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Attention:
- Spoil La Zone du Dehors.
- Pavé indigeste
- Débat contradictoire
Dans le système décrit, je trouve que tout est impeccable. Le seul problème c'est que les gens ne se parlent pas, mais ça c'est pas inhérent au système imo. Comme Damasio est un sale gauchiste, forcément dans un système comme ça les gens sont renfermés.
>>> Hmm je ne suis pas sûr que ce ne soit pas inhérent au système.
- Les tours dans lesquelles des gens peuvent se poser pour surveiller la population avec des jumelles. Top, de toute façon j'ai rien à cacher, et c'est exactement comme le système des caméras dans la rue.
>>> Je ne me rappelle plus exactement à quel degré les gens peuvent surveiller mais... C'est un système qui sacrifie la vie privée des individus pour garantir le respect de la loi, et qui incite à la délation, donc à la méfiance généralisée. Au final je suis pas sûr que ça favorise de bonnes relations entre les gens. C'est peu fraternel et liberticide. Et puis c'est pas parce que l'on a rien à cacher que l'on peut accepter d'être observé à longueur de temps, si ? Selon toi c'est parfait parce que ça garantie le stricte respect de la loi... A mon avis ça fait pencher très dangereusement la balance sécurité-liberté du côté de la sécurité. Et même si la loi est juste à un moment T, le système donne tellement de pouvoir sur l'individu qu'à n'importe quel moment il peut basculer dans quelque chose de beaucoup moins marrant et de beaucoup plus totalitaire.
Pour en revenir aux approches culturelles de la littérature, j'ai travaillé en Suisse un été, et dans la ville où j'étais il y avait des panneaux représentant un œil et incitant les citoyens à aider la police en dénonçant tout comportement suspect ou quelque chose dans le genre. De mon point de vue de Français, élevé dans un milieu de classes moyennes de gauche, j'avais trouvé ça carrément craignos, mais peut être que ça ne dérange pas du tout les Suisses, et ça peut expliquer du coup ton approche de cet élément dans La Zone du Dehors.
Là j'essaye de comprendre ta position sans la condamner d'entrée.
Bah c'est des mecs avec des jumelles qui sont posés dans les tours. Justement le fait que ça soit anonyme n'est pas peu fraternel ou liberticide, vu que tu ne sais pas qui t'a dénoncé. C'est exactement pareil que des caméras, sauf que c'est des êtres humains qui t'observent. Et encore, tu ne sais même pas si ils t'observent ou pas.
Je suis Français aussi, et effectivement quand je suis arrivé en Suisse je trouvais ce système de délation vraiment horrible. Mais finalement c'est bien, t'as jamais rêvé de pouvoir coller une amende à un mec qui te coupe la route en grillant un feu rouge? Bah maintenant tu peux.
- Le fait qu'aller dehors ne soit pas interdit mais juste pas dans la norme, et que les gens qui se font choper soient surveillés. Top encore, si 84% (je crois), des délinquants sont attirés par dehors c'est un bon moyen d'en choper.
>>> Hmm oui pourquoi pas... Mais c'est quand même un système assez mesquin. Et comme l'élément précédent, c'est destiné à maintenir chaque citoyen dans une norme, un cadre strictement défini par l'Etat. De même que les gens n'ont pas de noms fixes, et donc pas d'individualité sur le long terme, ils doivent se fondre dans une norme qui empêche quasiment toute distinction autre que par le travail. C'est surtout ça qui horripile Damasio je crois, l'idée de contrôle total de la population pour la maintenir dans une norme. Le totalitarisme quoi.
Mec on est déjà maintenus dans des normes. Suffit de voir comment sont dévisagés les gens qui sortent de la norme dans la vie de tous les jours. Rien qu'amener à boire quand t'es invité à un dîner, ou ne pas mettre des habits de fille quand t'es un mec, c'est des normes. Sauf qu'elles sont tellement ancrées en nous qu'on y prête même plus attention. Sans normes, pas de société. D'ailleurs suffit de voir comment se termine le bouquin.
- Les portiques qui bloquent l'accès à certaines parties de la population. Top. On a la même chose d'ailleurs, sauf que ça s'appelle des videurs ou le poids du regard des gens.
- Le clastre, tu obtiens ton rang grâce à ton mérite, mais tu commences selon la position de tes parents. Exactement comme aujourd'hui, sauf que dans le bouquin on peut s'élever socialement. Aujourd'hui en France, c'est chaud.
>>> Il me semble que le critère d'accès c'est le compte en banque non ? Ou la position sociale? En tout cas c'est lié au clastre. Le problème c'est que la société de la Zone du Dehors maintient les citoyens dans l'inégalité (ou du moins dans l’iniquité). Il me semble qu'à chaque personne qui s'élève dans le clastre, c'est une autre personne qui descend, puisque il y a un nombre limité de combinaisons de lettres et une population constante, je me trompe? Donc au final la hiérarchie sociale correspond à une pyramide inamovible qui maintient toujours une élite et des couches plus ou moins inférieures. Pour moi une société utopique tendrait vers l'égalité. Là au contraire elle maintient l'inégalité et encourage la compétition. C'est encore une fois peu fraternel. Et il y a tout une frange de parias qui vivent dans je ne sais plus quel endroit de la ville, qui n'ont pas d'identité et vivent de déchet et de recyclage. C'est pas joli joli.
Le critère d'accès dans certaines zones c'est le compte en banque et/ou le casier. Enfin là c'est exactement pareil de nos jours, essaie d'aller dans un restaurant huppé sans avoir d'argent. Ou de te balader dans un quartier riche en étant habillé comme un clodo. C'est un peu poussé à l'extrême, mais je trouve ça pas si mal.
- Les implants bioniques, je trouve ça ouf.
>>> Là c'est une question morale qui est je pense vraiment à la discrétion de chacun. Si je me rappelle bien ça fait partie d'un ensemble de technologies qui permettent de vivre dans une réalité virtuelle / de décrocher du monde pour éprouver des sensations géniales ?
Damasio est clairement opposée à ça parce qu'il a l'âme d'un poète et fait l'apologie du vrai plaisir que les gens peuvent éprouver en gambadant dans la zone du dehors et en faisant l'amour en apesanteur. Il est foncièrement contre les modifications apportées à l'être humain (transhumanismes?).
Mais pour ça chacun peut en décider. Seulement politiquement parlant, des gens qui décident de vivre en dehors de la réalité, ils abandonnent un peu la maîtrise de leur vie réelle, non ? Politiquement en tout cas ça me semble peu utopique.
Ils se détachent pas de la réalité, c'est comme de la drogue mais version bionique.
Et c'est quoi cette fin de merde? Les espèces d'anarcho-gauchistes de la Volte cassent les couilles pendant 600 pages pour aller dehors alors que finalement il suffisait juste d'y aller? Top kek.
Et tiens, tout le monde est très content mais on va quand même faire exploser le siège du gouvernement sans aucune raison, vu que tous les gens déçus sont déjà chez nous. Autant ne donner le choix à personne d'adhérer à leur mode de vie ou pas.
Et je passe sur le fait qu'ils sont contre les implants parce que ça fait perdre le contrôle de son corps alors qu'eux passent leur temps à prendre des pilules et à boire.
>>> En fait comme un ami me le faisait remarquer récemment, ce qui est drôle (et éventuellement raté) dans ce livre, c'est que ce qui est censé être un passage utopique, la construction d'une nouvelle société dans le dehors... et bah au final c'est un gros échec, ça part en couille. Et oui les types de la Volte sont persuadés de détenir la vérité et donc de devoir libérer le reste du peuple en détruisant le système pré-éxistant par des actions violentes. Il faut pas oublier que les combattants de la liberté d'une faction sont des terroristes pour la faction opposée. Je crois me rappeler qu'il y a quand même des divergences au sein de la Volte à propos des actions violentes.
En gros les voltés se considèrent comme une minorité éclairée, et ils veulent sauver les autres qui le sont pas, même contre leur gré. On peut faire des parallèles avec un tas de chose: par exemple la révolution française a été faite par une minorité citadine agissant au nom du bien commun, des Lumières etc... Alors que la majorité paysanne de la population était plutôt royaliste et donc opposée à la Révolution. Au final aujourd'hui on est en démocratie et les paysans sont démocrates, est-ce qu'ils regrettent la monarchie ? Je ne crois pas.
Je sais pas si je suis très clair. Mais en gros les Voltés qui veulent forcer les autres à changer de société contre leur gré n'ont pas forcément tort. Tout dépend l'avis que l'on a sur la société de base... Cf les points précédents...
Enfin bon, je ne suis pas sûr que l'on arrive à quelque chose avec ce débat. Car la Zone du Dehors est un livre écrit par un "sale gauchiste", dans lequel les personnages sont des "sales gauchistes" qui veulent mettre en place une sale société utopique de gauchiste. Donc forcément quelqu'un qui se sent plutôt à droite aujourd'hui sera fortement rebuté par toutes les émanations gauchistes qu'exhale ce livre.
Néanmoins, ce clivage gauche-droite mis à part, je pense qu'on peut quand même débattre du livre et de sa nature utopique/dystopique, si tu te sens de répondre à mes arguments. Pour résumer, il me semble que la société décrite par Damasio est l'exact opposée de la devise (utopique) de la République française... Puisque dans la Zone du Dehors il n'y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité (ou très peu).
Désolé je me suis pas un peu étalé mais je suis curieux de débattre sur ce livre. D'ailleurs si on pouvait avoir un troisième avis je pense que ça serait trèèèèèès éclairant. Pour une fois qu'on peut avoir un vrai débat sur un livre
J'ai peut être exagéré sur le "sale gauchiste", mais disons que Damasio et moi ne partageons pas du tout les mêmes idées, donc forcément ça coince.
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