Chance ou malchance ?
Un habitant du nord de la Chine vit un jour son cheval s'échapper et passer de l'autre côté de la frontière. Le cheval fut considéré comme perdu.
A ses voisins qui venaient lui présenter leur sympathie, le vieil homme répondit:
— La perte de mon cheval est certes un grand malheur. Mais qui sait si dans cette malchance ne se cache pas une chance?
Quelques mois plus tard, le cheval revint accompagné d'une magnifique jument. Les voisins félicitèrent l'homme, qui leur dit, impassible:
— Est-ce une chance, ou est-ce une malchance?
Le fils unique du vieil homme fut pris d'une véritable passion pour la jument. Il la montait très souvent et finit un jour par se casser la jambe pour de bon.
Aux condoléances des voisins, l'homme répondit, imperturbable:
— Et si cet accident était une chance pour mon fils?
L'année suivante les Huns envahirent le nord du pays. Tous les jeunes du village furent mobilisés et partirent au front. Aucun n'en revint. Le fils estropié du vieil homme, non mobilisable, fut le seul à échapper à l'hécatombe...
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Une histoire zen
Un moine qui s'était baptisé lui-même "le maître du silence", était en réalité un mystificateur qui n'entendait rien au zen. Pour mieux duper les gens, il avait à son service deux moines éloquents qui répondaient pour lui aux questions qu'on lui posait, tandis que lui-même n'ouvrait jamais la bouche, comme pour justifier son nom.
Un jour, alors que ses acolytes étaient absents, il reçut la visite d'un moine pèlerin qui lui demanda :
- Maître, qu'est-ce que le Bouddha ?
Ne sachant que faire ni que dire, le pseudo "maître du silence" regarda dans toutes les directions, cherchant ses complices.
Le pèlerin, apparemment satisfait, lui demanda alors :
- Qu'est-ce que le dharma ?
Toujours aussi embarrassé, notre homme leva les yeux vers le plafond puis les baissa vers le sol, appelant à son aide le ciel et l'enfer.
Le pèlerin demanda encore :
- Qu'est-ce que le sangha ?
"Le maître du silence" se contenta de fermer les yeux.
Le pèlerin lui demanda enfin :
- Qu'est-ce que la grâce ?
Abandonnant tout espoir, le "maître du silence" ouvrit les bras en signe de capitulation.
Sur quoi le moine pèlerin s'en alla, manifestement enchanté de sa visite.
En cours de route, il rencontra les deux acolytes du "maître du silence" et il se mit à leur parler de lui en termes enthousiastes. Voici ce qu'il leur dit :
- Je lui ai demandé ce qu'était le Bouddha, et aussitôt il s'est tourné vers l'est et vers l'ouest pour me faire entendre que les humains cherchent sans cesse le Bouddha là où il n'est pas. Ensuite, je lui ai demandé ce qu'était le dharma, et pour me répondre il a regardé vers le haut et vers le bas, me signifiant ainsi que la vérité du dharma est un tout, où il ne faut faire aucune discrimination entre le haut et le bas, la pureté et l'impureté y étant également partagées. Pour répondre à ma question, sur le sangha, il a fermé les yeux sans rien dire, me rappelant ainsi le fameux dicton : "Celui qui peut fermer les yeux et dormir profondément dans les gorges profondes des montagnes, celui-là est un grand moine". Enfin, en réponse à ma dernière question : "Qu'est-ce que la grâce ?" Il a ouvert les bras et m'a montré ses deux mains, pour me faire comprendre que la grâce est une bénédiction guidant les êtres sur le chemin de la vie... Oh! Quel maître éclairé! Et que son enseignement est profond!
Lorsque les deux moines furent rentrés, le "maître du silence" les gourmanda vivement.
- Où donc traîniez-vous encore ? Leur dit-il. Il y a une heure, un pèlerin qui m'a accablé de questions m'a mis dans un embarras mortel, où j'ai failli perdre ma réputation !