Publié par
Fabrice Tebaldi
Les informations qui y circulent sous le regard de tous peuvent donc être diffusées par tous. Tout ce que tu y fais est fait sous le regard de l'ensemble des autres, qui auraient ainsi la possibilité d'user des informations collectées.
Certes. Mais le sujet porte sur SL, ou disons plus largement sur Internet. Or, à considérer des cas d'utilisation normaux (hors hacking, piratage, etc...), ces informations publiques viennent du seul fait que nous acceptons de les divulguer librement par l'intermédiaire d'un pseudonyme ou d'un avatar. Si nous décidons de confier publiquement que nous aimons le canard à l'orange ou la confiture d'oignons, il n'y a rien d'anormal, ni juridiquement ni sur un plan moral (quoique ce terme me déplaise) à ce que ces informations soient relayées par d'autres. C'est même très vraisemblablement le but recherché, sinon à quoi bon communiquer ces infos. ?
Bref, pas de zone d'ombre, transparence totale, pas d'intimité possible, pas de sphère privée préservée.
C'est sur ce point que nous divergeons. Il y a au contraire une opacité totale dans le fait de s'exprimer à travers un intermédiaire : Nous ne lui faisons divulguer que ce que bon nous semble de nous-mêmes. Et nous préservons en toute sécurité cette partie de notre intimité que nous souhaitons garder pour nous mêmes ("
personne ne me voit, personne ne sait qui je suis,
y'a que mon ombre qui me suis " - librement repris et adapté de Gérard Manset).
A l'heure où l'on évoque les caméras de surveillance partout, c'est un peu à la mode. Et le rapport avec le totalitarisme, qui se fonde précisément sur la disparition de la sphère privée, ne t'aura pas échappé.
On est là sur un terrain où le flicage s'exerce à l'encontre de personnes physiques, "en chair et en os". Cela ne s'applique pas au monde du Net (et accessoirement de SL) dans lequel nous maîtrisons notre discours et garantissons nos sphères privées via un intermédiaire qui nous sert de "firewall". Pour employer une métaphore technique, notre sphère privée peut fort bien être vue comme un "intranet" auquel seuls ont accès nos familles et nos amis, tandis notre expression publique sur un forum se fera à travers un "pare-feu" (en l'occurrence, l'anonymat et le pseudonyme).
Cela dit, j'abonde dans ton sens en ce qui concerne la dérive et la tentation totalitaire, ne serait-ce que par le contrôle que les pouvoirs de tous ordres souhaitent, aujourd'hui, avoir sur cet espace bordélique de liberté et d'anonymat (donc d'intimité préservée) que constitue l'Internet. Cette volonté de flicagee de l'Internet ne constitue-t-elle d'ailleurs pas la meilleure preuve que l'anonymat et l'intimité en sont deux des principaux pilliers.
Si tu penses qu'il n'est pas souhaitable, pour des raisons de vivre ensemble, de morale ou ce que tu veux, que chacun puisse disposer à sa guise des informations trouvées sur sl ou ailleurs, tu penses qu'il est nécessaire de sauvegarder un contrôle sur les informations te concernant.
Bien entendu que ce contrôle est nécessaire. C'est d'ailleurs ce que toute personne un tant soit peu sensée fait dans le monde numérique (blogs, SL, forums...) : exercer un auto-contrôle sur les informations qui la concerne, pour n'en diffuser que des parcelles qu'elle juge utile de communiquer, ou qu'elle estime ne pas porter à conséquence. Tout cela ne me parait que du simple bon sens.
Que certains n'aient pas cette prudence vis à vis d'eux-mêmes est une autre affaire, mais quoiqu'il en soit c'est leur problème, selon qu'elles ont délibérément/librement diffusé de façon publique certaines indications qui peuvent nuire à leur intimité et à leur vie privée. On peut bien sûr argumenter que ces personnes là aient dévoilé des infos. dangereuses pour elle-mêmes sans connaissance de cause, mais c'est un autre débat : voir juste au-dessous dans ce message.
Deux possibilités alors : soit tu penses que la responsabilité en revient au détenteur de l'information qui doit élever un barrière de barbelés, ou se taire (dans l'exemple repris plus haut, si Durand a parlé dans le café c'est de sa responsabilité, tout ce qui arrive par la suite sera de sa faute), soit tu penses que la responsabilité échoie à celui qui va traquer une information privée (n'ayant aucun intérêt dans le fonctionnement du collectif) et qui la diffuse.
Non à mon avis, pas deux, mais
trois possibilités qu'on peut décliner en termes de gestion du risque :
- Durand peut fort bien assumer son homosexualité de façon pleine et entière. Auquel cas, peut lui importe le qu'en dira-t-on. Il n'y a pas de risque.
- Durand n'assume pas son homosexualité ouvertement et il sait pertinemment qu'un lieu public comme un bistrot n'est pas le meilleur endroit pour se "confier". Il prend dès lors consciemment un risque en dévoilant son homosexualité. Ce faisant, il a néanmoins évalué ce risque et a décidé de l'accepter (en matière de gestion du risque, tout risque peut être accepté avec ou sans contre-mesures). Durand a donc pris le parti d'être le sujet d'autres conversations publiques, sans contre-mesure possible de sa part (accessoirement, le procès en diffamation peut néanmoins constituer une "contre-mesure" si sa condition homosexuelle est invoquée pour lui nuire délibérément).
- Durand n'assume pas son homosexualité et ignore qu'un lieu public comme un café comporte un risque, en l'occurrence le colportage de rumeurs médisantes. Ben euh... là tout ce qu'on peut dire c'est que Durand est un peu niais...
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Petite conclusion en clin d'oeil par rapport au sujet et au post d'ouverture : Engels a écrit : "
la preuve du pudding c'est qu'on le mange ". Et bien... "
la preuve de mon intimité et de mon anonymat c'est Yasujiro "