(Bon voilou c'est le premier texte que je poste sur jol, et j'avais jamais pris autant de soin à développer une histoire, même si ce n'est pas mon premier essai, j'espère que ca vous plaira

)
Préface
Je dédie cet ouvrage à celle qui a changé ma vie, il y a de cela bien longtemps. Le monde a hélas bien changé depuis, j'aurais souhaité ne jamais voir cette évolution, et l'eternité est un lourd fardeau, mais c'était le prix à payer pour vivre ce que j'ai vécu. Je sens que mon heure approche, et je n'aurais pas de descendance, c'est pourquoi j'écris ceci, et que j'utiliserai les quelques énergies magiques dont je dispose encore pour protéger ce livre le plus longtemps possible, dans l'espoir sans doute vain qu'un jour quelqu'un le lira, comprendra, et se souviendra que jadis des créatures merveilleuses ont pu fouler cette terre.
Chapitre I
C'est en l'an 573 que commence mon récit. J'avais alors 17 ans, et j'habitais chez mes parents, dans le petit village de Sorpigal. Nous étions une famille de paysans tout ce qu'il y a de plus ordinaire, mon père était un solide campagnard, dur au labeur, et qui comptait bien sur moi pour le remplacer le jour venu. C'est d'ailleurs à cela qu'il me préparait, depuis ma plus tendre enfance, il m'enseignait les secrets de cette bonne vieille terre. Je n'avais jamais quitté le village, et ne connaissait pas grand chose du reste du monde, mis à part ce que colportaient les marchands ambulants et autres voyageurs de passage... L'hiver avait été clément et mon père était enthousiaste, ce serait une grande année de récoltes d'après lui. Je partageais sa bonne humeur, pourtant j'étais bien loin de penser que je ne verrais jamais la couleur de ce blé, que je semais avec toute la rigueur nécessaire.
Le repas de famille avait lieu au coucher du soleil, et ne durait guère longtemps, la nourriture n'étant pas très abondante, mais j'affectionnais ce moment où nous étions tous réunis autour de la vieille table de bois noueux, qui se trouvait déjà là du temps de mes arrières grands parents. Ce soir là le repas fût interrompu par le son de la clochette de la porte. Nous n'avions que très rarement de visites, en règle générale des voisins venus annoncer des nouvelles, rarement bonnes. La porte s'ouvrit bientot et à la grande surprise de mon père, il s'agissait d'une inconnue.
-"Bonsoir étrangère, que voulez-vous donc à cette heure tardive ?"
J'étais alors surpris par le calme de mon père qui malgré sa surprise évidente ne perdit pas un instant pour s'adresser à elle.
-"Bien le bonsoir brave homme. Je tiens à m'excuser de vous déranger, mais l'affaire est de la plus haute importance. Je souhaiterai m'entretenir avec Yvan, il s'agit bien de votre fils, n'est-ce pas ?"
Je sursautais en entendant mon nom. Pour la première fois, une "affaire" me concernait ! Même si je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attendait, j'étais satisfait que l'on demande à me voir, et cette femme mysterieuse ne faisait qu'accroitre mon impatience.
-"C'est bien mon fils, oui, il est juste là." répondit mon père en me faisant signe de venir, ce à quoi je ne me fis pas prier.
Il retourna à table et je me trouvais désormais seul avec l'inconnue. Elle s'inclina devant moi puis prit la parole tandis que je l'observais minutieusement.
-"Je me nomme Anya. Je ne peux pour l'instant pas te dire qui je suis, ni les raisons exactes de ma venue, mais tu vas devoir me faire confiance. Il va te falloir quitter cet endroit et m'accompagner, pour une durée que j'ignore encore. J'ai mis longtemps à te trouver, 17 années pour être exacte. Depuis le jour même de ta naissance je sais que tu es là, quelquepart, et depuis ce jour là je suis à ta recherche, mais le monde est vaste. "
Tandis qu'elle me parlait elle me fit signe de la suivre et nous marchions à présent sur le petit chemin caillouteux qui bordait le champ familial. La nuit était claire et sous la lumière bienveillante de la lune nous n'avions aucun mal à voir le sol.
-"Que sais-tu du monde qui t'entoure, au delà de ces champs, de ces collines, et de ton village ?"
La question me génait un peu. J'étais en effet bien obligé de reconnaitre mon ignorance, et je la regardais sans trop savoir quoi répondre. Elle ne m'en laissa de toute facon pas le temps, comme si elle avait deviné tout de suite ce que je pensais.
-"Si tu acceptes de m'accompagner, tu découvriras des contrées dont tu n'imagines même pas l'existence et des créatures plus merveilleuses que celles des contes que l'on te racontait lorsque tu n'etais qu'un nourrisson. Tu es destiné à une autre vie que celle que tu mènes ici, de ton choix dépend l'avenir de ce monde, je sais bien que tout cela te paraît absurde mais c'est pourtant vrai. Le temps presse, c'est pourquoi je ne peux pas t'en dire plus pour le moment, de grands changements vont se produire dans les décennies à venir, et c'est à toi qu'il appartient de faire qu'ils soient positifs ou négatifs."
Elle cessa de parler un moment, comme pour me laisser réflechir à tout ce qu'elle venait de dire. Depuis le début j'avais envie de lui poser de nombreuses questions, ou tout simplement de la laisser là et de rentrer chez moi, après tout pourquoi était-elle venue me donner envie de quitter ce village où j'étais si bien, et où je devrais rester toute ma vie ? Pourtant un petit quelquechose au fond de moi me disait qu'elle ne me mentait pas, que je devais avoir confiance en elle, et remettre mon avenir entre ses mains, alors qu'il y a à peine une heure je ne la connaissais pas.
-"Euh... Et si j'acceptais, quand le départ aurait-il lieu ?" me hasardais-je à lui demander.
Elle sourit, et pour la première fois je sentis que je pouvais vraiment avoir confiance en elle, une sorte d'aura de bienveillance se degageait d'elle, malgré son allure sombre.
-"Prépares quelques provisions et une gourde, nous partirons cette nuit. Ne dis rien à tes parents, ils ne te laisseront pas t'en aller sinon. je sais que ce sera difficile mais tu ne les reverras pas avant longtemps, je laisserai une lettre pour leur expliquer brièvement la situation, mais ils ne doivent rien savoir avant demain. Je t'attendrais devant chez toi ce soir, lorsque la lune sera à son zénith. Prends garde à ne pas les réveiller en sortant. Vas donc te reposer maintenant, une longue marche nous attend, et demain tu auras de plus amples informations sur la raison de ma venue."
Je hochais la tete en guise d'approbation et suivi ses instructions, excepté qu'il m'était impossible de trouver le sommeil tant je me posais de questions.
Chapitre II
A l'heure convenue elle m'attendait dehors, et nous partîmes en silence tandis que je jetais un dernier regard vers la maison qui m'avait vu naître. Elle marchait d'un pas assez lent, si bien que je n'avais aucun mal à la suivre, et le voyage ne serait guère fatiguant si elle continuait à ce rythme. Elle était vêtue, comme en début de soirée, d'une longue robe et d'une pelerine noires qui la recouvrait entièrement, si bien que l'on ne distinguait que son visage, dont la pâleur tranchait radicalement avec la couleur de ses vêtements.
-"Nous allons quitter cette région dans un premier temps, puis nous changerons de moyen de locomotion, cette longue marche a pour principal objectif de me permettre de t'expliquer certaines choses."
-"J'ai hâte de savoir enfin la cause de tout ce mystère."
-"Avant tout, tu es chrétien, n'est-ce pas ?"
-"Euh... oui bien sur, pourquoi ?"
-"Tu verras.. Chaque chose en son temps. Pour le moment, tu dois te poser plusieurs questions à mon sujet, je vais faire de mon mieux pour éclaircir un peu la situation bien que je ne puisse pas encore tout te dire. Avant tout tu dois savoir que ce que tu vas entendre à partir de maintenant pourra te paraître absurde, fou, totalement incohérent avec le savoir que tu as reçu au cours de ton education. C'est normal, mais tu t'apercevras vite que je ne te mens pas. Tout d'abord, saches que le monde est très vaste, et est peuplé par différentes races et civilisations, les humains ne constituent qu'une infime partie des êtres vivants. Au cours de notre voyage tu pourras justement rencontrer ces autres civilisations. Je ne suis moi même pas humaine, bien que j'en ai l'apparence, il ne s'agit que d'un sortilège de transformation."
Je me rappelais à ce moment précis les histoires dont j'avais entendu parler, au sujet de sorcières malfaisantes, de magiciens, de lutins, et toutes sortes de créatures issues des contes pour enfants.
-"Vous êtes une sorcière ?" dis-je un peu bêtement, sans trop savoir quelle réponse attendre.
-"Pas vraiment... Tout dépend de ce que tu entends par "sorcière". Les utilisateurs de la magie ne sont pas forcément des sorciers. La magie est partie intégrante de ce monde, même si beaucoup l'ignorent, car elle ne se révèle qu'à ceux qui savent l'utiliser. La magie est l'essence de tout, et elle se manifeste sous plusieurs formes. L'art de manipuler la magie se dérive en plusieurs "écoles" de magie, chacune étant specialisée dans un type de magie. Il y a ainsi les 4 écoles des éléments: le feu, qui regroupe essentiellement les pratiques de magie destructrice, l'eau, une magie plus polyvalente avec divers enchantements bénéfiques mais aussi de puissants sorts de controle de l'eau, et donc de sa puissance destructrice. Les deux autres éléments sont l'air et la terre, là encore il y a de puissants sorts offensifs et d'autres plus communs. Puis il y a les écoles de magies de la vie, la magie du corps vise au controle de la magie qui est en tout être vivant, que ce soit pour guérir ou renforcer l'énergie, ou bien pour détruire de l'interieur, et la magie du spiritisme qui concerne le contrôle des esprits. La magie de la mort est la nécromancie, elle est peu pratiquée car c'est la plus dangereuse, tant pour le mage que pour ses victimes. Enfin il y a les 3 écoles interdites, dont seuls quelques initiés connaissent l'existence. L'école de la lumière, celle de l'ombre, et enfin celle du néant. La première regroupe des sorts très puissants de guérison, de résurrection, de soin, mais aussi de frappe divine. La seconde est son opposée, ce sont les arcanes sombres dont le potentiel destructeur est sans égal. Enfin la troisième est la plus rare, et ses sortilèges ne sont voués qu'à l'annihilation pure et simple de toute forme de vie existante..."
-"Mais si vous êtes au courant de tout cela, c'est que vous faites partie des initiés dont vous parliez ? Et j'en fais partie aussi à présent ?"
-"Depuis bien longtemps il existe une sortie de gardien de la magie. Sa fonction est de faire perdurer le savoir et la connaissance de cette magie même si elle venait à régresser. Les gardiens ont une vie très longue, la magie les protège, mais ils ne sont pas éternels, si bien qu'il faut qu'ils trouvent en temps voulu leur descendant, celui qui les remplacera, sous peine que la magie ne finisse par disparaitre, ou que ne s'installe le chaos. Ainsi un nouveau né, choisi au hasard parmi les êtres vivants suffisament intelligents, bénéficie d'un potentiel magique superieur aux autres, il est destiné à être le successeur du gardien. Ce gardien se doit de trouver son successeur lorsque l'heure est venue. Le premier gardien était un vieux sage, qui a accompli sa mission avec rigueur et dévotion jusqu'à la fin de sa vie. Celle qui recut ses pouvoirs, à sa mort, était humaine et se nommait Eleane, elle devint donc la seconde gardienne, et elle était bien plus active que son ancêtre. Elle se mît en quête de toutes les magies existantes et elle devint de plus en plus puissante, et ses choix de plus en plus déterminants. Elle ne se contentait plus de veiller sur la magie, elle décida d'arbitrer également les conflits terrestres, et bien sur nul ne pouvait lui resister, sa connaissance de la magie dépassant de loin les peuples existant alors."
Elle marqua un temps d'arrêt, laissa échapper un soupir puis reprit son récit.
-"Il y a 3 "plans" d'existence. Le plan des mortels, dans lequel nous sommes, le plan divin, que les mortels appelent "paradis" et dans lequel se trouvent les anges, fées, archanges et autres êtres "purs" qui sont généralement qualifiés de bienveillants, et enfin le plan de l'au délà, surnommé "enfer" où résident les démons et autres créatures "malveillantes". A la mort d'un être vivant, son âme passe dans l'un de ces deux plans. Il est impossible pour un être vivant d'entrer dans l'un de ces plans, excepté en utilisant de puissants sortilèges de teleportation. C'est précisement ce que fît Eleane. Plus le temps s'ecoulait, et plus elle sombrait dans la folie, elle entra par la suite dans le plan divin, persuadée qu'elle parviendrait à s'emparer de la cité divine et à détruire celui que vous autres mortels appelez Dieu, et qui est en réalité l'entité magique superieure, père de tous les êtres vivants dans ce plan. Son entreprise se solda par une bataille que l'on dit avoir duré plusieurs jours, nul ne sait exactement ce qui a pu se passer ni l'étendue des énergies magiques deployées à ce moment là, mais l'on dit que ce fût la plus grande bataille magique ayant jamais eu lieu. Finalement Eleane fût gravement blessée et parvint de justesse à sortir du plan divin et à transmettre ses pouvoirs pour qu'un nouveau gardien la remplace. Il s'agissait à nouveau d'une gardienne... et c'est moi."
J'étais trop abasourdi par tout ce que je venais d'entendre pour dire quoique ce soit. Elle comprit visiblement que j'avais besoin de réaliser un peu tout ce que j'avais appris, aussi tandis que le soleil se levait doucement à l'horizon, elle me laissa me reposer un moment sur une souche d'arbre, sans rien dire.
-"Je commence à mieux comprendre..." dis-je à mi voix pour me remettre un peu les idées en place.
-"J'en suis ravie, car tu es le prochain gardien !" dit-elle en me souriant.
Je mis un certain temps à réagir. Je profitais de la lueur du jour pour l'observer, comme pour m'assurer que je ne rêvais pas. Il était impossible de lui donner un âge, elle avait le visage d'une jeune fille et pourtant on pouvait sentir qu'elle avait déjà vécu bien longtemps. Elle était d'une beauté inquietante, et semblait tout savoir avant même que l'on ne dise quelque chose, enfin c'est en tout cas l'impression que j'avais depuis que j'etais en sa compagnie.
-"Allons, remettons nous en route, nous sommes bientôt arrivés."
Je n'avais jusque là pas fait attention du tout à la route que nous suivions, dans un premier temps à cause de la nuit, mais aussi car je l'écoutais attentivement et que mon esprit était de plus en plus embrumé. Le petit jour aidant, je me rendis compte que nous nous dirigions vers une grande forêt, et que nous avions parcouru plus de chemin que je ne le pensais, je ne reconnaissais en rien ce paysage, et mon village n'apparaissait même pas à l'horizon.
-"Comme je le disais donc, tu recevras mes pouvoirs lorsque mon heure sera venue. Mais ce n'est pas pour tout de suite je te rassure, je vais auparavant t'enseigner et te montrer tout ce qu'il faudra pour que tu deviennes apte à recevoir cette magie. Hélas les temps ne sont pas vraiment propices pour cela, comme je te le disais hier soir, de grands changements vont se produire. Le monde tel que nous le connaissons est menacé de disparaître dans un avenir plus ou moins proche si nous ne réagissons pas. Nous allons devoir mener une grande bataille, une bataille pour préserver la vie telle que nous la connaissons. Et l'ennemi qui nous menace est si dangereux que je ne pourrais pas l'affronter seule, c'est le but de note voyage, nous allons rencontrer un par un les chefs de toutes les civilisations et peuplades suffisament intelligentes pour nous aider le jour venu, et essayer de les convaincre d'aller combattre à nos cotés."
Un frisson parcoutu ma colonne vertebrale en entrant dans cette vaste foret, peut être à cause de l'aspect sinistre de ces arbres centenaires, ou peut être car mon imagination allait bon train en l'écoutant. Je me hasardais toutefois à demander quel était cet ennemi en question, même si je craignais la réponse.
-"Il se trouve sur une autre planète, bien loin de nous. Il a de grands pouvoirs, et une armée de créatures qui se nourrissent de destruction et s'abreuvent du desespoir de leurs victimes. Ils n'ont pour but que de détruire la vie et d'imposer la désolation, leur planète n'est que ruines depuis bien longtemps, et le jour venu ils ouvriront un portail magique pour envahir ce monde. Je ne peux pas t'en dire plus pour le moment car moi même je n'en sais pas énormement sur eux, nul n'a jamais pu se rendre dans leur monde et en revenir, mais je sais qu'ils débarqueront d'ici une trentaine d'années, c'est pourquoi il faut nous hâter de nous préparer."
-"30 ans ! ca laisse largement le temps, non ?"
-"Ca peut paraître beaucoup à l'echelle d'une vie humaine mais c'est en fait infime. Pour te donner une idée de l'ampleur, saches que cela fait plusieurs milliers d'années que je parcours ce monde, et que de nombreuses créatures vivent plusieurs centaines voir milliers d'années."
C'est à ce moment là que je pris vraiment conscience du fait que je n'étais qu'un petit grain de sable à l'échelle de la vie.
-'Nous arrivons." dît-elle en designant une petite clairière au milieu de la forêt où nous nous trouvions.
Une fois au milieu de la clairière elle fit quelques gestes tout en marmonnant des mots inconnus. Puis au bout de quelques instants une sorte de fumée multicolore apparut quelques mètres devant nous. Sans le savoir, je venais d'assister pour la première fois à une démonstration de cette magie dont elle me parlait depuis des heures.
Chapitre III
-'"Viens !" dit-elle en souriant tout en me tirant par la main en direction de la fumée.
Un nouveau frisson m'envahit lorsqu'elle me saisit, pour la première fois j'entrais en contact physique avec elle, et sa main était froide, comme si il n'y avait aucune vie en elle. Je fermais les yeux tandis que j'avancais dans la fumée à ses cotés, sans savoir ce qui allait se produire. Je ne sentais rien, et quelques secondes plus tard j'ouvrais les yeux pour m'apercevoir que le décor avait changé, nous étions dans une vaste plaine d'herbe courte, et à l'horizon je pouvais distinguer un village duquel s'echappait un peu de fumée, probablement des cheminées.
-"Nous sommes passés par un portail magique de teleportation."
-"C'est... rapide... Je ne m'attendais pas à ça..."
-"Voila notre première destination, nous allons rencontrer des centaures. Ce sont des créatures assez hostiles aux visiteurs, ils sont mi-hommes mi-chevaux et ont un modèle de societé semblable aux humains. Ca devrait bien se passer, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer leur chef, j'irais m'entretenir avec lui, pendant ce temps tu pourras observer le village et leurs coutumes, il faut que tu apprennes à connaitre tous les peuples, tu devras peut être traiter avec eux seul, un jour..."
-"Allons-y, je suis curieux de voir ca !" dis-je avec enthousiasme.
Elle ne s'attendait visiblement pas à autant d'entrain de ma part, et nous partîmes d'un bon pas vers le village.
Il n'était guère accueillant, entouré de hautes palissades faites de troncs d'arbres, avec plusieurs tours de garde à intervalles réguliers. Les centaures étaient des créatures imposantes, et effectivement peu acceuillantes, les deux gardes à l'entrée prirent soin d'exhiber leurs longues lances avant de nous demander ce que l'on venait faire ici. Ils avaient le corps d'un cheval et le buste et la tête d'un homme, et couraient assurement plus vite qu'un humain. Tandis que je les dévisageais, Anya leur expliquait le motif de leur visite. Après une courte concertation ils ouvrirent les deux grandes portes de la palissade, laissant apparaitre à nos yeux la cité. Un garde nous emmena chez le chef de la tribu, à l'entrée de la hutte, Anya me confia à un des centaures qui serait mon guide pour visiter le village. L'architecture etait assez semblable à celle que je connaissais, excepté que les maisons étaient adaptées à la morphologie centaure. Le guide m'expliqua vaguement l'histoire du village, et surtout que les centaures étaient autrefois les esclaves des humains, d'où une certaine hostilité vis à vis de ces derniers. Nous passâmes quelques heures à flaner dans les diverses rues de la petite ville, puis finalement Anya ressortit de la hutte, visiblement satisfaite, et après avoir salué et remercié mon guide, nous reprîmes la route vers notre seconde destination.
-"Il n'était guère motivé mais j'ai pu le convaincre de se joindre à nous, les centaures seront des alliés appreciables, ce sont de bons combattants, c'est le chef de la tribu la plus importante, je pense qu'il saura rallier les autres à notre cause."
-"Et où allons-nous à présent ?"
-"Nous allons rendre visite aux Meduses."
-"Aux...quoi ?"
Elle sourit, comme à son habitude lorsque je démontrais mon ignorance.
-"Les meduses sont un peuple un peu spécial... il s'agit en fait d'humaines, qui il y a bien longtemps, ont subi une puissante malediction. Depuis ce temps là elles sont devenues aussi proches des serpents que des humains. Elles vivent en communauté réduite et évitent de se montrer, de nombreuses légendes courent à leur sujet, je sais pour ma part que la plupart sont fausses. Elles sont assez pacifiques et leur peuple est voué à l'extinction, du fait qu'elles n'ont pour tout moyen de reproduction qu'un procedé magique qu'elles ont découvert, mais qui ne peut assurer la diversité de l'espèce. Elles survivent donc autant que possible et leur sort n'est guère enviable, malgré tout elles sont très acceuillantes avec ceux qui savent les comprendre et les respecter, et ce sont d'excellentes archères."
J'etais assez impatient, le village était à environ une demie journée de route, nous y serions le lendemain. La fatigue commencait à se faire sentir et une bonne nuit de sommeil s'imposait à mon esprit troublé par toutes ces nouveautés.
Chapitre IV
Nous repartîmes à l'aube, et tandis que je finissais mon quignon de pain, je pensais soudain que je n'avais pas vu Anya manger ou boire depuis que nous étions partis, et qu'elle n'avait pas l'air fatiguée du tout. Plus le temps passait et plus je me posais de questions sur ce qu'elle était vraiment. Finalement c'est sur le coup de midi que je pus apercevoir le village. Il consistait en une quinzaine de huttes, deux petites tours de guet, et une grosse hutte centrale qui devait etre celle du Conseil des sages dont m'avait parlé Anya un peu plus tôt dans la matinée. Au fur et à mesure que nous approchions je pouvais distinguer les silhouettes des habitantes. Elles étaient bien plus étranges que les centaures. Le haut de leur corps était celui d'une femme, et se transformait en celui d'un serpent au niveau du nombril, par conséquent elles se deplacaient en rampant avec la partie reptilienne de leur corps, qui était assez longue et epaisse, tout en restant droites avec la partie "humaine". Malgré cela en m'approchant je constatais que leur peau était en fait constitué de petites ecailles lisses, ce qui leur donnait une couleur gris-vert, voir bleutée chez certaines. Mais le plus étonnant était leur chevelure, qui semblait constitué non pas de cheveux mais des corps de centaines de serpents de toutes les tailles, chaque corps étant terminé par une petite tête. La majorité d'entre eux retombaient sur leur dos, inanimés, comme des cheveux, alors que certains, sur le devant et sur les cotés se redressaient parfois, et ouvraient leur yeux, vous scrutant avec leurs petites pupilles jaunes. L'ensemble donnait une impression de mouvement permanent, d'ondulation dans cette étonnante chevelure, qui bien qu'effrayante au premier abord, était somme toute assez esthetique et se comportait comme de vrais cheveux, avec ca et là des mèches ou des longueurs différentes qui harmonisaient l'ensemble.Le mode opératoire fût le même que chez les centaures, et tandis qu'Anya s'entretenait avec les hautes autorités locales, j'arpentais le village en compagnie d'une guide.
La meduse qui m'accompagnait se nommait Melina, et semblait bien plus génée d'être en ma compagnie que l'inverse, ce qui serait pourtant logique. J'éprouvais en effet une certaine sympathie pour ces êtres malgré nos différences, et à mon grand étonnement, je trouvais même ma guide charmante. Après deux ou trois heures nous avions fait le tour complet du village et elle semblait bien embarassée, ne sachant trop quoi faire pour passer le temps. Je l'interrogeais donc sur plusieurs points qui me tracassaient depuis que j'etais entré dans le village. Elle m'expliqua ainsi que leur "chevelure" était leur seul moyen de défense naturelle. Elles ne pouvaient en effet pas courir, grimper ou même nager suffisament bien, n'avaient aucune griffe ou arme naturelle, excepté tous ces petits serpents, capables en cas de danger de tous se dresser autour de leurs visages et de paralyser par simple morsure. Nous allâmes nous promener au bord du petit lac, près du village, jusqu'à la nuit tombée. Lorsqu'enfin Anya sortit de la hutte, la lune était déjà assez haute. Elle y avait passé plusieurs heures, et devant mon inquiétude apparente, elle se contenta de rire un moment.
-"Pas la peine de t'inquieter, si j'ai été si longue, c'est tout simplement car j'ai retrouvé de vieilles amies... nous allons rester ici pour la nuit, à vrai dire je n'ai même pas commencé à leur exposer la raison de notre visite, je le ferais demain matin, nous partirons sans doute en milieu d'après midi. Profites donc de cette nuit pour te reposer dans un bon lit. Deux huttes inoccupées sont mises à notre disposition."
L'idée ne me déplaisait pas et c'est donc satisfait que j'allais rejoindre ma paillasse, toutefois, tard dans la nuit, ne trouvant plus le sommeil, je décidais d'aller faire une petite promenade nocturne près du lac. La lueur de la lune se refletait dans les eaux calmes, et je n'avais guère de mal à retrouver mon chemin vers un tronc d'arbre mort que j'avais reperé dans la journée, je m'y asseyais donc et me mis à réflechir à tout ce que j'avais vu depuis que j'étais parti. Mes réflexions nocturnes furent de courtes durées, quelques minutes plus tard un petit bruit à mes cotés me fit détourner la tête, et à ma grande surprise je trouvais là Melina.
-"Tu m'as suivi ?!"
-"J'avais du mal à dormir et j'ai entendu du bruit dans le village, je t'ai vu partir vers le lac, je suis venue voir ce que tu faisais..." répondit-elle, génée.
-"Oui je venais réfléchir un peu, au calme."
-"Désolée de t'avoir derangé, je m'en vais."
-"Non, restes, je préfère."
Elle s'installa à ma droite.
-"Si tu te poses des questions auxquelles je pourrais apporter une réponse surtout n'hésites pas à me demander." me dit-elle en souriant
-"A vrai dire, je me demande surtout qui est vraiment Anya, elle ne me l'a toujours pas dit, comme si elle me cachait quelquechose... Je lui fais confiance mais j'avoue avoir des doutes des fois, j'ai un peu peur sur ses veritables intentions, elle semble prendre tout cela très à coeur, peut être un peu trop... Enfin je dois me faire des idées, je serais bien mal placé de la juger alors que j'ignore tant de choses..."
-"Si tu veux vraiment savoir je peux te dire ce que je sais sur elle."
-"Je ne voudrais pas t'attirer d'ennuis.. Je doute qu'elle apprecie que tu m'en racontes trop."
-"Ne lui dis pas tout de suite que je te l'ai raconté. Après de toute facon, je ne craindrais plus grand chose..."
Elle soupira en disant cette dernière phrase, et je ne compris pas trop ce qu'elle voulait dire par là.
-"C'est toi qui vois."
-"En fait.. elle n'a pas de mauvaises intentions, enfin ca m'etonnerait qu'elle en est, elle a toujours fait du mieux qu'elle pouvait pour aider tout le monde, du moins à ce que j'en ai entendu dire. Elle venait souvent nous rendre visite avant. Si elle ne t'a pas dit ses origines... C'était surement pour pas te faire peur."
-"Ah..?"
Cela confirmait ce que je pensais, et j'attendais avec impatience la suite, ma curiosité prenant le pas sur mon honnêteté.
-"C'est une succube." me dit-elle à voix basse comme si le simple fait de prononcer ce mot pouvait lui attirer des ennuis.
-"Une quoi ?" lui dis-je en toute incredulité.
-"Tu as beau être curieux, je doute que tu en saches assez sur ce qui t'entoure pour te permettre d'enquêter derrière mon dos."
Je sursautais en entendant la voix qui venait de derrière moi, et en me retournant j'apercus... Anya, qui se tenait debout, passablement agacée de me trouver là. Je n'en menais alors pas large, et Melina non plus.
-"Pas la peine de me regarder comme ca, de quoi avez vous peur ? Ce qui est dit est dit, et de toute façon je comptais t'expliquer tout ca dans la journée, Yvan. Mais visiblement tu n'as pas attendu...Ce n'est pas vraiment l'heure pour se lancer dans une discussion, lis donc ce livre, tu en sauras un peu plus, je te raconterai la suite plus tard" dit-elle tout en sortant de sous sa pelerine un gros ouvrage qu'elle me tendit.
Tout en saisissant le volume je me rendis compte qu'une légère lueur jaunâtre se dégageait des pages, permettant de le lire malgé qu'il fasse encore nuit. Tandis qu'Anya repartait aussi silencieusement qu'elle était venue, je me penchais avec Melina sur la couverture où était inscrit en grosses lettres le mot DEMONOLOGIE. Il s'agissait en fait d'une sorte de dictionnaire de toutes les espèces de démons et assimilés que l'on pouvait rencontrer. Je feuilletais donc avec curiosité, pour chaque créature il y avait une illustration et un petit descriptif assez instructif. Devant ces êtres tous plus répugnants les uns que les autres j'apprehendais un peu d'arriver à la lettre S et je n'osais imaginer quelle atrocité pouvait être en réalité cette jeune femme aux traits d'ange. Après une bonne heure de lecture j'arrivais finalement à la page sur les succubes. L'illustration était celle d'une femme avec des sortes d'ailes de chauve souris dans le dos, elle était vetue de cuir et portait une barrette dans les cheveux avec un symbole dessus en forme d'etoile rouge sombre.
Je poussais toutefois un soupir de soulagement car si les succubes ressemblaient bien à ca, elles etaient plus attirantes qu'effrayantes.
J'entamais la lecture de la description.
SUCCUBE: Les succubes comptent parmi les démons les plus puissants peuplant les enfers. Elles sont les filles directes de Lilith, et ont une grande affinité naturelle pour la magie. Comme la plupart des démons ce sont des créatures de feu et elles ne craignent donc pas cet élement, les succubes sont en plus capables de voler et de combattre assez violemment au corps à corps, leur nature humanoïde leur permettant d'utiliser toutes les armes, mais elles préferent en règle générale les lames de contact. Elles ne portent pas d'armure, au mieux du cuir, mais il leur sert plus à séduire qu'à se protéger. C'est en effet ce qui les rend les plus dangereuses, les succubes sont l'incarnation même du peché de luxure, leur seul but est d'attirer et de séduire les hommes, que ce soit par leur aspect physique attirant, par leur baiser, qui peut rendre fou ou même tuer, ou par leurs chants, similaires à ceux des sirènes, qui ensorcèlent les humains. Les succubes sont les démons les plus intelligents et les plus sournois, heureusement elles sont assez peu nombreuses et nulle n'a été vue depuis fort longtemps. D'aucuns disent qu'une seule succube peut séduire une armée entière et la convaincre de détruire son propre royaume avant que les soldats ne s'entretuent eux même pour obtenir les faveurs de la démone. Quiconque goûte aux charmes d'une succube s'expose à une mort aussi soudaine qu'atroce, les succubes n'hésitant pas à aspirer l'essence de leurs victimes, et à entraîner leurs âmes dans les tréfonds des cités infernales, dont elles sont par ailleurs les gouvernantes. Contrairement aux autres démons, elles n'hesitent pas à agir en solitaire, sures de leur force. leurs pratiques les plus courantes consiste à entrer la nuit dans la chambre d'une victime et si celle ci succombe à leur charmes, de lui faire subir mille tourments jusqu'au petit matin. Il est dit que les hommes qui ont réussi à résister à une succube et à ne pas sombrer dans la folie sont épargnés car ils ont prouvé leur valeur. Les succubes sont en général très mefiantes à l'égard des femmes et n'hésitent pas à les tuer sans aucune autre forme de céremonie si elles viennent à leur faire concurrence. Leur caractère est assez complexe, elles sont capables d'etre jalouses vis à vis d'une femme ou même d'une autre succube, et il arrive même que certains succubes soient totalement pacifiques voir bienveillantes, ou décident de quitter leur enfer natal pour vivre incognito dans notre monde. Il est justement assez difficile de se débarasser d'une succube, de part leur aptitude à la transformation. Il n'y a aucun moyen fiable de se défaire d'une succube si elle a jeté son dévolu sur vous, excepté de ne jamais l'embrasser, et d'eviter autant que possible de céder à ses avances, plus vous lui resisterez et plus il y a de chances qu'elle vous juge suffisament "vertueux" pour être epargné.
Melina sembla pensive, tandis que je refermais le livre, plutôt satisfait. Tout laissait à penser qu'Anya était l'une de ces rares succubes "bienveillantes", et elle n'avait pas montré la plus petite intention de vouloir me séduire par quelconque moyen que ce soit...
-"Tu sais qui est cette Lilith dont ils parlent au début ?" lui demandais-je, toujours aussi incrédule.
-"C'est la reine des enfers, celle que certains appelent "le diable"."
-"Je vois... Ainsi Anya serait l'une de ses filles directes...ca me fait froid dans le dos rien que d'y penser..."
Le cercle rougeoyant du soleil commencait à faire son apparition au loin, et la nature s'éveillait lentement autour de nous.
-"Je dois partir à la chasse aujourd'hui, tu seras parti avant mon retour, aussi je préfère te donner ceci maintenant, tu en auras plus besoin que moi."
Elle enleva délicatement le collier qu'elle portait, et me le passa autour du cou avant même que je ne réponde. Il s'agissait d'un petit medaillon en métal argenté, orné de symboles, et il pendait au bout d'une fine chaine du même métal, qui pourtant semblait très solide.
Je ne savais trop que dire et je balbutiais un simple "merci" tant j'étais surpris, je ne savais pas à quoi servait ce collier au juste, pourtant j'étais heureux qu'elle me l'ait offert.
-"Gardes le toujours autour de ton cou, il te protègera comme il m'a protegée tout ce temps."
-"Pourquoi ne le gardes tu pas alors ? Et de quoi te protegeait-il ?"
-"Tu le verras par toi même en temps voulu."
Nous restâmes un moment à regarder le soleil s'elever sur l'eau calme du petit lac.
-"Quel dommage que nous soyons si différents." dit-elle en soupirant.
En me retournant vers elle je vis une larme couler sur sa joue. Je saisis alors ses mains entre les miennes..
-"Tu es peut être différente, mais qu'importe." lui dis-je en souriant.
Le cor de la chasse retentissait au loin, les autres l'attendaient, je la serrais une dernière fois dans mes bras avant de la regarder s'en aller, en me promettant de revenir ici dès que je le pourrais.
Chapitre V
Au milieu de l'après midi Anya me fit signe qu'elle avait terminé, et que les méduses avaient accepté de nous aider. Nous repartîmes donc, en silence, vers la destination suivante. L'atmosphère était pesante, mon regard vis à vis d'elle avait changé, plus ou moins inconsciemment. En réalité, je pensais d'avantage à Melina qu'à ce que j'allais devenir. J'avais eu l'impression qu'elle me cachait quelquechose, et cela me tracassait. J'etais ainsi plongé dans mes pensées, et je marchais sans vraiment faire attention à ce qui m'entourait, jusqu'à ce qu'Anya me ramène brusquement à la réalité en me disant que la route devenait dangereuse, et qu'il fallait rester sur nos gardes, car de nombreux bandits et maraudeurs guettaient les voyageurs. La route devenait de plus en plus agréable tandis que nous entrions dans les provinces d'Albion. J'avais déjà entendu ce nom là, il y a longtemps, dans la bouche d'un marchand. Anya, comme à son habitude, prit le temps de m'expliquer qu'il s'agissait d'un royaume d'humains autrefois très puissant, et qui malgré son déclin, principalement dû aux attaques de royaumes voisins, restait le symbole de la gloire des humains. Je me sentais plus en securité à l'idée de rejoindre une societé proche de ce que j'avais connu. A la nuit tombante, elle décida qu'il serait plus sage de s'installer un peu à l'écart de la route, je m'endormais donc paisiblement, tandis qu'elle montait la garde, le fait qu'elle n'ait pas besoin de dormir facilitant la répartition des tours de garde.
-"Reveilles-toi !" me cria Anya d'une voix ferme.
J'étais complètement perdu, il faisait encore nuit, et mes yeux fatigués ne me permettaient pas encore de distinguer ce qui m'entourait, je voyais de la lumière par à coups et des cris tout autour de moi. Après quelques secondes de brouillard total je finis par la trouver, mais en m'approchant je me rendis compte qu'il régnait une chaleur intense tout autour, si bien qu'il me fallut reculer de quelques pas sous peine de voir mes vêtements s'embraser.
En me retournant je commencais à comprendre, il devait y avoir 5 ou 6 hommes, probablement des brigands, qui couraient en tout sens en hurlant, pris dans une vértiable tempête de flammes. Le feu jaillissait du sol, l'air s'embrasait et des boules de flammes ardentes traversaient l'air en tout sens. Instinctivement j'entrepris de m'aplatir au sol en attendant que tout se calme, mais Anya semblait bien determinée à déchainer sa puissance sur ses ennemis. Le spectacle était atroce et dura de longues minutes, jusqu'à ce que plus aucun son ne se fit entendre, excepté celui de la combustion des corps et des plantes proches de ceux ci.L'obscurité reprenait peu à peu ses droits, et un silence de mort s'installa dans la plaine.
-"Tu n'as rien ?" me demanda-t-elle en posant sa main sur mon épaule.
-"Non... Mais... Que s'est-il passé ?"
-"Ils comptaient nous attaquer. Dommage pour eux."
Le ton était sarcastique et en me retournant, je n'éprouvais que de la peur. Ce n'etait plus le regard bleu azur d'Anya que je rencontrais à ce moment là, celui de la succube l'avait remplacé, un regard sombre et cruel, rouge orangé comme le feu qui l'animait, et des pupilles d'un noir si profond que l'on aurait dit une fenêtre sur le néant.
Je retournais sur ma paillasse mais sans trouver le sommeil. Les cris de terreur de ces hommes résonnaient toujours dans ma tête, et lorsque je fermais les yeux je ne voyais que ces flammes, si puissantes, et si dociles entre les mains de leur maitresse. J'accueillis le petit matin comme une délivrance, et sous les premiers rayons du soleil je pus constater que le sol était calciné à plusieurs dizaines de mètres autour de nous, les corps n'etaient plus que poussière, tant le brasier avait été intense.
-"J'imagine ce que tu peux ressentir. C'est une fin horrible pour ces pauvres hères, mais n'oublies pas qu'ils venaient pour nous depouiller, et probablement nous tuer. Il faudra te faire une raison, tu devras te battre, et vaincre tes adversaires, ou ta vie sera bien courte."
Même si cela me dégoutait de l'admettre, elle avait raison. La matinée se déroula sans encombres, et la vue d'un panneau indiquant que Camelot n'etait plus très loin me remonta le moral.
Le petit village de Cotswold était plutôt paisible, et les paysans ne firent guère attention à notre arrivée. Les remparts de Camelot était magnifiques, et je ne me lassais pas d'admirer ces hautes murailles de pierre blanche. La voix autoritaire du garde du pont me fit sursauter.
-"Halte ! Qui êtes-vous, et que venez-vous faire à Camelot ?"
Je pensais que tout irait sans encombre mais à ma grande surprise Anya n l'entendait pas de cette oreille.
-"Voila un bien piètre accueil, la grande Camelot n'est décidément plus ce qu'elle était. Annoncez Anya à votre Roi, et dites lui que je souhaite le voir le plus rapidement possible, pour une affaire importante."
Le garde interloqué hésita un moment puis éclata de rire.
-"Et bien vous ne manquez pas d'audace, étrangère ! Allez ca ira pour cette fois, filez avant que je ne vous mette au cachot, et estimez vous heureuse que mon sergent ne soit pas là."
-"Il me semble que vous n'avez pas bien compris. J'ai fait la route jusqu'ici pour m'adresser au Roi en personne, et si vous ne comptez pas m'y aider, dans ce cas j'irais moi même, mais je serais fort navrée de devoir rompre la tranquilité de ce village. Aussi je vous prierai d'aller expliquer à vos superieurs de prévenir le Roi de mon arrivée."
Le garde, surpris par le ton menacant, s'arrêta un instant pour réfléchir, puis se mit en route vers le rempart pour colporter la nouvelle.
-"Euh, vous comptiez vraiment attaquer Camelot seule ?" demandais-je timidement à Anya dont l'attitude m'inquiétait de plus en plus.
-"Bien sur. Je ne supporte pas que l'on me traite de cette façon, ces pauvres imbéciles se croient forts derrière leurs remparts, leurs armures et leurs boucliers, alors que leur précieuse forteresse n'est qu'un fétu de paille. Je n'apprecie guère le successeur d'Arthur, et les négociations risquent d'être difficiles, c'est pourquoi tu resteras avec moi cette fois-ci, et ne crains rien, j'ai pris le soin de préparer toutes les magies protectrices necessaires, rien ne pourra te toucher."
Sans trop comprendre ce qu'elle entendait par là, je lui fis confiance, je n'avais de toute facon guère le choix, et c'est donc avec anxieté que j'entrais dans la ville après que le garde se soit excusé et nous ait ouvert le passage.
Anya marchait d'un pas rapide dans les ruelles pavées, ne me laissant qure quelques minutes pour apprecier l'architecture locale, et rêver devant les vitrines des nombreuses boutiques.
Je fus surpris d'apprendre que le Roi nous accordait audience immediatement, et un capitaine de la garde royale nous accompagna jusqu'à la salle du trône. Elle correspondait à l'idée que je m'en faisais, grande, majestueuse, richement decorée, comme elle se devait de l'être. Le Roi, un vieille homme d'apparence assez robuste, sans doute un ancien chevalier, nous attendait, en compagnie d'un homme d'Eglise et de celui qui devait être son intendant.
Anya avanca sur le grand tapis rouge qui allait de l'entrée au trône, et s'arrêta à quelques mètres du Roi, en inclinant légèrement la tête pour le saluer. La coutume veut que l'on mette un genou à terre et que l'on baisse entièrement la tête, ce que je fis naturellement, mais visiblement elle ne semblait pas decidée à se soumettre à cet individu.
-"Anya... Voila bien longtemps que nous ne sommes plus vus. Quelle brise sinistre vous a donc ramenée en Albion ?"
-"Le vent de la guerre. Et cette fois les remparts de Camelot ne lui résisteront pas. Un grand péril nous guette tous, c'est pourquoi je parcours le monde pour m'entretenir avec tous les chefs de toutes les tribus et royaumes existants, afin de constituer une coalition de tout ce qui est capable de porter les armes et de se battre, car nous en auront besoin. Je viens donc demander le soutien d'Albion dans cette entreprise. Il faudra mettre de cotés les différents qui vous opposent aux autres, et combattre aux cotés de vos ennemis, dans un but commun, celui de préserver ce que vos ancêtres ont construit depuis des générations, et de faire que la vie puisse continuer dans les siècles à venir."
Le Roi caressa sa barbe quelques instants.
-"Je sais que mon prédecesseur vous faisait confiance. Mais à mes yeux il se trompait, vous n'avez su qu'amener la désolation partout où vous êtes passée, et aujourd'hui vous venez nous demander de l'aide ? Je crains que vous ne vous soyez trompée d'endroit, nous sommes les fils de Dieu, et jamais nous ne pactiserons avec un démon ! Albion n'aura nul besoin de vous pour affronter son destin, et nous mourrons si il le faut, mais dans l'honneur et la fierté du devoir accompli, et non pas aux cotés de ce que nous combattons depuis toujours. Ce serait une insulte vis à vis de nos pères que de nous unir à vous. Sortez maintenant et ne vous avisez plus jamais de revenir ici !"
Le prêtre qui se tenait à ses cotés sembla approuver.
Je m'appretais à tourner les talons sans insister devant ce refus net et non négociable, en ésperant qu'Anya en ferait autant, mais elle ne semblait pas prête à lever le camp.
-"Pauvre fou ! Tu es aveuglé par ta foi stupide et endormi par les paroles de ces prêtres plus sournois les uns que les autres ! Ouvres donc les yeux et regardes ce qu'est devenue Albion ! Il n'y a plus que des paysans incrédules dont le seul souci est de survivre au lendemain, et qui croient tout ce que l'Eglise peut leur dire, et tes chevaliers, ah ! Les paladins d'Albion, où sont-ils ? Il ont une foi inébranlable, tant que la solde que leur remet l'Eglise est suffisante, mais ils oublient bien vite leurs serments lorsqu'il s'agit de risquer leur vie ! Ce n'est pas toi qui controle Albion, tu n'es qu'une marionette entre les mains du clergé, et Albion court à sa perte. Vos routes ne sont pas sures, le peuple est malheureux, vos remparts en ruine et vos chevaliers de légende dans une taverne !"
J'etais impressionné tant par l'energie qu'elle mettait dans ce plaidoyer inattendu, que par son allure devenant de plus en plus menacante, je sentais que la succube prenait de nouveau l'ascendant sur Anya, et je me rememorais alors les scènes de la nuit precedente en souhaitant de tout mon coeur ne pas revivre cela. Hélas, le prêtre ne fit qu'aggraver l'état des choses en l'interrompant...
-"Ca suffit ! Retournes en enfer, Démon ! Gardes ! Elle blasphème votre foi et insulte votre Roi ! Montrez lui que nul ne peut défier Albion !"
J'etais étonné du ton autoritaire du prêtre, et surtout du fait que le Roi restait totalement passif. Anya avait sans doute raison, ce pauvre bougre était manipulé par son entourage à son insu. Le garde de faction à l'entrée fit raisonner son cor dans les murs de la forteresse et en quelques instants tous les gardes se précipitèrent au secours de leur Roi. Le prêtre hurlait avec frenesie des formules latines, peut être des prières, je ne savais pas trop, et à grands renforts de gesticulations semblait vouloir lancer un sort, sans grand succès apparement. Je ne m'etais pas rendu compte qu'à mes cotés, Anya était redevenue comme lors de l'attaque des bandits, et ses yeux de braises fixaient désormais le prêtre. Elle restait immobile, les bras faiblement écartés, paumes vers le ciel, comme pour faire venir à elle les énergies dont elle avait le secret. Au moment où les premiers gardes allaient abattre leurs lames sur elle, une sorte de vague circulaire prit naissance autour d'elle et se propaga dans toute la pièce. Je ne sentis absolument rien, à la différence des 6 gardes qui tombèrent inanimés.
Le Roi s'etait levé, mais ne disait rien, tandis que l'intendant avait pris la fuite et que le prêtre continuait à essayer de lancer son sort à coté.
Anya n'avait pas cessé de fixer le prêtre, et à peine les gardes mis hors d'état de nuire, elle tendit sa main droite en sa direction, la paume face à lui et les doigts ecartés. Il n'y avait rien de visible, excepté que le prêtre semblait pris de spasmes et de convulsions, il tentait de lutter, mais finit par tomber à genoux, fou de douleur, son visage était crispé et il se tenait la gorge comme si l'air venait à lui manquer. le Roi s'était precipité à ses cotés mais ne pouvait rien faire qu'assister impuissant à la souffrance de con conseiller. Ce dernier rendit l'âme quelques secondes plus tard, un silence sinistre s'installa dans la vaste salle. Le Roi était desormais retourné vers Anya, la main sur la garde de son épée, il semblait plus solennel et resigné que jamais, prêt à livrer son dernier combat, même si il n'avait aucune chance de l'emporter.
-"Vois, la gloire de ton royaume. Rengaines ton arme, il y a déjà eu assez de sang de versé inutilement. J'espère que tu auras la sagesse de tirer des leçons de ceci."
Elle tourna les talons et me fit signe de la suivre. Aucun garde ne tenta de nous barrer la route, et en quittant la ville je constatais qu'elle était redevenue calme et impassible. Je la suivais sans savoir où elle m'emmenait, comme toujours. Pourtant, ce jour là avait été différent des autres, j'avais senti une évolution en moi. Je ne pouvais pas continuer comme ca, et lorsque nous fîmes halte, à la nuit tombée, je décidais de parler ouvertement avec elle, peu importe ce qui arriverait, plutôt que de continuer dans ce silence lourd de sous-entendus qui regnait depuis déjà trop longtemps.
-"Anya ?"
-"Oui ?"
-"Je ne peux pas continuer. Je voudrais avoir les réponses à certaines questions que je me pose."
-"Ne sois pas trop curieux. Tu en sais suffisament pour le moment, l'heure des réponses viendra, ne t'inquiètes pas."
-"Et bien dans ce cas elle ne viendra pas. Je retourne chez moi, je suis parti avec vous pour vous aider à... je ne sais trop quoi en fait, mais surement pas à massacrer des pauvres gens. je rendrais ce collier à Melina, en passant, son village est sur la route du retour." dis-je d'un ton résolu en détachant le collier de mon cou.
-"Tu ne pourras pas."
-"Ah, et pourquoi donc ?"
-"Elle est morte." dit-elle d'un ton froid.