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Elle était seule, la pièce telle qu’elle la découvrit ressemblait plus à une cellule qu’à une chambre. Comme pour désapprouver son réveil, le lit sur lequel elle venait de s’asseoir émit une légère plainte, pourtant il semblait plutôt récent et de très bonne facture, trop même. Étrangement ce fut la première chose qui lui vint à l’esprit : Un lit comme celui-ci n’avait rien à faire dans une pièce comme celle-là.
Sur sa gauche un tabouret en bois faisait office de table de chevet, le réveil qui s’y trouvait n’était pas branché. Les murs étaient couleur crème, complètement nus, le parquet, quoique ni très entretenu ni très récent devait toutefois être de bonne qualité car le bois semblait n’avoir pas trop souffert de l’épreuve du temps. Le sommier était disposé contre le mur de droite, mur sur lequel la seule fenêtre de la pièce semblait avoir été condamnée. De l’autre côté, gisaient deux morceaux de bureau, la chaise qui l’accompagnait elle avait été abandonnée juste à droite de la porte, face à la jeune femme. N’aurait été ce lit, elle eut juré à une chambre d’hôtel, mais aucun boui-boui ne prodiguerait de telles couches et un hôtel digne de ce nom ne se permettrait pas de proposer une chambre aussi peu accueillante, ce fut en tout cas ainsi que sa réflexion se poursuivit.
Si les lieux pouvaient parler alors c’était typiquement le genre de chambre qui n’aurait rien eut à dire, aussi impersonnelle qu’une salle d’attente, ces pièces qui nous en disent plus quand on les quitte que quand on s’y trouve, purement pratiques, elles sont comme ces morceaux de puzzle qui ne révèlent leur secret qu’en tant que partie du tout auxquels ils appartiennent. C’est sans doute pour ça que l’esprit de La jeune femme éluda rapidement les considération d’ordre géographique, elle aurait tout loisir de savoir où elle se trouvait une fois dehors, ce qui la préoccupait en ce moment même se trouvait par terre, et en piteux état.
La scène qui occupait le centre de la pièce avait de quoi traumatiser quiconque n’y ayant pas été préparé, n’importe qui n’ayant pas ce détachement, propre aux personnes qui savent que leur sang-froid peut sauver des vies, souvent la leur, n’importe qui n’ayant pas cette force mentale qui permet de rationaliser une épreuve de lui ôter toute substance affective, pour n’en retenir que les informations nécessaires, des données utiles, en bref, n’importe qui n’ayant pas suivi une formation adéquate, comme un policier d’élite, ou, pour verser dans le romantisme, un espion.
Le hurlement qui suivit ne surprit donc personne pas plus que le fait de voir la jeune femme se recroqueviller sur le lit dans l’angle de la pièce en empoignant frénétiquement ses draps.
Entendu pour entendu, ce que ces cris engendrèrent chez leur auditeurs n’avait rien de surprenant non plus : Le pas décidé de l’un en direction de la porte, la main de l’autre se posant fermement sur son épaule pour le retenir, le demi tour de tête accompagné d’un lourd regard... Autant de gestes répétés, encore et encore, à tel point qu’ils se substituent aux paroles, à tel point qu’on pourrait raisonnablement penser que leurs auteurs ne réfléchissent plus vraiment leurs actes, qu’ils jouent un rôle, leurs rôles.
Comme un vieux couple usé, l’un rentre en retard du travail un soir, comme il le fait souvent, comme il le doit, et l’autre le lui reproche, parce qu’il le doit, aussi, c’est comme ça. Comme un débat politique, un qui veut mettre en exergue ses idéologies, car il le faut, et l’autre qui se doit d’être pragmatique avant tout, car il le faut, aussi, c’est comme ça.
Pourtant Luc est certain qu’il aimerait réellement aider cette femme en cet instant, la soutenir dans cette épreuve, lui apporter un réconfort mérité, un peu de chaleur, il en est persuadé. Enfin, quel être humain pourrait être ainsi insensible et laisser s’installer une telle panique chez une jeune fille, même au nom d’un intérêt supérieur ? Et quand bien même il se raisonnerait, il reste malgré tout l’humaniste, il se doit d’agir comme tel et de feindre des velléités affectives, surtout avec Lionel dans la pièce. Lionel lui, de son côté aurait presque envie de la plaindre, mais qu’importe en définitive ? Luc déploie largement assez d’empathie pour deux, de toute façon quel homme de science à la tête bien faite laisserait une simple émotion se mettre en travers d’une avancée scientifique majeure ? C’était très bien ainsi, et c’est pourquoi il secoua la tête en retenant son ami, il devait en être ainsi, elle devait se sentir seule, elle serait seule. Quelques longues minutes passèrent avant qu’elle ne se dirige vers la porte, évitant soigneusement l’objet de sa panique sans pouvoir toutefois le quitter des yeux, comme si il représentait encore une menace, c’est tremblante qu’elle posa sa main sur la poignée et sortit de la pièce. Ils la suivirent du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le couloir puis sortirent à leur tour.
Camille venait de finir l’état des lieux, du moins le croyait-elle, quand elle baissa les yeux au pied du lit, abasourdie, elle fixa un instant le macabre spectacle qui s’offrait à elle. Le corps d’une jeune femme gisait, étendu devant elle, les entrailles répandues sur le sol. Un instant elle envisagea de s’approcher de la dépouille, un instant seulement, car elle se souvint au dernier moment qu’une de ses meilleure chance de survie, jusqu’à preuve du contraire, restait sa couverture, c’est pourquoi elle se recula promptement, se mit à hurler, et se saisit de ses draps. Intérieurement elle sourit à l’idée, comble de l’ironie, que pour une fois les draps protégeaient la couverture et non l’inverse, Camille était une espionne, à tout le moins ce qui s’en rapproche le plus. Après avoir pleuré ce qui lui sembla un temps raisonnable elle se leva et pris la direction de la porte, prenant soin de bien contourner le cadavre mais aussi, et surtout, de ne pas se retourner, de ne pas diriger son regard au dessus du lit, de ne pas regarder à nouveau la première chose qu’elle avait aperçu en ouvrant les yeux, la caméra fixée au plafond. A en juger par le peu de marques au sol autour de la victime, elle avait été tuée dans cette même pièce, et au vu de l’état du sang, cela avait eu lieu alors qu’elle dormait juste à côté, tout au plus deux ou trois heures auparavant. Il s’agissait d’une femme, brune, de couleur blanche, assez grande, peut-être même plus que son mètre soixante-dix à elle. Hormis le bureau cassé il n’y avait aucune trace de lutte, et pourtant l’agresseur semblait s’être acharné sur elle, sa robe de chambre d’hôpital –la même que celle dans laquelle Camille s’était réveillée– déchirée en deux dans le sens de la hauteur laissait voir que la jeune fille avait était littéralement éventrée, au moins du sternum à l’abdomen… Camille avait rapidement étudié la scène en se dirigeant vers l’entrée de la pièce, elle aurait aimé en savoir plus sur cette jeune fille et sur les circonstances de son décès mais elle devait s’en tenir à son plan, avoir l’air inoffensive et terrifiée, c’est donc en sanglotant et en tremblant qu’elle se saisit de la poignée et ouvrit la porte.
Addenda :
J'ai respecté toutes les conditions :
- La nouvelle commence dans une chambre et se termine aussi dans la chambre.
- Elle fait indubitablement plus de 500 mots et sans doute moins de 2000.
- Elle se déroule sur moins d'une journée.
- Elle à un titre*.
* Le titre c'est Help !, car je n'écrit jamais de "romans", je suis un peu complètement nul pour imaginer quoique ce soit, surtout avec autant de contraintes, du coup je n'ai pas d'idée pour la fin et je veux bien les vôtres.
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