Je poste un petit avis bien tardif en tant que Pair.
Y'a-t-il à revenir sur la présence du roi ? Il est clairement prouvé qu'un roi au Moyen-Age n'est pas un personnage public qui se montre à tout va. Il est même pratiquement certain que certains rois n'ont jamais visité une de leur province, ou alors ces visites se comptent sur les doigts d'une main. Ce fossé entre le sommet et la base jalonne toute l'histoire du pouvoir : Talleyrand, évêque d'Autun, n'a jamais visité Autun que pour y être intronisé ; quels procès n'a-t-on pas fait aux Jacobins ? ; quels procès ne fait-on pas aujourd'hui à Sarkozy, présent "sur le terrain", mais trop présent aux yeux de certains ? ; quel procès ne fait-on pas, a contrario, aux politiciens d'antichambres, qui ne mettent pas un pied dehors ? Quoi qu'il en soit, la relative absence du roi pour ses sujets n'est pas un vrai problème d'un point de vue roleplay. Là où le bât blesse, c'est que nos chers sujets n'en sont pas : ils savent écrire, lire, compter, sont intelligents, puisque les joueurs qui les contrôlent ont ces quatre facultés (à des degrés divers toutefois

). Partant, les collusions anachroniques sont légion, même si elles sont inconscientes.
Le vrai problème de la présence du roi, et l'on me pardonnera de trahir un secret de polichinelle, c'est entre le roi et les membres de son gouvernement. Que le roi délègue la réalité et l'initiative du pouvoir à des tiers, soit, même si je suis peu convaincu que quiconque ait jamais eu l'initiative d'un pouvoir, à plus forte raison d'un pouvoir central (mais des sources me contrediront sûrement). Mais l'on aimerait une plus grande présence à la Pairie, m'sieur le Roi !

Car, certes, ce cher Heraklius, Grand Maître de France, a ses entrées dans la Chambre du Roi, mais l'on a déjà fait remarquer que ça nous bloquait dans notre office.
En ce qui concerne la nature du roleplay du roi, chacun est libre de pensée. Ton emploi du temps de Lévan t'empêche de pourvoir à autre chose qu'au gouvernement du royaume. La vie quotidienne du roi ne t'intéresse pas, car tu sembles considérer que ce n'est que du verbiage. Or, moi qui suis en train de rédiger le droit royal et qui me perd dans les effectifs pléthoriques de l'Hôtel du Roi, je peux t'assurer que le microcosme de l'Hôtel du Roi est un roleplay qui est à coup sûr très enrichissant. Les banquets, avec les privilèges de commensalité pour les commensaux (c'est une assez bonne idée pour un commensal), les levers, les couchers, la sécurité du roi, les célébrations, les menus-plaisirs, le service de bouche, la santé du roi, tout ça peut faire cohabiter et se croiser de nombreux roleplay et intégrer de nombreux joueurs qui ne sont pas forcément issus d'une grande élite.
Et j'en arrive à la conclusion d'une première partie (mon Dieu, je fais des impératifs méthodologiques) : "on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a". Cet adage résume assez bien la situation. Pour que le gouvernement satisfasse tout le monde, que le roleplay puisse enrichir tout le monde, il faudrait y consacrer sa vie. Or, jusqu'à preuve du contraire, nous avons tous une vie en dehors, et j'ose espérer que personne sur les RR ne vit sa vie à travers son personnage Et, plus l'on s'élève dans la hiérarchie sociale, "moins on a", et plus "on doit faire". Je crois que personne ne se rend compte à quel point il est difficile, quand on est à la Pairie, de diriger la base. Les roleplays sont tellement anachroniques, les joueurs tellement peu soucieux de distinguer le RP du HRP, et les joueurs tellement anachroniques et incohérents, que c'est un casse-tête. Ajoutez à cela les dilemmes cornéliens : faut-il respecter à tout prix l'Histoire, y compris dans ses errements politiques et ses imperfections, ou bien utiliser le jugement et les connaissances a posteriori que nous avons pour nourrir le roleplay ? Rien que dans la rédaction du droit, de multiples problèmes se posent : comment concilier la nécessité d'un droit complet, épais, pour cadrer des joueurs du XXIe siècle qui ont, en bons contemporains, la lucidité de se retrancher derrière le "C'est pas écrit dans la loi, donc c'est pas interdit !" et l'historicité du droit, qui au XVe, ne connaît pas d'arbres de lois, de constitution, de codes pénaux, et j'en passe, mais seulement des ensembles plus ou moins homogènes de lois.
Passons maintenant à un petit réquisitoire contre le développement des RR, car tout n'est pas parfait, loin s'en faut.
Si j'en crois la brochure explicative des RR destiné au développement commercial du projet (et, au contraire de Stompy, je n'ose pas imaginer que c'est du blabla marketing

), LJS et Lévan ont voulu laisser l'initiative du roleplay aux joueurs, sans s'en préoccuper autrement que pour la modération. Sur le papier, c'est une très riche idée : le jeu est ce qu'en font les joueurs. Maintenant, et je crois que Lévan ne me détrompera pas, ce qui marchait à 5 000 joueurs (divisez par 10 pour le nombre d'inscrits forum) sous la version bêta ne fonctionne plus à 50 000, et je crois que les admins ont été dépassés par le succès du jeu. A 5 000, la conscience du background du jeu était encore présente. On pourra y trouver de nombreuses raisons : plus grande présence des admins car le jeu était encore en construction (et souvenons-nous de LJS colistier en Champagne en janvier 2005), recrutement de haute volée (il y avait beaucoup de joueurs recrutés dans les connaissances des admins, pas mal de thésards et de professeurs d'universités), et surtout, le côté nouveau du jeu, avec tout à construire. En laissant complètement l'initiative du jeu aux joueurs, le jeu est devenu ce que les joueurs ont pu y apporter. C'est à dire peu de connaissances historiques, de l'incohérence (souvenons-nous de la création de la Cour des Miracles, qui visait à endiguer la prolifération des elfes et autres bestioles !), et de l'anachronisme. Un Moyen Age sublimé et qui se prend au sérieux est né, alors qu'un Moyen Age rigoureux dans ses structures et festif comme Astérix (combien d'anachronismes franchouillards sont subtilement semés dans tous les albums d'Astérix, avec beaucoup de second degré ?) aurait pu naître. On peut se demander si le recrutement par les annuaires de sites de jeux n'a pas contribué à un recrutement quantitatif plutôt que qualitatif. Je le pense, mais au contraire de Stompy, je ne crois pas que ç'ait été fait en pleine connaissance de cause (Enfin bon, d'un côté, le jeu est alimentaire)
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, ceux qui ont vraiment leur pierre à apporter à l'édifice des RR, naviguent à contre-courant, sans pagaie, et sans gilet de sauvetage. Il y a un an, un groupe de réflexion sur le roleplay des RR a bien été investi par les historiens, mais ce n'est pas par en haut que l'on changera grand chose. Si les joueurs n'ont pas le souci de vérifier leurs roleplay, peut-être pas forcément dans les détails, mais dans l'esprit, je ne pense pas qu'il soit possible de s'en sortir. Aujourd'hui, l'état général du roleplay s'est largement dégradé, et peu de choses sont vraiment médiévales. Certes, il y a des concessions qui ont été obligatoires : le statut de la femme, Dieu, la démocratie. Mais, comme partout, il aurait fallu un peu de modération : aujourd'hui les femmes s'exhibent quasiment nues dans des concours de Miss T-shirt mouillés (qui peuvent être plaisants quand ils sont décalés, comme les concours de Miss Haillons mouillés, à Cosne, où l'on tourne vraiment en dérision à la sauce médiévale ces concours), l'athéisme fleurit partout dans le royaume, et les joueurs attendent des politiciens ce qu'ils attendent de leurs dirigeants IRL (ce qui en soi, n'est pas inintéressant : l'évolution du métier politique depuis le XVe pourrait nourrir invisiblement certains politiciens des RR, mais le XXIe est trop visible).
Certains blâmeront les admins (comme Stompy, et les autres). Des personnes un peu plus lucides, avec un peu plus de recul, et surtout très fatalistes diront qu'un jeu purement historique est impossible. Pour être étudiant en histoire, je peux déplorer la désertion des UFR d'Histoire en France, la pénétration de l'imaginaire dans le Moyen-Age, qu'ont relayée la littérature fantastique et le cinéma (Prenons Tolkien et les Rois Maudits, pour ne citer que deux exemples). Cet abandon progressif du temps long (le temps qui bouge le plus lentement, selon la théorie de la tritemporalité braudélienne) pour le public, qui préfère les histoires événementielles des grands personnages, sans annotations de bas de page et très synthétiques, s'il vous plaît !, se retrouve dans le roleplay des RR. On se soucie peu de savoir si l'athéisme est possible au Moyen Age, si les parents sont des parents-gâteaux (une lecture de Philippe Ariès vous prouvera qu'au Moyen Age, le nouveau-né est une "chose", à laquelle on ne s'attache pas car il a une chance sur trois ou quatre de crever avant de savoir tenir une brouette. Cf aussi "Les collections de l'Histoire" - L'enfant et la famille, n°32, actuellement en kiosque

), si la communauté villageoise est individuelle ou collective, la place de la mort, la hiérarchie sociale et ses passerelles, etc. Or, tout ceci, ce n'est pas du détail, c'est l'essence même du Moyen Age. Qu'on fasse revivre l'Ordre des Templiers, c'est un détail, qui se situe dans le temps événementiel (le plus volatil de la tritemporalité, le plus en surface, aussi) ; qu'on touche à la structure du Moyen Age, c'est différent, car là on dénature ce qui l'identifie.
Qu'en conclure de tout ceci ? On pourrait dire que c'est fataliste, que ça ne propose pas de solution. C'est assez vrai, mais y'a-t-il seulement des solutions à proposer ? Les admins ne trichent pas, comme semble le sous-entendre Stompy, ils ne favorisent pas certains joueurs. Ces plaintes oiseuses de ceux qui ne comprennent pas que la hiérarchie sociale des RR est une hiérarchie RP, qu'il faut en baver dur pour parvenir au sommet, et que les connaissances IRL ne changent pas grand chose au problème (moi-même, je ne connais pas Lévan, même si j'attends encore qu'il me file des vidéos des Robins des Bois et de Message à caractère informatif

), ça parasite le jeu tout autant que les "Critical error[s]" du serveur.

Le jeu n'est pas accaparé par une minorité de joueurs. Mais cette minorité tente tant bien que mal de concilier les impératifs d'épanouissement et de perspectives de carrière des joueurs, et de conserver des performances. Soit un jonglage entre un recrutement quantitatif et qualitatif. Le candidat qui ne mérite pas d'être Pair ne sera pas Pair. Personne ne semble remettre en cause les échecs des mauvais candidats aux élections : ici, c'est le même principe. Les mérites priment (pitié, pas de verbiage oiseux sur la méritocratie, c'est pas le propos).
Quant à l'historicité du jeu, je crois qu'il va falloir proposer très vite une bibliographie abordable des thèmes essentiels du Moyen Age, avec des fiches de lecture au besoin. Je crois dur comme fer qu'il est possible pour les férus d'histoire, par la qualité de leur roleplay, de donner envie aux joueurs d'en apprendre plus sur cette période toute pourrie (Oui oh ça va, j'ai le droit de dire que je suis un contemporanéiste !

)
mais riche, très riche !
Et surtout, le maître-mot, c'est de se rappeler qu'on est dans un jeu, et qu'il ne faut pas vivre sa vie à travers le jeu, même si c'est impossible de totalement dissocier la vie du rôle : même les comédiens professionnels n'y arrivent pas (totalement)