Je vais répondre en trois temps.
D'abord j'ai suivi un cursus très particulier poussé par des parents très avides de ma réussite. J'ai sauté le CP, je suis rentré en Math Sup PCSI à 16 ans. J'avais d'excellents résultats jusqu'en première où ils sont devenus moyens puis médiocres en terminale, nuls en prépa (parfois au sens vraiment très propre du mot nul).
C'est simple j'avais pas envie de grandir, je me sentais bien j'avais pas envie d'aller après le Bac et ça me convenait très bien. J'ai passé mon Bac je l'ai eu avec mention bien.
Tout le monde était heureux à la maison et popa moman jubilaient de voir leur petit génie rentrer si tôt en sup' et "tu feras polytechnique mon fils".
Sauf que.
Moi j'avais 16 ans, j'étais pas sorti une seule fois de ma vie, quand j'étais pas en classe j'étais à la piscine où je faisais de la compétition au niveau national parce que quand on fait quelque chose à la maison faut le faire bien sinon on est pas un bon garçon.
Je redoutais mes parents, je leur cachais un maximum de choses et j'étais du genre à cacher mes mauvaises notes sous mon lit et à signer moi même les dictées à moins de 16 auparavant. Oui c'est décousu comme ça mais c'est les souvenirs qui reviennent.
Je voulais aller en Prépa HEC moi. Je voulais faire des langues de l'histoire et de la philo. Mais non. Fallait faire polytechnique. Moi je connaissais aucune orientation. La Fac c'était pour les cancres. Déjà, PCSI, c'était pas top, c'était pour les pas bons en Maths, et comme dirait papa, comme les maths il suffit de travailler j'étais donc quand même à moitié un feignant, mais bon si j'arrivais quand même à faire polytechnique il m'en voudrait pas trop.
En Sup je foutais rien. J'allais en cours en souriant c'était cool je voyais les copains. Je suis devenu très bon à Counter, et je dois dire que la beta 6.5 avec son duo MP5/Desert m'a laissé de joyeux souvenirs. Après j'ai découvert EQ et je me suis enfermé dedans.
J'ai redoublé ma sup pour raison médicale, j'avais eu un accident de vélo en fin d'année qui m'a empêché d'aller officiellement en cours pendant 1 semaine, mais j'y allais pas pour autant avant.
Le drame familial surtout que mes parents à qui je mentais non-stop croyaient que je passais en PC*.
Ils m'ont tout donné ce dont j'avais besoin, y'a pas à être ingrat. J'aurais pu super bien réussir, j'avais vraiment tout pour moi, et j'ai même la prétention de croire que je suis pas bête. J'aimais plus aller à l'école du tout. je détestais ça, j'avais même plus trop d'amis puisqu'on se voyait plus, je restais enfermé pour jouer d'abord, puis de honte de leur dire que je restais enfermé pour jouer.
Non j'aimais plus l'école.
J'ai donc redoublé ma sup pour d'encore plus mauvais résultats, viré en fin d'année avec des petits mots doux sur mon bulletin du genre : immature et incapable de la plus simple concentration. Tout ce qu'il faut pour rentrer ailleurs.
Re drame familial, ça y'est notre enfant est perdu.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'on peut très bien avoir tout ce qu'il faut, être doué, et rater lamentablement quand même. C'est pas parce qu'on a l'entourage et la culture. Entre les parents qui poussent trop, les parents qui poussent pas, je pense qu'il y'a un juste milieu à aborder. Si on n'aime ou on n'aime pas l'école c'est avant tout la faute des parents et la façon qu'ils ont de nous élever.
N'allez pas croire que je minimise mon rôle. C'est pas leur faute si j'ai raté. C'est leur faute si j'aimais pas ce que je faisais.
C'est ensuite un phénomène de société, une manière de considérer le travail. En France, il est très clair que le travail est dévalorisé. Le plus frappant en fait c'est de regarder le nombre de solutions qu'on nous propose pour devenir riche en foutant rien à la télé. Par ailleurs, en exagérant, en France, celui qui est assez malin pour gagner de l'argent en ne faisant rien n'est pas conspué mais parfois même admiré "ohh comme il est malin". C'est l'apologie totale du "moins j'en fais mieux j'me porte". Ma tante est fonctionnaire et j'ai discuté des heures avec elle. Elle dit que clairement, elle voit pas pourquoi elle essaierait d'être productive et de faire les choses bien vu que tout le monde s'en fout et que faire les choses bien est une source d'ennui. Elle n'attend que la sortie, les vacances, les RTT. Elle dit pourtant s'appliquer par conscience professionnelle en admettant que ça change rien, juste pour la forme.
Quand on donne ce genre d'exemple à des étudiants, qu'on leur explique que de toute façon ils sont défavorisés, qu'ils ont moins de chance que les autres, que c'est pas juste, ils ont deux solutions. Ou bien se dire : je vais me battre et j'aurais ce que je veux malgré tout. Ou : c'est pas juste ouinouin. Laquelle des deux est la solution la plus facile ?
Les gens qui se battent sont rares. Alors ils existent, ceux qui aiment l'école, qui pensent que c'est un moyen de s'en sortir, ou même, quand ils viennent d'un milieu favorisé, qui sont avide d'apprendre. Ils existent. Ils sont manifestement 7%. Attention, là, je sens que certains vont faire un raccourci. Je ne veux pas dire que les 93% des autres restent les bras croisés à dire ouinouin. Non, pour la majorité, les autres, suivent les cours du mieux qu'ils peuvent, en font le moins possible pour réussir le mieux possible, se motivent un minimum avant les devoirs pour pas être embêté par les résultats. Ils sont très très loin d'être à fond.
Combien sont plus motivés par la peur de la note sanction que par l'envie d'apprendre ? C'est ce nombre que j'aimerais connaître. J'ai peur que lui avoisine les 93%. J'en faisais clairement partie en tout cas. Oui, j'avais de bonne notes, mais pour de mauvaises raisons. Dois-je m'en plaindre aujourd'hui ? Ce serait de l'ingratitude auprès de mes parents que soit, je n'aime pas pour tout un tas de raisons, mais que je ne peux au fond que remercier d'avoir instauré cette terreur de la mauvaise note à la maison ; à long terme, ça a porté ses fruits.
La situation à l'école, de ce que je vois au Japon est une compétition vraiment très dure. Les élèves avec qui j'essaie de discuter (et j'avoue ne pas saisir encore tout bien correctement) sont poussés par une envie de gagner. D'être meilleurs que le voisin. Quand je leur demande pourquoi, ils ne savent pas trop. "ben, pour être meilleur, pour que ma famille soit fière de moi". Ils ne poussent pas le raisonnement comme nous : pour un boulot, pour une bonne situation. C'est juste pour être le meilleur. D'autres parlent bien sûr de la peur de la famille dans l'autre sens. Enfin, un à qui j'ai parlé m'a semblé plus "français" : "boarf moi j'y vais, je fais de mon mieux et puis voilà" et il m'a avoué être plutôt dans les mauvais élèves. Je ne compare en aucun cas le niveau. Je compare les motivations.
C'est évidemment le deuxième point clé. Quelle motivation en France pour aller à l'école ?
Le dernier point qui m'importe c'est les profs. Oh non, je vais pas faire un vulgaire flamm des profs. Au contraire. Il y'a d'excellents profs. D'ailleurs je pense qu'en moyenne, le niveau en France des profs est plutôt bon. Le problème c'est la réputation auprès des élèves ou plutôt, cette généralisation de la relation prof-élève qui est malsaine. En France, le prof est quasiment l'ennemi. En général c'est quand même le vilain et hihi il fait chier il est mauvais hihi madame truc monsieur machin. Ce n'est pas cet ami qui peut vous aider à apprendre. Il est celui qui sanctionne, il n'est pas celui qui instruit. Aller voir le prof, qui souvent n'attend que ça, à la fin d'un cours, c'est être un faillot. Quant une telle situation s'installe c'est dommage pour les profs et pour les élèves. Pour les profs d'une part qui forcément vont se sentir moins impliqués malgré leurs efforts auprès d'élèves qui ne veulent pas d'eux, pour les élèves ensuite qui dans le premier temps perdent les conseils que le prof peut prodiguer, puis subissent la démotivation du dit prof dans un deuxième.
Entre les parents, l'ambiance j'm'en foutiste française et l'attitude des élèves envers les profs, le chiffre 7% ne m'étonne pas.
j'ai été expansif et j'aurais jamais ru raconter ma life. mais bon. c'est la vie tant pis.
Troll.
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