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La dernière épreuve
Aucun des deux n’aurait pu dire depuis combien de temps ils marchaient dans ce couloir.
Il faisait sombre mais les champignons phosphorescent sur les parois des murs empêchaient que des ténèbres totales ne s’abattent.
Ni Zack, ni Lili n’avait prononcé un mot depuis qu’ils avaient quitté la salle aux statues et le silence n’était brisé que par le clapotis de l’eau de la rivière qui coulait à leurs pieds.
Tout deux pensaient à Eve et ce qui les attendraient une fois qu’ils l’auraient retrouvé.
??? : « KYAAAAH !! »
Un cri avait retentit dans le tunnel, celui d’Eve.
Aussitôt, les deux amis commencèrent à courir comme si le diable les poursuivaient.
Pas question de réfléchir plus longtemps, Eve souffrait et il fallait la sauver, qu’importe ce sur quoi ils tomberaient à l’arrivé.
Leur course effréné dura plusieurs minutes, de longues minutes durant lesquels les hurlements de l’adolescente résonnèrent, que lui arrivait il ? Quel genre de torture était elle en train de subir ?
Finalement, une lumière orange se profila au loin et ils accélérèrent encore l’allure jusqu'à ce qu’ils arrivent au milieu d’une immense salle.
Immense n’était qu’un bien faible mot car la pièce semblait avoir été construite pour accueillir des géants.
Devant eux, il y avait des marches qui menait à une sorte d’estrade et au milieu une grosse bulle multicolore.
A leur gauche, à environ une vingtaine de mètre, un mur empêchait d’aller plus loin mais à leur droite, la salle était tellement longue qu’ils n’en voyaient pas le bout.
A leur pied la rivière continuait son chemin, suivant une petite rigole taillé dans la pierre, jusqu’au milieu de la pièce puis disparaissait dans un petit trou.
De part et d’autre, le long des murs, d’énorme piliers étaient dressé, soutenant un plafond invisible. Sur chacune de ses colonnes de pierre, une torche brûlait.
Eva : « HAAAAA ! »
Lili : « Mademoiselle ! »
Le hurlement de la jeune fille provenait du haut de l’estrade.
Ni une ni deux, Lili gravit les marches quatre à quatre, suivit de près par Zack.
Lili : « Qu’est ce qu… ? »
La rouquine se précipita vers la boule de couleur où on pouvait voir Eve à travers.
Lili (tambourinant sur la paroi de la bulle) : « Mademoiselle Eve ! Mademoiselle vous m’entendez ? »
Zack : « Attend Lili, écarte toi. »
Lili s’exécuta et Zack leva son épée pour l’abattre sur la prison qui retenait l’adolescente.
*Kshiiiiin*
L’arme du mercenaire fut violemment rejeté en arrière et Zack eut du mal à ne pas lâcher la poignée.
Zack (regardant la surface intact de la sphère) : « C’est de la magie… »
« Exactement. Et tout ce que vous tenterez pour la briser est voué à l’échec. On ne peux ni l’endommager de l’intérieur, ni de l’extérieur. »
Lorsque la phrase s’acheva, le sol de l’estrade se déforma et se mit à s’élever comme une stalagmite et prit finalement l’apparence du vieillard qui avait kidnappé l’adolescente.
Lili : « Libérez la ! »
Le poing de la Sacrieuse fila à une vitesse folle et fracassa le bonhomme en petit morceau.
Même elle n’avait pu contrôler sa colère et Zack comprenait très bien sa réaction.
Nul doute que lui aussi aurait réagit de façon identique mais ce qui le préoccupait c’était la sphère dans laquelle Eve était prisonnière.
Les couleurs sur la surface se déplaçait aléatoirement, un peu comme de l’huile sur de l’eau et l’adolescente était à genoux, se tenant la tête entre les mains et gémissant continuellement comme si elle était prise d’une épouvantable migraine.
A quelques mètres de lui, une nouvelle stalagmite se formait pour prendre finalement l’apparence du gardien des lieux.
Zack : « Comment peut on la libérer ? »
« Hohoho, enfin quelqu’un qui réfléchit avant d’agir. Les règles sont simples. Une seule personne peux se trouver à l’intérieur et ne peux en sortir. Le seul moyen est de faire un échange avec une personne se trouvant à l’extérieur. »
Tout à coup, Eve se cambra en arrière et hurla de douleur.
Lili (frappant la sphère avec ses poings) : « Mademoiselle ! Ne vous en faite pas, je vais vous sortir de là ! »
Mais l’adolescente ne semblait pas entendre Lili, elle continuait de se crisper sous la souffrance.
Zack (essayant de garder son calme) : « Comment peut on procéder à un échange ? »
« Suis je distrait, j’ai oublié de le mentionner. Il faut que les deux personnes, celle de l’intérieur et celle de l’extérieur donne leur accord pour échanger leur place. Bien sûr, il faut vous dépêcher avant la fin. »
Zack : « La fin ? Quel fin ? »
Le vieillard se contenta de claquer des doigts et le mur sur leur gauche commença à briller d’une étrange façon.
Petit à petit, la lumière se colora et des formes apparurent, des formes humaines.
Doucement, elles se précisèrent et l’une d’elle était Eve plusieurs années plus tôt.
Elle devait avoir six ou sept ans environ et portait une petite robe simple, entièrement bleu, qui s’accordait parfaitement avec ses cheveux.
Autour d’elle, des femmes et des hommes habillés de riche habits discutaient sans lui prêter beaucoup d’attention.
Tout comme les images, des sons commencèrent à retentirent.
Une musique raffiné, des paroles s’entremêlant, l’endroit où se trouvait Eve devait être une salle de fête ou une réception.
Eve se trouvait au milieu de toute ces grandes personnes en train de se frayer un chemin, entre les grandes jambes et les grosses robes. Quelque part ça l’amusait, elle avait l’impression d’être dans un labyrinthe mouvant.
Finalement elle décida de tricher un peu et de se diriger vers les tables de buffet pour s’y faufiler dessous et progresser jusqu’à son objectif.
Personne ne l’y empêcha et bien vite, elle courait à moitié accroupi sous les Greu-vettes en sauce, les salades de Raul Mops, les feuilletés d’escargots, les carpaccio de Sanglier et de Cochon de lait, jusqu'à la table où un large récipient en cristal remplis d’alcool fruité.
Généralement c’était là que se donnait rendez vous les vieux messieurs lorsqu’ils discutaient et elle était sûre d’y trouver celui qu’elle cherchait.
Elle releva la nappe et arbora une mine triomphante quand elle aperçue le but de sa ‘quête‘.
C’était un grand homme d’âge mûr. Il avait une fine moustache et de long cheveux noir attaché en catogan. Il portait un costume rouge brodé d’or et une chevalière à sa main droite.
Si Zack ne connaissait pas celui qui intéressait Eve, Lili n’eut aucun mal à le reconnaître.
Eve : « Papa ! Papa ! Viens voir vite, j’ai quelque chose à te montrer ! »
??? : « Hohoho, alors voici donc votre jeune fille ? »
Un vieil homme qui discutait avec le père d’Eve se pencha vers la fillette et prit son visage dans l’une de ses vieilles mains ridés.
Ce geste aurait pu être interprété par de la bienveillance par n’importe qui si les yeux du vieillard n’exprimait pas une cupidité sans borne.
Zack n’eut aucun mal à reconnaître ce teint basané, ce visage un peu moins creusé par le temps et ces petits yeux de fouine emplis d’avidité.
Amal, cet homme qui lui avait tout prit, ce qu’il avait de plus cher au monde.
??? (examinant le visage de la petite fille) : « Et voilà donc le précieux trésor dont vous m’avez fait part… Très intéressant. »
La petite Eve attendit patiemment que l’inconnu la lâche et fit une petite révérence à son attention avant d’attraper le pantalon de son père.
Eve : « Alors papa tu viens voir ? »
Le maître des lieux se contenta de lui faire un petit sourire forcé et caressa maladroitement la tête de la fillette.
Le Père d’Eve : « Plus tard. (jetant un regard dans la salle) Rita ! Emmenez mademoiselle faire un tour à l’extérieur, elle a besoin de se dégourdir les jambes. »
La dénommé Rita était une femme blonde qui devait facilement avoir plus d’une trentaine de printemps.
Elle s’approcha de celui qui l’avait appelé et fit une petite révérence à l’interlocuteur de son maître, prit la main d’Eve et quitta la salle de la fête.
Doucement l’image sembla se brouilla, les visages des personnes s’effacèrent, les contours du décor devinrent de plus en plus trouble et finalement tout s’effaça.
Zack était un peu perdu.
Ce qu’il venait de voir était sans nul doute un souvenir issu de la mémoire d’Eve, il en était certains mais beaucoup de chose l’avait dérangé dans ce qu’il avait vu, peut être même choqué en vérité.
D’abord, il y avait la présence d’Amal qui lui avait fait bouillir le sang lorsqu’il l’avait reconnu mais en y repensant, Julien lui avait dit qu’il était extrêmement riche, il n’y avait donc rien d’anormal à ce qu’il se trouve à une réception mondaine.
Peut être était ce le fait qu’il ait examiné le visage d’Eve et qu’il ai parlé de ‘trésor’ qui l’intriguait vraiment.
Mais c’était surtout la relation que le père d’Eve semblait entretenir avec sa fille qui avait ressentir un malaise inexplicable.
A peine un regard, à peine une parole, et aussitôt il s’est dépêché de l’éloigner de lui. Pire, il ne l’avait pas appelé par son prénom mais ‘mademoiselle’ comme le faisait Lili, comme s’il n’avait aucun lien de parenté avec elle.
Avant qu’il ne puisse réfléchir plus à ce qu’il venait de voir, le mur de pierre commença à se teinté de nouvelles couleurs.
Cette fois la scène se passait à l’extérieur, dans un arbre apparemment.
Il n’y avait rien d’autre que des feuilles tout autour, des feuilles de chêne.
Une personne semblait être assise sur l’une des branches de l’arbre, les genoux ramené contre son visage, comme si elle s’était réfugié dans les feuillages.
La vision était différente de la précédente car on ne voyait plus la scène de l’extérieur mais à travers les yeux du propriétaire du souvenir.
C’était Eve, Zack le devinait de par la logique.
Il ne savait pas qu’elle âge elle pouvait avoir mais elle semblait bien plus grande si elle avait pu grimper dans un arbre. Une petite brise faisait doucement bouger le feuillage et le soleil filtrait au travers.
Le regard d’Eve ne bougeait pas et on pouvait distinguer entre les feuilles les contours d’une grande maison, un manoir peut être, ainsi que des massifs de fleur parfaitement taillé, certains étaient même ‘sculpté’ et avaient l’apparence d’animaux.
??? : « Tu as entendu pour l’incident de la veille ? »
??? : « Oui, il paraît que le maître est entré dans une colère noire, Marie m’a dit qu’une partie du mobilier en avait pâtit. »
Deux voix de femme semblait provenir de derrière elle, à quelques mètres seulement.
Apparemment le feuillage était assez touffu pour cacher Eve aux yeux des autres, ce qui était peut être l’effet recherché.
??? : « Mais qu’est ce qui c’est passé exactement ? »
??? : « Je ne sais pas trop, d’après Marie, la demoiselle était dans le bureau du maître et c’est ce qui aurait provoqué sa saute d’humeur. »
??? : « Tout le monde sait pourtant qu’il n’autorise personne à entrer dans son bureau sans sa permission… Elle devait vouloir lui parler. Le maître est souvent absent ces temps ci. »
??? : « Si seulement c’était le cas, le maître n’a jamais été très proche de sa fille. »
??? : « Comment ça ? »
??? : « C’est vrai que tu es au service du maître depuis peu. En fait, je ne pourrais jurer de rien, ce que je sais je le tiens de Rita, mais elle m’a dit que le maître à changé depuis la naissance de mademoiselle, le jour du décès de madame la baronne. »
??? : « Vraiment ? Tu… tu crois que… »
??? : « Chuuuuut ! Moins fort, on pourrait t’entendre. »
Les voix s’éloignèrent jusqu'à totalement disparaître.
Eve resta encore de longue minute immobile, laissant les grillons entamer leur concert de la journée.
??? : « Mademoiselle Eve ? Mademoiseeeeeelle ! »
Cette voix, Eve devait la connaître car elle descendit aussitôt de l’arbre et se retourna vers la demeure.
Au milieu des bosquets de rose rouge, il y avait cette Rita qui semblait à peine plus âgé de quelques années seulement, toujours habillé de la même tenue de domestique et à côté d’elle, Zack ne pouvait pas se tromper, se tenait Lili, elle aussi plus jeune qu’à présent, avec ses cheveux dont la rousseur était presque plus éclatante.
Eve se rapprocha des deux femmes mais ne dit mot.
Rita : « Mademoiselle, je vous présente Lili Grinands, elle sera désormais votre servante attitrée. »
La matrone blonde sembla ajouter quelque chose mais ses lèvres remuaient sans qu’aucun mot ne sorte de sa bouche. En fait, même le chant des grillons s’était tût et l’image commençait déjà à devenir flou.
« A votre place je ne perdrais pas plus de temps. »
Les souvenirs d’Eve apparaissant sur le mur fut quelque chose d’assez extraordinaire pour que Lili arrête de se défouler contre la bulle-prison et détourne son attention.
C’est la voix du vieillard qui la rappela à la réalité de la situation.
Lili : « Qu’est ce que vous voulez dire ? Pourquoi ne doit on pas perdre de temps ? »
« Sapristi ? Aurais je aussi oublié de vous précisez ce point ? Décidément, l’âge ne me réussit pas. Votre amie se trouve dans la ‘sphère du souvenir’ et tant qu’elle y restera, tout ce qu’elle a vécu jusqu'à aujourd’hui apparaîtra sur ce mur. »
Zack : « Ca ne répond pas à sa question. Pourquoi doit on se dépêcher ? »
« Pour la simple et bonne raison que lorsque la sphère aura remonté toute sa mémoire et qu’il ne lui restera plus aucun souvenir, elle mourra. »
Cela avait sonné comme une fatalité et désormais, dans la tête des deux humains, il y avait un compte à rebours qui s’était enclenché.
Lili se mit à rouer la bulle magique de coup de pied, de coup de poing, de coup de coude, de coup de genoux, elle frappait de toute ses forces sans même entendre les cris de Zack qui lui hurlait de se calmer, que ce qu’elle faisait ne servait à rien.
Mais comment aurait elle pu s’arrêter ? Elle qui voulait plus que n’importe qui sauver la vie de cette jeune fille.
Sur le mur du fond, une image prenait forme et, du coin de l’œil, Lili reconnut le soir où elle avait discuter avec Eve, juste après qu’elle l’ai sauvé des Craqueleurs pendant que Zack était inconscient.
Le temps pressait, la sphère remontait ses souvenirs bien trop vite.
Lili : « Mademoiselle Eve ! Mademoiselle ! Ecoutez moi, vous devez accepter qu’on échange nos place ! Mademoiselle vous m’entendez ?! »
Mais la voix de Lili n’arrivait pas à parvenir au cerveau de l’adolescente.
Cette dernière se tordait de douleur, haletant de souffrance dans sa prison impénétrable.
La Sacrieuse continuait d’abattre ses poings sur la sphère, priant sa Déesse de lui donner assez de force pour la briser.
Tout à coup, quelque chose l’immobilisa en la ceinturant par derrière, attrapant ses bras et les lui maintenant le long du corps. C’était Zack qui l’étreignait.
Zack : « Lili, calme toi. Il a dit qu’on ne pouvait l’endommager de l’extérieur. »
Lili : « Mais je ne peux pa… »
Zack : « Je sais. C’est pour ça qu’on doit trouver un autre moyen et vite. »
Lili se sentait bien dans ses bras, il la tenait avec fermeté mais sans lui faire mal, comme s’il voulait la protéger.
Un bruit de goutte d’eau qui tombe sur le sol parvint jusqu'à ses oreilles, se frayant un chemin à travers les mots de la conversation des deux femmes sur le mur.
La rouquine leva ses mains et les examina. Elles étaient couverte de sang, du sang qui s’écoulait par les blessures qu’elle s’était infligé en tapant sur la bulle.
Elle regarda une dernière fois la scène qui se déroulait sur la paroi de pierre. Bientôt la sphère aurait remonté toute la mémoire de l’adolescente et alors elle en mourrait.
Lili ne pouvait laisser faire ça, elle était une Sacrieuse, une Sacrieuse de Sang, ayant voué son existence à protéger autrui, à protéger Eve et si elle pouvait donner sa vie pour la sauver, Lili n’hésiterait pas une seconde.
Une fois déjà elle avait vu l’être le plus cher à son cœur disparaître sous ses yeux et elle s’était juré que jamais plus elle n’aurait à subir cela à nouveau.
Depuis ce drame qui changea sa vie, toute son existence fut voué à ce seul but. Elle avait endurcie son corps pour ne plus la ressentir la douleur et essayer d’oublier celle qu’elle avait dans son cœur.
Des années durant elle s’était entraîné pour être en mesure de protéger ceux qui deviendrait un jour des êtres qu’elle ne souhaiterait pas voir disparaître prématurément.
Eve était devenue l’une de ces personnes, peut être même la seule à qui elle offrirait sa vie.
Lili (baissant la tête) : « Je ne peux pas la laisser mourir… »
Zack : « Moi non plus et on ne la laissera pas mourir. »
Lili (relevant la tête et regardant son ami du coin de l’œil) : « Prend soin d’elle s’il te plaît… »
Zack : « Quoi ? »
Tout à coup, Lili se mit à briller d’une lumière aveuglante, obligeant le jeune homme à fermer les yeux. Zack sentit le corps qu’il tenait dans ses bras rétrécir, rapetisser, devenir plus frêle.
Lorsque le mercenaire recouvra l’usage de la vue, Eve était dans ses bras et Lili avait prit sa place.
Lili : « KYAAAAAAAHH !! »
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