Agramon : terres de combat
Un orage sec, aussi soudain que violent, venait d’éclater sur les terres arides qui constituaient le cœur de l’île d’Agramon. De terrifiants éclairs zébraient un ciel sombre semblable à un vaste océan de ténèbres. Et pourtant, pas la moindre goutte de pluie ne parvenait à arroser ce sol maudit que les Dieux eux-mêmes avaient fini par abandonner. Le liquide déversé par les cieux courroucés s’évaporait bien avant de touché terre sous l’effet de la chaleur produite par les exhalaisons méphitiques qui émanait du sol damné : le souffle délétère d’Agramon rendait toute vie impossible en ces lieux austères. Seules quelques vestiges d’un ancien sanctuaire démoniaque marqué de différents pentacles et autres runes de mort témoignaient de l’existence d’une civilisation dégénérée qui aurait, en des temps oubliés, vénéré ce Roi-Démon. Ces terres autrefois fertiles, comme le laissait imaginer la présence de quelques carcasses d’arbres rabougris, ne se résumaient plus aujourd’hui qu’à un vil mélange de sable et de cendres.
En ce milieu de journée, plus sombre et triste que la nuit, huit silhouettes venaient de s’arrêter aux abords d’un lac aux eaux ternes. La silhouette de tête entama alors une gestuelle complexe avant de dessiner dans l’air corrompu une série de signes cabalistiques. Très rapidement, des cendres, du sable et autres poussières se mirent à virevolter autour du cabaliste avant de s’assembler pour donner naissance à une monstrueuse créature humanoïde. La magie d’Erkham venait de donner vie à un puissant allié dénoué de tout sentiment et totalement dévoué à son créateur.
Derrière lui, la douce et souriante Dalyla, ne put réprimer un frisson devant cet étalage de magie noire auxquels s’adonnaient les mages de la Fraternité des ombres : une organisation pourtant depuis longtemps reconnue par la Sainte Eglise d’Albion. La main bienveillante que son frère Pégaz venait de poser sur son épaule la rasséréna. Avec lui à ses côtés, elle ne craignait rien ni personne. Ce colosse d’acier, bras armé de la Sainte Eglise, d’ordinaire calme et discret, était capable de colères explosives lorsqu’on tentait d’atteindre à la vie ou à l’honneur de sa sœur.
En queue de peloton, Sleyze, redoutable mercenaire malgré son air débonnaire et nonchalant, taquinait comme à son habitude celui qui était comme son ombre, lorsque ensemble ils entamaient leur danse macabre semant terreur et mort dans les rangs ennemis. Seul le mercenaire pouvait se permettre ces multiples plaisanteries et autres provocations à l’encontre de Saalazzar. Le regard sombre et le visage froid de l’inquiétant fléau d’Arawn n’inspirait pas en général ce type de comportement. Les deux frères d’armes semblaient se complaire dans cette sempiternelle et illusoire querelle. Curieusement, c’est sous le regard amusé de Toupie, illustre théurgiste de la Puissante Académie, grande exploratrice et éminente spécialiste en démonologie et autres monstruosités, que les deux compagnons poursuivirent leur joute verbale.
Un peu à l’écart, Thoraz, le sorcier à l’armure de sang, scrutait l’horizon de son regard bleu glacial. Consciencieusement, il analysait les résidus de mana laissés par le commando hibernien qui , la nuit précédente, avait fait tant de ravages au sein des forces albionnaises dépêchées par le commandant de Caer Benowyc pour sécuriser la Traversée d’Agramon.
Le vénérable Cygur, pilier de la Sainte Eglise d’Albion, celui la même qui avant le grand Cataclysme avait si sauvent combattu et maintenu en vie par ses puissants sortilèges de guérison le ténébreux Sigfried, fit quelques pas en direction du sorcier.
¾ Alors ? se contenta-t-il de demander.
¾ Ils ne sont plus très loin, répondit très calmement Thoraz, comme s’il sortait d’une profonde méditation. Ils ont longé le lac jusqu’à son extrémité nord avant de se diriger vers le Nord-Est pour rejoindre l’Avancée des Jotuns.
Le vieux clerc se retourna alors vers ses compagnons avant d’ajouter sur un ton impérieux :
¾ On part sur le champ ! Je veux que notre affaire soit terminer avant que les Hiberniens n’aient atteint la grande muraille de Midgard.
Aussitôt, les huit compagnons se mirent en route. Un profond silence s’installa, chacun se préparant intérieurement à l’inéluctable affrontement. Si la plupart d’entre eux ne laissaient rien paraître de leurs sentiments, on pouvait néanmoins lire, dans les regards de Thoraz et d’Erkham, une inquiétante détermination.
Et pour ceux qui s'emmerdent au boulot, la suite très prochainement