L’ambiance en était presque tangible, tant la tension était importante. Ce conseil royal, tous le savaient, marquerait un tournant dans la politique du royaume, et malgré les inimitiés, tous s’étaient rassemblés pour y assister.
La baronne, le duc et le vicomte étaient arrivés les premiers, chacun accompagné de membres de leur garde. Mais aujourd’hui, ce ne seraient pas pour rendre compte de la gouvernance de la ville qui leur était impartie, mais pour prendre note, et appliquer, les lois qui seraient promulguées. Le duc et le vicomte s’échangèrent un regard haineux, suite d’une vielle querelle politique, alors que la baronne, sous son voile de soie, calculait déjà comment retourner la situation à son compte.
Puis ce fut le tour des représentants des cultes majeurs de prendre place à la grande table encore vide.
Le grand prêtre de Brehan, en son armure aux reflets bleutés, fit sensation en plantant, d’un seul coup de poignet, sa légendaire hache à deux mains dans le sol. Tous savaient que malgré l’aisance qu’il avait prit à réaliser ce geste, seuls les trois meilleurs guerriers du royaume pourraient l’en retirer, tant sa puissance était accrue par son entraînement et sa foi indéfectible en son dieu.
Puis un parfum délicat, ambré, remplit la pièce, alors que le plus petit des conseillers entra dans la vaste pièce. Ses vêtements souples semblaient flotter au-dessus de ses courbes rondes, et les nobles présents s’échangèrent un regard, comprenant que les bijoux ornant une seule des mains du grand prêtre de Iago suffiraient à acheter la moitié d’une de leur ville, habitants compris.
Un éclair tonna dans le ciel, alors qu’une brume semblait emplir la pièce. La baronne, perdue en ses savants calculs, sursauta sous le bruit, tandis que se matérialisait à ses cotés une forme mince, squelettique. Les deux sœurs s’embrassèrent, et la grande prêtresse de Syl s’installa, alors que le représentant de Brehan maugréait contre ces effets puérils.
Tous semblaient attendre, et, finalement, le grand dignitaire des arts finit par jeter un œil à ce bijou d’orfèvrerie qu’il portait, lié par une chaîne dorée à sa poche, alors que le minuscule mécanisme lui confirmait le retard de celle qu’ils attendaient. Ou plutôt, comme ils s’en rendirent compte, que cela faisait plusieurs minutes que la personne était là, en cette place qu’un jeu d’ombre laissait croire vide. Nul doutait des dons de la représentante en Sélène, mais ils continuaient pourtant à toujours les étonner.
Leur regard commun se porta sur les quatre places restantes, bien plus somptueuses que les leurs. Et c’est au son du métal sur le carrelage, battant une marche militaire, que les trompettes sonnèrent l’entrée du Maître d’Armes. Ses deux épées à ses flancs, brillantes des reflets rougeâtres de celles avides de faire couler le sang, achevèrent d’instaurer le silence, alors que le garant de l’honneur du royaume, au regard fier et droit, se plaçait là où son rang l’imposait.
Et c’est alors que la tempête éclata. En comparaison, l’éclair de la représentante la déesse de la magie faisait bien pale figure, et avant même qu’il n’entra dans le palais, sur le visage de tous se lisait la peur légitime, alors que le mage de guerre, mage d'Artherk et protecteur du royaume apparaissait, le visage sombre et fermé, son regard noir et mortel, au sens premier du terme, passant de l’un à l’autre des conseillés.
Les trompettes sonnèrent, une fois de plus, alors que le maître du royaume entra, accompagné du Roy. Sa majesté prit place sur l’inconfortable trône –il l’avait pourtant fait adapter, ses ancêtres avant lui, mais malgré les coussins et les travaux de menuiserie, il restait toujours aussi gênant et douloureux-, alors que le chambellan prenait place à se cotés. Nul ne doutait de qui dirigeait réellement le royaume, mais tous le craignaient bien trop pour en faire la remarque. Il tendit un parchemin au Roy, et le silence se fit à nouveau.
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