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Voilà ce que j'ai voulu écrire aujourd'hui .. en pensant à ce que nous venions de dire. Une histoire fatale. J'espère que ce sera une lecture agréable et point trop décousue ..
Chapitre 1 : Où l'on apprend que quelque chose d'étrange se produit dans la vie de deux jeunes hommes.
Un souffle, un son, c'est ce que je cherche. Un indice, une piste, le seul cercle dans lequel, bras tendus et corps à vif, je puisse être inscrit. C'est dans la pliure de mes liaisons nerveuses et la courbe de mes veines que se trouve ce si petit chuintement, ce son si discret, celui du craquement désordonné des os, symptome d'un esprit en déroute.
Un souffle, un son, c'est ce qui m'a mis en mouvement. Un regard croisé un jour dans les rues de Touggourt, perle du désert. Eaux salés dans lesquelles on voudrait se baigner, lumière que l'on croirait tombée du ciel, et puis le sable... Murs blancs et dorés, sous la coupe du ciel trop bleu pour être. Un pli de tissu blanc qui me dissimule le spectacle de la ville-brasier. Je veux faire vite et retrouver ce souvenir. C'est sa voix qui siffle un air que je n'avais jamais entendu. C'était ... Et puis je m'approche d'elle. Je lui dis que j'ai l'insistante impression que je l'ai déjà vue quelque part. Elle me répond par un rire et, perchant sa voix au dessus de ma maladresse, elle s'excuse et me laisse à mon dépit. Quelques instants passent et je pense ... Pourtant il me semble bien que ...
Un souffle et un son, ensuite, c'est le cri dans le ciel des longs oiseaux de Normandie, la terre pluvieuse. C'est ici que je me repose, après avoir admiré les brûlures que le soleil du désert avaient laissé sur ma peaux. Les parfums ici sont d'une force intolérable, d'un délice que les premiers esprits ont du fuir tant il semble que c'est un poison pour l'âme, tant il est fort et enivrant. Ce cri se répercute sur les parois de mon crâne. De quoi ai-je donc rêvé cette nuit, et qui était cette femme qu'en songe je vois si souvent ?
Je me reprends rapidement et entreprend de feuilleter quelques tomes de mes souvenirs de voyages. Des clichés rongés par le temps, et je les contemple, un par un. Plus exactement je les scrute, tel un aventurier. Je cherche dans les détails, dans les éclats de pierre, dans les traces laissées par mes pas, et que je photographiais par désir de contrecarrer leur disparition prochaine. Je cherche dans les souvenirs associés à ces images, je cherche dans les dates imprimées à leur dos, je cherche dans les régions obscures de ma mémoire. Chaque élément de son corps et de sa voix me sont connus. Il n'est rien d'elle que j'ignore, sinon son nom, sinon ce moment de mon existence où elle est venue à moi.
Un souffle, c'est celui qui oriente mes recherches à chaque coup de pieu. Les portes de ma demeure enfantine cèdent les unes après les autres, profanées par moi alors qu'elles étaient sanctuarisées depuis la mort de ma sainte famille. En cet instant je m'attaque à la porte de la chambre d'Isabelle de quatre ans mon ainée. Peu m'importe les cieux, j'irais gratter jusqu'aux brasiers du centre de la Terre. J'écume les armoires, les buffets et les meubles. Je vide les caves et ressors sans aucune trouvaille, excepté des montagnes de poussière qui s'accrochent à ma respiration. Quelques livres anciens, quelques soldats de fer oubliés, des jeux surannés, mais rien qui ne retienne mon regard. Je me retourne souvent brusquement, croyant avoir reçu de mes plus profonds intérieurs quelque indication. Un "Mais bien sûr!" m'euphorise mais il retombe bien vite dans un silence, dans un "..." désenchanté. Je ne pourrais d'ailleurs sans doute pas le rendre mieux. "..." est la suspension du souffle, discontinu mais pourtant, dans l'errance, persuadé qu'il y a, entre ces deux guillemets, quelque chose, caché dans l'interstice séparant deux des points, quelque chose que je cherche et qui m'attend. Je renverse les points, et " ", il n'y a plus qu'un vide dans lequel je vois mon reflet déconfit. je ne peux retenir un sentiment de honte. Qu'est ce que je fais là ?
Un son a attiré mon attention. J'étais avec Jonas, mon éternel compagnon, nous égraignions les pas sur le chemin qui mène à ma demeure, à Paris. Sur ces chemins qui, au fil du temps, ont fini par prendre nos visages et nos habitudes, j'entendis en effet mon ami pousser un soupir . Il était las. Il pesait sur sa monture comme les heures d'insomnies, poches pleines de bile, pendaient à son front. Somme toute, à part un certain décalage esthétique, la scène n'a rien de spectaculaire outre mesure. Mais mon esprit et mon coeur restent étriqués dans l'énugme qui les préoccupe. Distraitement, faussement distraitement, je m'adresse aux cernes de Jonas . "Eh bien ! Qu'as tu ce matin ? Tu es bien pâle, si ma vue ne me trompe pas." Et en effet j'enlevai mes lunettes pour le contempler et chaque mouvement ajoutait à mon sourire. J'étais bien en sa compagnie. Cela me reposait. Et en effet les cernes de Jonas me répondirent "C'est fort possible. Sais-tu que je me remets péniblement d'une nuit agitée ?".
Jonas est un bandit de grand chemin, il faut le dire. Mais il a la spécificité de l'être sur l'honneur. Ce qui se fait rare à notre époque. Il est fier et dévoué, c'est une fidèle transposition des dandys du début du siècle à notre époque. Grand et élancé, il n'en conserve pas moins dans la pointe des moustaches et le mouvement des hanches, une chaloupe gracieuse et provocatrice, la mutinerie et le feu dans les yeux, la glace dans le regard. Cet homme là alliait le paradoxe à la danse, séduisait et volait. Pour le reste, je n'en connaissais que très peu à son propos, notre scolarité commune dans les bons lycées de Paris étaient un motif assez légitime à nos deux paires d'yeux pour poursuivre côte à côte le chemin de la vie. De sa part, donc, je m'attendais à quelque récit extravaguant, à mi-chemin entre la fable et le rapport détaillé des fonctionnaires de Police. Quelque demoiselle, peut-être. A moins qu'il ne s'agisse des éternelles dettes de jeu non honorées. Il avait un talent de conteur qui ravissait son public, bon public, c'est à dire moi seul. Etrangement, il n'est fut rien et la nouvelle, son récit, me mit mal à l'aise.
Un souffle de feu balaie les images les unes après les autres, elles se succèdent, s'embrasent, dans un univers nuageux, vaporeux. Tout moutonne à l'infini, se mélange et le blanc parvient à se muer en rouge, l'accumulation de ce dernier allant jusqu'à produire du bleu, de manière inexplicable mais magnifique, un peu de la manière des flammes d'allumettes. Je respirais le souffre. Dans ce rêve, il me raconta s'être aperçu, coulant entre les tentures oranges et pourpres d'un palais. Cette gueule grande ouverte le crachait ensuite dans une artère urbaine populaire, obstruée, compacte houleuse. Il y navigua avec difficulté, alors que son imagination délirante produisait des déluges de feu et de sang, des superpositions de couleurs improbables que les mots n'expriment pas mieux que les yeux avec lesquels je comprennais son rêve.
Voilà pour le rêve de mon ami. Opaque, équivoque. Il me resta à le saluer pour prendre congé de lui. Il insista néanmoins, par quelques pliures de son visage, pour continuer notre entretien. Je ne pus qu'accepter. Une fois confortablement installés, il scruta les différentes portes d'accès à mon bureau dans lequel nous nous trouvions. Rien, évidement, qui puisse le rassurer. Il m'entretint donc de ses dettes et de ses dernières idées de "manoeuvre", c'est à dire des derniers projets d'escroquerie. J'étais indifférent. Avant son départ, je lui fis remarquer qu'il avait perdu de sa jovialité. Il rétorqua que, si je l'avais écouté convenablement, j'aurais compris que ses rêves étaient la cause de son malaise. Au milieu du déluge de feu, des souffles chauds qui lui léchaient le visage, il finissait toujours par découper dans la brume le beau visage d'une femme avant de le battre à mort. Ceci étant fort étrange pour une homme de son caractère, il s'était inquiété. Cette anxiété allait croissante au fur et à mesure que le rêve se reproduisait, toujours implacable.
Chapitre 2 : Folie.
Voilà que je souffle sur la psyché de ma chambre. Dans la fumée qui se cristallise en buée, les traits de mon visage deviennent bouffons, grotesques. Et voilà ce que je suis. Dilué dans ce masque, je me vois ainsi chaque jour. Je titube également devant les miroirs suspendus aux murs des pièces de ma demeure. Ils lévitent, s'accrochent aux murs et me donnent à me voir. A voir une partie de moi. Je n'en peux plus. Un saoûl sans tronc, me voilà. C'est ignoble (mais c'est aussi une contrepèterie). J'accomplis chaque jour la besogne domestique et professionelle que je dois aux miens, je me lance dans mes perversions jusqu'à ce que la seule pensée de mon être me devienne insupportable. Je poursuis mon aventure et mon avenir, mais je suis las. Je ne supporte plus cette ... cette langueur ! Je leur crèverai les yeux. Et je vais commencer immédiatement.
Un souffle de vent autour des gonds de la porte de mon domaine. Cette muraille de bois protège mon intimité et, claquée avec colère, elle aspire le vent du dehors dans une chuintement pathétique. Elle s'est refermée sur celle qui partageait ma vie, mon amante, et suçait mon sang, ma bien aimée. Elle emporte dans sa gueule moribonde mon fils, ma fille, la prunelle de mes yeux, de mes yeux éternels, non pas de ceux que j'ouvre au soir dans mes songes. Non pas ceux qui pèchent. Dans ces spasmes, je les brûlerais sans rougir.
Fragment n°1 :
"Car c'est à devenir fou. Jonas me confiait ce sentiment dernièrement. C'est à n'y rien comprendre. A croire que la démence nous a frappé conjointement. Evoquant ma chère, trop jeune amante, je pensais avec lui .."j'aime ça, j'aime cette odeur, cette consistance. J'aime ces paroles, cette peur.
J'aime l'odeur du sang qui circule dans les connections nerveuses. J'aime les torsions des yeux et des mains de cette encore toute jeune fille qui parle.
Je sais que j'ai sa confiance, c'est une barrière à briser de moins. J'ai un accès direct à son coeur. Je ne veux pas son corps, c'est son âme que je vole, c'est dans elle que je plonge les lames de mes mains, c'est là que je désaltère ma soif. C'est vampirique, et plus fort que moi. Elle accepte de boire mes paroles. Ce sont les derniers retranchements de sa personne qui explosent, se renversent. C'est elle qui se tue. C'est le camp qui saoule des hommes (et c'est encore une contrepêterie) qui auraient pu se battre pour lui. Elle a accepté.
J'ai découvert ceci, cet art, à mon propre sortir de la mort. C'était il y a fort longtemps, et je préciserais encore si je voulais expier ou expliquer. Mais je ne veux pas. Cette ivresse me suffit. Vous êtes vous déjà demandé quelle devait être la température, la crispation, la sensation d'une main qui déchire la chair. L'avez vous déjà fait ? Je rêve ce rêve à chaque fois que deux yeux, deux grands yeux m'implorent pour de l'aide, d'une manière ou d'une autre.
L'empathie est nécessaire pour ouvrir ces nouveaux délices. Il faut voir, comprendre, anticiper, contrôler les deux parties et les deux factions qui s'opposent sur l'échiquier. Il s'agit de la mettre en action, d'en faire une arme, la plus redoutable de toutes. C'est une oeuvre de démon. C'est mon oeuvre. C'est ce qui fait d'elle et, qui sait, d'une autre demain, encore, ma créature. Et je m'en irai, repu, d'âme et de panse.
Pourquoi alors ce respect religieux pour ma victime dont je sais pourtant que je colle à ses yeux, que je marche sur ses cheveux ?
Que penses-tu de cela ? Jonas ?
C'est ignoble ? Littérairement et .. cela le serait plus encore si c'était vrai. Mais si ça l'était ?
Et si je n'étais qu'un homme classique comme on en voit des centaines chaque jour. Mais ...... si ce n'était pas le déguisement d'un pervers ? Si (serait-ce possible) c'était la voie que suit l'âme humaine si on ôte des barrières morales ? Je veux faire souffrir, c'est mon plaisir. J'aime regarder de mes quatre yeux le visage que je frappe. Des deux premiers je montre l'être empli des autres et d'une naturelle bonhomie et je suis remercié et embrassé par la pauvre créature. Les deux autres s'ouvrent spasmodiquement. Chaque coup porté est délicieux. On sait, parfois, que l'on est supérieur. C'est mon cas. Je sais dans certaines situations qu'une pirouette me sauvera de tout, que mon coup trouvera toujours son chemin vers le coeur. Ô toi qui m'a confié ta tristesse secrète, que n'as tu fait ! Maintenant je sais que pour ton bien je peux t'occire. Je peux prendre ce plaisir de t'arracher ce que tu as encore sur toi, je peux me repaître non pas de mon malheur mais de chaque impact, de chaque regard que je te lance. Je pourrais avoir ton corps mais je n'en veux pas. Je resterai malgré moi bienfaîteur pour toi. Je te remettrai effectivement dans le chemin que tu auras choisi. Je ne te garderai pas pour moi. Je te jetterai. Laisse moi lécher ton sang. C'est tout ce que je te demande. C'est tout ce dont j'ai besoin. Il est frais et personne avant moi n'y a bu, sa source est pleine et je peux le boire à pleine gorgées et me montrer à toi, étincelant, sans que tu le voies scintiller encore au coin de ma bouche. Je te relâcherai, tu ne sais pas que je te torture. Mais étrangement tu as mal ce soir, je le sais. Je le sens et j'aime ça.Oh oui. C'est une perversion capitale, peut-être et elle me coûtera ma tête. Mais je te laisserai. Mon crime est invisible, tu as peut-être mal, très mal. Tu ne sais pas que c'est moi. Moi je rêve peut-être. Je fantasme. Mais cette bile de mon coeur que ma langue pose sur ton ventre, elle corromp mon âme. Tu le sais.
Cette personne dont je parle n'existe quasiment pas. Cette scène d'horreur est réelle.
Elle est le produit d'un homme sain, qui utilise sa puissance relativement à un autre être.
C'est un bonheur et pourtant j'ai les yeux ouverts, je sais. Chacun en est capable. C'est délicieux.. Chacun le saura, c'est délicieux..
Mais je suis un brave jeune homme, je ne suis pas un monstre. Simplement j'ai deux paires d'yeux. Et ceci est le plus grand délice auquel j'ai goûté.
Je sais ce qui se passe. Je suis dans le noir mais je sais que je suis responsable. Je sais ce que mon corps devient à chaque instant, je sais à quel rythme il pourrit.
Vous auriez sans doute préféré que je sois fou ... mais,
Je vis.. C'est délicieux. Chaque nuit je la quitte, "Bonne nuit" , ma chère créature....".
Après eux, avant qu'ils aient disparu au loin, j'ai claqué la porte de ma demeure.
Chapitre 3 : "Et il s'embarqua pour le désert"
Un souffle porta les quelques notes tremblantes de ma voix. "Jonas ... Jonas, mais que fais-tu ? Pourquoi es-tu habillé ainsi (Il portait une robe longue, rouge et noire, telle une robe de procureur) ? Et surtout pourquoi tu ne me réponds pas bon Dieu !" Je suis dans une pièce dont la géomètrie est mobile, les murs se gondolent se percent et se bombent, je ne comprends pas. Jonas court dans un espace qui semble infini, comme sortant d'une bouche d'ombre dont l'embouchure est un des pans de la chambre. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Mon coeur se soulève. La folie après mon coeur attaquerait mes sens ? C'est impossible, je ne veux le croire. Je ne veux pas. Arrête-toi Jonas je t'en prie ou je te tuerai de mes mains. Mes mains, justement, se glacèrent. Sur mon épaule droite coule un liquide métallique, froid et lourd. Je ne peux retenir un mouvement de répulsion, un bond de côté accompagné d'un cri à peine étouffé. Jonas ne cesse pas sa course. Je m'accroupis et entoure ma tête de mes bras. Ce qui a derrière moi veut-il ma mort ? Est ce Jonas qui veut me tuer ? Est-ce moi qui ait frôlé la mort ou qui la frôle en cet instant ? Je n'ose me retourner, qu'était-ce, derrière, moi ? J'ai senti une chaleur qui m'a glacé le coeur.
Fragment n°2 :
"Entre les flèches de lumière
Filant devant ses yeux,
Et s'élançant vers son coeur.
Avec pour seul idéal dans son ultime bataille,
Comme seul moteur de sa frénésie
Sa robe rouge et noire. A présent
Déchiquetée et qui, fouettée par le vent
Flotte comme un étendard, Mort, Jonas ?
Et derrière toi, qu'est ce que je vois ?
Une femme, la peau est de glace métallique,
Mais lorsqu'elle s'écroule monte sa voix
Impossible de me méprendre, de me reprendre
Jonas se relève et enfonce dans le corps vide
De la victime une lame, se retire, pudique,
Et me laisse ici, sans voix devant un corps vide, un corps vide !
Une autre mort dans nos songes ? Car je rêve, je le sais
Mais ceci ne pourra plus, dorénavent, me rassurer."
Un son, celui de mon propre cri, me reveille. Une nouvelle fois, je parviens à m'agripper au bord du gouffre. C'est à n'y rien comprendre. Jonas, je ne sais pas où tu es.
Mais, voilà de nouveau deux lignes de ce texte auquel je peux m'accrocher. Je sais qu'ici recommence la réalité, pour un moment.
Je les fixe, les relis. Ces deux lignes seront un repère fort, m'ancrera pour la suite. Je les laisse respirer ....
Puis je passe pour Touggourt. C'est là que tout a commencé et j'aimerais que là, il y ait une clé pour que tout se termine. J'en doute. J'évite de trouver le soleil sur le chemin. Que le vol prenne son temps, je guette la nuit. Quelques heures plus tard ..
Un souffle de vent balaie les dunes les plus mobiles, les sables les plus étouffants de chaleur. Je les ai déjà vus. Ils sont peut être, malgré leur grande fugacité, ce qui a le moins changé. Je me trouve plus vieillis qu'eux, qui ont traversé des siècles que nous avons tous oublié. Mes quelques années ont pourtant creusé des sillons dans mon âme plus profonds que la courbe des dunes, les belles courbes, formes féminines, plus fortes que moi, plus fortes que moi ... Mais je les survole pour le moment.
Une fois encore je cherche un son, un froissement de tissus, d'autres courbes.. n'importe quoi qui puisse relancer ma réflexion, mon avancée obnubilée.
Donc j'avance ...
Je cherche.
.. Pourtant je connais Les chemins et les odeurs
... Pas la forme de cette dune.
Encore. Mais toujours la brûlure du sable.. L'endroit ne me rappelle rien .. il me semble que c'était
... Plus loin
.. Mais je reconnais l'odeur de Touggourt. C'est ici. J'y suis..
Ils convergent .. Vers ici
Dans ce désert Je cherche. Serait-ce par ici ? Et pourtant non. Mais les chemins convergent
J'y suis..
Touggourt.
Où est elle ?
J'attends son souffle dans celui du désert, sa voix dans ma voie. Où est elle ? Je connais tout d'elle, sauf son nom et l'instant auquel elle est rentrée dans ma vie. Touggourt est intacte. Seulement je ne reconnais pas l'endroit. Il serait primaire et bête de croire que le désert est toujours mobile. Sous la platine de sable, on retrouve les sensations de ce qui a vécu ici. Je sais que l'endroit n'est pas le bon. A moins que le soleil qui frappe ma tête ... ? Il faut faire vite, d'autant que je me sens défaillir. Je dois continuer.
Un son attire mon attention. Auparavant je me disais "Je ne suis que le jouet de mes sens, depuis le début, je commence à le sentir, à m'en rendre compte. Et le compte manque, je le sens également. Bien que je n'y puisse rien comprendre, je sais que quelque chose fait de ces moments de ma vie une aventure, une cloison dans les verts pâturages de mon existence simple". Ce son qui m'a tiré de mon demi-sommeil., c'est mon prénom, prononcé par une voix chaleureuse. Et pourtant non je ne suis pas fiévreux. Devant, là bas, devant les murs blancs dorés, à l'orée du village, on m'attend. De fiers habitants de ce pays aride m'attendent, fichés dans le sable éternel. Je me précipite vers eux sans savoir ce que je leur dirai puisque .. je ne les connais pas.
La suite m'arriva par fragments.
Je sais avoir senti leur peau, je sais avoir touché la dorure des tables de bois noir. Je sais avoir bu avec eux et mangé des fruits. Leur jus coulait dans le creux de mes lèvres. Il était pourpre et épais. Je les voyais et ma vie s'étalait dans leurs yeux, comme si je les connaissais depuis toujours. Puis je suis sorti, la chaleur m'étouffait. J'ai couru, puis je ne sais plus. Quelques éternités plus tard elle était là, devant moi. Plus personne autour mais Touggourt était encore là. Penchée sur moi, toujours en blanche, grande et aérienne. Volant au dessus de moi, belle et pure. A ce stade où l'on veut détruire ce trop-plein de calme et de cristal. De la neige en plein désert. Ces yeux .. qui me chantent des plaintes et des hymnes à la vie. Je la regarde. Je lui dis que je dois l'avoir. Cet auxilliaire convient quasiment trop ça. Il faut que j'ai ses bras entre mes mains, il faut qu'elle les passe derrière mon dos. Comme ça uniquement je pourrai comprendre. Il faut ceci, il faut que je l'aies ou que je la détruise. Mais je ne peux.. il faut que je m'approche d'elle.
Un souffle cherche à s'exhaler, mais retourne dans ma gorge.. je sens que je dois aller au bout de la logique perverse qui m'entraîne ou peut être qui nous entraîne tous, Jonas, elle et Moi. Je lui confie tout ceci. Et elle me répond.
Je n'entends pas, je sais simplement qu'elle me parle de ce village, de son appartenance à cette terre. Puis je lui explique que chaque jour elle colle à mes yeux, elle marche sur mes cheveux, elle fend mon visage. Elle prend peur. Peut être est-ce moi qui la fait entrer dans cette perversion logique. Elle s'enfuit et le sable craque entre mes doigts. Je me relève...
Jonas me salue l'air inquiet.
Alors dans ce cas ... j'ai rêvé ? Là aussi ? Je n'ai fait que me divertir ?
Je suis un homme, un roi dans un monde incompris, un roi plein de misère.
Jonas me déconseille de remettre jamais les pieds à Touggourt. Cher Jonas ! Que veux-tu m'éviter ? Tu sais que nous sommes tous deux concernés ..
Ceci, je ne lui dis pas, bien entendu. Il m'informe néanmoins que nous avons affaire. En effet, durant mon étrange voyage, la mère de mon aimée aurait ouvert la Vendetta contre les restes de ma famille, c'est à dire moi. Je n'ai pas le loisir d'y penser. Jonas se lève et ouvre grand les deux battants des étroites portes de son appartement. La lumière qui s'engouffre dans ce lieux m'aveugle. A nouveau je me sens me perdre.
Un son régulier berce mes sens. J'ouvre les yeux et vois un homme penché sur moi. Il m'ausculte et une aiguille se fracasse avec la régularité des vagues sur les récifs, sur les deux bords métalliques d'un étrange appareil. Quelques instants plus tard, après maints mouvements de mon corps, j'apprends que je suis atteint de fièvre. Le désert il y a quelques mois m'aurait nuit. La régularité de l'aiguille s'éteint et sa fuite me berce ..
Mais la danse enflammée dans laquelle je m'étais lancé ne s'est pas interrompue ainsi. Plus qu'une simple maladie.
La nuit suivante, je l'ai retrouvée. En effet. Elle pleurait, elle criait. Je l'ai entendue s'excuser. J'entendais ses pas froisser les parois de ma tête, je sentais ses ongles sur mes épaules, son souffle chaud dans mon cou. Qu'était-elle ? Quel amour étrange ? Elle n'ose me regarder, pourtant elle n'a pas peur de moi. Elle s'excuse et pleure. Elle m'implore, semblerait-il. Je ne peux plus la voir, je n'entends que sa voix. J'entends "Tue Jonas". C'est ce que j'entends. "Comme en cette maudite année. 48 et le sang voulait couler jusqu'à aujourd'hui. Ce siècle n'était pas né et c'est là que tu m'aurais vue mourir. Je lui en veux. Je veux cela pour mon repos."
1848 ?
Je ne veux plus écouter ces voix, ni parler moi même. Voeu de silence. "..."
Je ne remue plus les points entre ces deux guillemets. Le silence est calme et je ne voudrais pour rien le troubler.
Qu'elle aille au diable.
Chapitre 4 : Fragment troisième et dernier : Ce qu'a vu un brave homme de Paris.
Dans la rue, c'est un homme qui marche
Ca, c'est indéniable, dans la rue, c'est un homme qui marche
Il marche vite, et d'un pas nerveux
Oui gentlemen, son pas était nerveux, on aurait même pu dire
Mais je n'en suis plus très sûr, qu'il tremblait,mais ça, je n'l'ai pas vu de mes yeux.
Il tremblait pt'et, ou pt'et pas, mais en tout cas il ne pleurait pas
Et justement, gentlemen, messieurs,c'est ça qui m'a marqué
C'est ça qui m'a choqué.
C'était une nuit gonflée d'étoiles
Une petite lumière mourrait dans la ruelles
Et je passais là, j'l'ai vu, oh, pas longtemps
Mais ça m'est resté, une nuit comme les plus belles
Comme une des plus chaudes et , je vous le dis
Cette homme, croyez-moi, ne m'as pas menti.
Et donc, dans la rue, cet homme qui marche
Ca, c'est indéniable, s'est approché de moi avec des yeux de feu
Il marche vite, il me regarde et s'approche
Oui gentlemen, son pas était nerveux, on aurait même pu dire
Mais je n'en suis plus très sûr, que j'ai tremblé, et ça, il l'a vu, dans ses yeux
Je tremblais ptet ou ptet pas, mais il est venu me parler
Et justement, gentlemen, messieurs,c'est ça qui m'a marqué
C'est ça qui m'a touché !
C'était une nuit gonflée d'étoiles
Une petite lumière mourrait dans la ruelles
Et je passais là, j'l'ai vu, oh, pas longtemps
Mais ça m'est resté, une nuit comme les plus belles
Comme une des plus chaudes et , je vous le dis
Cette homme, croyez-moi, ne m'as pas menti.
Et donc, dans la rue, cet homme qui m'parle
Ca, c'est indéniable, me dit qu'il est triste pour quelques cheveux blonds
Il marche vite, pour que son regard nulle part ne s'accroche
Oui gentlemen, car partout il retrouvait cette personne à qui il ne pouvait parler
Mais je n'en suis plus très sûr, je n'arrive plus à retrouver sa formule
Puis soudain il a versé une larme, elle est tombé doucement, juste sur le trottoir
Et justement, gentlemen, messieurs,c'est ça qui m'a marqué
C'est ça qui m'a fait lui dire que je l'comprenais.
C'était une nuit gonflée d'étoiles
Une petite lumière mourrait dans la ruelles
Et je passais là, j'l'ai vu, oh, pas longtemps
Mais ça m'est resté, une nuit comme les plus belles
Comme une des plus chaudes et , je vous le dis
Cette homme, croyez-moi, ne m'as pas menti.
Je ne vous mens pas non plus. Je l'ai ramené chez lui.
Chapitre 5 : Où l'on dénoue ce qui a été noué.
Les lignes que j'écris me pressent plus que l'étreinte de fer que je retrouve chaque soir au moment de m'endormir. Je ne peux m'apaiser.
Je cherche malgré moi. Chaque mouvement de mon visage, chaque velléité est un cri assourdi. Mais un cri néanmoins.
Je m'instruis, depuis de longues semaines. J'ai décidé d'emprunter une autre voie. Je vais chercher autrement. Je sais comment m'y prendre. La recherche dans les rayons gargantuesques de ma bibliothèque personelle m'apprendront peut être (j'allais dire "ce de quoi je suis atteint) .. ce que je cherche à atteindre.
Un son de craquement sur le parquet lisse, alors que personne n'est censé me rendre cette inopportune visite. Chienne !
La génitrice de mon amante. Fille de rien ! Elle n'avait pas ses droit sur ma vie !
Je me rappelle néanmoins que ... suite à mes actes, suite au désespoir de la fille, seule héritière et principal soutien de la vieille, le commerce autrefois prospère avait pris la poussière. Je me rappelle les paroles de Jonas. On parlait de faillites à Paris. On parlait de catastrophes. A ce sujet j'avais percé mes tympans. Tout ce qui m'importe, c'est ma recherche, ermite intra muros. Taxer ceci d'égoïsme serait le symptome d'un esprit étroit. La voilà qui s'avance vers moi. J'hésite à lui bondir dessus et à la dévorer comme un chien. J'hésite, son sang sur mes mains j'hésite. Mais je suis un honnête homme. Elle s'approche de moi. Elle vient. Cheinne au sang chaud !
Un son de craquement sur le parquet lisse, alors que personne n'est censé me rendre cette inopportune visite. Chienne !
Je vais te crever ...
A peine son haleine se pose sur moi, je ne peux retenir mes bras.. je ne te veux pas de mal, mais pourquoi être venu me chercher jusqu'ici.
Un son
de craquement sur le parquet lisse. Elle est tombée! Elle est tombée (Qu'elle meure !) et escaliers lui emplissent le dos. La voilà brisée, poupée sinistre. Te voilà .. tu as eue ce que tu cherchais, moi je cherche à te secourir à présent. Le dos est fracturé.
Je sais à présent que je ne pourrai m'en tirer.
Au loin des bruits,
des sifflements.
Une grande table Du marbre noir.
Et puis .. et puis .. de grandes têtes au dessus, de petits corps se tassent.
Et ils décident de tuer dans la capitale.
Les grandes têtes décident de me tuer. Elle bavent et jactent. Des chiens après moi.
Personne ne le sait, ceci
Bien évidement.
Je ne sors plus sans Jonas. Il sera là, jusqu'à la fin.
Un souffle de vent m'ôte ma prudence en même temps que mon couvre chef. Je ne veux courir après lui. Tout m'épuise, et puis mon arme dans la poche de ma veste.. je sens le métal chaud ébouillanté. Jonas se propose sans un mot de me rendre ce service. Il avance et mes yeux le couvent. Ce qui vient frapper sa nuque, après être sorti de l'embouchure d'une rue adjacente, je ne sais ce dont il s'agit. Mais sa nuque craque et tombe au sol. Une nuque d'homme et sa tête heurte le pavé.Puis la forme noire se tourne vers moi et je sens qu'elle me considère.
A ce stade de la tourmente, je ne peux réfléchir. Ou plus sincèrement je ne veux plus. Je la tue. Et je me tue.
Je tire et je sens une masse incroyable heurter non pas le sol mais la chair molle de Jonas. Celui-ci se relève péniblement, quelques minutes après. Je n'ai pas bougé, haletant. Il ôte de ses côtes le poids de cette viande humaine.. il l'ôte, la rejette sur le côté. Il me regarde comme un fou. Un souffle de celui-ci et le roseau que j'étais aurait cassé. Il n'est plus question de plier. Mon aimé Jonas, après elle ce sera ton tour. Je mourrai ensuite.
Il me faut courir jusqu'à en perdre haleine, laisser Jonas être avalé par l'horizon . Il ne me suit pas, il ne me suit pas. On vouait le tuer, on le voulait et je l'ai sauvé. Il ne doit pas m'avoir. Jonas, tu me dois bien ça ! A l'entrée du bâtiment abritant les forces de police, je n'hésite plus. Je n'existe plus réellement, par ailleurs. Jonas, un tour à l'ombre te fera du bien . Je réecris ces lignes mais entre deux mots, glisse l'arme dans la poche de Jonas. Il a tué et moi...
Moi je ne viendrait pas te voir à l'ombre. Je chercherai et te dirai tout ami. Tu dois comprendre si tu es avec moi dans cette logique macabre.
Pourquoi cette date si connue de 1848 ?
C'est ce que je me demandais encore et encore, dans le dernier endroit à l'ombre de ma bibliothèque. Les longues après midi d'été viennent mourir dans ce coin-ci. Il est sombre et la chaleur ne ferait qu'attiser ma fièvre. Je m'arrête quelques instants. Il n'y a plus de murs à ma demeure. Quiconque la voit ne voit que ma folie progresser. Jonas, j'espère.. es-tu avec moi dans cette logique macabre. Toi, inconnue, l'était-tu aussi ? Es tu morte, toi qui a voulue tuer Jonas (ou/et moi ?) pour cette cause absurde ? Je ne veux pas y être entré seul. Réponds moi, es-tu morte pour ça ? Si c'est le cas nous serons pardonnés ensemble ! Ne m'approchez plus .. je suis violent, je n'éprouve plus de sentiments.
J'attends un souffle, un son.
C'est Jonas qui viendra encore me tirer de la tourmente. Mais cette-fois ci, si tu es revenu, si tu es dans le même monde que moi tu ne me laisseras pas continuer ainsi, tu vas m'arrêter! "Jonas ! Arrête moi, aide moi ! Jonas, tu le sais .. je sais aussi, moi. Ils ont voulu nous tuer Jonas, tu sais pourquoi, n'est ce pas ? Tu sais pourquoi je devais te perdre ? Dis moi !" Son arme se baisse, son regard s'embrase. Il ferme mes yeux, il les ferme de sa main, il la pose sur mon visage, étendue, longue et fine comme une arraignée, au moins aussi meurtrière. J'aurais pu croire qu'il allait me mordre. Le large sourire qui fend son visage est celui d'autrefois. Ses paires d'yeux s'ouvrent. Jonas grand bandit au coeur léger. Mon ami, que vas-tu faire ? Sa main presse mon visage, mes joues, mes yeux. Il écrase son jouet contre le montant du large meuble.
Le coin de la bibliothèque entre dans mon front comme dans une mousse. Il finit par ne plus faire qu'un avec moi. Le large bois noir se couvre, l'éclaboussure est rouge vif. Elle coule en traits hésitants jusqu'au sol jusqu'à former une flaque large et vaseuse. Jonas retire sa main de mon visage, et je le vois, avec ma tête posée contre le sol, je le vois s'éloigner, faire demi tour sans un regard. Du reste, qu'aurais-je attendu de ce regard ?
Chapitre 6 : Où l'on apprend qu'on ne sera absoud de rien.
Cette fois, je sais que je rêve ... Ces airs de cité revenue de l'histoire ne peut être qu'iréel. La large brume pendue au ciel me fait sourire. Je sais que je rêve, je revois ma tête heurter le sol. Je sais que j'ai quitté les recoins de ma bibliothèque. Que vais-je voir à présent ? L'épanouissement de mes sens dans une débauche de beauté ? La violence assouvie ? La fin de la vie ? D'autres choses encore ? Qu'attend un homme comme moi au sortir de la vie. Je vois des hommes. Impossible de voir leur visage, i-ils sont à quelques dizines de mètres.
Un souffle de cuivre monte du ciel, un air de charge, et des cris de morts qui s'élèvent. Tout a un parfum d'anachronisme. Je suis dans une époque surannée. Quelques instants je réfléchis, mais assez vite la réponse heurte mon esprit comme un projectile lancé à pleine vitesse. Vais-je savoir ? 1848 ? Quel rapport peut bien exister entre ma misérable existence et cette date ? Ces femmes, étaient-elles une ou plusieurs ? Je délire, je précède moi même la mort. Je l'attends. J'étudie les lieux, la haute stature de chevaux dorés, ornés, me croise, sans me remarquer, je me cogne contre leurs pattes, j'heurte les marches des demeures. J'ai mangé de la poussière. Elle m'emplit, j'ai l'impression d'avoir été vide toute ma vie. Ces couleurs ne peignent rien, ces odeurs m'ont trompé... tous ne sont que des costumes que l'on accrochera au mur, une fois la pièce terminée. Moi aussi, Jonas aussi. Seule toi, que je cherchais à Touggourt, avait l'air réelle... peut être est ce pour ça que je ne pouvais t'avoir ?
J'étudie encore quelques instants les lieux, la nuit tombe sur mes yeux, leur ciel devient bas. Je perçois mal .. mais je sais que sur ce rondin de bois, contre la façade de l'hôtel, je la vois.
Je sais que c'est elle. C'était elle dans mes rêves, c'était elle dans à Touggourt, c'était toi et toujours toi.
Un souffle, un son, plus rien ne me détournerait. J'avance vers elle, elle se détourne. Elle est assise sur ce bout de bois et la troupe passe avant elle, répandant ses effluves de sang et de fumée. Ils ont transformé Paris en champ de bataille ! Elle tient dans ses bras un enfant, un enfant qui grandira dans cette odeur de poudre. Un jeune enfant balafré qu'elle tient comme son seul bien sur terre. Je m'approche d'elle, ce que la nature me donna comme souffle se posa sur elle. Je veux creuser son épaule en y enfouissant ma tête, rentrer en elle et ne plus rien voir.
Mais mes yeux s'ouvrent . Ils deviennent énormes, gigantesques, en quelques secondes ils absorbent l'univers alentour et la distance, ce que je n'avais pas compris. Cet enfant a mon visage, le mien , exactement, trait pour trait. Même maculé de sangs de Jonas, de cette inconnue et des autres, nous avons la même forme, la même consistance. Il est moi! Et toi tu le portes ? C'est ton enfant ! C'est moi ton enfant. Toi ? Mais qui es-tu alors ? Pourquoi te voir avant de mourir ? Je ne peux plus comprendre. J'ai rêvé tuer, Jonas a rêvé tuer, je t'ai vue par deux fois. Depuis Jonas a tué, moi également. Nous avons tous deux couverts nos mains de sang. Alors pourquoi me protèges-tu ?
Le silence qui m'emplit, je le vois, il me glace le sang. Je ne sais s'il s'agit des derniers sursauts de mon corps éclaté dans un autre monde. Mais je me retourne dans un geste peu naturel, dans un froissement de peau et je te vois.
Je vois Jonas ! Je le vois ! Tu es ici toi aussi ! C'est donc là que nous allons tous nous expliquer et comprendre ? Viens oui .. regroupons nous loin du tumulte ..
Mais pourquoi ce son de ma voix tu ne le reconnais pas ? Tu ne me vois pas ? Jonas, mon cher ami ? Tu sais que dans le monde qui nous a happé ...
Il ne sait pas que je suis là. J'ai l'impression qu'il ne le voit ni ne l'entend ... il porte l'étendard des rois et je vois au loin une monture fière qui semble l'attendre. Il bat le pavé de ses belles bottes noires. Son pas et martial, son air fier. Il porte sur lui la grandeur du royaume de France, il inscrit ses mouvements dans l'histoire de ce pays. Magistral, il avance, regarde mon aimée. Je ne peux plus réfléchir. Un souffle se cristallise en buée au sortir de sa bouche. Il tire son sabre et c'est encore du sang que nous versons toi, Jonas ou son ancêtre, à moins que tu ne sois ma vision ? Tu as crevé la tête de cette femme d'un coup, un coup de pointe de ton épée. Le sang coule sur les jours de son enfant. Elle meurt doucement et toi, Jonas, tu t'en vas, maître de tous ! Te voilà sur ta monture, fantôme, Chein ! Pourquoi la tuer ? Pourquoi je la regretterai encore ?
Les questions sont terminées, mon histoire aussi. Laisse moi m'asseoir près de toi.
Près de toi le repos ! Je ne peut m'empêcher de contempler le massacre opéré sous ma vue sans un vague sentiment d'appetit assouvi. L'histoire et l'Histoire ont eu le sang qu'elles voulaient ... Il y a décidément beaucoup de vent. J'écoute les paroles qu'il m'apporte. Et c'est à ma dernière surprise que je te vois à nouveau, ou du moins que je vois le visage qui me rappelle tellement le tien Jonas ! Tu es debout et tu flottes dans la brume épaisse dont l'odeur est de sang et la couleur de poudre. Le matin se lève juste. J'entends ta harangue envers la foule, menaçant et tonnant comme un buffle en colère, je te vois et le rayonnement de ton sabre claire, symbole de ton autorité, m'éblouit, à travers le brouillard.
Je n'avais pas si belle mine quand j'ai tué cette inconnue qui en voulait à ta peau ! Je me lève et approche de toi avec religiosité. Exactement comme si tu allais m'ouvrir les portes du paradis. J'avance, j'avance.
Je ne te demande plus de m'attendre. . mais me voilà en train de courir. Jonas "...". Je renverse la boîte, les trois points, que tout aille au diable, Jonas brûle moi dans les flammes de l'enfer mais réponds moi avant !
Mais pourquoi est-ce que
Lorsque j'ai déchiré la brume à quelques mètres de l'attroupement, sur ton beau corps,
Ce sont mes traits, mes traits mon visage, moi que j'ai vu peint . C'était donc moi ! Moi qui ai-tué celle qui voulait ta peau ! Celle qui voulait que je la prenne ... Toi que je viens de voir mourir. Je ne sais plus Jonas .. j'étais seul dans cette logique macabre. Toi, morte, réponds moi ?! Je retourne vers toi, tu es la seule qui sache. Je n'ai pas fait ce que tu me demandais mais je meurs aujourd'hui peut être pour avoir échoué. Je viens de me voir mourir dans tes bras, à peine sorti de ton ventre, passé par la lame, je meurs dans une flaque de sang en plein centre de Paris, dans ma bibliothèque.
Maintenant, d'un souffle, j'hésite .. Puis comme une évidence, je décide de mettre fin à ce rêve.. Il me reste à m'asseoir .. et toi, pauvre corps, viens contre mon sein que je te serre et te sente avant de disparaître avec toi.
Je prends l'enfant, le serre contre moi. Assis à côté de ces deux visages de la mort, j'attends. Je ne sais si je suis sûre de moi.
Il me reste à profiter de cet air lourd de ce rêve jusqu'à ce qu'il ferme mes yeux..
Seele.
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