[Orcanie] En route

 
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Episodes précédents :

Rencontre avec sire Guesclin

L'oeil ensanglanté du Lion

L'ange gardien

Songes

Les huits sceaux de Lumière


La brise marine caressait le visage de Soleine. Debout à la proue du navire, elle voyait se rapprocher les premières îles de l’Atlantide. Ce long voyage serait-il le prélude à un autre plus mystérieux encore ? De sa dernière transe, elle n’avait conservé que quelques souvenirs. Rien ne lui avait été dit au sujet du voyage qu’elle aurait bientôt à accomplir afin que son âme embrasse la Lumière de Camelot dans toute sa magnificence. Pourtant, elle sentait bien que le temps était proche et que le départ se ferait d’ici, plutôt que de Camelot comme elle avait longtemps cru. C’était comme si un savoir gravé au fond d’elle-même resurgissait petit à petit. Chaque pas vers l’Atlantide faisait remonter à la surface de sa conscience un souvenir ou une certitude sur le chemin qu’il lui restait à parcourir.

Juste avant de s’engager dans le portail magique en direction d’Hesperos, elle vit Gwennda accompagnée de plusieurs silhouettes familières. Eux aussi s’apprêtaient à traverser le puits de lumière bleutée. Voyant Gwodry disparaître devant elle, elle songea alors à Arslann et à sa sœur. Tous deux l’accompagnaient. Arslann s’était joint à elles depuis plusieurs mois et tous trois étaient devenus inséparables. Pourtant, il faudrait bien se séparer à un moment ou l’autre. Là où elle allait, nul humain ne pouvait la suivre. Quand et comment les quitterait-elle ? Elle se rendit alors compte qu’elle n’avait jamais songé qu’en quittant ce monde, elle laisserait derrière elle des êtres qu’elle affectionnait : Ketty, sa grande sœur, toujours présente, attentionnée, parfois trop même, mais qui l’avait toujours guidée dans le monde des hommes quand son âme ne regardait qu’au loin pour mieux embrasser la Lumière de Camelot. Gwennda la grande clerc qui l’avait initiée aux mystères de la Lumière, lui révélant cet objectif si particulier qui était devenu le sien. Arslann, l’ami fidèle, compagnon récent mais dont la vaillance au combat l’avait sortie de bien des mauvais pas. Pourtant, c’était sans regrets que son âme réaliserait sa transmigration. L’appel de la Lumière était le plus fort.

L‘apercevant, Gwennda vint la voir.
« - Soleine, fille aimée de la Lumière, le temps est-il venu pour nous de nous séparer ?
« - Je le pense, Mère très sainte. Mon âme est prête et les signes se multiplient pour m’indiquer que bientôt le voyage commencera.
« - Si nos yeux ne se posent plus sur toi, nous pourrons cependant rentrer en contact avec toi par la prière. Là où tu seras, seule ton âme persistera, ayant abandonnée ton corps. Les sens humains seront impuissants pour te retrouver, mais les enfants de la Lumière trouveront la voie pour te retrouver et, grâce à ton intersession, se rapprocher un peu plus de la Lumière. Ne sois pas effrayée par ce chemin, s’il est inconnu, c’est simplement que personne n’en est revenu pour le raconter. Pourtant, d’autres l’accompliront à leur tour, quand leur temps sera venu. Va, mon enfant, ai confiance dans la Lumière, mes prières t’accompagnent. »

Gwennda suivit du regard Soleine qui s’éloignait. Elle rejoint ensuite les autres membres du groupe et leur dit :
« - Il est temps pour nous de gagner la Forge du Destin. Une distance importante nous sépare de son entrée et les embûches risquent d’être nombreuses, la région que nous allons traverser fourmille de taurens.
« - Quoi ! Tu nous emmènes vers l’antre de Typhon ? Mais cette région est sèche comme une choppe retournée et plus poussiéreuse que le sellier de mon monastère. Pas le moindre risque d’y trouver de quoi se restaurer, et je n’ai vraiment pas envie de goûter à la viande de tauren. » grommela Slenyold. Le regard que lui jeta Gwennda ne suffit pourtant pas à le faire taire. Il poursuivit :
« - Mettre en péril son âme, errer dans une région qui, bien que n’en ayant pas le nom, s’apparente en tous points aux portes de l’enfer, risquer de se faire transformer en chair à pâtée de tauren, tout cela pour permettre à une grogna… ;, pardon une petite clerc de monter vers les cieux immaculés, n’as-tu rien de plus excitant à nous proposer, Gwennda ? Il me semblait t’avoir expliqué la dernière fois que… »
Macguyre se tourna vers Bowen et Gwodry et leur demanda l’air malicieux :
« - D’après vous, qu’est ce que notre ami moine préfère ? Un banquet bien arrosé ou se chamailler avec Gwennda ?
« - S’il peut avoir les deux à la fois, il n’est pas homme à y renoncer » dit Bowen en éclatant de rire.

Trois jours de trajet furent nécessaires pour traverser l’antre de Typhon, et aborder l’île de cendres. Plusieurs fois, les gardes taurens essayèrent de leur barrer le passage, mais sans y parvenir. Finalement, au quatrième jour, apparu dans le lointain les murs majestueux d’une forteresse dont la taille rappelait celle de Camelot. Gwennda expliqua que le chemin restant à parcourir jusqu’à la forge n’était plus très long. Parvenus à proximité de la forteresse, Gwennda les mena vers le nord en contournant celle ci. La forteresse se prolongeait sur un promontoire rocheux dont la base présentait quelques anfractuosités. C’était vers l’une d’elles que Gwennda se dirigea. Un examen approfondi permettait cependant de se rendre compte qu’il s’agissait plutôt d’un couloir maçonné dont l’entrée avait été plus ou moins obstrué par des éboulements pierreux venus d’au-dessus. Un long boyau s’enfonçait profondément sous la forteresse, ses parois irradiant une faible lueur qui permettait de progresser dans le couloir. En pente douce, le chemin qu’ils suivaient les conduisait dans les profondeurs de la terre en décrivant une longue spirale. Après plusieurs heures de marche, ils parvinrent devant une porte à double vantail, chargée d’inscriptions en glyphes atlantes et en symboles mystérieux. Gwennda déchiffra les inscriptions silencieusement et sourit d’un air satisfait. Elle sortit de son sac un grimoire d’où elle lut une incantation dans une langue qu’aucun des membres du groupe ne reconnut. Mais rien ne se produisit, au grand étonnement de Gwennda. Bowen se plaça devant le vantail de droite et plaçant un coup de sabre sur un gond le fit tomber. La porte s’ouvrit alors.

Une immense salle de forme carrée se trouvait derrière le portail ouvert. Les colonnes sculptées la soutenant représentaient les habituels géants atlantes, figés dans une attitude d’effort intense. Un torrent de lave incandescente s’écoulait de chacune des parois de la salle pour converger vers le centre où se trouvait une espèce d’autel. Au centre siégeait la forge, la gueule de l’âtre s’ouvrant sur les torrents de laves qui se rassemblaient sous celui ci. La base de l’âtre était également recouverte de glyphes que Gwennda déchiffra :
« - Si j’en crois ce que je lis, seul un maître de l’art du métal possédant la connaissance ultime des quatre forces pourra invoquer le feu sacré nécessaire à l’activation de la forge. Aripha et Gwodry, ceci vous inspire t’il ? »
Aripha regarda autour de la forge et désigna quatre statues plus petites que les colonnes qui représentaient chacune un monstre vivant dans une région de l’Atlantide. Au pied de chacune, une logette avait été aménagée. Elle appela Gwodry pour qu’il examine le contenu de cette logette. Chacune renfermait un objet d’apparence anodine, mais qui une fois retiré se transforma en ce qu’il reconnût comme les ingrédients spéciaux nécessaires à la fabrication des armes légendaires. Il sortit de son sac des gemmes et demanda à Slenyold s’il avait emporté de quoi réaliser les teintures volatiles pour de telles armes.
« - J’ai de quoi en préparer plusieurs, sauf qu’il me manque le métal nécessaire. Je ne pensais pas en avoir besoin, tandis que les bouteilles que j’ai emportées à la place me furent bien utiles au cours de ce périple. »
Gwodry sortit alors des barres d’arcanium qu’il lui tendit. « Prépare moi douze teintures, trois de chaque type, s’il te plait. Et débouche également une bouteille, j’ai rapidement soif quand je forge, surtout que cette forge me semble particulièrement brûlante. »
Macguyre interrogea alors Gwodry :
« - Que penses-tu faire ?
« - As-tu déjà vu de l’orichalque ?
« - Non. De quoi s’agit-il ?
« - Les atlantes avaient une connaissance supérieure à la notre en matière de métallurgie, j’ai eu le loisir d’étudier divers objets que l’on m’a rapporté, et j’ai vu que de nombreux d’entre eux étaient fabriqués dans un métal particulier, l’orichalque, dont on trouve de nombreux filons sur certaines îles de l’Atlantide. Ce métal est légèrement luminescent comme l’étaient les armes et l’armure du Champion, et d’une dureté invraisemblable. J’ai fait plusieurs tentatives pour forger des armes avec ce métal, mais je ne suis jamais parvenu à le fondre. Cette forge me semble bien plus chaude que celles que j’ai utilisé jusqu’à présent. Si, aidé par Zoomy, je parviens à fondre l’orichalque, j’en ferais un alliage avec de l’arcanium. J’espère qu'il aura la dureté de l’orichalque et l’aptitude de l’arcanium à s’imprégner de la magie élémentaire des atlantes. Avec je forgerai les armes du Champion. Il disposera de deux épées qui combineront chacune les quatre forces fondamentales. Je pense également, qu’Aripha, assistée de Bowen et Macguyre, devrait pouvoir utiliser cet alliage pour lui préparer son armure. Ainsi le champion disposera de ce qu’il se fait de mieux en matière d’équipement. »




Le sable s’étendait à perte de vue. Le refuge de Stygie était maintenant loin derrière eux. Ils longeaient un grand fleuve dont les eaux étaient infestées de crocodiles. Certains se tenaient au bord de l’eau, se laissant réchauffer par le soleil ardent, tandis que d’autres nageaient entre deux eaux, l’air nonchalant. Cependant, les trois compagnons savaient que ce calme n’était qu’apparent. Plusieurs fois déjà, ils avaient du tuer un saurien un peu trop agressif qui s’était soudainement réveillé quand ils passaient près de lui. La zone où vivaient les larges scorpions ne devait plus être très éloignée d’après les indications du marchand qui leur avait demandé d’aller lui chercher des glandes à venin de scorpion.

La découverte de cette région désertique avait ravivé beaucoup de souvenirs dans le cœur d’Arslann. Une soudaine mélancolie s’était emparée de lui. Où était le campement de Mansour al Sahaari, son arrière-grand-père ? Qu’était devenu Mansour, son grand âge devait lui avoir fait quitter la terre de ses ancêtres, mais il n’avait eu aucune nouvelle de sa famille sarrasine depuis deux ans déjà. Il se rappelait le campement, les cris des enfants, le tumulte du bétail que l’on conduisait à la pâture, l’entraînement que son arrière-grand-père avait insisté qu’il reçoive, faisant de lui un guerrier quand la plus part de ses amis deviendraient des bergers. L’odeur du désert était revenue chatouiller ses narines, cette odeur si subtile que seuls les meilleurs éclaireurs sarrasins savaient la décrypter lorsqu’ils traquaient un ennemi ou un animal sauvage qui décimait les troupeaux. Perdu dans ses souvenirs, Arslann était silencieux et Ketty s’étonnait du mutisme du jeune homme qui lui semblait pour le moins inhabituel.

« - Tu sembles soucieux, Arslann, que se passe t’il ? » lui demanda-t-elle.
« - Ce désert est particulier. J’ai beau avoir passé mon enfance dans un environnement comme celui ci, j’ai une impression d’étrangeté que je n’ai jamais connue auparavant. Le désert est un être vivant, mais que seuls de rares humains savent comprendre, tels les Sahaari, la tribu de ma mère. Il faut savoir l’écouter, le humer pour y déceler la vie cachée. Celui ci me semble grouillant de vie, c’est anormal. Je ressens une foule de sensations qui me montrent bien qu’il est plein de vie, bien trop pour être un désert normal. »
« - Plein de vie ? Je ne vois que de rares arbres tout rabougris, quelques crocodiles au bord de l’eau, parfois un scarabée que l’on voit au loin. Où est la vie que tu sens ? »
« - Dans notre entourage immédiat, je te l’accorde, il n’y a que peu d’êtres vivants, mais un peu plus loin, il y a les scorpions, j’entends le claquement de leurs pinces depuis quelques temps déjà, vers le sud ouest. Au nord, les Sethites montent la garde. As-tu vu leurs tours de guet ? Les traces au sol indiquent que cette berge a été foulée par de nombreux pieds il y a peu de temps. As-tu conscience de tout cela ? »
« - Non, je ne vois qu’un univers minéral, fait de sable à perte de vue, où survit difficilement une chiche végétation. Parfois un animal, mais rien de plus. Mais je ne suis pas une habitante du désert comme ton peuple, Arslann. Ici, tu vois un endroit où tu saurais vivre, moi je n’y vois qu’un enfer. »
« Je ne sais pas si je saurais y vivre, c’est justement cela qui me surprend. Je perçois bien plus de chose que je n’ai jamais perçu dans le désert de mon enfance. Il y a quelque chose d’inhabituel dans ce que je perçois, la morne étendue qui s’étend devant nous me semble grouillante, je n’ai jamais eu de telles perceptions. »
« - Veux-tu dire que c’est toi qui aurais changé ? »
« - Oui, ayant quitté le désert il y a maintenant 5 ans, je m’attendais à ne pas retrouver toutes mes perceptions, enfin, pas tout de suite. Et là, tout revient immédiatement, mais même, encore plus intensément que je ne l’ai jamais connu… » Il s’interrompit brutalement. D’un coup, il redevint le farouche guerrier, tous les sens aux aguets. Sa physionomie se modifia, son visage se tendit, ses épaules semblèrent s’élargir, sa taille grandir, son regard devint plus tranchant que ses armes. Ketty reconnu la transformation qu’elle connaissait. Quand Arslann devenait ainsi, c’était signe de danger extrême. Pourtant rien ne semblait les menacer directement. Aussi loin qu’elle puisse voir, rien d’inquiétant n’apparaissait. Pourtant elle n’avait pas l’intention de négliger l’alerte d’Arslann. Elle raffermit la prise de son bouclier, sortit son épée, chercha Soleine du regard. Elle sourit, Arslann était déjà auprès d’elle, attentif au moindre son, à la moindre impression. Fidèle à son serment silencieux, il avait repris sa garde de la jeune clerc.
« - Des pas, des centaines de pas qui viennent vers nous, ils vont bientôt arriver, il ne faut pas rester ici » dit Arslann. « Je sens une forte hostilité, il vaut mieux ne pas les croiser. »
« - Qui donc ? »
« - Des Sethites. Ils viennent dans notre direction, mais ils ne progressent pas en colonne comme ils le font habituellement, ils se sont déployés pour progresser en parallèle vers nous. Il faut partir d’ici rapidement, et fuir vers l’est, en espérant que leur dispositif ne s’étend pas trop dans cette direction. Il n’est pas possible de traverser le fleuve, les crocodiles festoieraient avec trop de facilité. Vite ! »
Ils progressaient vers l’est depuis déjà plusieurs minutes quand Arslann pointa un doigt vers le sud, vers la crête d’une grande dune.
« Voyez-vous les Sethites au loin, ils viennent de franchir la ligne de crête ? » Les deux sœurs plissèrent les yeux pour tenter de filtrer un peu l’éblouissante lumière du désert. Ketty ne vit rien. Soleine, abaissant les paupières dit d’une voie douce :
« - La haine, le ressentiment, la peur, l’excitation… Pourquoi tout cela chez ces nomades ? »
« - Ils chassent » répondit Arslann. « Ils nous pourchassent. Pourquoi, je l’ignore, mais ils ont modifié leur direction de marche au fur et à mesure que nous progressions vers l’est. Ils sont à nos trousses, et avancent plus vite que nous, leurs pattes sont plus larges et s’enfoncent moins dans le sable. Il faut trouver un refuge, mais je ne vois rien d’assez proche où nous puissions nous cacher. » Il huma l’air. « Direction sud-ouest » dit-il brutalement.
« Mais nous ne nous éloignerons pas d’eux ainsi ! » dit Ketty.
« Des alliés nous y attendent » répondit Arslann. « Courrez ! ».


Quittant la berge sablonneuse du fleuve, ils s’aventurèrent dans les dunes dans la direction indiquée par Arslann. La progression devint rapidement mal aisée. Elles avaient appris que quand il employait ce ton, ses instructions, aussi surprenantes pouvaient-elles paraître, s’étaient toujours révélées parfaitement adaptées à la situation. L’instinct d’Arslann ne les avait jamais trompées, elles avaient confiance en lui. Les Sethites étaient maintenant bien visibles. Les premiers avaient même commencés à courir pour les poursuivre. Par contre, rien n’annonçait les alliés promis par Arslann. Un groupe de hauts rochers à quelques distances semblait pouvoir être atteint, et permettre ainsi de ne pas se laisser encercler. Mais il y avait-il un espoir contre une telle masse de nomades ? En regardant derrière elle, Ketty en estima le nombre à une centaine. Trois contre cent. Quel espoir restait-il ? En quoi ces rochers offraient plus de chances de survie que la fuite le long de la berge ? Ketty n’eut plus le temps de se poser de questions, arrivés aux rochers, Arslann avait indiqué à Ketty où il désirait la voir s’installer. Il vint se placer derrière elle, Soleine, adossée à un grand rocher qui les surplombait de plusieurs mètres. De chaque côté, des rochers plus petits délimitaient une espèce de couloir dans lequel de grands humanoïdes comme les Sethites ne pourraient pas s’engager à plus de deux de front. La position était bonne, certes, mais trois contre une centaine d’assaillants, l’espoir était quasiment inexistant. Les premiers Sethites arrivèrent devant eux.

L’un d’entre eux désigna Soleine du doigt et hurla un ordre dans une langue gutturale. Trois nomades s’avancèrent alors. Avant d’être parvenus au niveau de Ketty, le bouclier de celle ci avait violemment étourdit le premier. Arslann dans l’instant qui suivait lui plantait ses deux lames dans le corps provoquant une hémorragie torrentielle. Le premier Sethite n’était pas encore revenu de son étourdissement qu’il était déjà vidé de son sang. Il s’effondra comme une poupée de chiffon à leurs pieds. Après un instant d’hésitation, les deux autres chargèrent ensemble. Ils ne parvinrent cependant pas à passer le barrage du bouclier de Ketty. Etourdis, ils devenaient une proie facile pour le mercenaire. Pourtant, il était évident que ce combat ne s’éterniserait pas ainsi. La fatigue diminuerait bientôt l’efficacité de la défense de Ketty et Arslann. Celui qui semblait diriger l’expédition, le plus grand de tous, s’avança alors. Il poussa un cri rauque et chargea. Il bouscula Ketty et parvient à s’engouffrer dans l’espace laissé entre elle et Arslann. Seul devant Soleine il s’apprêtait à frapper, le bras en l’air, mais à cet instant, Arslann poussa un grand cri qui se transforma rapidement en un rugissement effroyable. Le Sethite se figea un instant alors qu’une ombre le recouvrait. Dans le même instant, Arslann le frappait de dos, le jetant au sol, aidé en cela par un lion immense qui venait de sauter du haut des rochers sur le Sethite. Un combat acharné s’engagea entre le chef Sethite et le lion, mais Arslann ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits. De nouveau ses lames tourbillonnèrent dans l’air et virent lui déchirer le dos. D’autres ombres survolèrent les combattants tandis que de nouveaux lions sautaient des rochers pour attaquer les Sethites restants qui se débandaient. Bientôt, le sable du désert devient boueux du sang des Sethites que les lions massacrèrent.

« - Tu savais qu’ils étaient là et qu’ils attaqueraient les Sethites ? » demanda Ketty.
« - Oui, je savais qu’ils étaient là, je les avais sentis quand je vous ai fait obliquer vers ces rochers. J’avais vu celui qui est venu à nous, et je savais que ses suivants détestaient les Sethites. Je comptais donc sur leur intervention pour nous tirer de ce mauvais pas. Mais j’ai été surpris qu’ils n’attaquent pas plutôt. »
« - Ils n’ont attaqué que quand tu les as appelés, jeune Lion » dit Soleine. Un grognement fit se retourner Ketty, et elle vit devant elle le lion énorme, bien plus massif que les autres. Le lion passa devant elle et se rapprocha d’Arslann. Il avait presque la taille d’un petit cheval et était dépourvu de crinière.
« - Voici Mesedubastet, Prince des lions du désert » dit Arslann. « Sa meute de lions furieux nous a sauvés. » Arslann se dirigea vers l’énorme lion, s’arrêta devant lui et leur regard se croisèrent. Le lion grognait doucement. Lentement Arslann leva la main droite et vint caresser la tête de l’animal. Puis le lion fit demi-tour et s’éloigna en trottinant. Arrivé à quelques distances, il tourna le tête en direction du petit groupe, rugit une dernière fois et repartit au petit trot suivit de sa meute.

Le regard de Ketty passait de Soleine à Arslann.
« - Tu veux dire qu’il a obéi à Arslann » demanda-t-elle, à sa sœur.
« - Une fois de plus, alors que nous étions en péril, un lion providentiel nous a sauvés, lion qui n’est apparu que quand Arslann l’a invoqué. »
« - Tu prêtes foi à cette histoire d’Esprit du Lion ? »
« - Je sais ce que j’ai vu, Ketty. Quand le danger menace, un lion nous sauve toujours du péril. Et ce lion ne vient qu’après le cri d’Arslann. Tu peux nier l’évidence si tu veux, mais je crois effectivement qu’Arslann possède en lui quelque chose grâce auquel j’ai eu plusieurs fois la vie sauve. Si les sarrasins désignent ceci par l’Esprit du Lion, alors, oui, Arslann a l’Esprit du Lion en lui. Et tu as bien vu, je défie quiconque, hormis Arslann, de tendre le bras en direction de Medsubastet et de ne pas le perdre instantanément. »
Pensive, Ketty répondit :
« - Il est exact que ces interventions providentielles ne se produisent que quand tu es en péril, petite sœur. On dirait que seul le fait de te voir en danger donne à Arslann ce pouvoir d’invocation, ainsi que ces sensations troublantes. Il perçoit des choses que nous ne sentons pas. »
« - Bien sûr, je te l’ai déjà expliqué, la Lumière de Camelot illumine l’esprit du croyant et lui permet de voir plus qu’il ne le peut avec ses yeux. » répondit Soleine.
« - Je ne suis pas un enfant de la Lumière, même si mon père l’est » l’interrompit Arslann.
« - La Lumière de Camelot ne rend pas omniscient, j’en connais une qui ne voit pas ce qui pourtant crève les yeux » dit Ketty en guise de sentence finale.

Soudain la lumière déclina, le soleil venait de passer derrière les grands rochers, le soir approchait. Arslann décida qu’ils regagneraient la proximité de la rive du fleuve pour y bivouaquer. Là bas, ils trouveraient du bois pour faire un feu et affronter la nuit glaciale du désert, tout en se protégeant des crocodiles qui avaient peur du feu. Alors qu’Arslann commençait à préparer un âtre de fortune, Ketty partit réaliser la corvée de bois. Profitant de l’éloignement de sa sœur, Soleine vint s’asseoir près d’Arslann qui soufflait sur la braise pour aviver la petite flamme qui s’élevait du tas de brindilles sèches déposées sur le bois.
« - Arslann, je vais devoir bientôt partir. »
« - je sais. » répondit-il tranquillement, sans même lever le regard vers elle.
Elle le regarda, surprise. Depuis le départ, elle cherchait le moment pour les prévenir, Ketty et lui, mais n’avait pas encore trouvé les mots pour le dire. Elle redoutait la réaction de sa sœur, et avait donc décidé d’en parler d’abord à Arslann. Mais elle ne s’attendait pas à cette réponse de sa part.
« - Comment cela, tu le sais ? »
« - Je le sais, c’est tout. » répondit-il, imperturbable. « J’ai tout préparé. Ketty trouvera un feu allumé, un repas au chaud. Demain, un groupe de Lions Ailés viendra la chercher ici, je me suis arrangé avec Eloohine. Nous avons pour 7 jours de nourriture et de boisson dans des sacs qui nous attendent un peu plus loin dans une cache. »
« - Nous ? »
« - Oui, nous » dit-il en souriant. « Tu ne t’imagines pas t’aventurer dans ce désert sans un guide, tout de même ? ».
« - As-tu seulement idée d’où je vais ? »
« - Non, mais je sais que pour y arriver, tu auras besoin d’un compagnon, donc de moi. »
« - Là où je vais, nul humain ne peut me suivre. Là où je vais, nul humain ne peut même exister. »
« - A moins qu’il ne te suffise de faire un pas pour y arriver, je t’accompagne. Il serait stupide de te perdre dans le grand erg ou de te laisser ensevelir dans des fech fech et ne pas parvenir là où tu dois te rendre. Voilà, le feu est parti et est alimenté. Le repas de Ketty est prêt, et elle trouvera un mot d’explications dans le sac que je lui laisse. Ne traînons pas, elle ne devrait plus tarder. Et je doute qu’elle te laisse partir aussi facilement que je le fais. »
« - Tu appelles cela me laisser partir ? »
« Je ne remets pas en question la nécessité pour toi de partir. Je sais qu’au bout de ce voyage, tu trouveras un destin qui n’appartient qu’à toi seule. Simplement, je ne te laisse pas t’y aventurer seule, tant que je peux rester à tes côtés. Allons, il faut y aller. Nous avons encore une heure de marche avant d’arriver à la cache où nous trouverons notre ravitaillement. »

Parvenus à la cache où Arslann avait fait déposer les sacs, ils s’installèrent pour passer la nuit. Il s’agissait de ruines atlantes, une espèce de petite chambre maçonnée dans laquelle il installa une couche pour Soleine. Il s’assit en travers de la porte, le feu brûlant juste dehors, faisant un écran de chaleur au froid de la nuit du désert. Arslann prit le premier tour de garde, et laissa Soleine aller s’installer pour se coucher. Elle s’endormit en l’écoutant lui raconter la saga de Rostam, le grand héros sarrasin.

Esclaves, debout ! Que ma victime vienne à moi. Qu’enfin je puisse donner l’accès de ce lieu à mon Maître en lui sacrifiant cette âme fragile pour l’attirer à moi. J’attends depuis si longtemps, 666 cycles ! Ne me décevez pas, il n’y a plus de droit à l’erreur comme la première fois où je fis appel à vous. Mon plan est infaillible, les forces de la création ne savent pas d’où viendra le coup qui les abattra. Pourtant, il marche librement, sans savoir qui il est. Esclaves, préparez-vous, ils arrivent, bientôt vous les sentirez s’approcher. Soyez vigilants…

Elle s’éveilla alors qu’un rayon de soleil passant par la porte ouverte venait l’éclabousser de lumière. Arslann était déjà debout, il avait ravivé le feu, et préparait un petit déjeuner pour Soleine. Une appétissante odeur de lui chatouilla bientôt les narines. Sur une broche, quelque chose évoquant un lapin grillait. Soleine s’aperçut soudain, que le paysage qui s’offrait à elle au travers de la porte ne correspondait pas aux souvenirs qu’elle avait de la veille. Alors qu’elle se souvenait d’un fleuve qui s’écoulait vers l’ouest, face à elle en direction du soleil levant, il n’y avait plus de fleuve. Une grande étendue pierreuse parsemée d’une maigre végétation le remplaçait. Elle se tourna vers Arslann pour l’interroger, mais il lui tendit une cuisse du lapin.
« Etrange un lapin en plein désert, non ? Et puis, nous avons progressé en direction du couchant et le soleil se lève dans la même direction. Curieux phénomène qui, à coup sûr, inquiéterait bien les astrologues sarrasins. Notre voyage a bel et bien commencé, mais c’est un curieux voyage tout de même, sans même nous déplacer, nous progressons vers ton but. De même, le retour en arrière semble impossible. Si je pars en direction du couchant, inexplicablement, sans changer de direction, je me retrouve finalement progressant en direction du levant. On dirait que nous n’avançons que quand nous sommes face à la lumière du soleil, cela te surprend il ? »
Soleine réfléchit, mais elle se rendit compte qu’au fond d’elle-même, elle n’était pas vraiment surprise. Elle n’avait eu aucune indication sur la façon dont se passerait son voyage. Mais devoir rejoindre la Lumière de Camelot en avançant face à la lumière du soleil n’était pas si étonnant finalement.

Ils se mirent en route. Le paysage changeait rapidement, bien plus rapidement qu’il n’aurait du. Tout se déroulait comme si c’était la terre qui bougeait par rapport aux voyageurs. Plusieurs fois Arslann tenta d’obliquer par rapport à la direction qu’ils semblaient devoir prendre, et imperceptiblement, ils se retrouvaient face à celle ci sans avoir changé d’orientation. Il tenta même de revenir sur leurs pas, mais au bout d’une demi-heure, le rivage qu’ils avaient vu au loin et dont ils tentaient de s’éloigner, se trouvait devant eux. Le paysage avait évolué pour donner place à une nature luxuriante, une végétation tropicale qui s’étendait de part et d’autre de leur chemin. A quelques pas, un petit ruisseau se jetait dans la mer. Arslann décida de s’y arrêter pour y compléter les réserves d’eau et s’abriter de la chaleur de midi. Son regard fut attiré par une tâche de couleur claire. En regardant plus attentivement, il reconnut un arbuste aux feuilles grasses dont les fleurs très colorées avaient attiré son regard et se dirigea vers lui. En revenant, il tressa une couronne de fleurs aux pétales d’un blanc pur et immaculé, au cœur jaune vif comme le soleil de midi. Il la tendit à Soleine.

« - Ces fleurs s’appellent des fleurs de frangipane. Elles ne poussent que sur les rivages des mers chaudes, sur quelques îles que les marchands sarrasins visitent parfois. Mais elles constituent un symbole important pour ceux de ma tribu. Quand une jeune femme se marie; sa belle-mère lui offre une fleur de frangipane qu’elle portera dans ses cheveux pendant la cérémonie du mariage. Cette fleur symbolise la pureté de la jeune épouse par la blancheur de ses pétales et son cœur doré invoque la richesse sur son foyer. C’est un cadeau rare et précieux que celui là, car ces îles sont fort éloignées de notre désert, et que ces fleurs nécessitent une potion particulière pour ralentir leur dépérissement. » Il déposa la couronne sur ses cheveux. « Fille aimée de la Lumière, leur blancheur évoque la pureté de ton âme, leur cœur doré, la Lumière vers laquelle tu as décidé de te diriger. »
« - Que sais-tu exactement de mon projet, Arslann ? » demanda Soleine.
« - A vrai dire, pas grand chose. De même que je prends conscience des pouvoirs qui sont en moi, certaines choses ayant trait à toi apparaissent parfois soudainement dans ma conscience comme si je les savais depuis longtemps. Ne me demande pas comment j’ai su que tu projetais de partir, je le savais, c’est tout. Je ne sais ni où tu vas, ni ce que tu désires aller y réaliser. Mais cela semble important pour toi, je te sens troublée depuis que nous sommes arrivés en Atlantide. Qu’il y a t’il donc de si important pour que tu choisisses de quitter ta sœur sans lui en avoir parler au préalable ? Tu cherches à disparaître subrepticement, comme si tu redoutais qu’elle ne s’oppose à ce projet. S’il est si important pour toi, elle ne devrait pas s’y opposer, pourtant. »
« - J’ai peur qu’elle ne puisse comprendre, que son affection pour moi ne l’empêche de d’accepter de me laisser partir. Je pars pour ne pas revenir. Je ne sais pas comment lui expliquer ce qui va se passer puisque je ne sais pas exactement ce qui va se passer. Les signes que j’ai reçus me disent que c’est le moment de partir. Je ne sais pas où je dois aller ni comment, mais il semble que nous soyons pourtant sur le chemin, aussi étrange puisse t’il être. Sais-tu ce que sont les Ombres ? Dans l’enseignement que reçoivent certains clercs de l’Eglise, il est un texte mystérieux qui désigne une cité mythique où trônerait la Lumière de Camelot. Cette cité projetterait son Ombre sur le reste de l’univers, qui au final ne serait qu’une Ombre imparfaite de cette cité mythique. Chaque lieu de l’univers n’est qu’une des Ombres de cette cité. Pour atteindre la révélation ultime, ce texte explique qu’il faut rejoindre cette cité en parcourant ses Ombres. Notre étrange voyage pourrait bien trouver son explication dans ce texte. »
« - Tu cherches donc à rejoindre une cité mythique pour y trouver l’Illumination ultime, même si le cheminement pour y parvenir est pour le moins étrange. Je ne vois pas pourquoi Ketty chercherait à s’y opposer. Elle a toujours favorisé ta vocation, t’aidant le mieux qu’elle pouvait. Je ne comprends pas pourquoi elle refuserait de t’accompagner pour que tu aille quérir cette Illumination ultime. »
« - Parce que cette Illumination implique l’abandon de mon corps physique afin que mon âme se rapproche de la Lumière de Camelot. Soleine ne reviendra pas de ce voyage, Arslann. C’est pourquoi je craignais la réaction de Ketty. Et puis, je ne sais comment l’expliquer, j’ai la très claire sensation que sa place n’était pas avec moi pour ce voyage, tandis que ta présence à mes côtés me semble naturelle. Plus je repense à ces derniers mois, plus je me dis que notre rencontre ne fut pas fortuite. Mais je ne comprends pas pourquoi toi, qui n’est pas un fils de la Lumière, a sa place auprès de moi et pas un autre membre de l’Eglise. Gwennda ne m’a jamais rien dit à ton sujet, alors que je m’attendais à ce qu’elle cherche à me protéger de l’influence d’un non croyant. »
« - J’ai aussi ce sentiment que notre rencontre correspond à quelque chose de nécessaire, de prévu, mais par qui ? Comme je te l’ai dit, je sais que je dois t’accompagner, mais dans quel but ? Serais-je utile pendant le voyage ou une fois que tu seras parvenue à ta destination ? Et ensuite, que ferais-je une fois que tu seras partie ? »

La suite...


Comme toujours, merci à ceux qui auront eu la patience d'aller jusqu'au bout, ainsi qu'aux fidèles qui m'ont suggéré des améliorations
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http://mefaust.free.fr/images/signatures/daoc/sign-arslann1.gif
Je n'ai pas pu venir pendant quelques temps sur jol et je trouve la suite de texte de Gwodry...

Il faut prendre le temps de le lire c'est peut être long mais c'est si bien...

Vous pouvez faire un copier coller dans word pour l'agrandir et ainsi faciliter votre lecture...

Ces textes sont riches et bien construits et l'histoire est passionnante, riche en détails...

Je dis bravo Gwodry pour ce fabuleux travail....

/kisssss

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Bon j'ai repris mon pseudo, comme je ne troll pas sur TESO, j'ai le droit na !
 

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