maison, elle avait posé une rune de protection contre les intrusions sur chaque porte. Mais il ne serait pas retenu longtemps. Elle prit le bébé dans ses bras, et lui parla avec des mots calmes pour le rassurer.
Soudain, la porte explosa dans une gerbe de flammes. Le Dark Vlad entra, une épée enflammée à la main. La lueur dansante de son arme montrait son visage. Il était gris. Comme mort, momifié. Ses yeux brillaient comme deux braises ardentes, ils brillaient d’une folie meurtrière. Ses cheveux étaient eux aussi enflammés, des flammes jaunes et blanches, qui chauffaient tellement que l’air se déformait autour de lui, et que le plafond devenait noir à son passage. Son ancien habit de iop n’était plus qu’une parodie de la fierté de cette classe. Plus de croix représentant le courage et la force, mais une épée, de laquelle gouttait le sang. Cléo recula contre le mur.
- Déjà là ? Tu as plus d’un tour dans ton sac décidément…dit-il presque tranquillement de sa voix d’outre-tombe. Donne-moi l’enfant, et peut-être que tu survivras.
Cléo le regarda d’un air de défi.
- Je crois que nous savons tous les deux ce que représentent ces enfants pour ce monde, Vlad. Je préfèrerais mourir que de les laisser entre tes griffes.
Le Dark Vlad sourit, dévoilant des dents pointues.
Il prit son épée à deux mains, et la brandit vers la xélorette. Cléo ferma les yeux, et leva l’enfant en pleurs au-dessus d’elle.
Le monstre écarquilla les yeux.
- NOOOOOON ! NE FAIT PAS ÇA !
Un flash lumineux. Le bébé n’était plus là.
Le Dark Vlad hurla d’une fureur sans limites. Les flammes tourbillonnèrent autour de lui. Cléo sourit, et une sensation de soulagement bienfaisante l'emplit entièrement.
La chambre explosa.
***
Salomon n’en pouvait plus. Son frère était trop fort, trop rapide…sa femme était à bout de force elle aussi. Elle tomba à genoux, des entailles recouvraient son corps. Ils n’avaient pas réussi à toucher Padgref une seule fois. Le sacrieur les avait défait tous les deux en même temps. Salomon n’avait pas réussi à protéger sa famille. Un sentiment de vide s’empara de lui, alors qu’il tombait lui aussi à genoux, anéanti. Il vit son frère lever son épée.
La douleur fut terrible. Bien pire que tout ce qu’il avait pu endurer. Il sentait le métal froid dans chaque partie de son corps, meurtrir chaque parcelle de chair qui le composait. Puis une douce chaleur l’envahit. Il laissa aller son esprit à la délivrance. Son regard se troubla, il ferma les yeux, et senti l’herbe fraîche sur son visage.
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Irmine venait de voir l’épée traverser la poitrine de son mari. Mais elle refusa de le croire. Impossible. Ce n’était pas imaginable. Même dans ses cauchemars les plus horribles, elle n’avait jamais pu concevoir une telle horreur.
Elle vit l’épée ensanglantée se pointer vers elle.
Elle s’en fichait. Pire, elle voulait que cela arrive plus vite. Elle était pressée que tout finisse. Elle releva la tête, pour voir le visage de son bourreau, celui qui lui avait tout enlevé en une nuit. L’épée se leva.
Une explosion retentit. Elle sentit son poil roussir sous la chaleur. Sa maison venait d’exploser. Elle n’avait plus rien du tout désormais. Son bébé dormait dans sa chambre. Personne ne l’avait mit en sécurité. Une silhouette enflammée retomba sur ses pieds à quelques mètres d’elle. Dans un beuglement de rage, cette silhouette donna un coup terrible au sacrieur, qui alla s’écraser dans un arbre un peu plus loin, sans un seul cri de douleur.
Puis la silhouette se tourna vers elle. Irmine se senti brûler sous une chaleur infernale. Tout devint noir.
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Le Dark Vlad était furieux. Non, pire, il était complètement fou de rage. Rien n’avait marché. Cette xélorette avait tout fichu en l’air. Il sauta de la chambre carbonisée, et atterri juste à côté de son pantin, qui levait son épée sur l’écaflipette. Ce type l’insupportait. Il avait été si sûr de lui lorsqu’il l’avait affronté…ce fut pitoyable. À tel point qu’il avait tout de suite vu en lui un parfait larbin, une fois… « conditionné ». Vlad lui donna un coup de poing rageur dans la poitrine, et le sacrieur vola sur plusieurs mètres avant de s’écraser contre un arbre, inconscient.
L’écaflipette était encore en vie. Cette traîtresse…
Il prit son épée flamboyante et la pointa vers la jeune femme agonisante. Un tourbillon de flammes l’entoura. Elle tomba sans vie, face contre terre.
Il se dirigea ensuite vers le corps de Padgref. Il plongea sa main dans sa poitrine, sans y faire aucun trou, juste comme si c’était une illusion, ou bien de l’eau fluide.
Il en sorti un œuf brillant, gros comme une tête, de couleur verte émeraude.
Quel idiot, ce sacrieur…croire qu’il lui donnait un dofus après avoir été battu en combat singulier…c’était d’une stupidité effrayante.
Au moment où le Dark Vlad retirait le faux dofus du corps du sacrieur, celui-ci inspira un grand coup, en ouvrant ses yeux redevenus normaux, comme s’il n’avait plus respiré depuis des jours.
Le Dark Vlad disparut.
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Padgref ouvrit les yeux. Où était-il ? La dernière chose dont il se rappelait, c’était d’avoir défait le Dark Vlad en combat singulier, et d’avoir prit le dofus émeraude au vaincu. Ensuite…plus rien. Il regarda autour de lui. Il vit son épée ensanglantée à côté de lui. Que s’était-il passé ? Et cet endroit…c’était la maison de son frère ! La maison…elle était complètement détruite. Il restait quelques flammes éparses de l’incendie. Et par terre, à quelques mètres de lui…son frère.
Padgref se releva et s’approcha du corps étendu. Son frère gisait sans vie, dans une flaque de sang. À côté de lui, sa belle-sœur fumait encore, inerte.
Padgref eu un haut-le-cœur. Il dû se retenir pour ne pas vomir. Son épée…son épée avait tué son frère…il avait tué son propre frère…
La panique l’envahit soudain. Il ne savait pas quoi faire. Il n’avait plus de famille. Il était seul. Il regarda autour de lui. Personne. Il ramassa son épée. Sans un mot, sans un seul regard aux deux corps étendus, il partit. Faire quoi ? Il ne savait pas. Il voulait juste marcher droit devant. Son cerveau ne lui dictait plus rien de cohérent. Il s’enfonça sans bruit dans la forêt, vers une destination inconnue.
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Ecarlia avait suivit à la lettre ce que lui avait expliqué sa tantine. Elle avait couru vers le « zaap », la grosse bague en pierre, avait pensé très fort à un autre « zaap », et était passée dans l’anneau. Elle s’était retrouvée ailleurs, et avait attendu. Puis elle était repassée dans l’anneau, en repensant fort à sa maison, et était revenue devant le premier « zaap ». Là, elle rentrait chez elle, parce que ensuite, sa tantine ne lui avait pas dit ce qu’elle devait faire. Elle arriva à sa maison, le plus silencieusement possible. Mais elle ne reconnaissait rien.
Tout était noir. Il n’y avait plus de toit, les murs étaient tout cassés. Il y avait des gens endormis par terre. Elle s’approcha d’eux en tenant sa petite queue serrée contre elle.
Il y avait son papa. Elle le secoua doucement.
Il ne bougeait pas. Il était trop bien endormi.
À côté il y avait sa maman. Elle était toute noire aussi, comme la maison. Elle alla la secouer à son tour. Sa maman ne répondait pas non plus. Elle commença à avoir peur, elle ne savait pas quoi faire.
Soudain sa maman toussa. Elle ouvrit les yeux.
Sa voix était faible. Ecarlia comprit que sa maman avait très mal. Elle senti les larmes monter.
- Ma…chérie, é…coute…écoute bien… (toux violente). Reste là, ne bouge…pas. Tonton…tonton va…venir. Il…va…venir…
Sa maman s’endormit, une expression de soulagement profond sur le visage. La fillette avait comprit ce qu’elle avait dit. Elle mit son pouce dans sa bouche, se blottit contre le ventre de sa maman, et s’endormit paisiblement à son tour.
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Aussi matinal et de bonne humeur que d’habitude, Gilles marchait en chantonnant sur le chemin qui conduisait à la chaumière des Hergriffes. Il n’avait jamais vraiment comprit pourquoi Salomon avait décidé de prendre le nom de sa femme mais bon…cela était sans importance.
- Ce petit chemin, qui sent la noisette-heu, me rappelle soudain, ce grand jour de fête-heu, où plusieurs gredins, me prenaient la tête-heu, mais comme j’suis bourrin, je leur pète leur…
Une odeur de brûlé lui parvint aux narines. Le iop comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas. Son pas s’accéléra, jusqu’à courir.
Lorsqu’il arriva à la maison, une vision d’horreur failli lui faire perdre l’équilibre. Tout était détruit. La maison n’était plus qu’une ruine noircie. Et par terre…
Il se précipita sur le premier corps, celui de Salomon. Sa poitrine avait été transpercée de part en part. Il était mort depuis plusieurs heures. Plus rien à faire. Il se rua ensuite sur l’écaflipette, complètement affolé. Son corps avait été gravement brûlé, et on voyait encore de nombreuses entailles sur sa peau. Et là…contre son ventre. Gilles prit le petit corps immobile et innocent dans ses bras massifs. Ses yeux se mouillèrent. Non, impossible…pas elle ! Quel monstre aurait pu faire une telle chose ?
C’est alors qu’il senti la respiration discrète de la petite fille. Elle n’était que profondément endormie.
Il alla la déposer au pied d’un arbre, sans la réveiller, et entreprit d’enterrer les deux parents. Il leur creusa deux tombes, côte à côte, et y planta deux petites croix bricolées pour l’occasion, en attendant de pouvoir leur offrir une réelle sépulture. Il ne pleura pas. Il n’essaya même pas de comprendre ce qu’il s’était passé. Pour l’instant, le plus important, il le savait, c’était la fillette endormie. Il fallait la mettre en sécurité. Si Cléo avait bien fait son travail, le petit Cimon était en sécurité lui aussi. Il n’avait pas à s’inquiéter pour lui. Il savait ce qu’il avait à faire, et s’attarder ici ne servirait à rien.
Il la prit de nouveau dans ses bras, sans la réveiller. Et sans un mot, il quitta la clairière dévastée, laissant derrière lui les restes d’une ancienne vie, et emmenant avec lui le début d’une nouvelle.