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Episodes précédents :
Rencontre avec Sire Guesclin L'oeil ensanglanté du Lion L'ange gardien Songes Les huit sceaux de Lumière En route Le baiser volé Le Champion Farqhard, un nom au goût de cendres La porte de Lumière L’homme se tenait debout devant les statues de lumière. Les trois lions l’encadraient. Face à lui, une ombre, celle d’Azraël le démon, qui avait pris la même apparence que lui. « - Surpris de me voir sous cette apparence ? » demanda l’ombre. « - Aucune surprise en ce qui me concerne. Tu es en moi depuis trop longtemps pour que je ne me sois pas habitué à ton style ». « - Alors, tu dois savoir que tu n’as aucune chance, tu m’appartiens, ton corps est tout autant à toi qu’à moi. Tous les coups que tu me porteras se porteront également contre toi » dit l’ombre d’un ton badin. « - Certes, mais ils n’auront pas l’effet que tu escomptes. Loin de me diminuer, ils ne feront que détruire cette part de moi même que tu as souillé par ta présence maléfique. » « - Souillé, voilà un mot bien négatif. N‘as-tu pas compris que tu n’es ce que tu es que grâce à moi ? Présent en toi, je te donne une force qu’aucun humain n’aura jamais. Qui te rend invincible au combat, sinon moi ? » « - Là n’est pas la question, le temps auquel tu fais allusion est révolu. Quand je combattais en Albion, je n’avais qu’une protection personnelle du Lion. Celle-ci n’avait d’effet que sur moi, pas sur mes victimes. Tu t’es repu de leurs âmes à chaque fois que mon épée plongeait dans le corps d’un adversaire. Je me souviens de chacun d’eux. Je rencontrerais aujourd’hui leurs fantômes, je pourrais les reconnaître. Chacun d’entre eux m’a laissé une trace de lui tandis que son âme traversait mon corps pour être aspirée par ton avidité. J’ai appris à lire ces traces, à en comprendre comment je pouvais les utiliser : chacune de ces traces m’a indiqué comment tu t’y étais pris pour voler cette âme. Le criminel laisse toujours sa signature. Or, il se trouve que depuis longtemps, plus un adversaire ne s’est vu subtiliser son âme d’une façon que je ne connaissais pas déjà. « - Tu m’as laissé accompagner Soleine car tu savais que tu resterais ainsi dans son voisinage proche tout au long du voyage. Mais tu m’as aussi permis de rencontrer celui qui m’attendait depuis 8 000 ans. Par cette rencontre, l’esprit du Lion ne fait plus simplement que m’habiter, nous avons fusionné. Cette fusion étend maintenant ma protection à ceux qui m’accompagnent, et plus seulement à moi-même. Et quand je dis qui m’accompagnent, je devrais dire aussi à ceux qui me combattent. N’as-tu pas été surpris de voir que tu perdais le contrôle des âmes damnées de mes ancêtres lors des combats ? Peux-être espérais tu les voir revenir à toi si elles venaient à échouer lors de l’affrontement ? Mes armes ne sont plus disposées à voler des âmes pour toi. Forgées par un allié de la Lumière, elles ne se laisseront pas traverser par une âme arrachée à son corps. Elles n’ont été forgées que dans un seul objectif, lutter contre une entité telle que toi. Seule ta malignité, le décalage de ton essence par rapport à celle de cette sphère en activeront toute la puissance. Les effets volatils dont elles sont imprégnées ne se déchaîneront que quand elles déchireront ta substance maléfique, et elle seule en sortira diminuée. Chaque fois que je te porterai un coup, je recevrai une blessure en retour, mais bien moindre que ce que tu auras subi. De même, mon armure infligera une blessure à ta seule substance à chaque fois que tu me frapperas. Qui de ta substance maléfique et de ma misérable condition humaine sera la première à disparaître ? » « - En voulant libérer les tiens, tu m’as rendu plus fort que je ne l’ai jamais été dans cette sphère ! » « - Non, je n’ai fait qu’appliquer un principe tactique classique de nos ennemis hiberniens, concentrer l’ennemi sur la plus petite zone possible pour pouvoir le vaincre plus facilement. En abolissant la domination que tu avais sur mon clan, je t’obligeais à rassembler toute ta puissance sur ta seule personne. A chaque coup que je portais, je séparais l’Ombre du peu de Lumière que tu avais pu y laisser persister. L’Ombre se rassemblait telle une tache huileuse coalescente. Tu n’avais plus qu’à venir la reprendre, et apparaître devant moi. Maintenant, il n’y a plus qu’une seule partie de ton pouvoir qui n’ait pas regagné ton enveloppe, celle qui persiste en moi. Avant la fin du combat, cette partie aura été détruite par son propre détenteur ou lui aura été restituée. Alors, le véritable affrontement débutera. Celui contre un démon acculé car n’ayant plus aucun moyen de protéger son corps astral véritable, puisque la totalité de son essence sera concentrée au même endroit. Alors, je pourrai prononcer les mots de pouvoir qui te rendront vulnérable, je pourrais dire ton nom véritable et tu devras te soumettre à mon courroux, subir à la fois les attaques de la Lumière qui a armé mon bras et ressentir la puissance du Lion que je suis devenu. » « Bats-toi, Azraël, et prépares-toi à entendre ton nom véritable prononcé car je suis ta Némésis, Moi, Arslann Farqhard, Champion de la douce Soleine, et vengeur du clan Farqhard ! » dit Arslann en dégainant ses épées. « - Puisque c’est ainsi que tu désires disparaître, vermisseau ! » répondit l’ombre. Les deux silhouettes se firent face, attendant la première initiative de l’autre. Leurs regards se croisèrent. Azraël tenta alors sa première attaque. Il projeta dans son regard toute sa malignité, toute sa haine du jeune homme, tentant de le bousculer par l’intensité de son regard. Mais Arslann ne sembla pas affecté le moins du monde. Il commença à tourner doucement autour de son opposant. Celui-ci pivotait sur lui-même pour rester en face du jeune homme. Il tenta une nouvelle fois de prendre l’ascendant sur lui par une attaque mentale. L’image de Chanir apparu dans l’esprit d’Arslann, mais celui ci réagit avec une vivacité qui surprit le démon encore concentré sur sa tentative : Tournoyant sur lui-même, il imposa un grand mouvement giratoire à ses deux lames qui vinrent lacérer l’une après l’autre l’abdomen de la forme sombre. Pour la première fois depuis son irruption dans cette sphère, le démon subissait une attaque physique dont il ressentait l’effet. De la blessure, un sang noir s’écoulait. Arslann sentit également une douleur vive lui déchirer le ventre, mais elle restait contrôlable. Rompu aux combats les plus acharnés, la blessure qu’il avait subi par contre coup de son attaque n’était pas aussi douloureuse que ce qu’il redoutait. Un vague soulagement semblait même en découler. « - C’est une affaire entre toi et moi, laisse les miens en dehors de tout cela ! Autrement, je me verrais dans l’obligation d’employer des techniques particulièrement douloureuses pour toi lors d’une nouvelle tentative de cet acabit. » « - Crois-tu que la douleur me paralyse ? Je suis d’une toute autre essence que toi, stupide humain ! » « - Tu as choisi la forme humaine pour me combattre, il semble que cela se paye de quelques menus inconvénients. Tu n’as jamais connu la douleur dirait-on ? Moi si, depuis le début, ta présence est une douleur continue, un déchirement atroce. Bienvenu dans ma douleur, Azraël, Maître de la douleur ! » A l’invocation de son premier titre mineur, le démon sentit son assurance diminuer. Ainsi, le jeune homme semblait connaître sa titulature. S’il parvenait effectivement à citer la totalité de celle ci et à finalement prononcer son nom secret, il acquerrait un avantage puissant sur lui, forçant son corps astral à se réunir avec son corps démoniaque, le rendant réellement vulnérable aux attaques du Champion. Il fallait contre-attaquer. Cette fois ci l’attaque serait à la fois mentale et physique. Une nouvelle image s’imposa dans l’esprit d’Arslann, une femme très belle, blonde élancée, dont les traits lui rappelèrent ceux de Gwennda, la grande clerc. Elle était au sol, le dos ensanglanté, et devant elle se tenait celui qui s’était présenté à lui comme son grand-père, un fouet à la main. « - Sais-tu comment les Farqhard règlent certaines divergences d’éducation de leurs enfants ? Cette idiote a réussi à consacrer son fils à la Lumière, ouvrant à ton père la voie vers son entrée dans l’Ordre des paladins. Au cours de ce léger différent, ton grand-père oublia à quel point une femme qui vient d’accoucher est fragile, n’est-ce pas regrettable ? » Au même instant, un fouet se matérialisait dans sa main, et sa lanière de feu vint lacérer le bras droit du mercenaire. De nouveau Arslann sentit la souffrance s’emparer de lui, mais elle reflua bien vite, laissant une impression plus nette que le première fois d’un soulagement. Agrippant la lanière encore entortillée autour de son bras, Arslann tira un petit coup sec, pour obliger l’ombre à durcir sa prise sur le manche. Une seconde secousse, plus forte, incita le démon à assurer sa prise à l’aide de ses deux mains. A peine la main gauche se posait-elle sur le manche que la jambiya d’Arslann dessinait une longue estafilade sur le torse de son noir opposant. « - Salut à toi, Azraël, Maître de la souffrance ! La cohabitation avec ton essence fut une souffrance de tous les instants ! A toi de connaître aussi la souffrance dorénavant ! » Le démon sentit la jambiya lui déchirer le corps et une odeur de chair putréfiée se libéra de la plaie. « Nous voici venu au troisième de tes titres mineurs » dit Arslann en humant l’air. Une épée de flamme et un bouclier apparurent dans les mains de l’ombre noire. Il bloqua une attaque d’Arslann et riposta, l’épée frappant le mercenaire au flanc gauche. L’armure scintilla un instant et une sphère lumineuse entoura le jeune homme. Une espèce d’éclair remonta le long du bras de l’ombre et enveloppa son corps. L’ombre poussa un cri quand son corps se mit à crépiter sous l’effet du feu magique que l’armure avait libéré. De nouveau une odeur de chair putréfiée se fit sentir. Parant une seconde attaque, Arslann se pencha en avant propulsant ses deux lames vers l’avant en passant sous la garde du démon. Il enchaîna sur une seconde attaque qui étourdirait son adversaire. Il sourit et attendit que le démon reprenne ses esprits avant de placer une troisième attaque qui l’atteignit en plein torse. « Salut à toi, Azraël, Maître de la putréfaction, depuis vingt ans ton odeur me hante jour et nuit ! » « Encore deux et nous aurons fait le tour de tes titres mineurs. Nous pourrons dire adieu à ton incarnation humaine. » L’ombre reprit immédiatement ses attaques. Toujours armée de son bouclier, elle tentait de frapper Arslann avec afin de l’étourdir à son tour. Le mercenaire esquivait ses attaques assez maladroites, l’ombre n’avait pas l’expérience d’un véritable paladin et se fatiguait rapidement. « Tu vampirises mon âme depuis mon enfance et tu ne sais toujours pas te battre ? A quoi as tu passé ton temps ? Le bouclier n’est fait ni pour toi, ni pour moi. Depuis le temps, tu dois avoir appris à combattre avec deux armes ! » Le bouclier disparut du bras gauche de l’ombre pour être remplacé par une seconde épée. Elle passa à l’attaque brutalement, mais sans parvenir à surprendre Arslann. Le jeune mercenaire savourait la situation. Il avait pris un ascendant manifeste sur l’ombre qui n’avait plus l’initiative dans cette confrontation. Un sentiment proche de l’euphorie s’emparait de lui au fur et à mesure qu’à chaque coup porté, il sentait l’emprise démoniaque se réduire comme une peau de chagrin. Jamais il n’avait eu l’impression d’être aussi léger, aussi vif. Chaque attaque du démon semblait prendre des heures à se lancer, et il n’avait aucune difficulté à les parer, sans même tenter d’exploiter les ouvertures que les techniques trop lentes de l’ombre lui donnaient. Sentant ses attaques privées de toute efficacité, le démon reprit ses tentatives de contrôle mental. Mobilisant toutes ses ressources, il banda sa volonté pour se lancer à l’assaut de l’esprit du jeune homme. Soudain, l’image de Soleine apparut dans l’esprit d’Arslann, belle, immensément belle, assise dévêtue au bord d’une couche occupée par une forme imprécise. Elle regardait en sa direction avec un sourire enjôleur et provocateur. Dans un rugissement de tonnerre, Arslann chassa l’image de son esprit, invoquant ses pouvoirs d’oppresseur, son regard plongea dans celui de la bête. Un court silence se fit, puis l’ombre se saisit le crâne à deux mains, posa un genou à terre hurlant de douleur. « Azraël, Seigneur de la rage, dans mes veines coule le sang des atlantes. Je suis un oppresseur. A mes ennemis j’inflige des blessures mentales plus douloureuses encore que celles de mes lames. Ressent la rage qui depuis vingt ans se condense en moi pour chasser ton emprise maléfique ! » Alors que l’ombre se redressait chancelante, l’épée lumineuse lui infligeait une nouvelle fois une plaie béante sur son ébauche de corps. Dans un feulement brutal, un tourbillon entoura l’ombre, la malmenant encore plus. « Un dernier titre, et le destin de cette forme grotesque sera scellé. » L’ombre ne parvenait pas à détacher son regard de celui d’Arslann, comme fascinée par les yeux gris tempête du jeune highlander. Chaque mouvement lui semblait pénible, demander des efforts surhumains, ses armes semblaient trop lourdes pour elles, presque impossible à manier. « Le temps de cette chétive incarnation est compté. Si tu veux avoir une chance dans le prochain combat, il faudra recourir à ta forme réelle, rassembler ton corps astral et ton corps physique ici même. Il ne me reste qu’à me débarrasser du reliquat de ta présence, et alors, j’invoquerai ton nom secret, ton nom véritable. » «Es-tu sûr d’avoir la puissance nécessaire pour lancer une telle invocation, sans aucune aide extérieure ? » « Regarde ton torse, tu verras ce que mes lames y ont tracé. Une dernière lacération parachèvera le tracé du pentacle qui orne ton poitrail ! » De nouveau, le jeune homme pivota sur lui-même et ses deux lames virent tracer un dernier sillon sur la poitrine de l’ombre. Le pentacle tracé, il se mit à luire d’une lueur vacillante. « Seigneur de la haine, depuis vingt ans tu cherches à instiller ce sentiment néfaste dans mon âme. Pourtant, jamais tu n’y parvins. J’ignore pourquoi, mais celle ci en a toujours été à l’abri comme protégée par une forteresse bienfaisante. L’image de Soleine vit au fond de mon c½ur, et la haine n’y a jamais eu sa place. » Les deux lames jaillirent de concert pour venir transpercer l’ombre en l’exact milieu du pentacle magique. La forme opaque sembla se liquéfier et vint se mêler à la flaque de noirceur qui recouvrait le sol face à Arslann. « Azraël, seigneur de la douleur, maître de la souffrance, seigneur de la putréfaction, maître de la rage et seigneur de la haine. » La voie d’Arslann claquait comme un coup de fouet. L’air devint bruissant, comme chargé d’électricité. « Azraël, Prince des ténèbres, fils de Lilith, entend mon appel ! » L’espace entourant Arslann vit son éclairage se modifier, comme si les sources invisibles qui l’illuminaient se déplaçaient. « Azraël, Prince de la noirceur, fils d’Astaroth, répond à mon invocation ! » Un vent surnaturel se mit à souffler, soulevant la cape frappée de l’emblème des Lions Ailés. « Azraël, Seigneur des Abysses, toi qui a engendré Légion et Béhémoth, présente toi devant moi ! » La flaque sombre qui s’étendait aux pieds d’Arslann semblait être parcourue de frissons. « Azraël Léviathan Baal Béliar, obéis-moi, et sur le champ apparais, ici et maintenant, je te l’ordonne ! » Un grondement se fit entendre, semblant provenir de toutes les directions à la fois. Des sons étranges, horribles et pourtant impossibles à prononcer par un humain sortirent de la bouche d’Arslann alors qu’il proférait le nom secret du démon. La flaque d’ombre se contracta et apparu soudain un monstre horrible. Le rêve prémonitoire des huit sceaux de Lumière se réalisait : Le monstre faisait bien 4 mètres de haut. Il était d’un noir brillant, presque lumineux. La lumière étrange qui l’entourait semblait à la fois l’éclairer tout en étant plus sombre que lui. L’espace dans lequel il se mouvait était également étrange, distordu comme si aucune des lois que nous connaissons ne s’appliquait en ce lieu. L’être abominable était un manticore, le plus gros que l’on n’ait jamais vu. Un corps trapu de lion, des ailes de chauve souris, une queue de scorpion au bout de laquelle un aiguillon venimeux était prêt à frapper, une tête de lion qui portait un visage humain. Soutenu en l’air par le lent battement de ses ailes, il attendait que l’homme s’approche. Il vint devant l’animal. Il semblait confiant, nullement impressionné, résolu à affronter l’horreur qui se dressait devant lui. A ses côtés, trois lions noirs se tenaient, énormes eux aussi, semblant obéir à ses ordres. Alors que deux lames brillantes jaillissaient dans les mains de l’homme, les trois lions bondirent sur la Bête, un sur chaque aile, le troisième immobilisant la queue et le dard empoisonné, rendant inefficace cette arme terrible. Alourdi par le poids des trois lions, le manticore fut attiré au sol. L’homme engageât alors le combat. Il tournoyait autour du monstre, ses lames lumineuses décrivant d’amples courbes dans l’espace sombre de ce lieu étrange. Bien qu’handicapé par les fauves qui s’accrochaient à lui, le manticore restait un adversaire redoutable, dont les pattes griffues tailladaient profondément la chair de l’homme. Chaque coup de pattes le déchirait, mais également, chaque coup que l’homme portait au monstre faisait apparaître une nouvelle blessure sur le corps de l’homme. Chaque blessure reçue provoquait une onde de douleur atroce qui remontait lentement comme avec délectation le long de sa colonne vertébrale. La souffrance glaçait son corps, tétanisait ses muscles, mais il poursuivait l’affrontement sans laisser paraître quoi que ce soit. Pourtant, son corps n’était plus qu’un immense tourment. Ses chairs lacérées par les griffes de la Bête se putréfiaient et leur odeur suffocante l’incommodait fortement. Bien qu’aveuglé par les vomissements putrides de l’animal, Arslann poursuivait le combat, la rage au c½ur, l’image du monstre n’ayant plus besoin de ses yeux pour que son c½ur la voit. Le combat se poursuivit pendant un temps impossible à énoncer, le temps n’obéissant plus à aucune loi dans cette frange de l’univers. Soudain, une lumière jaillit au centre des huit statues de lumière. Soleine se matérialisa et chercha du regard le jeune highlander. L’apercevant, elle invoqua sur lui ses plus puissantes bénédictions. Toute douleur disparu alors comme par enchantement. « - Viens à moi, âme délectable » hurla le manticore quand il eut aperçu la jeune clerc. Un frisson d’horreur parcouru Arslann quand il la vit préparer ses armes pour le combat. Elle était revenue pour combattre comme elle l’avait dit. Il n’était pas surpris, mais il avait espéré avoir été assez persuasif pour l’en dissuader. Le calme revint rapidement en lui alors qu’il prenait sa décision. Poussant un cri qui se transforma en un rugissement effroyable, il projeta ses deux lames dans les yeux de la Bête. Il savait que cela ne la priverait pas de la vue, mais il ne voulait qu’attirer une dernière fois l’attention de monstre sur lui afin de pouvoir placer sa dernière attaque. De nouveau ses épées tourbillonnèrent laissant une traînée électrisée dans l’air. Le monstre se redressa sur ses pattes arrières pour éviter la morsure des lames et la décharge des effets magiques de celles ci. Arslann s’avança alors de deux pas et croisa les bras devant lui. Ses armes pendant un court instant ne le protégèrent plus et le démon profita de ce laps de temps pour venir l’écraser de son poids, son poitrail le projetant au sol. « Fou, tu vas disparaître ! « Certes, mais moi je n’aurai pas échoué ! » Le manticore prit alors conscience du piège que lui avait tendu Arslann, il projeta sa gueule vers le cou du jeune homme et ses crocs empoisonnés se refermèrent sur sa gorge. Dans un dernier sursaut, le cri d’Arslann devint une nouvelle fois un rugissement assourdissant. De nouveau le Lion fantomatique apparu dominant le manticore de ses dix mètres. Il leva la patte et balaya celui ci d’un coup furieux. Au même instant, Les deux lames d’Arslann se croisaient sous le cou du manticore et la tétanie provoquée par le poison de la morsure acheva le geste : la tête du monstre cisaillée se détacha de son corps. Dans un torrent de lumière, les effets des lames et de l’armure du Champion se libérèrent à leur tour. Soleine de son côté attaquait également le monstre et sa masse bénie vint le frapper juste à cet instant inondant la bête de la pure Lumière de Camelot. L’essence démoniaque d’Azraël ne put résister à la conjonction de tant de forces rassemblées et fut instantanément pulvérisée. Un silence lourd succéda alors au tumulte du combat. Déjà le Lion fantomatique se diluait dans l’espace. Les trois lions noirs d’Arslann avaient disparu, seule Soleine restait face au cadavre atrocement déchiqueté d’Arslann. Elle réprima un haut le c½ur en fermant les yeux. Une impression étrange s’empara d’elle, une sensation de fuite, d’éloignement grandissant, de vitesse qui s’accroissait fortement. C’était comme si une partie d’elle-même s’éloignait d’elle. Elle frissonna en en comprenant la signification. Ses mains dessinèrent alors dans l’espace les symboles sacrés grâce auxquels on rattrape l’âme d’un défunt quand elle quitte son enveloppe charnelle. Elle eut comme la sensation d’une eau fraîche qui glisse autour des doigts quand on cherche à l’attraper, pour finalement se refermer sur le vide. L’âme d’Arslann venait de s’échapper de sa main, rendant impossible la poursuite du rituel de rappel à la vie. Lentement ses genoux fléchirent tandis que ses armes tombaient au sol. Ses mains virent cacher ses yeux et elle s’effondra en larmes sur le corps mutilé du jeune mercenaire. Les huit statues de lumière se mirent alors à briller de façon moins intense. Petit à petit, un corps humain devenait visible dans chacune d’elles. Chacun des huit sceaux de Lumière avait vu et entendu tout ce qui venait de se dérouler. Gwodry était pétrifié d’horreur par la disparition de son fils, stupéfait par l’avalanche de révélations concernant sa famille… Il restait debout, gauche et pataud, l’esprit embrouillé dans ses souvenirs et ses pensées. Zoomy vint à lui, elle le regarda dans les yeux, lui sourit timidement et vint poser sa tête contre son épaule. « - Enfin je te trouve, toi dont je sentais l’existence depuis si longtemps, et à peine ai-je un neveu, que le destin de notre famille le rattrape ! » « - Non, Zoomy » l’interrompit doucement Bowen, « Arslann n’a pas été rattrapé par le destin du clan Farqhard. Il a volontairement choisi de s’immoler pour sauver Soleine. Il s’est donné pour sauver celle qu’il aime. Il a choisi son destin, et en grand guerrier, a su forcer la fatalité à accepter que ce destin devienne réalité. Quelque qu’horrible puisse sembler l’histoire du clan Farqhard, il s’en est montré digne car rien de petit n’a jamais été fait par un Farqhard. Ne soyez pas tristes, du néant surgit un clan dont le nom s’écrira en lettres de feu dans l’histoire de notre royaume, un clan dont l’origine remonte plus loin que n’importe quelle filiation noble d’Albion, un clan dont les fautes ont été rachetées par ce garçon, un clan qui surgit avec un héros, et quel héros ! Par son sacrifice il a emporté avec lui la menace la plus terrible que notre univers ait connu. Non, ne soyez pas tristes, pleurez la mort du plus grand guerrier que notre belle Bretagne ait porté, mais surtout soyez immensément fier de lui ! J’en suis convaincu, quand je raconterais à mes petits enfants ce que je viens de vivre, leurs yeux s’illumineront en pensant à ton fils, mon ami. Ils seront fiers que leur grand-père ait été autorisé par la Lumière à vivre les derniers instants de ce magnifique garçon auprès de lui. Combattant, fils de combattant il a trouvé une mort noble et valeureuse. Enfant d’Albion, élevé loin de notre royaume, il a pourtant adopté le code d’honneur de nos pères highlanders et l’a respecté fièrement, et son mérite rejaillit sur vous, membres du clan Farqhard ! » « - Il n’y a pas de clan Farqhard, Bowen » dit tristement Gwodry. Macguyre intervint alors. « - Il reste pourtant des Farqhard en Albion ! Chanir et Eowinael, la jumelle d’Arslann, et maintenant, Zoomy, ta s½ur. Ne comptent-elles pas ? » « - Tu connais nos coutumes, Macguyre, seul un homme transmet le nom. Si le sang des Farqhard perdurera dans les veines de mes petits enfants, aucuns d’eux ne sera un Farqhard. Et ainsi, à peine régénéré et reconnu, le clan disparaîtra à ma mort, faute de chef. Et cela ne me rendra pas mon fils… » Gwodry porta son regard vers le corps du jeune homme. Il s’aperçu alors que les armes et l’armure du Champion avaient disparues et que le corps ne portait plus aucune trace des mutilations subies lors du combat. « - Je ne pourrai même pas rapporter ses armes à sa mère. Au mur de la maison des Lions, je n’accrocherai nul souvenir de lui à côté de la dépouille du dragon. Il ne nous reste que l’épée que je forgeais avant le départ de Chanir et avec laquelle il tua son premier lion à douze ans. Je ne l’ai jamais serré contre moi, enfant , mille lieues nous séparaient, revenu en Albion, le démon l’éloignait de moi de peur que je ne ressente sa présence en lui. Je l’ai entraîné au combat, mais sa voie était trop différente de la mienne, je n’avais rien à lui apprendre. C’est Guesclin qui a fait de lui ce qu’il est devenu. Je n’ai que fort peu contribué à construire l’homme qu’il est devenu. » « - Gwodry, comment peux-tu dire cela ? » dit Bowen. « J’ai souvent parlé avec lui, et je peux t’assurer que tu as toujours été pour lui un modèle et un exemple de ce qu’Albion a de plus noble : sa chevalerie. » « - Oui, comme toi, ton fils était un protecteur, un défenseur, pas un prédateur » renchérit Macguyre. « Au combat, il tuait ses ennemis sans haine car il protégeait ce qu’il avait plus cher, Soleine. Il ne s’est jamais vanté de ses exploits, seule la vie de sa Dame lui importait. En cela, il est ton digne fils ! ». Gwodry se tourna vers Soleine. Gwennda s’était précipitée vers elle dès qu’elle avait pu bouger. Agenouillée près de la jeune femme, elle la serait contre son c½ur, la tête posée sur ses cheveux blonds. « - Ma petite fille » murmura-t-elle à son oreille. « Tu es vivante, louée soit la Lumière ! J’ai eu si peur en te voyant revenir. » Elle lui caressait doucement le visage, cherchant à stopper les larmes de la jeune clerc. « - Oh , Mère très sainte, je n’ai pas suivi le chemin que vous m’aviez tracé. Ce voyage a ouvert tant de portes à mon âme que j’ai finalement pris un chemin différent. Mais je ne pouvais faire autrement, il fallait que je sois près de lui quand il combattait. C’est là ma vraie place. Je ne suis pas digne de contempler la Lumière dans sa plénitude. La petite clerc n’a pas su trouver la voie vers la Lumière, elle a failli. Elle a juste trouvé une âme, une âme aussi exaltée que la sienne, l’âme d’un homme qu’elle a aimé, et qui s’est livré à la Bête pour la sauver. J’ai bien tenté de la rattraper à la fin du combat, mais je l’ai sentie partir, comme glissant entre mes doigts. Je l’ai perdu. Son âme n’est plus. Je ne l’aurais aimé qu’un instant, mais cela aura suffit à éclairer ma vie. Il est ma Fontaine jaillissante de Lumière, Mère très sainte. Le bref instant de son dernier baiser vaut plus à mes yeux que l’éternité sans lui, même près de la Lumière. » « Tu l’aimes donc tant que cela, ton mercenaire ? » demanda Gwennda. « - Je vous l’ai dit, il est ma Fontaine jaillissante de Lumière. Mon baiser de Lumière était pour lui ! Vous qui êtes venu jusqu’à la porte de Lumière sans toutefois la franchir, vous devez pouvoir me comprendre. » « - Soleine, si je n’ai pas franchi la porte de Lumière, c’est parce que la Lumière t’avais envoyée à moi. Quand nous nous sommes rencontrées en l’église de Camelot, je t’ai tout de suite reconnue dans l’apparition angélique. J’ai scruté ton âme, et je l’ai trouvé si belle, si lumineuse, plus encore que tout ce que j’avais pu entrevoir dans mes transes que j’ai préféré me sacrifier pour toi et rester dans ce monde imparfait pour te guider vers un destin que je présentais plus grand et plus élevé que le mien. Je savais que tu serais celle que le démon tenterait ce capturer. J’ai décidé de te former, de faire de toi une combattante de la Lumière, une âme assez forte pour ne pas avoir peur de ce danger extrême qui te guettait. Les saints de notre Eglise ne sont jamais des combattants. Tu étais destinée à devenir une sainte en embrassant la Lumière. J’étais la seule qui ait été jusqu’à la porte de Lumière en ayant reçu une éducation de combattante. J’ai voulu que tu reçoives la même éducation que moi afin que tu puisses faire face au péril qui te guettait. C’est pour cela que j’ai toujours été près de toi, pour te guider, t’enseigner les commandements de la Lumière, pour fortifier ton âme pure. Au cours de ces années passées près de toi, je t’ai aimée comme l’enfant dont mes v½ux m’avaient privée. Je n’ai pas connu l’amour d’un homme, je me suis toujours tournée vers la multitude des fidèles et la Lumière. Mais grâce à toi, j’ai connu l’amour qu’une femme peut ressentir quand elle serre la chair fraîche de son enfant contre son c½ur. Tu es ma seule faiblesse, ta douleur me bouleverse et me déchire. » « Pas un instant, alors que je guidais les sceaux de Lumière vers notre destination, je n’ai pu oublier mon angoisse de te perdre. Plus que le risque d’y perdre notre âme au contact d’un être d’une essence supérieure, j’étais obnubilée par ce combat qui devait te permettre d’arriver saine et sauve à la porte de Lumière. Que tu n’ais pas traversé la porte de Lumière n’est pas si important que cela. Par son sacrifice, ton Champion a sauvé les habitants de notre sphère. C’est là le principal. La Lumière aura bien d’autres saintes. En arrivant à la porte, tu as reçu l’Illumination suprême. Cette Illumination t’a désigné Arslann comme ta Fontaine jaillissante de Lumière et ton c½ur l’a aimé. Nous savions que ce risque existait, mais il ne présentait pas que des inconvénients. C’est pour cela que nous n’avons rien changé aux plans depuis si longtemps préparés. » « - Quel risque, Mère très sainte, je ne vous comprends pas. » « - Soleine, cela n’était absolument pas prévu, mais il se trouve qu’Arslann est ton jumeau astral. Vous êtes nés au même instant sous le même ciel astrologique, et les étoiles vous réservent le même destin extraordinaire. Quand je me suis aperçu qu’Arslann était ton jumeau astral, il était bien trop tard pour faire marche arrière. Quand deux êtres sont liés par un tel lien, sa force les unit bien plus intensément que n’importe quels autres humains. S’ils sont homme et femme, un amour sublime les lie bien souvent. Cet amour risquait de vous distraire de votre mission, mais il nous assurait aussi que face à la Bête, le champion ne faillirait pas. C’est pour cela qu’Arslann est le seul homme que nous ayons autorisé dans ton entourage. Lui t’a reconnu tout de suite. Il t’a fallu plus de temps. » Aripha interrompit Gwennda : « - Mère très sainte, si ce lien particulier unit Soleine et Arslann, elle doit pouvoir nous dire quand elle l’a senti se rompre. Etait ce à l’instant de la dissolution de l’essence maléfique d’Azraël ou juste après ? Elle a dit avoir senti son âme lui glisser entre les doigts alors qu’elle tentait un rappel à la vie » Gwennda prit les mains de Soleine. « - Alors, Soleine, quand-as tu senti le lien se rompre ? » Soleine regarda Gwennda. « - As-tu perdu l’espoir, fille aimée de la Lumière ? Ce qu’Aripha veut te dire, c’est que si le lien s’est rompu après la dissolution de l’essence d’Azraël, c’est que le démon n’a pas détruit l’âme de ton Champion. Son âme a donc connu un autre devenir. As-tu vraiment perdu ce lien, ou vibre -t-il toujours en toi ? » La jeune femme se redressa. Elle sentit une douce chaleur la parcourir alors qu’un timide espoir renaissait en elle. Elle ferma les yeux et l’image d’Arslann lui apparu. Elle frémit, se demandant ce que cette recherche lui réveillerait. Avait-elle vraiment perdu cet homme au regard si intense ? Ses yeux gris tempête s’étaient-ils éteints à jamais, ou regardaient ils un paysage différent ? Son c½ur se mit à battre plus fort quand elle se laissa emporter par son regard. Pourquoi était-elle la seule à voir dans ce regard toute la tendresse et l’amour du jeune homme quand tous les autres êtres vivants baissaient les yeux en frissonnant d’horreur ? Etait ce la marque de ce lien ? Elle eut l’impression de se laisser aspirer par son regard, de se noyer dans cet océan. Cet océan était gris tempête. Il était parcouru par des vagues d’une force inouïe, comme celle qui se brisent au pied des falaises de Cornouailles les soirs de tempêtes d’équinoxe. Ces vagues étaient couronnées de crêtes d’écume que le vent furieux emportait au loin. Qui a vécu une telle tempête en haut des falaises de Cornouailles sait la force brutale que renferment ces vagues quand elles se brisent sur la falaise la faisant trembler jusque dans ses tréfonds. Ce qu’il y avait dans le regard d’Arslann, c’était la force et la violence de son amour pour elle. Elle vit alors un albatros qui survolait la mer, majestueux oiseau qui paraît-il peut voler des journées entières au sein d’une tempête sans en être incommodé. L’oiseau volait tranquillement vers un coin de ciel d’un gris plus clair. Elle sentit son c½ur s’envoler quand elle eu un cours instant la sensation de retrouver le lien avec l’âme de son Champion. Elle ouvrit les yeux. « - Le lien n’est pas brisé, simplement son âme se trouve loin, très loin, bien au-delà de tout ce que l’on peut imaginer, bien plus loin que les limites de l’univers. » dit-elle. Gwennda se redressa. « - Alors, si près des limites de notre univers, tu as le pouvoir d’aller à sa rencontre. Nous t’aiderons à retrouver ton Champion, fille aimée de la Lumière. Viens te placer au centre du cercle. De nouveau, étend tes ailes astrales pour parcourir les espaces mystérieux qui séparent les univers. Tu as toujours la faculté de permettre à ton âme de sortir de cette sphère. Quand tu auras retrouvé ton Champion, nous pratiquerons tous ensemble un rappel à la vie et te propulserons vers l’âme de ton aimé pour que tu la ramènes en son corps. Vite, notre temps dans cet entre-espace est compté. » « Va, prend ton envol et cherche ton Champion ! ». Comme d'habitude, un petit mot pour remercier tous ceux qui participent à l'histoire de ce clan, simplement par la lecture, ou pour quelques uns, par leur aide à sa correction. |
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