Le Journal des Larmes, une trilogie apocalyptique.

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JOUR 10



« Ca ne sert à rien de rester ici à me lamenter, je pense retourner à Orgrimmar prendre quelques affaires avant de partir en chasse. Ne suis-je pas un maître dans l’art de la traque ? »



-Ce que tu me racontes là est très ennuyeux, Drellath. C’est assez invraisemblable aussi.

L’orc saisit une pile de document pour la ranger sur une étagère. Puis il se retourne vers moi.

-Les Vengeurs de Hellscream est – ou était- l’une des plus grande guilde de la Horde. Son chef, le chaman Alethor, est un stratège et combattant expérimenté, tel que l’on en a besoin à présent. Mais que veux-tu que je fasse ? Ton histoire est si abracadabrante…

L’attitude condescendante du conseiller me met hors de moi. Pourquoi mentirai-je ?

-C’est la vérité ! Envoyez une équipe à Un Goro si vous ne me croyez pas !

-Drellath… Tu viens me dire soudain que ton ami, ce Kelch, revient après deux années d‘absence et tue à lui tout seul l’ensemble des vengeurs ? Le cratère d’Un Goro est un endroit très dangereux, je ne vais pas risquer la vie de mes guerriers pour de telles affabulations.

-Mais…

-Je n’ai pas le temps pour ça Drellath. Je veux bien croire que tu es déboussolé mais je ne pense pas que tu requiers le service de nos armées pour tes besoins personnels.

Comme je reste immobile, son visage devient plus dur.

-Si tu ne veux pas que je te fasse raccompagner – il désigne deux gardes en armure non loin – sors s’il te plaît.

Soit. Si je ne peux compter sur l’aide de Nazgrel je m’en occuperai donc seul.



Le chasseur partit, l’orc au masque de loup reste un moment pensif. Ses dires l’ont troublés. Tout avait donc déjà commencé ? Il avait bien déjà pensé que le troll fut l’un des personnages désignés par la prophétie mais il ignorait en quel sens. A présent qu’il savait il ne pouvait plus penser qu’une chose. C’était mauvais, très mauvais.
JOUR 11



-Kelch ? Comment dire… C’était un enfant assez discret, moi-même qui me suis occupé de lui toutes ces années j’ignore quelles étaient ses ambitions dans la vie.

-Vous ne connaissez pas ses parents biologiques ?

-Vous savez, lorsque je l’ai adopté c’était une période où les disparitions étaient nombreuses. Il n’était pas rare de voir des familles entières s’évaporer dans la nature. J’imagine qu’il faisait partie de ces orphelins dont les parents avaient été tués durant la guerre contre la légion ardente.

Le vieux troll ramène sa natte de cheveux blancs sur sa nuque. Mes questions semblent le rendre nerveux.

-Il n’avait pas de problèmes… heu… particuliers avec les autres membres de la tribu ?

-C’est toujours difficile pour un étranger de s’intégrer mais il est vrai que c’était d’autant plus pénible avec Kelch. Il n’aimait pas se mêler aux autres enfants. Toute la journée il s’enfermait pour lire. Vous auriez vu sa chambre ! Des piles de tablettes y étaient entassées, c’est à peine si un adulte pouvait pénétrer à l’intérieur.

-Que lisait-il ?

-Des récits historiques et mythologiques trolls je crois. Il se passionnait pour tout ce qui avait trait à notre ancienne civilisation.

-Et vous, comment étaient vos relations avec lui ?

Mon interlocuteur s’arrête un instant pour réfléchir.

-C’est difficile à dire. Il me parlait plus qu’à aucun autre membre de la tribu c’est vrai mais…. Je pense qu’il n’a jamais laissé entrevoir le fond de sa pensée. Il était plutôt intelligent pour son âge. J’avais parfois l’impression qu’il nous méprisait nous, les adultes, qui avions des difficultés à lire l’ancien troll.

Il s’interrompt puis reprend :

-Quant on y pense c’est étrange qu’il est choisi la voie des armes. Vu son intellect je l’aurai plutôt vu devenir mage ou prêtre, je ne saurais dire pourquoi il a choisi de devenir voleur.

J’acquiesce d’un signe de tête. Je m’étais également posé la question.

-Merci beaucoup pour ces informations. Je vais vous laisser à présent.

Je me lève, serre la main du troll et m’apprête à sortir de la hutte.

-Vous savez, dit soudain le troll, vous êtes le second qui m’interroge au sujet de mon fils adoptif.

Je me retourne brusquement.

-Quoi ? De quoi parlez vous ?

-C’était il y a deux ans je crois… Oui c’est ça. Un réprouvé qui semblait très soucieux de tout savoir sur Kelch. Il m’a posé les mêmes questions que vous.

Mon cœur s’arrête de battre.

- Il s’appelait… Un nom bizarre. Ga… Gazel, oui, Gazel.
JOUR 12


« Recueillir des informations sur Kelch s’avère plus difficile que prévu. Peu de gens se rappellent de lui en détail, et il semble que je suive la même voie que Gazel deux ans auparavant. Voie qui l’a conduit à la mort. J’ignore le rôle du troll dans les évènements passés et à venir, mais celui qu’il a tenu dans la destruction des Vengeurs fait que je ne lui pardonnerai jamais. »



Voilà deux semaines que je parcours tout le pays à la recherche de mon ancien ami. Il s’est comme volatilisé. Et un malheur n’arrivant jamais seul je suis à présent à court de ressources pour me nourrir et me loger. Je me vois obligé d’effectuer quelques taches ingrates pour subsister. Mon départ d’Orgrimmar était tellement précipité que je n’ai pas pensé à l’avenir. Pire, je commence à manquer de papier. Je vais devoir arrêter d’écrire pour un temps.
Les clairières de Tirisfal, région encore rongée par le Fléau mort-vivant. A l’est l’un des derniers bastions humains, le monastère écarlate, dont les pieux guerriers ont sombré dans une folie désespérée à la vue de la profanation de leur ancien royaume. Devenus plus un danger qu’une aide, ils agressent tout voyageur n’arborant pas les couleurs de leur croisade insensée. Aujourd’hui pourtant un être ose frapper à leur porte.



Un moine vêtu d’une robe rouge sombre vient ouvrir la large porte. Il s’incline avec respect et laisse entrer le troll avant de l’escorter dans les couloirs du monastère.

-Voleur Kelch, nous sommes honorés de votre présence ici.

-C’est normal.

-Est-ce que… vous l’avez ?

Le troll sort un livre de sa veste.

-Bien sûr. Un nouveau livre à ajouter à votre bibliothèque. En échange j’aimerai consulter vos archives les plus anciennes. Celles datant d’avant même l’avènement de Lordaeron.

-Je comprends… C’est une requête difficile à exaucer pour un étranger mais je ferai mon possible.

-J’en suis sûr.
Thrall, mon vieil ami. Les deux vaisseaux sont devenus complètement incontrôlables. Drellath a quitté précipitamment Orgrimmar, fou de colère et de vengeance, je crois qu’il est parti à la recherche de Kelch seul. Ce sont les activités de celui-ci qui m’inquiètent le plus. Après avoir tué tous les Vengeurs, le troll a disparu. Un individu correspondant à son signalement aurait été aperçu en plusieurs points du globe, aux côtés de membres de la Croisade écarlate, de la lame ardente, ou encore du clan du totem sinistre. Si il s’agit bien de lui il est possible qu’il recrute des alliés dans ces différentes factions. Une prochaine guerre semble inévitable.

Je vous en prie, revenez vite.



Nazgrel.
Toi qui lis ce livre en ce moment, dis moi… Es tu vraiment prêt ? J’ai détruit de nombreuses âmes par mes révélations, elles peuvent changer ta vision du monde. A partir du moment où tu m’as en ta possession, tu es en danger. Beaucoup sont ceux qui me convoitent et préfère voir la vérité enterrée à jamais. Si tu parcoures ces pages tu ne pourras plus revenir en arrière. Ne réfléchis pas. Ressens. Tu fais partie d’un tout. L’espace, le monde, l’Histoire, tu es tout ça si tu le veux. Je peux t’aider. Dis moi d’abord qui tu es et je te dirai qui je suis. A l’heure où j’écris ces lignes je destine ce livre à une seule personne. Si ce n’est pas toi, retrouves là. Je te fais confiance, tu n’abuseras pas de mes présents et les confiera à qui je souhaite. Son nom est Drellath.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.

Kelch sourit. Ainsi il avait vu juste. Drellath tient bien une place centrale dans les changements à venir. Si il savait… Le troll a appris de nombreuses choses que le chasseur ignore. Ses origines. Et son rôle.
JOUR 13


« Plusieurs semaines ont passé depuis la dernière fois que j’ai ouvert ce journal. J’ai compris une chose : l’argent dirige tout. Plus de concepts de bien ou de mal, l’argent, seulement l’argent. Tous les moyens sont bons pour en obtenir, c’est ce que m’ont appris ces jours de misère. Si je veux retrouver Kelch l’argent sera mon unique allié. Il est le seul à qui je puisse faire confiance désormais. »



-Encore un travail pourri dans une région pourrie. On a vraiment pas de chance.

-Baldian.

-Non mais pourquoi faut toujours que t’acceptes les premiers boulots venus ? On aurait pu trouver autre chose, je sais pas à Feralas par exemple, ce serait toujours mieux que les coins paumés que tu nous dégotte à chaque fois.

-Baldian.

-Mais monsieur Drellath se prend pour le chef. Monsieur Drellath décide sans écouter personne, monsieur…

-La ferme Baldian !

Le voleur s’interrompt. Il fait bien car je commençais à avoir une furieuse envie de frapper. Je m’irrite facilement ces temps-ci, sans doute l’atmosphère des terres foudroyées y est-elle pour quelque chose. Avec un soupir je reporte mon regard sur la carte étendue devant moi.

-Nous sommes ici dis-je en désignant un point du plan, la proie que nous devons capturer devrait se trouver quelque part par là.

Je dessine un cercle au dessus de la zone à explorer. Baldian ricane, sceptique.

-Autrement dit on ne sait pas où il est. Super ! Encore des semaines à ratisser un pays dont les seuls habitants sont des bêtes mutantes et des démons. Et tout ça pour un gars dont on ne sait rien. Qui sait si ce n’est pas un innocent que l’on traque ?

Je roule le plan et le range dans ma poche.

-On se fiche de savoir s’il est innocent ou non. On est payé pour le ramener vivant, c’est tout ce qui m’importe.

Je fixe mon compagnon avec assistance.

-Et attention j’ai dit VIVANT.

L’humain affiche une mine dépitée pour se moquer de moi. Je n’y fais pas attention et fais signe à Asky de rester vigilant. Il ne faut pas oublier que nous arpentons l’une des contrées les plus dangereuses d’Azeroth. Malgré tout je repense aux paroles de Baldian, quelles sont les raisons de poursuivre cette personne ? Je sais que je ne dois pas me poser de questions, je suis mercenaire, chasseur de primes. Je vends mes talents au plus offrant mais est-ce vraiment la vie que j’ai choisi de mener ? J’ai abandonné mon ancienne vie, mon attachement à la Horde est loin derrière moi. Pour preuve je fais équipe avec un humain à présent. Baldian à lui aussi quitté l’Alliance pour le mercenariat, je ne connais pas ses motivations mais il est efficace, c’est tout ce que je demande.

-En plus la bouffe est vraiment horrible dans ce métier reprend le voleur dans mon dos. On est obligé de manger ce qu’on attrape sur notre lieu de travail, et j’avoue que steak de sanglier infernal c’est pas mon plat préféré. Trop brûlant.

Encore une fois je me retiens de répondre. Malgré ses critiques et son humour agaçant, Baldian est plutôt sympathique –même si je ne lui dirai jamais en face- en fait il est ce qui se rapproche le plus d’un ami pour moi. J’imagine que c’est réciproque, chacun tient la vie de l’autre entre ses mains dans ce métier alors la confiance est nécessaire. Si j’étais encore celui que j’étais autrefois, je rirais sûrement avec lui en ce moment. Mais trop de blessures me tiraillent de l’intérieur pour que je puisse me résoudre à accepter cette nouvelle amitié. En fait il me rappelle Kelch. Son comportement, ses gestes, son sourire goguenard et sa profession : voleur, tout me rappelle mon ancien ami.

Je ferme les yeux, et essuie les larmes qui commencent à couler sur mon visage.



Mercenaires :

De par le monde il existe des âmes blessées, brisées. Plutôt que d’affronter leurs sentiments, elles préfèrent souvent tout quitter. Beaucoup de ces êtres deviennent alors mercenaires, vendant leurs talents de combattants au plus offrant. Leurs missions sont presque toujours à l’extrême limite de la légalité, leurs commanditaires préférant louer leurs services sans attirer l’attention des autorités. Ce ne sont pourtant pas des meurtriers sans scrupules comme le laissent penser des préjugés répandus. Leurs travaux consistent souvent à retrouver des criminels, des objets rares ou explorer des régions inconnues. C’est un métier périlleux et la plupart des mercenaires travaillent en équipe plutôt qu’en solitaire. Des liens solides sont alors tissés entre les compagnons, quels que soient leurs différences de race ou de personnalité.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
Une grande salle. Taurens, orcs, humains, elfes, troll, gnomes, réprouvés et nains. Des membres de toutes les races sont réunis ici. Tout préjugé est abandonné ici. Ils attendent. Certains discutent, excités. Quelque chose d’extraordinaire va se produire, ils le sentent.

-C’est pour bientôt ?

-Je ne sais pas.

-Il paraît qu’on attend de nouveaux membres.

Murmures. Regards. Quel plaisir de se trouver rassemblés ici, unis par le même secret ! Le même terrible secret… Des connaissances qui feraient trembler les non initiés.

Soudain un cri :

-Le voilà !

Silence. Les regards se rivent vers la silhouette qui vient d’entrer dans la salle. Le troll monte sur l’estrade et dévisage la foule en souriant.

-Mes amis, comme toujours je me place en temps qu’intermédiaire entre vous et nos Pères. Ils me transmettent pour chacun de vous un message d’amour.

-Kelch ! Kelch !

Le voleur calme la masse hurlante d’un geste.

-Les Pères vous aiment. Ils sont fiers de vous. Ils regrettent de ne pas pouvoir vous le dire en face. Espérons que bientôt ils pourront enfin fouler ce sol de leurs pieds et venir vous remercier tous et toutes.

Acclamations.

-Nous ne sommes pas loin du but. Votre aide a été précieuse, ils vous en sont reconnaissants. Le seul regret de nos Pères est de ne pas avoir pu transmettre leur amour à nos frères ignorants. Ceux là même qui les ont accablés du nom maudit de « Légion ardente ».

La foule est suspendue aux lèvres du voleur. Il détient la parole, merveilleux cadeau.

-J’ai fait un rêve. Le rêve que nos Pères étaient ici avec nous. Mais j’ai un autre souhait que vous pouvez m’aider à réaliser.

-Quel est ce souhait, ô Kelch notre guide ?

Le troll a un sourire carnassier.

-Le moment est venu de faire connaître à tous, l’amour de nos Pères.
JOUR 14



Le tonnerre gronde au dessus de nos têtes, éclairant le ciel de ses éclairs. Asky hume l’air environnant et pousse soudain un cri d’alerte.

-Qu’est-ce qu’elle a encore la bestiole ?

Je fais signe à Baldian de se taire. A quelques mètres de nous se dresse la silhouette d’une créature dissimulée dans la pénombre. Heureusement elle ne semble pas nous avoir remarqués. Je me retourne vers Baldian mais le voleur ne m’a pas attendu pour agir. Devenu aussi discret qu’une ombre, il observe cet obstacle imprévu. Un éclair survient dans l’obscurité, laissant entrevoir la créature. Je reconnais aussitôt un chien démoniaque. Je n’en ai jamais vu auparavant mais Gazel m’a montré des gravures représentant ces êtres effrayants. Baldian l’a vu également, se rapprochant de moi il murmure :

-Mieux ne vaut pas l’attaquer. D’autres démons rôdent peut-être dans les environs.

J’acquiesce. Comme pour confirmer ces sinistres propos, un hurlement retentit non loin. Aussitôt le démon se précipite vers l’origine du cri. Nous réjouissant de cette opportunité nous poursuivons notre route, scrutant les alentours à la recherche d’un quelconque danger. Alors que nous arrivons au sommet d’une côte, un spectacle étonnant s’offre à nos yeux. Devant nous, un immense cratère. Je manque de tomber du bord, mais Baldian me rattrape in entremis. Encore heureux, car de nombreux démons parcourent les lieux.

-Comment se fait-il qu’il y ait autant de démons ici ?

-Tu as vu ça ?

Baldian me désigne un point vers le fond du cratère. J’écarquille les yeux, incrédule. Sur les terres brûlées se dresse un large portail. Les énergies qui l’animent ne me laissent aucun doute sur sa nature démoniaque.

-Un portail noir…

-Il a l’air fermé. Heureusement car sinon il fournirait un moyen idéal pour la légion ardente de s’introduire en Azeroth.

Baldian ne cache pas son inquiétude.

-Je croyais que nous l’avions vaincue. Qu’ils ne reviendraient jamais…

-Ce portail est sûrement un vestige de la dernière guerre, calme toi.

Je pose une main apaisante sur son épaule.

-Tu dois avoir raison. C’est tout de même étonnant qu’autant de démons gardent le coin.

-Ils sont peut-être liés à ce portail. J’ai entendu parler de phénomènes où les démons ne pouvaient plus quitter un portail s’il avait été fermé trop rapidement.

Je parle autant à Baldian que pour me rassurer moi-même.

-On ferait mieux de partir avant d’être repérés.

Nous nous apprêtons à joindre le geste à la parole lorsqu’un nouveau cri nous interrompt. Je baisse les yeux en direction de la voix. Au fond du cratère une silhouette se débat, aux prises avec de nombreux démons.

Je regarde Baldian. Il fait un signe de tête et sourit. Aussitôt nous courront vers le combat, moi sortant mon fusil, lui ses dagues. Les démons se retournent vers nous, délaissant leur proie pour nous encercler. Je reconnais dans le groupe plusieurs chiens démoniques ainsi qu’un guerrier maudit.

-Tu es sûr que c’était une bonne idée ? chuchote Baldian.

-Bien sûr que non.
L’orc et l’humain se retrouve dos à dos au milieu de la meute démoniaque. Ils attendent l’attaque imminente. Les grondements des créatures infernales se font de plus en plus forts, plus menaçants. Le chasseur ferme les yeux et improvise une prière. Lorsqu’il rouvre les yeux un démon –un guerrier maudit- est penché sur lui. L’haleine de la bête lui brûle les poumons. Puis soudain le démon rebrousse chemin, entraînant le reste du groupe avec lui. Drellath se laisse tomber à genoux, le corps secoué par un rire dément.

-On… on est pas mort ! Ils sont partis sans nous attaquer…

Baldian regarde son ami avec étonnement. Lui non plus ne comprend pas qu’on les ai épargnés.

-Drellath regarde.

Le voleur désigne le corps abandonné par les démons. Une créature à la peau violette et aux longues oreilles. Une elfe.

- Elle respire encore.


JOUR 15


-Elle ne s’est toujours pas réveillée ?

Je secoue la tête négativement.

-Je ne pense pas qu’elle soit en danger. Elle devrait revenir à elle dans un jour tout au plus. C’est une chance que l’on ai agi à temps.

Je reporte mon regard sur l’elfe endormie. Caressant du doigt ses pansements je frémis à la pensée de ce qui aurait pu nous arriver. Pourquoi sommes nous encore en vie ?

-Drellath ? Tu vas bien ?

-Ne t’inquiètes pas pour moi Baldian. C’est plutôt moi qui devrait te poser cette question, tu paraissait bouleversé lorsque nous avons vu ce portail.

Le voleur s’assit sur le rebord de la paillasse où dort la blessée. Le regard perdu dans le vide il répond :

-Il y a sept ans j’ai vu toute ma famille mourir sous mes yeux. Ma femme, mais aussi mes parents et ma fille. Tous tués par le fléau démoniaque.

Son visage se crispe et les larmes coulent le long de ses joues. Sa tête et ses épaules sont agitées de soubresauts.

-Je suis le seul à avoir survécu, le seul de toute une ville. Je suis devenu mercenaire pour oublier.

Il tourne son visage vers moi.

-Mais je n’ai pas réussi. Je n’arrive pas à oublier. Toutes les nuits durant sept ans… Toutes les nuits sans exceptions j’ai pleuré leur mort.

Je reste silencieux, trop étonné pour dire quoi que ce soit. Je n’imaginais pas un tel aspect de la vie du voleur.



Rescapé :

De toutes les guerres passées, même des plus destructrices, il reste toujours une poignée de survivants. Ceux-ci ont tout perdu, famille, amis, ils n’ont plus que la haine à quoi s’accrocher. Beaucoup meurent de chagrin dans les jours suivants le désastre, mais ceux qui reviennent d’entre les morts n’oublieront jamais ce qu’ils ont vu. Animés par une soif de vengeance inapaisable, ils parcourent le globe à la recherche de leurs vies passées.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
JOUR 16


« Voilà plusieurs jours déjà que nous veillons au chevet de cette inconnue. J’espère que notre proie n’a pas profité de ce temps pour quitter la région, mieux vaut ne pas penser aux éventualités d’échec de ce contrat ».



Gémissements. Aussitôt j’appelle Baldian qui se précipite à mes côtés pour vérifier l’état de notre protégée. L’elfe ouvre lentement les yeux, et a un mouvement de recul en apercevant mon visage si près du sien. Elle ouvre la bouche pour crier mais je pose ma main sur son visage pour l’arrêter. Mon geste, loin de l’apaiser, l’amène à se débattre violemment. Baldian, voyant la situation, me chuchote :

-Tu devrais sortir un instant, je vais lui parler et lui expliquer qui nous sommes. Excuses moi de te le dire, mais je pense que tu as dû l’effrayer. Elle ne doit pas avoir l’habitude de se réveiller aux côtés d’un orc.

Je la relâche avec un grognement, puis quitte la tente. A l’intérieur, j’entends Baldian tenter de rassurer l’elfe en lui disant que je ne lui voulais aucun mal. Je frémis de rage. La barrière entre nos peuples est elle si grande ? Il est vrai qu’élevé par un maître elfe, je ne m’étais pas rendu compte à quel point la peur des autres races était présente, dans l’Alliance comme dans la Horde. Pourtant de nombreux évènements auraient dû me préparer à cette forme de racisme. La persécution des réprouvés, la mort de Gazel. Mais mon amitié avec mon maître puis avec Baldian m’avaient rendu naïf.



Ensemble :

Vivre ensemble n’a jamais été chose aisé pour les races de ce monde. Même pour les peuples alliés, chacun à tendance à défendre ses propres intérêts et à se méfier de l’étranger. Ce racisme a atteint son paroxysme avec l’arrivée des orcs de Draenor. Nouveaux venus en Azeroth, ils étaient indubitablement corrompus par l’influence démoniaque, ce qui peut donner une raison aux conflits qui s’ensuivirent. Mais posons nous la question en ces termes : Si les orcs avaient été libres de toute emprise, les autres races d’Azeroth les auraient-ils vraiment laissés en paix ?
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
- C’est bon, tu peux revenir Drellath.

Le chasseur entre lentement dans la tente, le regard rivé vers l’elfe assise sur le sol. Il reste un instant immobile, puis s’assit en face d’elle, attendant. Enfin l’elfe, ouvre la bouche, et sa voix mélodieuse murmure, butant quelque peu sur les mots :

- Votre ami m’a dit que vous m’aviez sauvée. Je suis désolée de la façon dont je me suis comportée avec vous.

- Ce n’est pas grave. Je suis surtout surpris de la justesse avec laquelle vous vous exprimez. Baldian –mon compagnon- est un aventurier endurci, il est donc normal qu’il connaisse de nombreux langages, mais vous ?

- Je suis amené à côtoyer toutes sortes de races dans mon travail.

L’orc sourit mais s’abstient de poser des questions. Les personnages travaillant avec les différentes factions sont souvent à la limite de légalité, comme les mercenaires.

- Erwane Fana, dit-il en lançant un clin d’œil discret au voleur à côté de lui.

L’elfe sursaute, surprise. Le chasseur s’amuse de sa réaction.

- Bonjour soleil dans la langue elfique. Est-ce que je prononce bien ? Cela fait longtemps que je n’ai pas eu à m’exprimer ainsi.

- Je vois que vous vous débrouillez bien, comment avez-vous appris cela ?

- Chacun ses petits secrets.

L’elfe se mord les lèvres. Elle semble anxieuse. D’une main elle fait passer ses longs cheveux verts pâles autour de ses doigts.

Le chasseur reprend :

- Mon nom est Drellath. Et vous ?

- Leadyth

Baldian sursaute et regarde l’orc, inquiet. Le chasseur lui renvoie son regard. Sur son visage passe différentes émotions dont la signification échappe à son compagnon. Il choisit finalement de sourire : ils ont trouvés leur proie.
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