Pour tout t'avouer, j'étais sûre et certaine que sécotine ne faillirait pas à son devoir, et comme elle est sans aucune hésitation 10 fois plus calée que moi sur le sujet, j'ai préféré ne pas interférer avec mes approximations pour la laisser te répondre plus précisément

Owiiii j'adore qu'on flatte mon égo ! Encore, encore !
Avec le bégaiement y'a une composante technique et une autre plus psychologique (je grossis vachement le trait, quand même, genre la peinture au gros rouleau alors qu'il vaudrait mieux utiliser un stylo super fin, mais on n'est pas sur doctissimo alors zut). Les deux sont liées, après c'est l'histoire de l’œuf ou de la poule, mais les avancées technologiques de ces dernières années, et notamment l'imagerie médicale de plus en plus précise, ont permis de montrer qu'il y a derrière le bégaiement un fonctionnement neurologique différent.
Ça ne veut pas dire qu'il y a un dysfonctionnement neurologique, hein, pas de panique, juste que les bègues ont un cerveau qui ne fonctionne pas de la même manière que la majorité, d'où la différence dans l'utilisation du langage.
Bref, il faut donc s'occuper des troubles sur tous les versants.
En orthophonie je travaille sur la gestion du souffle, la relaxation, les praxies bucco-faciales (et hop, j'installe mes patients sur ma table de massage, bonheur !), je travaille avec diverses approches thérapeutiques et méthodes de rééducation (le "parler relax", la technique ERASM : Easy Relaxed Approach Smooth Movement...), et bien sûr beaucoup de discussion autour du bégaiement, du ressenti du patient, de ses difficultés et de sa manière d'y remédier, tout ça...
Si je sens que la composante psychologique est trop envahissante, j'envoie vers un psychologue qui travaillera ça de son côté, c'est un travail en association, et ça marche plutôt pas mal.
Après, personnellement, je me méfie des prises en charges qui ne sont basées que sur l'approche psychologique, ou au contraire uniquement sur le travail "technique".
Et du coup, hop, un petit texte de Gaëlle Pingault, une copine orthophoniste et écrivain sur le bégaiement, issu de son recueil "bref, ils ont besoin d'une orthophoniste" (aux éditions Quadrature si ça vous branche de lire le reste) :
Bref.
Quand il s’est levé ce matin, il a pensé « j’ai un entretien d’embauche ! ». Il était content, vu qu’il rame pour en décrocher. Il s’est fait un café, il était trop excité, il en a mis partout, il s’est refait un café. Il a chanté dans la cuisine pour s’éclaircir la voix. Un truc ridicule. Il s’est versé son café, il a beurré une tartine, il l’a trempée dans le café. Il a pensé à tous ses arguments. Il a mangé une bouchée de tartine. Il a révisé mentalement ce qu’ils avaient dit à la dernière réunion du pôle emploi. Sa tartine était trop molle elle est tombée dans son café. Il a tout jeté. Il a dansé un haka qui ressemblait à une lambada dans sa cuisine. Il s’est dit qu’il n’aurait pas dû jeter son café, ça allait lui manquer.
Il a pris une douche. Il s’est regardé longuement dans la glace en se répétant « je vais l’avoir, je vais l’avoir, ce job ». Il s’est rasé. Il s’est habillé en costume. Il a l’air d’un pingouin mais y’a pas le choix. Il a enlevé la chemise rose, vraiment trop ridicule, il a mis la blanche. Il s’est rappelé de Sonia, son ex, celle qu’il aime encore, qui adorait la chemise rose. Il a enlevé la blanche et il a remis la rose.
Il est arrivé au rendez-vous avec le cœur qui battait trop fort. Il a dit :
- Bonjour !
à la secrétaire, et il a entendu environ trente-huits :
- Bonjour
en réponse. Il s’est retourné. Il y avait environ trente-huit personnes qui attendaient. Pour le même job que lui, sans aucun doute. Il s’est assis. Il a pensé « faut pas que je transpire », mais ça n’a pas marché. Il s’est mis à transpirer. Il a pensé à la Bretagne parce qu’il aime bien ça. Ça n’a pas calmé sa transpiration, ni les battements de son cœur. D’autres types sont passés avant lui. Ils sont ressortis en souriant. Ou pas. Il a continué à transpirer. Et puis on l’a appelé. Il est rentré. Il a vu le type derrière son bureau, qui lui a dit :
- Asseyez-vous.
Il a voulu dire bonjour. Il a dit :
- Bbbbbbbbbbbbbbbbb
Et c’est tout. Il s’est levé. Il est sorti en courant. Ça faisait des mois qu’il n’avait plus bégayé.
Bref.
Il a besoin d’un orthophoniste.