Une larme d'urine dans un dé à coudre et une cigarette au coin des lèvres.
En 2012, je suis assise les doigts de pied en éventail à la terrasse d'un café dans une ville à l'air sale. Deux mouches copulent au bord de mon verre, dans la mousse de ma bière. Dans un râle, la plus farouche attend l'orgasme et de sa bouche minuscule sort une bulle qui s'élève en frôlant le mur gris derrière moi.
Elle s'étale en hauteur, sur une cuisse à l'air gras et poisseux, d'une femme qui balance ses jambes dans le vide depuis son balcon. Plein de promesses fades. Le ventre rond, l'air con et la main d'un homme en sueur que l'on devine enroulé autour de sa taille.
Plus haut le ciel, grisâtre comme la pierre et bleu.
Il fait chaud.
J'ai oublié de dire qu'il fait chaud ?
Dans la rue devant moi passent des gens. Ils sont obèses, transpirent de l'huile et se maquillent tous déraisonnablement.
Hommes et femmes, barbouillés de couleurs pour masquer les erreurs.
Ils se dessinent à même la peau, le physique grotesque que tous désirent. Que tout pousse à adopter.
Dans les vitrines, des mannequins de plastique exhibent les dernières modes vestimentaires, encore plus nus qu'avant. Les lèvres boudeuses, les genoux légèrement fléchis et une main figée dans un mouvement obscène. Celui d'un doigt caressant un téton.
Un enfant, mâle, d'une douzaine d'années, se tient debout devant la vitrine. Sa main s'agite avec vigueur dans son pantalon. Le mannequin de plastique reste immobile, ignorant dans ses chairs inertes qu'il est le stimuli onaniste de toute une nouvelle génération.
Un peu plus loin, de l'endroit d'où je suis, j'observe un autre gamin qui se masturbe devant un magasin de fourniture scolaire. Derrière la vitre, un mannequin, encore, qui nu, porte un sac de grande marque sur son dos. Une chute de rein capable de tailler un crayon de bois.
Des familles s'agitent, bousculent le gamin, sur leurs oreilles des casques de chantier, sur leurs épaules à tous des manteaux en papier de riz.
Dans les trains, les contrôleurs offrent toujours les informations par le biais d'haut-parleurs.
Medames messieurs vous êtes à bord du TGV numéro 8269 à destination de Paris Montparnassse il desservira les gares de Laval et du Mans nous vous prions de bien vous assurez d'avoir composté vos billets avant de monter dans le train sinon merci de vous présenter tout de suite aux contrôleurs, situés dans les voitures restaurant 14 et 28.

Mais en 2012, ils susurrent dans leurs micros en se caressant les cuisses.
Ca sent mauvais.
Un peu partout, tout le temps.