Et les morts se mirent à trembler !

Répondre
Partager Rechercher
05h50, à l'aulne de ma couette (c'est une licence poétique).

Je me réveille, impossible de dormir, allez nsm j'allume la ps3, je vais jouer un peu avant d'aller bosser.

06h00. Putain c'est super tôt 06h00, j'aurais du me recoucher.

Un petit coup de Big 3 Gun Shooting avec le ps3 Move, ça va me mettre en jambe et me rafraîchir les idées.
Soudainement, gros bordel dans l'entrée, j'entends des types qui gueulent et qui débarquent dans mon salon en hurlant, la porte de ma chambre s'éclate au sol avec fracas, je me tourne vers les malpolis qui se pointent sans sonner afin d'obtenir des explications.
Pas le temps d'ouvrir la bouche ou de faire un mouvement de plus, le petit flic devant moi se tient l'épaule et tombe en hurlant, il s'est cogné contre le chambranle de la porte en arrivant comme Starsky et Hutch, je n'ai même pas ouvert la bouche qu'il m'allume, les yeux révulsés ; un vrai Rambo en slip à cœurs.

Le fonctionnaire de police a passé une journée à l'hôpital, il s'était déboité l'épaule : trois jours de congés.
Je ne vais pas gueuler sur le fait que je paye des impôts pour financer ses vacances parce que depuis que je suis mort et que je n'en paye plus mais honnêtement entre mes quatre planches de sapin je suis un peu vnr.

J'aurais du acheter Kinect.
J'avais plus eu d'écretion matinale depuis que sinernor avait été ban \o/
Bon les gars, je vous explique. Lorsque vous défoncez la porte du donjon, un nuage de poussière se forme. Lorsque le rideau de saleté retombe, vous voyez un dragon d'or. Un grand dracosire d'ailleurs. Il a l'air énervé. Normal quand on défonce une porte à 2 500 carats pour se barrer avec ensuite. Il s'avance vers vous, énervé. Il vous inspecte, au plutôt, inspecte votre équipement. Puis il vous donne un coup de queue. Vous êtes tous morts les gars, je vous avais dit que votre CA de 15 était pas suffisante pour buter un dragon. Et puis quelle idée de devenir Chaotique Mauvais...

Hey, mais, qu'est ce que vous faites ? Non, ne me lancez pas de dés dessus, noooon !

Lapider à mort par des dés. Pfff, je savais que j'aurai dû acheter un écran pour MeuJeu j'aurai pu m'enfuir en courant tout en me protégeant la tête...
A 30-35 ans, tout au plus, parce que mon corps n'aura pas su encaisser le rythme que je lui aurai imposé jusque là. Donc probablement attaque cardiaque, AVC ou rupture d'anévrisme, une de ces joyeusetés là.
Année 48 de l'ère nouvelle

J'emmerde le médecin. Du repos, des pilules abrutissantes: et puis quoi encore? J'ai consacré ma vie aux humains, et ils me le rendent en me transformant en légume! Si encore on pouvait être sûr de ce remède...Mais avec l'érosion des connaissances, il faudra bien 100, 200 ans peut-être avant que la médecine serve à nouveau à quelque chose. Le savoir technique sur les maladies est là, mais il n’y a pas une seule personne qui sache créer des médicaments à partir de plantes.

Quand même, je vais mal. Il est peut-être temps de revenir sur ma vie, au cas où. Comme la semaine dernière oui, mais ces temps-ci la vieille rengaine de mes accomplissements me paraît plus importante qu'avant; et je sais très bien pourquoi. Voyons voir...

C'est en 2019 que la première et dernière guerre nucléaire a eu lieu. Comme on pouvait s'y attendre, elle s'est terminée aussi vite qu'elle a commencé, mais peu des personnes avaient correctement anticipé ce qui se passerait après. L'humanité n’a pas seulement survécu, en somme : même après les pluies de bombes, un grand nombre de villes étaient encore intactes. Après tout, si on demande à des soldats de tuer des millions de personnes, il y en aura toujours qui refuseront de le faire; oh, pas grand monde. 5 ou 6 sur 100, peut-être moins, mais il y en a qui ne l'ont pas fait.

Les grandes villes furent quand même détruites, et avec elles autour de 99% de la population mondiale, puisqu’elle s’amassait dedans, mais le 1% qui restait n'a pas été affecté longtemps. Bien sûr, s'il y avait eu une deuxième vague d'attaques nucléaires, tout le monde y serait passé, mais comment aurait-il pu y en avoir une autre?

Ainsi des régions entières du monde, celles qui n'intéressaient pas la moindre bombe, n'ont pas eu plus de quelques mois de désagréments. C’est du moins ce que je pense, puisque ç'a été le cas chez moi, et que de toute façon ce qui se passe à plus de 100 kilomètres d'ici pourrait bien être sur Mars sans rien y changer, désormais. Les radiations, ça ne se voit pas, et les dérèglements du climat, on s’y fait. La terre ressemble sûrement à une table mal essuyée : de loin, il y a illusion de propreté, mais partout des microcosmes se perpétuent comme si de rien n’était.

Le tout début de l'ère nouvelle a été l'époque la plus difficile, un mélange bâtard des vieilles idéologies et des possibilités nouvelles. Fallait-il tout recommencer, et pourquoi? Où en étions-nous? Une sorte de brise anarchique soufflait, et chuchotait à quiconque prêtait l’oreille d’arrêter de se battre pour le futur et de festoyer du cadavre des humains (parfois au sens propre). Et puis, revenir à la société semblait au départ ne pouvoir que causer à nouveau la répétition du désastre qui s’achevait, son ampleur coupant court à tout raisonnement. De ce point de vue, les progrès furent rapides. Encore 10 ou 20 ans et tout le monde se sera rendu compte qu’on ne parviendra plus au nucléaire.

Le choix s'est cependant imposé de lui-même : les gens se sont regroupés en majorité, et se sont mis à reconstruire. Les quelques groupes anarchistes ont vite dépéri, ne pouvant lutter contre la masse. Je crois que ce qui s’est passé n'a rien a voir avec le bon sens ou l'instinct de survie, malgré ce qui s'est ensuite dit dans les discours. Ou bien notre instinct de survie est de la paresse appliquée. Chacun s'est demandé s’il était capable de devenir un anarchiste cannibale et esclavagiste, et en général a reconnu qu'il préférait suivre tranquillement les ordres d'une administration quelconque, comme à l'accoutumée. Après tout, nous suivions la génération de Stanlay Milgram.

Il fallait un leader, ou plusieurs ; et ça tombait bien, il y a toujours eu des tas de gens prêts à devenir leader. Ces personnes à la prise de parole prompte et l’esprit lent, remplis d'idéaux et d'aprioris, il faut reconnaître qu'elles ont ponctuellement leur utilité. Lorsqu'il a fallu assainir l'eau des puits, la présence d’Ivan motiva tout le monde, Piotr était indispensable pendant la construction du pont, et la répartition des tâches d'agricultures de Sacha s'est révélée très utile, même s'il a été évincé peu après. Pour les problèmes matériels et immédiats, on peut compter sur ceux qui se targuent non sans raison d'incarner le peuple.

Mais il fallait aussi un secrétaire, et c'est avec fierté que j'ai rempli ce poste, toutes ces années. Tout le monde trouvait la situation urgente et exceptionnelle, mais très peu pour les bonnes raisons. Tournée vers le futur, la majorité se lançait à cœur joie dans les tâches agricoles, avec le même enthousiasme qui les faisait jouer à Farmville, et cette attirance citadine pour la campagne dont ils n'auraient pu dire quel mouvement littéraire leur avait insufflé. Mais quelques uns, qui formèrent bientôt mes plus fidèles employés, voyaient avec angoisse l'immense bibliothèque du savoir humain s’effondrer sous leurs yeux.

On ne repartait pas de rien. Plutôt, nous devions ne pas repartir de rien. Il était encore temps de réunir toutes ces informations qui seraient utiles un jour, le fonctionnement d'une pile, la construction d'une poulie, quelques vers de Hugo... Tous étaient dévoués à la même tâche, fouillant les vestiges de l’humanité passée, et tandis que des boîtes de sardines étaient déterrées ailleurs, nous murions la physique quantique parmi les décombres. On ne voulait garder que le strict nécessaire, que nos vies y suffisent ou non, et ce travail acharné nous permettait de calmer nos doutes. Car comment savoir ce qui servira à l'avenir?

Un jour, nous sommes parvenus, en réunissant de force d'anciens ouvriers et ingénieurs, à leur faire retrouver le fonctionnement d'une machine à vapeur. Cela prit beaucoup de temps, car ils préféraient s'enduire les mains de terre glaise en chantant des airs rétrogrades, mais à force de supplications et de soupes offertes, ils me rendirent un schéma grossier et couvert de boue, compréhensible cependant. Ce fut un des moments de joie intense de ma vie ; joie de bureaucrate peut-être, plaisir stérile et muet du moine copiste qui se prépare à recopier en dix exemplaires un texte saint, mais ce brouillon assurait que notre rôle n’était pas vain, car nous tenions enfin dans nos mains un savoir sophistiqué et applicable, qui servirait à nos ancêtres. Nous avions facilement retrouvé comment construire des fours, et même si trouver du charbon et des métaux était hors de notre portée, cela suffisait : aux prochains de finir le travail.

Nous n'allâmes pas plus loin que la machine à vapeur en technologie pure : il fallait quelque chose pour remplacer les animaux presque disparus, mais se baser sur la suite, le pétrole, paraissait stupide. Devait-on sauter cette étape et enchaîner sur l'électricité? Ce fut l’objet de fréquentes disputes, mais par manque essentiellement de connaissances, on ne le fit pas. Les sciences sociales furent convenablement étudiées, et nous convînmes alors des priorités suivantes, l'hygiène et les enfants.

Dans la communauté, les premières fausses couches furent assez traumatisantes, car tout le monde eut l'occasion de voir ce qui n'avait pas pu survivre. Certains ressentirent enfin, pour ainsi dire au fond d'eux-mêmes, charnellement, que quelque chose s'était vraiment passé deux ans auparavant. Les radiations, cette menace invisible et rapidement oubliée, prit la forme ignoble et multiple de ces êtres qui arrivaient au monde déjà morts. A force d’une politique de naissances cependant, et d’un élan désespéré de survie, des enfants survécurent dans le lot, même si bien peu échappèrent aux mutations.

Le choc fut similaire 30 ans plus tard, quand nous vîmes nos enfants mourir. Notre communauté d’avant-guerre, banale jusqu’à la fierté, était devenu par force le pinacle de l'espèce humaine, propriétaire d'un patrimoine génétique qui ne pouvait se reconstituer avant des milliers d'années, et vivant 3 fois plus longtemps que ce qui deviendra la normale. Pour une fois, le cynisme de la situation n’échappa à personne. Néanmoins, on ne pouvait pas laisser mourir les humains par snobisme, et l'école des monstres fut créée.

Je ne crois pas que nos contemporains se soient jamais rendus compte à quel point ce que nous faisions était important, mais ils nous surent gré de prendre les enfants en charge. A nous revenait la tâche de leur inculquer ce qu'on savait d'agriculture, la foi en la science, l'amour des poésies de Verlaine et l'importance du gouvernement et de sa perpétuation. Strict minimum toujours. Lorsque je mourrai, demain peut-être, Igor (ou peut-être Macha) s'assiéra à ma table, avec des grognements de douleur, jouera avec sa main difforme, puis se demandera quelles lois sont les plus nécessaires ; et en pensant à ça, je sais que je n'ai pas perdu mon temps.

Avec la vieillesse vint une sorte de troisième époque, après celles de la réunion des connaissances et de l'éducation : la mort, cette fois-ci définitive, du savoir. Il aurait été inimaginable avant l'ère nouvelle de se dire qu'une seule personne incarnait des connaissances. Il n'y avait eu qu'un seul Shakespeare, un seul Gauss, mais on trouvait partout leurs livres, leurs succès. Pour nous, à la mort de Calvin, Coco Chanel et Yves Saint Laurent sont morts avec lui. Et quand ce sera mon tour, Excel tout entier disparaîtra.

C’était prévu, et nous avions tout fait pour sauver ce qui devait l'être, mais il ce n’est rien de comprendre une chose, il faut la vivre. Chacun devient plus important, transfiguré par le savoir unique qu'il détient, grandi par la puissance des génies dont il a la garde. Un temps, certains furent même courtisés pour ça : l'acariâtre Dablob, stérile et rendue folle par la morts des chiens, devint indispensable en soirée parce qu'elle était Simone de Beauvoir et Sasha Grey, et tout le monde la traitait comme telle. Le temps d'un conte auprès du feu, on était les frères Grimm, ou Stevenson. C'était sublime et inéluctable, le dernier salut de la culture humaine avant de disparaître à jamais dans l'oubli.

Je ne vois pas ce que nous aurions pu mieux faire. On a préféré la science des lois de Tocqueville au paradis de Milton, troqué Eluard contre un antipoux (une bonne affaire), jeté les blagues de Chuck Norris avec le serment du jeu de Paume, et consigné tout ce qu'on gardait dans des livres, avec pour instruction aux générations suivantes de les lire et les transcrire jusqu'à en comprendre l'intégralité. Pêle-mêle, ils y trouveront la pasteurisation et Macbeth, définitions du stéradian et extraits d’Ainsi parlait Zarathoustra. J'espère qu'ils n'en feront pas une religion.

Je me sens vraiment mal ce matin, espérons que ça aille mieux après une petite sieste. Je vais aussi prendre ces cachets, après tout.
Citation :
Publié par TargueT
En sang, troué par 7 balles d'AK-47, 53 cadavres gisants autour de moi, mon uzi en or dans la main et un sourire brillant avec mes dents en or.
La même sauf qu'à la place de l'uzi, deux tiger striped Deagle brand eagle©

http://m.pimpmyspace.org/pimp/1/74/74ed66bceae4dcfb569a.jpg
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés