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Les pressés peuvent directement sauter le corps du texte (faute de mieux) pour aboutir à la dernière phrase de conclusion.
Reprenons la définition, exacte, de Yasu sur la pornographie élargie à l'ensemble des représentations, elle est "la technique qui a pour objet de tout montrer, qui ne donne à voir que ce qu'elle montre". Je modifierais, pour ma part, légèrement la phrase, la deuxième partie me semblant seule exacte : elle ne montre que ce qu'elle montre. Elle n'a pas pour objet de tout montrer (ce qui pourrait être le but inatteignable de la science par exemple) mais de montrer une image sans lien, sans contexte, une image faussée la plupart du temps car construite, et parcellaire voulant faire de son angle particulier la totalité. Elle a la prétention de tout montrer. La pornographie a des visées totalitaristes, qui impose une seule vision, une image appauvrie, sans imagination, qui déconstruit la complexité du réel.
Si c'est une tautologie, c'est une tautologie fausse. Vous allez me dire que la tautologie est toujours vraie. Certes, mais uniquement en elle-même, à l'intérieur de son système logique de redondance. La tautologie n'apporte rien de nouveau, mais elle peut être vraie, si on prend la peine de la confronter au réel, de faire un feed-back en la confrontant au contexte.
La pornographie, au sens large, est une tautologie mensongère car parcellaire, ou volontairement faussée, et on y retrouve là la propagande, la publicité, le journal de Pernaud…..
Je voyais la couv' d'un magazine hebdomadaire sur lequel s'affichait Estelle, ex Halliday. On me dit, ce n'est pas possible, la photo est refaite, elle ne peut avoir ce corps après grossesse et césarienne. Toutes ces photos, de ce style, sont refaites. Elles sont un exemple parmi d'autres de la pornographie ambiante : image qui ne donne à voir que ce qu'elle montre, dans une vision standardisée, fausse, sans imagination.
Le monde est la vision d'observateurs. Il est la représentation du réel. L'art est une création en cela qu'il est une nouvelle tentative de représentation, permettant d'élargir la vision.
SL est d'abord, comme univers de simulation, une tentative de duplication du monde. En tant que duplication il n'est pas en lui même acte de création, poésie. L'œuvre d'art sera, comme dit Yasu au centre d'un triptyque comprenant le créateur et l'observateur, dans l'échange et la modification de la vision. L'œuvre ne pourra pas faire l'économie du monde, de la vie, de l'humain, même réalisée sur sl.
Alors effectivement quel dialogue propose un objet sur sl ? Quelles modifications de la vision de l'observateur ? Où se situe l'acte de création en dehors de la capacité à montrer que l'on maitrise une technique et que l'on peut dupliquer un objet.
On pourrait ajouter à ces pêchés originels, la tendance aux stéréotypes soulignée par Poisson, qui renvoie de nouveau dans les affres de la duplication ad nauseam d'une image formatée, et l'éloignement de la condition humaine, de l'humain qui fait de sl un univers profondément kitsch et nous voici habillés pour l'hiver.
Maintenant si l'on limite la définition de la pornographie à l'activité sexuelle sur sl ou ailleurs, je ne suis pas sur d'arriver aux mêmes conclusions.
D'abord parce que le but de cette pornographie là n'est pas l'art, ou la vérité ou la connaissance du monde mais uniquement le plaisir (si l'on fait abstraction du but physiologique réel que serait la procréation). Je pense qu'il faut considérer cet usage de façon plus prosaïque, même si à l'instar des matérialistes épicuriens, nous pourrions étendre cela et proclamer qu'est vrai ce qui nous fait plaisir.
Après une séance de radada, la phrase classique n'est pas : que penses-tu de ma création ? Mais : alors heureuse ? Le seul but, la seule justification du détour pornographique est l'atteinte de l'acmé orgasmique. Et la façon d'atteindre ce but est purement personnelle, une idiosyncrasie. Trier ce qui serait érotisme et pornographie m'apparaît comme un idéalisme, une tentative normative pour une activité qui de fait renvoie chacun à ses stimulus personnels.
L'érotisme des uns deviendrait la pornographie des autres, et inversement.
Pour autant, cela ne veut pas dire que l'objet présenté n'est pas pornographique, ne montrant que ce qu'il est, qu'il soit film de hardeux, petites boules roses et bleues, matériel bdsm, qui proposent en eux mêmes aussi une sexualité normative.
Mais la différence est que l'utilisateur, le récepteur, va recevoir ce matériau à fantasmes selon une trajectoire socio-sexuelle qui lui est propre, et va transformer cela, dans les méandres de son cerveau, pour en arriver au plaisir et à la jouissance, qui est la preuve que le but est atteint.
Il y aura dès lors autant de réactions que d'utilisateurs (bon, même si on peut tout de même les classer dans des groupes plus ou moins importants en nombre.....tout est sériable).
On pourrait soutenir que le matériel pornographique a un but uniquement masturbatoire, une sexualité sans échange, à l'instar de l'utilisateur compulsif de kleenex devant son film de cul, du rat de Olds et Milner (dont la pédale à plaisir lui faisait négliger toute autre activité), ou les nano-robots stimulateurs de Yann. Il faut convenir que cela est sans doute courant, mais il serait faux de croire que l'utilisation du matériel pornographique se limite à cela. En réalité, comme l'a montré l'étude 2006 sur la sexualité des français, l'usage de la pornographie n'est pas une activité compensatoire, mais souvent une activité qui s'ajoute à une sexualité plus débridée par ailleurs (de la même façon que l'utilisation des réseaux sociaux n'est pas, quantitativement, même si elle peut l'être, une activité compensatoire, et c'est le contraire qui est le plus souvent exact).
On peut observer dans les pratiques cyber-sexuelles qu'il existe diverses façons d'utiliser, de modifier, de vivre le sexe dans l'environnement existant sur sl. Et cette utilisation est différente aussi en fonction du partenaire, jusqu'à atteindre un niveau de sophistication, de ressenti, d'imagination dans le partage, qui peut aller assez loin.
Ainsi si certains s'arrêtent à la masturbation sans échange, face à une image stéréotypée, d'autres se servent des postures comme tremplin à des échanges écrits, ou en voice, d'autres encore viennent y chercher de la matière à fantasme qu'ils recycleront dans leur quotidien réel, se servant de sl comme d'un véritable boute-en-train, certains feront comme le personnage de Brassens, qui sur les statuts des musée faisaient le brouillon de ses baisers, (ainsi j'ai le souvenir d'untel qui ayant des difficultés à dispenser sa tendresse en rl venait apprendre à le faire maladroitement sur sl..... le retour de la partenaire sl étant « je suis pas là pour être psy »), d'autres se serviront de sl comme d'une pornutopie où ils oseront des comportements qu'ils seraient incapables de reproduire en rl, certains y verront un instrument de contrôle social, une zone de confinement pour circonscrire la pression.......j'en passe et des meilleurs.
Il ne me semble pas y avoir de règle pour des comportements qui ne devraient pas revenir à des choix collectifs, mais qui se limitent à la sphère privée. Avec un même environnement tous les comportements sont possibles.
L'exemple du bdsm, dont nous parlait Yann, et qui semble anormalement présent, en nombre, sur sl, par rapport à son impact rl est intéressant. Le bdsm peut se limiter à une pratique très cérébrale, sans passage à l'acte réel, fantasmatique. L'écart existe toujours entre le pratiquant virtuel uniquement et le pratiquant réel et virtuel, car là aussi le feed-back, le retour à la réalité ne peut être qu'un plus, mais cet écart est sans doute moindre, compte-tenu de l'importance de la cérébralité dans cette pratique, que serait celui que vivrait le puceau s'attaquant à la simulation d'un acte sexuel plus restrictivement sensuel.
Pour reprendre également une réflexion de Poisson, je ne suis pas sur que la pratique virtuelle et fantasmatique, sans ce feed-back du réel, apporte plus de tolérance vis à vis des autres formes de sexualité. Pour continuer sur le bdsm, pratique paraissant exotique, on pourra là aussi trouver toutes réactions, de ceux qui sensibilisés finiront par s'initier rl , à ceux qui limiteront cette pratique au virtuel, regardant les adaptes rl comme des bêtes curieuses, parfois même avec un brin d'agressivité.
Au total, chacun se débrouille avec ses affaires de cul.
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