Accoudée sur la table la plus en retrait de la taverne, j'observais.
Sur mon visage se lisait une moue mutine, presque amusée.
D'un côté j'entendais les braillements et les vantardises d'hommes en armes, qui hurlaient à qui voulait l'entendre qu'ils étaient la fierté d'Albion, qu'ils méritaient tout le prestige et l'apanage des grands guerriers !
De l'autre, mon regard se posait sur des hommes ivres, aux mines blafardes et livides, et ma moue mutine se transformait alors en une grimace de dégoût.
La foule présente m'étouffait et pourtant je restais là, attablée, car une personne retenait mon attention.
Elle, une gosse à la carrure fragile, dont la taille ne dépasserais même pas l'épée longue que tenait un maître d'armes non loin d'elle.
Le visage noircit de crase, mais pourtant des yeux pétillants de malice et ce sourire espiègle aussi intriguant et envoûtant que la voix d'un barde qui se met à s'élever comme pour capter l'attention.
Mais personnes ne lui prêtait d'importance.
Je la regardais détailler, elle aussi, du regard les clients de la taverne.
Comme un prédateur guettant sa proie, avec ruse et ingéniosité elle se faufilait au travers de la cohue, évitant tant bien que mal les hommes ayant trop abusé de l'alcool qui s'étaient retrouvés à terre, ronflant avec impudeur.
D'un geste rapide et minutieux elle sortait un minuscule poinçon dissimulé sous un pan de sa pèlerine.
Je plissais les yeux comme pour mieux percevoir, elle trancha d'un coup net et précis le lien de cuir qui retenait les bourses pendant à la ceinture.
Un sourire de satisfaction inonda son visage, ravie de sa rapine elle détalait enfin, sortant de l'établissement l’or en poche.
Plus rien ne me retenait ici, et fuir la foule environnante était une idée qui me réjouissait, j'entrepris avant de sortir à mon tour, de finir mon verre.
Je le porta à mes lèvres, passant machinalement ma langue sur celles-ci pour en essuyer les commissures, je vis un vieil homme qui contemplait mon geste avec des yeux vicieux et un sourire obscène, de ces regards qui vous perce à jour, et s'insinue violemment en vous, comme pour lire vos pensées.
Je le toisa du regard, furieuse je faisais pianoter mes doigts sur ma dague poser contre mon flanc, en guise d'avertissement.
Il déglutit bruyamment, puis détacha ses yeux de mes lèvres humides.
Mais ma menace n'eus pas l'effet escompté, non, au lieu de le faire fuir, le voila qui s'approchait de moi ! Par toutes les Ombres, il me provoque !
Alors qu'il se tenait maintenant debout devant moi, je ne daignas même pas lever la tête vers lui, prenant comme à mon habitude cet air flegmatique, qui bien souvent irrite mes interlocuteurs au plus haut point.
-Cette place est libre ? Dit-il en désignant la seconde chaise en face de moi.
-Non. Puisque tu compte t'y asseoir.
Il sourit, s'installant alors.
Je finis par me décider à le regarder, il portait une robe de couleur sombre, qui le rendait affreusement ridicule, ses vêtements noirs mettaient en valeur les cheveux et la barbe grisonnante qu'il arborait. Sa robe maladroitement ajustée, découvrait une maigreur surprenante pour un homme de cette taille.
Il n'en était pas pour autant repoussant, loin de là, malgré les années passées, seul ses cheveux gris trahissaient sa vieillesse, son visage avait gardé cet air enfantin, comme s’il avait réussit à filtré le temps, et ses yeux étaient d'un bleu profond, ou l'on semblait plonger un court instant si l'on soutenait son regard.
-Que veux-tu, vieil homme ?
-Te conter une histoire.
Je ris, et pris un ton moqueur qui ne lui plu visiblement pas.
-Ais-je l'air d'une gamine crédule à qui l'on raconte une légende dérisoire pour s'endormir ? Tu perds ton temps, et moi le mien.
Il crispa ses doigts sur les plis de sa robe, retenant à grande peine la fureur qui pourtant venait lui rougir les joues.
-En parlant d’enfant, Tu semblais bien absorbée par cette môme habile tout à l'heure.
Alors que je commençais à me redresser pour faire route faire la sortie, je me figea, il l'avait vue lui aussi, il est peut être plus intéressant qu'il ne semble paraître, après tout.
-Rassieds-toi, fille de la nuit, j'ai chose à te dire.
Là, s'en était trop ! Il venait de me nommer comme le font les rares qui me connaissent, hors je pouvais jurer n'avoir jamais vu son visage ! Ou diable avait-il su ce surnom.
Mais il avait gagné, je pris place à nouveau sur ma chaise, il avait obtenu ce qu'il désirait d'une simple phrase...oui cet homme est bien plus intriguant qu'il n'y parait.
-Parles donc, vieux fou. Je t'écoute, et hâte-toi, avant que je ne perde patience.
Il me sourit simplement, puis commença son histoire.
-Je m’affalais sur l’herbe fraîche, souriante, le soleil à son paroxysme, radieux dans son halo d’or me caresser de ses rayons, je m’abandonnais à son étreinte, la légère brise venait soulever la fine robe de moires que je portais.
Mes doigts parcouraient en un effleurement les brindilles autour de moi, je me redressais alors, posant ma tête dans le creux de mes mains, accoudée ainsi je laissais vagabonder mes pensées, qu’elle délicieuse journée…oui splendide.
Je clos les paupières, et la lumière du soleil dans ce cours instant rejoignit l’obscurité de mes rêves, ce fugace moment, où l’âme s’éveille et semble atteindre la pureté…puis plus rien, les ténèbres.
Si l’on m’avait dis quand cette magnifique journée, un rêve sonnerais le glas de mon destin, je ne l’aurais pas cru et pourtant…
--Maudit soleil, malgré mon habilité à me rendre invisible, ces rayons d’orées avaient le don de transpercer mes plus fidèles alliées, les Ombres.Mais je ne reculais pas, comme poussée par une soif de vaincre, relevant le défi que me lançait l’astre diurne, j’avançais, persisté.
Egorgeant les ennemis insouciants osant croiser mon chemin, rien ne ralentirait ma route.
Du moins, c’est ce que je pensais, car soudain je me figeas. Une sarrasine étendue sur le sol était assoupit, qu’elle insouciante ! S’attardait ici en zone dangereuse ! Si enivrée de sa Lumière qu’elle en oublis l’existence des Ombres !Tans pis je saurais le lui rappelait à ses dépends.
Un sourire cynique s’insinua sur mes lèvres alors que je m’approchais d’elle. D’abord méfiant je m’assurais que ce ne fut pas un piège, prenant soin de détailler les alentours d’un regard intense, perçant. Elle était bien seule, je secouais la tête de dépit et entreprit de lui donner leçon a l’aide de ma lame empoisonnée.
Je la contournais pour me retrouver en face d’elle, je tenais à voir son visage implorant, je tenais à l’entendre murmurais en une langue que je ne comprenais pas sa futile prière envers la Sainte Lumière.
Mais ce fut moi qui me retrouvas ahurie. Qu’elle beauté ! Ce visage, ses cheveux..hébété je n’osais faire un pas, mes jambes tressaillir, et même lame protectrice échappa de mes doigts ! Je pestais intérieurement, comment puis-je être aussi sot, et laissais filer ce qui me tient en vie depuis si longtemps ici !
Incrédule je restais prostré devant elle, espérant qu’elle n’est pas entendue le bruit sourd de mon arme fichée dans l’herbe.
-J’ouvrais subitement les yeux, mon regard parcourut les environs, affolée, je me relevais soudainement et avec une hardiesse qui me surprit, je dégaina la fine lame qui pendait à ma bandoulière.
Comme un prédateur attendant patiemment sa proie, mes sens étaient en alerte, et pourtant je ne voyais rien, avais-je rêvais ce bruit presque inaudible ?Mes pensées amères me joueraient-elles encore des tours ?
Je restas un instant ainsi, le souffle court, retenant ma respiration parfois afin de mieux entendre, à part le cri perçant d’un oiseau au loin, rien ne semblait en vie, et si mon cœur ne battait à chamade à ce moment, j’aurais cru que moi-même je m’étais statufiée, que la clepsydre du temps se serait suspendue et qu’alors tout c’était figé.
Résignée, je rangeas mon arme, je souris amusait de mon imagination, en y repensant, je souriais surtout pour tenter de masquer avec peine, ma nervosité.
Alors que je comptais m’installer à nouveau à mon point de repos, mes yeux furent attirés par un objet brillant, étrangement je ne l’avais pas remarquée jusque là, décidément je devrais être plus vigilante…
Décidée, je m’approchais pour en connaître la nature…Lorsque enfin je fut assez proche pour me rendre compte que c’était une dague elfique, je portas une main à ma bouche retenant un cri de stupeur, je vacillais, et avec maladresse, repris ma fine lame, pour seul instrument de défense.
Mon cœur tambourinait en ma poitrine, si fort que j’aurais pu jurer que tout le royaume l’entendait !Il semblait clamée un péan de guerre, une mélopée funeste, ma respiration se faisait courte, haletante, je suffoquais de terreur.
Je tournais sur moi-même angoissée, puis finit par crachais quelques mots :
-Montre toi rêve sombre ! Si tu veux ma dépouille alors il te faudra chanter la mort en combat ! Par tous les esprits du désert, que Janoua me vienne en aide !
-Je fronçais les sourcils, il s’en serait fallu de peu pour qu’elle ne découvre pas mon arme, maudit soleil, son ta lumière elle n’aurait pas eu cet éclat qui lui fit tourner le regard.
J’étouffais un rire en la voyant gesticulée ainsi, elle ne pouvait me voir et me menaçais pourtant, oh bien sur je ne comprenais mot de ce qu’elle hurlait, mais les mouvements amples qu’elle dessinait avec son arme autour me les faisaient comprendre.
Et même en colère..Elle était belle.
Je la laissa continuer sa danse contre le vent, espérant qu’elle recouvre son calme. Mais je sentais la fièvre l’enivrer, sa poitrine se soulevait à chacune de ses respirations, la sueur commençait à perler sur son front, et même parfois elle changeait de main pour tenir sa lame, essuyant l’une d’entre elle sur sa robe, sûrement avait-elle la peau moite, grisée par la frayeur.
Je pouvais sentir cette douce chaleur montait en elle, l’entourer et l’étouffer..La chaleur de la peur.
Puis enfin j’apparut, j’apparus ?! Mais quel idiot, a main nue j’aurais pu la vaincre ! Pourquoi m’offrais-je à son regard ? J’avais avantage, et voilà que je me retrouvais à égal !
-Que Shamish, esprit du tonner me foudroie…Comme il était beau ! J’écarquillais les yeux, subjuguée.
J’avais entendu maints conteurs et troubadours narrer la beauté froide et flegmatique des elfes, mais par tous les esprits j’aurais pu leur dire que leurs mots étaient fades comparaient à un tel visage !
Je frémis, et voulus reculer d’un pas, mais mes jambes me trahirent et se dérobèrent, je me retrouvais à nouveau étendu sur l’herbe, cette fois par contrainte.
Alors que je tentais de me relever en hâte, je vis sa main blanche tendue vers moi, paume ouverte, je la pris presque inconsciemment, me satisfaisant de ce qui m’était offert, debout, la raison repris sa place et je lâchée sa main avec empressement, reculant subitement, comme ci l’on m’avait giflée.
Ce ne fut pas la brise qui venu embrassait ma peau..S’était la douceur de sa main d’opaline venant caresser l’égratignure de ma joue que je m’étais faite en tombant.
Comme un brasier qui s’enflamme, il mit feu à ma joue et je m’empourprais, honteuse d’être si frêle, lorsqu’il s’avança vers moi, j’aurais aimé poussée un cri, le frappait, le repoussait, mais rien..Je ne fit rien..Mes lèvres remuèrent dans le vide, mes mains flageolantes braser le vent.
Je sentis son souffle contre ma nuque, et à ce moment précis, je fermais les yeux, croyant que mon dernier rayon de vie allait s’éteindre de sa main, au lieu de susciter une angoisse, mon esprit s’apaisât…
Un murmure..Un frôlement…Et déjà il n’était plus.
Seule l’écho d’une voix chaude et suave parvenait encore a troubler mon esprit.
-ôl…