[Orcanie] Farqhard, un nom au goût de cendres...

 
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Episodes précédents :

Rencontre avec Sire Guesclin

L'oeil ensanglanté du Lion

L'ange gardien

Songes

Les huit sceaux de Lumière

En route

Le baiser volé

Le Champion


Arslann entra dans la tente et vit Soleine et Mandiwa. « Nous partirons dans une journée. La grande conjonction n’aura lieu que demain, et elle seule ouvrira le chemin vers la porte de Lumière. »
« - J’aurais déjà quitté ce lieu à ce moment, j’ai payé ma dette et les Puissances doivent me libérer de ma prison. Depuis 8 000 ans, je vis dans ce repli de l’espace et du temps, d’où je ne peux m’échapper. La mort n’a pas eu de prise sur moi, car je suis resté l’homme que j’étais le jour de ma faute. Dès que j’aurais quitté ce lieu, elle me rattrapera, et je trouverai alors enfin le repos. Même si beaucoup souhaitent l’immortalité, l’ayant approchée, je puis vous assurer qu’il n’y a pas pire enfer. J’ai trahi un secret de l’univers en informant Malchisedeck le grand prêtre du pouvoir qu’il y avait à gagner en favorisant l’irruption d’un être issu d’une autre sphère dans la notre. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que Malchisedeck invoquerait un être d’une puissance comparable à celle d’Azraël. Dépositaire d’un pouvoir qu’il ne pouvait maîtriser, il fut celui qui provoqua la fin de l’Atlantide. Je parvins à me soustraire à ce cataclysme, mais les Puissances me punirent en refermant le temps et l’espace autour de moi, de telle façon que je ne puisse plus en sortir. Depuis, j’attends de réparer ma faute en permettant à celui qui devait venir de devenir le Champion. Plus de 300 générations se sont écoulées, et celui qui devait venir est venu. Le Champion est maintenant prêt à accomplir le destin qui lui fut assigné. Moi, je vais enfin sortir ce lieu et m’enfoncer dans les sables du temps. Adieu. »
Il se leva, sorti de la tente et parti droit devant lui.


Arslann passa le reste de la journée à s’entraîner au combat. Soleine, seule, réfléchissait aux révélations de Mandiwa. Toujours escortée des lions, elle porta ses repas à Arslann. Il s’interrompait alors quelques temps et reprenait ensuite son entraînement, sans jeter un regard vers Soleine. Pour la première fois, elle se rendait compte que le chemin qu’elle avait emprunté l’isolait de l’humanité et des quelques personnes pour lesquelles elle avait de l’affection. Entre cet être inhumain et elle, plus rien de ce qui la reliait à Arslann n’existait à présent. Seule persistait l’apparence extérieure d’Arslann, mais même son regard était mort et inexpressif. Elle n’avait pas encore parcouru la totalité du chemin vers la Porte de la Lumière, que déjà, elle se trouvait seule face à son choix.


Lorsque le soleil se leva une nouvelle fois, Arslann se tenait devant la tente, prêt à partir. Soleine le rejoint.
« - La grande conjonction aura bientôt lieu. Un portail s’ouvrira à ce moment et nous le traverserons. Nos chemins se sépareront alors. Toi, tu poursuivras en direction de la Porte de la Lumière. Moi, j’en garderais l’accès afin d’empêcher quiconque de te suivre. Même Azraël devra traverser ce portail pour pouvoir venir te menacer. C’est là que je l’attendrai et qu’aura lieu le combat. »
Après quelques minutes, ils trouvèrent Mandiwa assis, prostré sur un rocher. Il releva la tête et Soleine lut une immense détresse dans son regard.
« - Le temps et l’espace sont toujours ma prison. Les Puissances ne s’intéressent plus à moi maintenant que j’ai rempli ma mission. Ou peut être ai je cru pouvoir m’échapper après que le Champion ne soit parti d’ici. Il n’en reste pas moins que je suis prisonnier de ce lieu, et cela je ne puis le supporter. L’immortalité m’a donné tout le temps de comprendre la dramatique destinée de l’homme dans cet univers. Je ne puis accepter cela plus longtemps. La mort m’est interdite ici et la vie n’y est qu’un enfer. Je ne peux m’échapper seul, j’ai tenté toutes les possibilités, même celle de me donner la mort. Il n’y a que vous qui puissiez faire preuve de charité en me libérant de cette vie interminable.


Soleine, je sais tout ce que je viens de dire peut avoir de choquant pour une âme pure comme toi. Je te demande simplement de comprendre que hors de l’espace et du temps, hors de l’univers normal, la mort n’est pas cette horreur que nous cherchons à fuir, mais la fin de mes tourments, l’espoir d’une paix qui me fuit depuis 8 000 ans. Arslann, c’est à toi que je demande de m’aider. Donne moi la paix de l’oubli, je t’en supplie ! ».
Leur regard se croisèrent. Arslann se tenait face à Mandiwa, immobile. Son visage semblait de marbre. Pas plus qu’il ne semblait éprouver de sentiments envers Soleine, le Champion ne compatissait à la détresse de l’oracle.
« Arslann, c’est à toi que je m’adresse, pas au Champion » reprit Mandiwa. « Je sais que la transformation t’as forcé à te replier dans ton refuge, mais il faut maintenant en sortir. Ne laisse pas cette entité inhumaine agir à ta place. Tu as souffert comme aucun homme n’a souffert, prisonnier des influences qui se battent pour te contrôler. Pour que cette souffrance ait servi à quelque chose, c’est maintenant que tu dois reprendre le contrôle des évènements. Le Champion a des objectifs qui ne sont pas ceux de ton c½ur. Redeviens l’homme que tu étais, tu en as le pouvoir. Donne moi la paix que je te réclame et défend celle que tu aimes. Toi seul peut le faire ! ».


Sa phrase à peine achevée, l’épée d’Arslann le transperçait de part en part.
« Adieu mes enfants, le destin de cet univers est entre vos mains, restez unis par delà les barrières et … ». Il ne put terminer sa phrase, la mort ayant fait son ½uvre.
Partagée entre l’horreur de la situation et l’étonnement, le regard de Soleine allait d’Arslann à Mandiwa. Il n’y avait nulle trace de souffrance sur son visage, bien au contraire. Elle frémit en découvrant que le regard d’Arslann brûlait de nouveau de cette flamme qu’elle avait tant cherchée ces dernières heures. Ses yeux gris tempête étaient redevenus vivants. De nouveau son compagnon était près d’elle, le Champion semblait avoir disparu.


Au milieu de l’étendue désertique se tenait une sorte de tube de lumière bleutée, pareille à ceux des portes magiques conduisant vers les divers sites atlantes récemment découverts. Un groupe de huit compagnons se tenait devant, semblant attendre.
« - Le portail s’ouvrira bientôt » dit Gwennda.
« - Comment sais tu que la conjonction va avoir lieu, et de quelle conjonction s’agit il, d’ailleurs ? » demanda Bowen.
« - Je parle de conjonction car ce sont les mots même de l’envoyé de la Lumière. Quant à savoir ce qui rentre en conjonction, je l’ignore complètement. Cependant, je doute qu’il s’agisse d’objets astronomiques n’appartenant qu’à notre sphère. C’est probablement pourquoi nos sens ne nous indiquent rien au sujet de cette conjonction. Pourtant, je sais que l’instant approche, et que le portail va s’ouvrir. »
« Le Champion a t’il pris possession de ses armes et armures à l’heure qu’il est ? » demanda Gwodry.
« Là encore, je ne puis te répondre, Gwodry, pas plus qu’à la question silencieuse qui occupe ton c½ur depuis notre départ. Même si nous avons tous plus ou moins l’impression d’avoir reconnu ton fils dans le champion de notre vision, je me garderais bien d’affirmer qu’il l’est effectivement. L’image que nous vîmes peut être un symbole, un choix fait par notre esprit pour représenter un combattant hors pair. Nous connaissons tous Arslann, peut être avons nous choisi de le mettre en scène dans cette vision, ses exploits guerriers l’ayant rendu fameux ces derniers temps. Aussi proche soit-il de Soleine, rien ne permet d’affirmer que c’est lui que les forces de l’Equilibre dépêcheront pour protéger la transmigration de son âme. »
« - Il n’en reste pas moins que chacun de nous pensait à lui quand nous avons forgé son équipement à la forge du destin » dit Macguyre.


Soudain, le tube éthéré changea de couleur pour devenir multicolore. Il était devenu impossible de voir au travers, la lumière semblant s’être solidifiée. Les huit sceaux de Lumière échangèrent un regard, et entrèrent dans le tube. Ils se retrouvèrent transportés dans un espace complexe, totalement étranger à leur perception. Tout semblait changer de forme et d’orientation en permanence. Bien qu’il n’y ait aucune source de lumière discernable, tout ce qui peuplait cet espace complexe était visible, comme s’il était lui-même une source de lumière. Dispersés dans ce chaos, les huit sceaux eurent quelques difficultés à se rassembler, la ligne droite n’étant jamais le plus court chemin pour aller d’un endroit à un autre.
« - Les serviteurs de la Lumière arriveront bientôt. Nous saurons alors si nos enveloppes corporelles peuvent leur servir de point d’ancrage dans notre sphère pour en interdire l’accès depuis l’extérieur. »
Bientôt apparurent 8 formes lumineuses qui prirent lentement forme humaine. Elles se rapprochèrent chacune d’un des huit sceaux puis se confondirent bientôt avec eux. Leurs corps se mirent à briller comme si une puissante source lumineuse émanait de l’intérieur, pour enfin prendre l’aspect de statues de lumière disposées en un cercle parfait.


Gwodry regarda la forme se rapprocher. Il sentait l’étrangeté de l’essence qui s’avançait vers lui, mais qui ne s’accompagnait d’aucune impression négative. Issu d’une sphère extérieure, privé d’une partie de sa puissance par le transfert vers notre sphère, le serviteur de la Lumière ne pouvait que paraître étrange. Alors que celui ci commençait à s’introduire en lui, Gwodry sentit une présence, une pulsation qui montrait que le serviteur de la Lumière ne se réduisait pas à un phénomène lumineux.
« - Salut à toi, fils de la Lumière, je suis Hanse. Mon Maître m’envoie avec mes compagnons vous rejoindre pour qu’ensemble, nous fermions l’accès de votre sphère aux envoyés des forces du néant. Grâce à votre sacrifice, même lors de la conjonction parfaite, il sera impossible aux légions infernales de tenter de nouveau d’accéder à votre univers. En rebondissant sur les sceaux de Lumières qui obturent maintenant le point d’entrée, les démons provoqueront une redistribution des courants qui parcourent l’éther. »
« - Tu parles de sacrifice, ainsi soit-il alors. Nous sommes venus pour répondre à l’appel de la Lumière, pas un nous ne reculera, tu peux en être assuré. Gwennda nous avait prévenus, nous sommes venus en connaissance de cause. Mais cela sera t’il suffisant pour protéger notre monde du cataclysme qui le menace ?
« - Personne ne le sait, Gwodry, Azraël est un être abject, issu de la plus profonde des ténèbres, mais en cela, il reste prévisible dans ses actions. Dès que la fille aimée de la Lumière commencera sa transmigration, il se jettera sur elle pour aspirer son âme et s’en nourrir. Le choc qui en résultera ne manquera pas de crever l’enveloppe extérieure de votre sphère et notre action aura été inutile, le passage s’ouvrant malgré nous.
« - Mais il y a le Champion pour l’en empêcher ! Arslann combattra Azraël.
« - Il y a bien plus que le seul Champion dans ton fils, Gwodry. Nul ne sait ce que cette abomination qu’est ton fils pourra bien faire de la puissance qui l’habite. Comment résoudra t’il le conflit qui le poussera contre lui-même ? De tous les Farqhard, il est bien le pire que cette sphère ait connu ! Toi seul a échappé à cette malédiction grâce à une intervention de la divine Lumière, mais tous les autres y ont succombé. Ton fils est le pire d’entre eux en ce sens qu’il est le plus puissant d’entre eux, à lui seul plus puissant que tous réunis. Et le conflit des Puissances lui donne l’opportunité d’exploiter cette puissance. Qu’en fera t’il ? Vraiment, le nom des Farqhard est un nom au goût de cendres. »


Le tube lumineux scintillait dans le lointain. En l’apercevant, Soleine et Arslann surent qu’ils arrivaient au terme de cet étrange voyage. Parvenus devant, ils s’arrêtèrent un instant.
« - Nos chemins vont maintenant se séparer. Toi, tu vas partir pour la Porte de Lumière. Moi, j’en interdirais l’accès. »
« - Faut-il vraiment que nous nous quittions ici ? Ne pouvons nous pas poursuivre encore ce voyage à deux, et combattre tous deux comme nous l’avons toujours fait depuis que nous nous sommes rencontrés ?
« - Tu n’as aucune idée de ce qui nous attend derrière ce portail. Celui qui te guette est l’entité la plus dévastatrice que cette sphère ait connu. Il appartient aux forces du Néant. C’est un destructeur, il ne peut rien faire d’autre que détruire, tout détruire. Il est l’un des acteurs de cet équilibre éternel qui régit le Multivers. A la Création s’oppose le Néant. Ce n’est pas un troll qui viendra chercher ton âme pure lorsque tu entameras ta transmigration. »
« - Je n’ai pas peur puisque tu es avec moi, Arslann. »
« - Et moi, justement, j’ai peur si tu es avec moi. J’ai été crée pour l’affronter, seul. Je ne sais pas comment se finira ce combat, mais si tu te trouvais près de moi pendant celui ci, il ne manquerait pas de s’en prendre à toi. Or, ce n’est pas ce que je veux. Je veux l’affronter seul, pendant que toi tu accomplis ton propre destin. Te sachant loin, je serais serein au combat, alors que si tu es près de lui, je serais rongé d’inquiétude, et bien moins efficace. »
« - Qui peut survivre à un combat sans soins ? Sans moi, tu seras vulnérable, alors que si je suis présente, mes bénédictions et mes soins t’assureront un avantage précieux. Ainsi tu vaincras ! »
« - Qui te parle de vaincre ? »
Elle frémit en entendant Arslann. Elle se rapprocha de lui, et ses yeux cherchèrent son regard.
« - La seule chose qui compte, c’est que tu parviennes à accomplir ta transmigration vers la Lumière. Le reste importe peu. Une fois sortie de notre sphère, ton âme sera accueillie par les envoyés de la Lumière. De la Soleine humaine, il ne restera plus rien, ton corps disparaîtra. Qu’Azraël soit vaincu ou non importe peu dans le jeu des Puissances. Le Champion est un envoyé des forces de l’Equilibre. Celles-ci interviennent pour modifier l’équilibre qui naît dans l’opposition des forces de la Création et du Néant, jamais pour donner l’avantage à tel ou tel camp. Azraël n’est pas ce qu’il y a de plus important pour l’instant. Si la transmigration de ton âme se réalise, les forces de l’Equilibre auront atteint l’objectif qu’elles se sont données, qu’Azraël ait été détruit ou non. Le Champion aura rempli sa mission et deviendra inutile. »


La jeune femme frissonna en comprenant ce que signifiaient les paroles d’Arslann.
« - Le Champion pourrait donc être abandonné en cours de combat si ma transmigration se réalise avant qu’Azraël ait été détruit ? Et tu acceptes cela sans t’en révolter ? »
« - Contre quoi me révolter ? Depuis que j’existe, je suis un champs de bataille, les Puissances s’affrontant pour essayer de me contrôler. Je n’ai jamais été qu’une arme à leurs yeux, rien d’autre. Mon humanité n’a jamais été prise en compte. Mon individualité n’existe pas pour elles. Elles ignorent ce que je ressens. Et paradoxalement, c’est ce qui m’a permis de survivre à ce combat. Il existe au fond de mon c½ur une petite bulle où je peux me réfugier à l’abri des Puissances. Elles combattent sans cesse pour me contrôler mais sans jamais avoir pris le soin de vérifier si elles occupaient tout le terrain. Elles ont ignoré cette bulle. C’est le refuge où mon humanité s’est retranchée. Et c’est dans cette bulle que trône ton image. Cette image est le plus ancien de mes souvenirs. Je ne sais comment il a pu entrer dans mon c½ur bien avant que je te rencontre. J’y vois ton visage merveilleux, les yeux illuminés d’une flamme extraordinaire qui me sourit. Cette image m’habite depuis toujours. Partout, toujours, je t’ai cherché, jusqu’à ce jour où je t’ai rencontré à Béryl. Avant même de te voir, je savais que tu étais là, et que j’étais là pour toi. Arslann et le champion partagent l’objectif de te protéger. La puissance du champion se met au service de mon propre objectif. »


« Mais une fois que tu seras partie, que me restera t’il ? Rien, sinon le souvenir de mon amour. De même, si ce combat débouchait sur ma destruction, que se passerait-il ensuite ? Ta propre destruction, peut être. Au final, quelle que soit l’issue de cette histoire, je t’aurai perdu. Que m’importe alors ce que les Puissances peuvent décider. Sans toi, je ne suis rien. Depuis que je sais que tu dois partir, j’ai pris le parti de te suivre pour faciliter ton voyage. J’ai mis ma vie et mon existence à ton service, te protéger est mon seul but. Quand tout ceci sera terminé, quelle qu’en soit l’issue, je n’aurais plus de but, plus de raison d’exister. Tu seras partie, les Puissances n’auront plus besoin de moi. Je n’ai pas d’avenir. Je me perdrais dans l’oubli de cette zone limitrophe de notre sphère. La seule chose qui restera indestructible est l’amour que j’ai pour toi. Qu’Azraël triomphe ou non, que je sois détruit ou non, seul survivra mon amour. C’est le seul témoignage de l’existence d’Arslann qui persistera. »


« Maintenant, il est trop tard pour reculer. Dans peu de temps, nous nous séparerons, et chacun accomplira son destin. De toutes mes forces, je lutterai contre Azraël pour que tu puisses accomplir ta mission. Je veux te savoir auprès de la Lumière avant de disparaître. »


Ils traversèrent le portail pour arriver dans l’espace complexe où les attendaient les huit sceaux de Lumière. Arslann désigna les statues de lumière.
« - Ces statues bloquent le passage de l’extérieur vers l’intérieur de notre sphère. Nul envoyé des Forces du Néant ne peut entrer pour l’instant. Mais seul moi peut empêcher Azraël de te suivre pour capturer ton âme pure. Place-toi au centre du cercle et le chemin vers la Porte de Lumière t’apparaîtra. »
Soleine se tourna vers Arslann. Il la regardait tranquillement. Ses yeux brillaient de cette flamme qui la troublait. Il était serein comme toujours dans les instants qui précèdent le combat. Il lui sourit, et se pencha doucement vers elle. Elle ferma les yeux et sentit le furtif contact des lèvres d’Arslann sur le coin de sa bouche. Elle frissonna, se surprenant à regretter que cet instant fût si court.
« - Va, Fille aimée de la Lumière, tu es attendue. »
Il fit un pas en arrière et se retourna, croisant les bras dans une attitude d’attente. Les trois lions vinrent s’installer près de lui. La lionne jeta comme un regard d’adieu vers Soleine, et s’allongea aux pieds d’Arslann.


Soleine s’avança pour entrer dans le cercle. Elle vit alors la route s’ouvrir devant elle. Elle reconnut le chemin qu’elle avait entrevu tant de fois dans ses transes. Elle se retourna une dernière fois pour chercher le regard d’Arslann, elle avait besoin de le voir une dernière fois. Elle prit une profonde inspiration et fit un pas vers la route.


Elle était maintenant seule.


Arslann sentit que Soleine avait emprunté le chemin de la porte. Rapidement, il perçut une autre présence. Une ombre grisâtre s’approchait de lui, celle d’un homme dont le visage lui était vaguement familier. L’ombre s’adressa à lui :
« - Salut à toi, Arslann Farqhard, mon Maître m’envoie pour t’accueillir. Il est enfin temps que tu rejoignes ta famille et que tu deviennes son membre le plus illustre au service de celui qui nous a choisi il y a si longtemps. »
« - Je ne sers personne ».
« - Tu es un Farqhard, tu appartiens donc à mon Maître ! »
« - Depuis quand les Farqhard appartiennent ils à un Maître ? Notre nom semble être apparu brutalement il y a deux générations, sans que rien n’ait précédé. »
« - Mon Maître m’envoie précisément pour t’apprendre la véritable histoire de ton nom, mon garçon. »
« - Je ne suis pas ton garçon ».
« Tu n’as pas tord, de Gwodry tu es le fils. Mais Gwodry est mon fils, tu es donc mon petit-fils. Ce qui m’autorise à t’appeler mon garçon. »
« Le forgeron ? »
« - Je fus un bien piètre forgeron, c’est exact. Tellement inapte à ce travail, que l’on me catalogua bien vite comme inapte à tout travail. Cela me convenait parfaitement, c’était une excellente couverture pour un espion. Mais dans l’art de la traîtrise, peux m’égalaient, j’étais un Farqhard ! Et je peux t’assurer avoir bien servi les intérêts de mon Maître. Je suppose que tu connais l’histoire d’Eowinael et Morgan, puisque ta s½ur porte le nom de cette fière paladine ? Mais sais-tu vraiment ce qui s’est passé ce funeste soir ? C’était juste avant que ne débute la guerre des trois royaumes. Arthur était mort depuis peu, et Krystenin n’avait pas encore assuré son pouvoir. Les hiberniens refusaient de le reconnaître comme successeur d’Arthur à leur tête. La tension était à son comble, la moindre étincelle pouvait déclencher un feu ravageur. »

« - Je m’y employais. »

« - Au service de l’évêque Brunhof, j’avais mes entrées dans la citadelle que Morgan commandait. J’avais séduit une servante, et le soir quand je venais lui rendre visite, elle m’ouvrait une porte dérobée. Un soir, elle était plus agitée que d’habitude. Elle m’informa qu’elle était enceinte de moi, et que bientôt la rondeur de son ventre dévoilerait notre secret. Je dus donc la supprimer. Je déposais son corps ensanglanté dans la chambre de l’évêque. Quand il découvrit le corps, il fut pris de panique, et je n’eus aucun mal à lui donner l’idée d’ouvrir les portes de la citadelle afin que les combats cachent ce meurtre que l’on ne manquerait pas de lui attribuer autrement. Le massacre fut terrible. C’est moi qui lançais les flèches qui tuèrent Morgan puis Eowinael. Ce fut l’une des premières escarmouches de cette interminable guerre. Mon Maître me tient en grande estime depuis lors. Ainsi, c’est à moi qu’est revenu l’honneur de venir t’accueillir. »
« - Où veux-tu m’accueillir ? »
« - Mais dans ta famille, mon garçon. Tu es un Farqhard. Tu appartiens à la plus terrible lignée de traîtres et de monstres que cette terre ait connue. Tous au service de notre Maître, et ceci depuis bientôt huit mille ans. Ce nom que tu crois sorti de nulle part est en fait celui de la lie de l’humanité. Farqhard est un nom au goût de cendres. Tout ce qu’il y a de mauvais, d’abject dans l’humanité se retrouve dans le sang pourri des Farqhard. Mais nous y avons gagné une puissance extraordinaire. Etre celui qui fut à l’origine d’une guerre aussi ravageuse que celle que j’ai provoquée te montre ce qu’est le vrai pouvoir, la vraie puissance. Seul mon Maître peut donner à ses serviteurs le moyen d’agir aussi directement dans le destin de milliers d’êtres humains. Ce pouvoir, il te le propose à ton tour. Tu es un descendant en ligne direct de Malchisedeck le grand Prêtre de l’Atlantide, celui la même qui permit à notre Maître de venir dans notre sphère. Tu es le plus puissant de tous les Farqhard, aussi te propose-t-il de devenir son plus fidèle esclave, son plus proche agent. Tu es né porteur d’un signe funeste qui fait de toi un être au destin tumultueux. Le sang imprègne ton être et ton destin. Mets ton bras à son service, et tu connaîtras la vraie grandeur. Il t’offre un empire et les moyens de le conquérir. Nulle nation ne pourra te résister, la terre entière tremblera devant toi, elle s’offre à ta domination si tu le veux. Il te suffit de prendre les armes et de conquérir cet empire. Suprême cadeau, il t’offre une impératrice à la mesure de ta puissance : Soleine. »


Les deux épées d’Arslann jaillirent de leurs fourreaux et s’arrêtèrent à un petit centimètre du cou de l’ombre.
« - Ne souille pas ce nom de ta voix fielleuse, ou, dans l’instant, tu te retrouveras dans l’impossibilité de parler. »
« - Mais oublierais-tu que je suis déjà mort ? »
« - Sais-tu qu’il y a pire que la mort ? Je puis te détruire totalement, ne laisser de toi pas même le souvenir de ta suffisance, pas même l’ombre de l’ombre que tu es. »
« - L’offre de mon Seigneur ne te convient donc pas ? »
« - Je ne suis ici que dans un seul et unique but. Tu ne m’en détourneras pas. Tu n’en as d’ailleurs pas les moyens. Seule celle dont tu viens de parler saurait me distraire du but que je me suis donné. Cependant, je doute fort qu’elle puisse souhaiter devenir l’impératrice d’un empire bâti par la force et la destruction. Ni même d’ailleurs désirer s’unir à un homme, alors qu’elle n’aspire qu’à quitter cette sphère pour rejoindre la Lumière de Camelot ».
Les deux épées d’Arslann décrivirent une ample courbe dans l’espace avant de revenir se poser l’une sur la poitrine, l’autre sous le cou de l’ombre.
« - Quoi qu’il en soit, il est désormais trop tard pour aller l’interroger à ce sujet. Ce chemin est clos. Nul être ne dépassera ce point tant que je l’occuperai. »
« - Tu es bien présomptueux, mon garçon. Je vais te raconter l’histoire d’un ignoble chevalier, d’un être d’une férocité que tu n’imagines même pas. Tout de noir vêtu, il gardait un pont, près du château qu’aujourd’hui on nomme Prydween. Personne ne traversait ce pont. Tous ceux qui tentèrent de le faire y trouvèrent la mort. Pourtant, un jour, un homme voulu le traverser. Un jeune chevalier qui avait rassemblé quelques compagnons, et parcourait le royaume pour trouver un lieu où bâtir son château. Le chevalier noir lui lança son avertissement devenu si célèbre, prononcé dans la langue des anciennes tribus bretonnes « None shall pass » , nul ne traversera. Le combat était inévitable. Le chevalier noir ne doutait pas de terrasser un nouvel adversaire. Comme toi, mon garçon. Il ignorait qu’il se trouvait face à celui à qui la Dame du Lac venait de remettre Excalibur, la sainte épée de la Lumière. Arthur triompha sans mal du chevalier noir, et moi j’y devins orphelin. Ne sois pas si sûr de ta puissance, un plus fort que toi viendra forcément un jour revendiquer son droit à te renvoyer parmi les ombres».
« - Je ne suis pas le chevalier noir. Et tu n’es pas le grand Roy. Que le chevalier noir ait été un Farqhard ne change rien à l’affaire ! Je suis celui qui interdit ce passage. Si tu crois pouvoir t’y avancer sans péril, fais-le ! Mais ne regrette rien de ce qui surviendra ! ».
« - Tu n’imagines pas ce que tu provoquerais si tu me frappais de tes armes. Tu libèrerais le lien qui me lie à mon seigneur, lui restituant la force qu’il a investie en moi, le rendant encore plus terrible qu’il n’est déjà. Par la même occasion, tu invoquerais mon père afin qu’il prenne ma relève pour faire ce que je n’ai pu réaliser. Le détruirais-tu, qu’aussitôt, mon Seigneur regagnant encore un peu de force ferait apparaître mon grand-père. Seras-tu capable d’affronter 300 générations de Farqhard ? ».


L’ombre fit un pas vers l’avant. Avant même d’avoir posé le pied au sol, un torrent de lumière l’entourait tandis que les armes d’Arslann le déchiquetaient. La forme humaine disparu, se séparant en deux. D’un côté une ombre ténébreuse et informe sembla couler au sol, tandis qu’une minuscule pépite de lumière s’élevait dans l’air. Surgirent alors deux nouvelles ombres. La première portait une armure de plate et tenait une formidable épée à deux mains. La seconde, vêtue de plates également, tenait une pertuisane.
« - Sombre idiot, tu défies donc ton propre clan ? Tu n’as aucune chance ! Chacun de nous sera remplacé par deux autres de tes ancêtres si tu venais à nous occire. Es tu donc désireux d’exterminer toute ton ascendance ? Et comment ferais-tu face à la multitude des Farqhard qui se sont succédés depuis 8 000 ans ? ».
Pour toute réponse Arslann poussa un cri qui ressemblait plus à un rugissement qu’à un cri humain. Les trois lions se dressèrent alors, prêts à l’attaque. Les deux ombres tentèrent d’attaquer ensemble, mais les lions s’interposèrent, les forçant à reculer. Deux sautèrent sur celle qui maniait la pertuisane tandis qu’Arslann assisté du troisième attaquait celle à l’épée à deux mains. Son arme lourde le ralentissait trop pour pouvoir lutter à armes égales avec le vif mercenaire. Parant chaque coup porté, Arslann plaçait ses bottes, étourdissant à chaque fois l’ombre belliqueuse. En une dizaine de secondes, la première des deux ombres connaissait le même sort que celle du grand-père d’Arslann. Cette fois encore, une minuscule pépite de lumière s‘éleva dans l’air tandis qu’une nouvelle flaque d’ombre se répandait au sol. La seconde ombre fut massacrée de la même façon que sa comparse. Mais à peine avait-elle laissé place à la pépite de lumière, que 4 nouvelles ombres surgissaient du néant. Quatre autres Farqhard encerclaient maintenant Arslann. Il rugit un nouvel ordre à ses lions, et chacun d’eux se rua sur un nouvel adversaire. Aucune des ombres qui s’opposait à lui ne parvint à l’égratigner. Sa vitesse, son art du combat lui permit de se débarrasser de chacune d’entre elle en quelques secondes. Mais à chaque fois qu’une disparaissait, deux autres lui succédaient. Arslann fit un rapide calcul. Au dixième affrontement, il aurait devant lui la totalité des Farqhard ayant vécu depuis la destruction de l’Atlantide.


Avant d’entamer le quatrième combat, il poussa de nouveau un rugissement. Chaque lion se dédoubla alors, de telle façon que devant chaque ombre se tenait un lion qui l’occupait le temps pour Arslann de les détruire une à une. A chaque nouvel affrontement, les lions se dédoublèrent, permettant ainsi à l’homme de ne jamais affronter qu’un seul adversaire à la fois. Arrivé au dernier combat, près de 300 ombres occupaient la zone entourant les huit sceaux de Lumière. Devant elles un lion se dressait lui interdisant de tenter de rejoindre le centre du cercle. De nouveau, Arslann poussa un rugissement effroyable et se mit à tournoyer sur lui-même, de plus en plus vite. Il fut bientôt impossible de rien distinguer d’autre que les traînées lumineuses laissées par ses armes. Une sphère luminescente l’entourait. Il se mit alors à bouger, s’approchant de l’ombre la plus proche. Au premier contact avec la surface de la sphère, l’ombre disparu. Un nouveau rugissement se fit entendre alors qu’apparaissait la silhouette fantomatique d’un lion immense qui balaya chaque ombre d’un coup de patte chaque fois que la sphère lumineuse s’approchait d’elle. Décrivant une trajectoire en spirale, la sphère fit plusieurs fois le tour du cercle des huit sceaux de Lumière, pulvérisant les ombres à chaque passage. A chaque ombre frôlée par la sphère lumineuse, le lion immense la pulvérisait d’un coup de patte. Il ne resta bientôt plus qu’une seule ombre.


Arslann stoppa alors sa rotation, tandis que les lions en surnombre fusionnaient pour redonner les trois lions originels. Les pépites de lumière se rassemblaient doucement auprès de deux des statues de lumière. Le sol n’était plus qu’une immense flaque de ténèbres. L’ombre était celle d’un homme d’environ une cinquantaine d’années. Il était vêtu d’un pagne noué autour des reins comme les colosses atlantes et portait un pectoral en orichalque et une tiare. Dans ses mains il y avait un petit fouet et une crosse recourbée. A ses poignets et chevilles, des bracelets également d’orichalque. Malchisedeck le grand prêtre se tenait devant son lointain descendant.
« - Ainsi mon souhait d’invoquer une Puissance du multivers se réalise de nouveau ? Deux Puissances s’affronteront bientôt. Je ne regrette rien car j’ai enfin devant moi le combattant ultime que je cherchais à créer. Qu’importe le prix à payer pourvu que mon désir soit réalisé ! ».
« - Plus terrible que la plus terrible des armes est l’envie de puissance des hommes. Plus terrible que la plus terrible des plaies est l’orgueil des hommes ».
Les deux lames d’Arslann se croisèrent au niveau du cou de l’homme. A la place de la tête apparut une pépite de lumière minuscule, tandis que son corps s’écoulait en se mêlant aux ténèbres recouvrant le sol.


La pépite de lumière alla rejoindre les autres qui voletaient entre les deux statues de lumière. Elles semblèrent toutes fusionner pour laisser place à une forme humaine, multicolore. Elle s’anima alors, se tournant vers chacune des deux statues, puis vers Arslann.
« Salut à vous trois, Zoomy, Gwodry et Arslann. Je suis l’âme de votre clan, l’âme du clan Farqhard. Merci à toi, Arslann, de m’avoir enfin libérée de l’étreinte malfaisante de ce démon. A chaque génération, le premier enfant mâle de notre famille fut envahit par la malfaisance d’Azraël. Seul ton père y a échappé. A toi revient maintenant d’abattre ce démon qui persiste encore et qui cherche depuis si longtemps à prendre totalement contrôle de toi. Tu as pris un risque énorme en lui restituant l’intégralité de son pouvoir. Mais ce n’est qu’ainsi que tu pourras le détruire définitivement. Je ne puis t’apporter aucune aide dans ce combat. Mais saches que l’ensemble de tes ancêtres sont maintenant à l’abris du démon. Nous allons partir pour rejoindre notre place dans l’histoire d’Albion. Le pardon nous sera-t-il accordé, je l’ignore. Ta mère et ta s½ur n’auront-elles pas à souffrir de la révélation de l’histoire du clan ? Seul toi détient la clé du futur. Détruit ce démon, et le nom des Farqhard sera certes craint, mais respecté ».
« - Emprunte le chemin qui part du centre du cercle et tu rencontreras quelqu’un qui a les qualités nécessaires pour juger. Moi, je ne suis pas ici pour cela ».


Une voix résonna alors dans son esprit.
« - Non, effectivement, tu n’es pas ici pour juger ce que j’ai fait de tes ancêtres. Tu as refusé mon offre généreuse. Apprête-toi à affronter mon courroux, esclave ! Ta destruction et celle de l’âme de cette petite clerc me donneront un contrôle total sur le nexus qui commande le passage entre les sphères. La ridicule tentative des Forces de la Création échouera. J’aurai alors le pouvoir de diriger les flux d’éther dans le multivers ! »


Une nouvelle ombre apparut devant Arslann.


Lui même.



Encore et toujours, je ne remercierais jamais assez ceux qui m'accompagnent dans la rédaction de cette saga, qu'il s'agisse de mes correcteurs ou de mes lecteurs.
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http://mefaust.free.fr/images/signatures/daoc/sign-arslann1.gif
Citation :
Publié par Mogamoth
j'ai loupé le dernier épisode, j'en etait resté au baiser volé... mais par contre ca me dit que je n'ai pas acces a la page en question quand je veux le voir :x

le lien est celui d'une page ou tu a edit ton post, donc comme moi je suis pas toi j'y ai pas acces, faut corriger le lien Le Champion :'(
Lien corrigé, merci de l'avoir testé.
Elles sont très belles les histoire de Gwodry...

Il a une grande imagination et des solides connaissances du jeu et mais aussi générales et le tout nous donne quelque chose de vraiment très agréable, à l'image de ce qu'est Gwodry...
C'est une personne que j'apprécie vraiment beaucoup....

/kisss Gwodry/Arslann

P.S. vivement la suite !!!!!!!!!!!!!!!!
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Bon j'ai repris mon pseudo, comme je ne troll pas sur TESO, j'ai le droit na !
 

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