" Quelle belle journée, tu ne trouves pas ?
- L'appréciation de la beauté est subjective et si l'on devait réunir tous les points de vue sur cette journée pour en faire une moyenne, on n'obtiendrait même pas une indication pertinente de ce que tu appelles improprement sa beauté et qui n'est rien d'autre que le plaisir que tu trouves au moment présent, lequel est déterminé biologiquement de la manière suivante que j'ai synthétisée dans ce croquis que je te tends, le voilà, prends-le, dépêche-toi, tu m'énerves déjà.
- Je ..."
"Jeannette, je ... j'ai pensé que ce bouquet, pour nos deux ans de vie commune, ça te ferait plaisir.
- Oh, un bouquet de ces fleurs que l'on appelle communément des tulipes ! Elles appartiennent au règne des Plantae, sous-règne des Tracheobionta, division des Magnoliophyta, classe des Liliopsida, sous-classe des Liliidae, ordre des Liliales et famille des Liliaceae. Mais voyons, quelles tulipes forment ce bouquet ? Sont-ce des Tulipa agenensis, des Tulipa aximensis, des Tulipa billietiana ? A moins que ce ne soient des Tulipa clusiana ou des Tulipa didieri ? Qu'en dis-tu, Jean-François ? Jean-François ? Où es-tu ? REVIENS IMMÉDIATEMENT, PAUVRE CONNARD !"
TabouJr, c'est la bonne copine qui casse l'ambiance en te faisant un cours d'astrophysique si tu as le malheur de dire : "Tiens, le soleil se couche".
Entièrement d'accord avec La Clef, suffit avec ces briseurs de rêves, ces esthètes du rationalisme, toujours prêts à ruiner les petits plaisirs simples de la vie par des réflexions alambiquées ou autres bien trop longs sentences.
Un magnifique coucher de soleil ça se ressent, ça se vie, ça ne s'explique ni se discute. On l'observe, tête vide, assis sur la plage déserte avec sa dulcinée, les yeux mis-clos, la bouche bée devant la grandeur de la nature qui s'offre à nous.
Il faut communier avec un tel spectacle ainsi, tandis qu'aux commissures de nos lèvres, synchrone avec la descente de l'astre du jour, glisse un léger filet de bave, ôtons nos vêtements pour mieux empoigner notre viril atour déjà partiellement gorgé de cette magnificence qui nous émeut tant, qu'importe le regard des autres, laissons exprimer dans cette turgescence la déférence qui nous anime, l'amour, la passion des choses pures, faisons silence et branlons la vie. Tous nos sens en éveil la passion à fleur de peau, l'érection presque douloureuse, laissons nous aller complètement et dans un râle primitif, qui contient autant qu'il exclue les longs discours de ces barbares, TabouJr à leur tête, alors que le soleil se couche, libérons notre être, ouvrons toutes les vannes, en défi au monde, mais paradoxalement, en accord avec lui dans notre plénitude, notre liberté autant que notre soumission.
Car après tout, qu'est ce que le romantisme si ce n'est saluer les plus belles création de dieu par un feu d'artifice de fluides corporels, de pisse, de merde et de foutre mêlés ?