Ayant récemment joué à Bioshock, il m'est (re)venu une question que je me pose depuis quelques temps déjà. Le jeu vidéo pourra t-il se faire un jour une place parmi les autres arts ?
Pourquoi Bioshock ?
-L'aspect plastique/esthétique.
-L'ambiance : jamais un jeu n'avait été autant immersif, selon moi. Et ce dès le menu (L'idée des notes de piano est vraiment excellente, non ?)
-L'histoire : De prime abord assez simple, elle se révèle bien plus profonde. Mis à part l'emploi de quelques classiques grosses ficelles scénaristiques, c'est un voyage dans une psychée humaine altérée, angoissante, violente. C'est un message assez universel et un peu métaphysique.
-Et la vraie révolution : Un début d'éloignement par rapport aux autres arts : Dans beaucoup (trop ?) de jeu, on cherche un "effet cinéma" ou une histoire style dramaturgie en trois actes, très classique. L'originalité de Bioshock est évidente: On exploite le support interactif. On joue avec les règles du jeu vidéo. On détourne la mécanique du jeu vidéo pour surprendre le joueur.
Je m'explique : (c'est un spoiler, mais je vous conseil tout de même de le lire si vous voulez comprendre ce que j'essaie d'expliquer tant bien que mal):
La révélation finale, bien que scénaristiquement peu intéressante, est surprenante d'intelligence : C'est révolutionnaire ! Le héro est manipulé, le joueur est manipulé. Le héro est conditionné... Le joueur est condionné ?
Au début du jeu, on arrive dans une ville sous-marine gigantesque (Rapture), on pourrait y faire ce qu'on veut, mais un personnage décide de nous "aider", en échange de services, et on le fait parce qu'on veut logiquement avancer dans le jeu. On suit à la lettre toute ses recommandations, ce qui fait progresser l'histoire. On tue le faux boss final, et le moment tant attendu du "noeud dramatique 2" approche (dramaturgie de cinéma et littérature...): On apprend qu'en fait le vrai ennemi est Atlas : retournement de situation assez classique.
Mais ce n'est pas tout. On assiste au premier vrai twist interactif et vidéoludique de l'histoire du jeu : Atlas rajoute que le héro a été crée, condtionné, et amené dans Rapture, pour pouvoir approcher et tuer son ennemi (le faux boss qu'on vient d'éliminer). Le héro a été programmé pour effectuer automatiquement toutes tâches que lui confiait Atlas. Le héro est donc manipulé.
Ca c'est intéressant. Parceque le joueur, lui aussi, a été conditionné : Par la mécanique bien huilé de tous les jeux vidéos qui consistent à effectuer des missions (ou quêtes) pour avancer dans le jeu. Ce système est ici utilisé pour tromper le joueur. Depuis le début de Bioshock, on suit à la lettre les indications/suggestions d'Atlas, on fait tout ce qu'il demande sans réfléchir (c'est comme ça dans tous les jeux, alors pourquoi se poser des questions?), et finallement, le principe du jeu est utilisé pour tromper, et donc surprendre le joueur.
Enfin, dans un jeu vidéo, le joueur n'est pas un "spectateur passif qui appuie sur des boutons pour voir un film", mais un spectateur actif qui est au coeur des enjeux de l'histoire. L'immersion est totale.
D'autres jeux participent selon moi à l'émergence du jeu vidéo en tant qu'art. Je pense par exemple au travail de Benoît Sokal (l'amerzone, Sybéria), les jeux d'aventures de l'age d'or Sierra (Gabriel Knight !), Morrowind, Fallout, Baldur's gate; et tant d'autres...
Je suis persuadé que ces jeux n'ont pas pour but que de divertir, et qu'il y a un réel processus artistique derrière, mais avec bioshock, on commence à s'émanciper du cinéma, et de la littérature, pour vraiment faire du jeu vidéo un art autonome. Biensur tout n'est pas parfait, c'est un embryon de démarche, mais il est trés prometteur.
Et vous ? Quel est votre point de vu ? Pensez-vous que le jeu vidéo est voué à devenir un art ? Qu'est ce qui pourrait l'en empêcher ? Le côté marketing peut être ?