Dossier très intéressant, mais j'ai quelques réactions à chaud...
--- sur les clauses abusives ---
D'une part, le droit en général ne s'efforce pas de gommer les inégalités, c'est plutôt le rôle du droit spécial de la consommation (et encore, dit comme ça c'est discutable), et donc seulement dans les relations entre professionnel et consommateur.
La clause abusive est non seulement celle qui utilise un abus de puissance économique, mais aussi qui procure un avantage excessif (c'est cumulatif).
De plus, il existe une "liste noire" des clauses abusives élaborée par décrets (où l'on retrouve des interdictions intéressantes pour le consommateur, et c'est de là que vient la prohibition des clauses limitatives ou exonératrices de responsabilité du professionnel en droit de la consommation).
Il faut préciser que la législation française sur les clauses abusives ne se limite pas aux contrats d'adhésion, même les contrats négociés sont touchés par la loi de 1995 (c'est plutôt rare en droit de la consommation, j'en conviens).
Ensuite, je pense qu'il faut distinguer la vente du logiciel MMO des conditions d'utilisation du service.
En effet, avec un MMO, on a en fait deux contrats différents.
- l'achat du jeu en lui-même (de la boite ou en téléchargement sur un site).
- la souscription à un service.
Or quand on achète le jeu, on est en théorie ignorant des conditions d'utilisation du service, car ce n'est pas écrit sur la boite, et on a pas de contrat fourni avec le jeu.
Donc pire que de n'avoir pas pu négocier le contrat, on est carrément ignorant, ce qui pose un problème au niveau de la formation même du contrat.
Le problème juridique qui se pose, c'est si la vente devient inutile du fait que le bien vendu (le jeu) est inutilisable à cause du contrat de service, ce qui pourrait être le cas dans l'hypothèse où le joueur refuserait les conditions d'utilisation après achat, mais soyons fous, imaginons que ça pourrait être parce qu'il est banni pour cause de triche.
Ca pose une tonne de problèmes juridiques (et ça serait intéressant à développer).
--- sur le statut du beta testeur ---
Le juge n'est pas lié par la qualification du contrat voulue par les parties.
Donc ce n'est pas parce qu'un tel va prétendre que le droit d'accès à une beta est une libéralité que c'en est forcément une !
Toutefois, la requalification en contrat de travail est douteuse, car comme l'a rappelé Uther, il faut établir un lien de subordination, qui semble inexistant pour le cas du beta-testeur.
En revanche, lorsque l'accès à la beta est la contrepartie d'un prix (dans une boite collector par exemple) ou d'une avance sur le prix qui est un avantage concédé par l'acheteur (précommande), il est plus que douteux de penser que la concession d'un accès à la beta soit sous le régime des libéralités.
A ce moment, on sort du droit de la consommation pour retrouver les terres fertiles du droit commun des contrats, et l'état du produit (finalisé ou non) est indifférent à la qualification : on est dans la cession, voire la vente.
Si on apprécie l'existence d'une contrepartie réelle, le testeur aura du mal à arguer que le jeu fonctionne mal (il était prévenu), mais si malgré le prix payé il n'a pas l'accès promis, là c'est une inéxecution contractuelle (et pas un vice caché comme j'ai pu lire quelque part).
Concernant la NDA, je n'ai pas grand chose à dire, vu que j'ai pas trop l'occasion de me pencher sur la propriété intellectuelle en ce moment, mais c'est instructif.
Mais s'il faut conclure, je dirai qu'il serait temps qu'on se penche sérieusement sur ces problèmes liés à l'industrie des jeux vidéos. C'est un secteur de l'industrie qui mine de rien fait pas mal de fric, et où l'on voit d'énormes maltraitances au droit du droit de la consommation et des contrats en général, sans parler des multiples interventions du droit anglo-saxon sous l'empire duquel nous ne sommes pas...
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