Pfiou...
Désolée je ne reprends pas le fil de la discussion. Ce que j'écris est très long, mais pour ma propre instruction j'ai essayé de reprendre les idées du programme point par point... Je ne prétends pas que c'est exhaustif ni toujours exact, mais j'ai essayé de rester relativement "neutre" pour argumenter.
EMPLOI
- Assurer la priorité à l’embauche aux Français.
- Réserver les aides sociales et les logements sociaux aux Français d’abord.
Pourquoi et pour qui cette idée est séduisante :
Ces dispositions semblent viser les "couches populaires" de l'électorat FN, trouvées dans certaines tranches défavorisées de la population, qui souffrent du chômage, de la pauvreté, bref, qui ont toutes les raisons de ne pas être contents. Le raisonnement qu'on leur présente est tellement simple qu'il semble évident. Il y a un effet "baguette magique" là-dedans, une autorité presque mathématique : si on vous donne la priorité, vous passez avant les étrangers, vous aurez droit à plus ou plus facilement. Pour des personnes en situation d'échec, de précarité, avec un niveau de qualification moyen ou bas, c'est l'assurance d'une reconnaissance automatique : pas de critère de mérite, être français suffit. On est distingué, privilégié d'une certaine façon ; c'est agréable de passer avant les autres.
Pointer "l'étranger" a toujours rassuré : on se sent un clan, une unité solidaire.
Pourquoi cette idée est dangereuse :
(J'élude le caractère moral, sentimental)
Tout d'abord, d'un point de vue économique, cette idée ne crée rien : elle veut juste déplacer les problèmes ; aucune amélioration réelle ou à long terme n'est à attendre. C'est donc une idée purement "égoïste", qui vise à favoriser, de façon discriminante, la population qu'elle vise. On dit juste : "ce seront à ces autres là de souffrir de vos problèmes, et plus à vous, votez pour nous, nous vous favoriserons".
Ce qui rejoint la dangerosité de l'idée d'un critère fondé uniquement sur la nationalité. Pas question de mérite, pas question de comparer ce que sont réellement les situations, la réalité humaine ; seule la nationalité compte. Or, la nationalité est un critère assez bancal. On peut vivre et travailler des dizaines d'années en France, être parfaitement intégré à la société, et conserver une nationalité étrangère.
En France cependant, à l'heure actuelle, des efforts sont fait pour que la nationalité juridique concorde avec la nationalité effective.
Mais il faut bien sûr combiner tout cela aux idées du FN qui concernent l'immigration, où cet effort n'est plus fait.
Puisque la nationalité est mise en avant, il faut voir comment est obtenue cette nationalité. Or, dans la suite du programme, on voit que les conditions d'obtention de la nationalité sont restreintes de façon draconienne. De là à conclure que la discrimination visée ne se fait pas réellement en fonction de la nationalité, mais vise à terme à se faire en fonction de l'origine, il n'y a qu'un pas.
Enfin, et c'est important dans le contexte actuel, on vit de plus en plus dans un espace international, où les échanges de travailleurs, d'activités, sont fréquents. Les accords internationaux sont nombreux, et prévoient souvent l'égalité réciproque de traitement des ressortissants des pays qui y sont partie dans les autres.
De telles mesures viendraient isoler la France sur le plan international, ce qui n'est à mon sens ni souhaitable ni viable à l'heure actuelle. En plus de ne rien créer, de ne pas donner de solution aux problèmes du chômage ou de la précarité, elles viendraient, à terme, empirer la situation globale.
- Alléger les charges professionnelles excessives qui asphyxient les entreprises et freinent l’embauche.
Ici, idée libérale. Pas de commentaire particulier ou propre au FN – du moins je n'en vois pas.
- Interdire le "dumping social" et autres mesures en défaveur des travailleurs français.
Et pas envers les travailleurs étrangers ? Instauration d'une législation protectrice à deux vitesses ?
Idée très floue : "autres mesures en défaveur"… Mais encore ? Chacun peut y voir ce qu'il veut, selon ce qu'il estime être "en défaveur" du travailleur.
Et enfin, n'y a-t-il pas une contradiction avec l'idée précédente ?
- Adapter la formation professionnelle et rendre accessible l’apprentissage dès 14 ans.
Pourquoi pas. On peut avoir un débat là-dessus, mais je pense que les arguments sont valables dans le pour comme dans le contre.
- Revaloriser les bas salaires et le SMIC.
Certes, idée louable.
Mais d'une part le SMIC et les bas salaires sont déjà revalorisés régulièrement, si je ne m'abuse, et d'autre part un projet lâché comme ça sans autres explications, ça fait un peu démago.
SÉCURITÉ
- Rétablir la peine de mort pour les gros trafiquants de drogue, les assassins d’enfants et de personnes âgées.
Pourquoi cette idée est séduisante :
Encore une idée "baguette magique" : le système carcéral est un échec ? les prisons sont bondées ? les peines ne vous semblent pas suffisantes, et vous frémissez de rage lorsqu'un tueur ou un pédophile est relâché après avoir purgé sa peine ? Vous ne voulez plus jamais entendre parler d'eux ? Vous pensez que la dissuasion est une bonne arme ?
La Peine de Mort est là pour vous : pouf, on la remet, et tous ces problèmes disparaissent comme par enchantement. La situation est radicale, simple, et même en accord avec votre conscience, puisque après tout il ne s'agit que de monstres inhumains.
Pourquoi cette idée est dangereuse :
- Une remarque sur les personnes sujettes à ce rétablissement : il ne s'agit pas seulement de rétablir la peine de mort, mais de viser certaines infractions particulières. Parmi celles-ci, je m'interroge sur la présence des "gros trafiquants de drogue", notion qui tranche sur celle "d'assassin", et qui est plus que flou. Qu'est-ce qu'un "gros" trafiquant ?
- Une remarque pratique : le fonctionnement de la justice pénale n'est pas du tout aussi simple qu'on peut le croire. Il y a souvent beaucoup trop d'incertitudes, de compromis pour accepter une peine aussi radicale. L'ampleur d'une peine est souvent bien plus grande que ce que le "public" peut appréhender, depuis chez lui devant sa TV. L'erreur judiciaire est inadmissible, quand elle porte sur la vie d'une personne, encore plus.
- Un argument plus juridique : la France a ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (abréviation : CEDH), qui abolit expressément la peine de mort. Dès lors, de deux choses l'une : soit tout condamné pourra faire un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme et obtenir l'annulation de sa peine et la condamnation de la France ; la réforme sera alors caduque, puisque inapplicable. Soit il faudrait faire sortir la France de la CEDH, ce qui nous placerait en dessous de tous les pays européens sur le plan des droits de l'homme – et ce serait un peu un comble.
- Expulser immédiatement les délinquants et criminels étrangers.
Idée séduisante, encore un coup de baguette magique : pouf, tout le monde dehors ; on se débarrasse facilement des problèmes de délinquance et criminalité, on n'a même plus à remplir nos prisons. On reste entre gens de bonne compagnie, et la racaille est balayée.
Ajouté à cela que l'idée sous-jacente, c'est que la majorité des délinquants et criminels sont étrangers, cette disposition serait vraiment miraculeuse.
Mais :
Il existe déjà, dans une certaine mesure, une "interdiction du territoire", pour une certaine durée de temps, et dont les conditions sont strictement encadrées, pour les délinquants et criminels étrangers, au-delà d'un certain seuil. Cette mesure est assortie à une autre peine.
Cela peut sembler d'une certaine façon logique, ou faire l'objet de critiques.
Bien sûr, la condition sine qua non, c'est que ces dispositions soient strictement encadrées. Dans le contexte actuel, où l'obtention de la nationalité est relativement ouverte, où les décisions des juges restent prudentes (ce n'est pas parce que l'interdiction du territoire peut être prononcée qu'elle l'est nécessairement), elles peuvent être considérées comme justifiées.
Dans un contexte tel que l'ébauche le programme du FN, c'est tout à fait différent.
Autre mais :
La difficulté d'application de la mesure tout court, et la difficulté de son application dans des conditions décentes.
Dire "expulsion immédiate", c'est facile mais peu précis : comment ? quand exactement ? où, quand on ne connaît pas l'origine de la personne ? dans quelles conditions ?
Bref, à prendre avec des pincettes, et ce n'est absolument pas une solution miracle, vu les difficultés pratiques, si tant est qu'on puisse la considérer comme éthiquement justifiée.
- Combattre sans pitié les drogues, y compris celles faussement dites douces.
Pourquoi pas.
Le débat de la légalisation est drogues "douce" est ouvert, la discussion est hors sujet, elle ne se rapporte pas seulement à la spécificité du programme FN.
Mais
- d'une part, le "sans pitié" me semble racoleur. Qu'est-ce que cela signifie ?
- et surtout, comment ? Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire. Ce combat contre les drogues existe déjà largement, qu'y rajouter concrètement ? C'est une question de moyen (cf plus bas), et surtout de mentalité.
- Rétablir l’enseignement de l’instruction morale à l’école dans un souci d’éducation.
Tiens, justement, nous parlions de mentalité.
Pourquoi cette idée est séduisante :
Beaucoup déplorent la perte des valeurs morales, et tout le monde s'accorde à dire que l'éducation est primordiale. Avec une bonne éducation, on arrive à des miracles.
Donc, mettre l'accent sur la morale et l'éducation peut sembler une bonne chose.
Pourquoi cette idée est dangereuse :
Remarque sur la formulation de la phrase : elle lie "instruction morale" et "bonne éducation". Discutable. Une bonne éducation ne se résume pas à la morale, notion ô combien subjective.
Notion qui également nécessite la nuance, la mise en avant de la réflexion propre, et non le rabâchage de principes tous faits choisis par on ne sait trop qui, pour ne pas tomber dans l'endoctrinement.
Or, rien n'est précisé ici, à part qu'il s'agira de l'école. Ajouté à l'esprit général du texte, on aboutit sur quelque chose d'assez alarmant.
- Doter la police de moyens financiers et humains nécessaires pour établir une tolérance zéro.
Encore une fois, une formulation bancale pour un raisonnement biaisé : au sens strict des termes, les moyens financiers n'ont pas de rapport avec la tolérance zéro.
La tolérance zéro, c'est une décision de politique judiciaire : on va poursuivre systématiquement, et appliquer les peines maximum.
La notion de moyens financiers est bien plus large, il s'agit de donner des moyens d'investigation, d'augmenter les effectifs, les primes, de se doter de locaux décents…
Sur la tolérance zéro : je pense que c'est une mauvaise chose. Il y a bien des circonstances qui justifient un assouplissement, ou le bénéfice d'une autre chance. De plus, il n'y à qu'à voir combien il est difficile pour un juge de prendre une décision vu le large flou qui entoure beaucoup d'affaires (et qu'aucun argent ne suffit à dissiper, souvent, quand on ne peut pas savoir ce qui s'est réellement passé, bah, on peut pas). La possibilité d'avoir recours à des compromis, à une adaptation est absolument nécessaire pour éviter des injustices criantes.
Sur les moyens financiers : Facile à dire, baguette magique, tout ça, je commence à me lasser. Bien sûr que la police et la justice ont besoin de moyens. Mais l'argent, il n'y en a pas pour tout. Les hôpitaux, les organismes sociaux, l'éducation nationale, etc. ont aussi besoin de moyens.
Dès lors, tout est une question de politique : le choix de la priorité de la destination des fonds est pas mal révélateur. Ici, cela semble être le système judiciaire. Pourquoi pas. Mais mis en relation avec l'idée juste au-dessus, c'est assez révélateur : on ne parle pas de moyens pour l'éducation, seulement de rétablir les cours de morale ; en revanche, on focalise la faveur financière en aval, sur la sanction.
C'est une politique de répression avec un vernis de prévention.
- Abaisser l’âge de la majorité pénale à 16 ans.
Je pense que cette idée tente de se fonder sur une confusion entre majorité pénale et responsabilité pénale.
L'idée qu'un adolescent de moins de 18 ans n'a pas à subir les conséquences pénales de ses actes est suffisamment odieuse pour qu'on puisse vouloir l'approuver.
Mais c'est faux.
Article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945 (modifié par Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 art. 12 (JORF 10 septembre 2002).
Le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées.
Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1,
soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9.
Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine.
Donc, la condamnation pénale est possible on "prend en compte" l'âge du mineur, mais bien sûr cette prise en compte varie selon que cet âge est plus ou moins proche de la majorité.
Je passe sur les dispositions sur l'immigration, je suis fatiguée, et c'est là que les ficelles sont les plus grosses.