Le Journal des Larmes, une trilogie apocalyptique.

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JOUR 17


Je plaque ma tête contre mon sommier, tentant d’oublier les ronflements de Kelch déjà endormi dans le lit voisin. Quelques heures de sommeil puis commenceront les cours de notre nouveau maître. J’ignore ces intentions, mais je ne demande qu’une chose : devenir plus fort.

J’entends des murmures inaudibles dans l’obscurité, Kelch doit se perdre dans un rêve qui n’appartient qu’à lui.





Des lumières. Des flammes. Des voix. Des cris. Où aller ? Les ombres m’entourent dansant devant mes yeux. Je cours.





-Kelch, réveille toi !

Les premières lueurs du matin percent à travers les paupières du troll, le sortant de son sommeil.

-Quoi… qu’y a-t-il ? demande mon ami d’une voix encore endormie.

-Nous devons rejoindre Gazel à la forge dans cinq minutes, expliquai-je tout en enfilant mes bottes, tu le saurais si tu t’étais réveillé plus tôt !

-Qui est Gazel ?

Le voleur se lève à présent parfaitement réveillé.

-Ah oui j’oubliais, c’est le nom de notre nouvel instructeur. I l me l’a dit ce matin.

-Parfait. Mais… pourquoi à la forge ?

-Aucune idée.

Tout en parlant, je m’empresse de mettre mes derniers atours, puis file vers la porte.

-Tu ferais mieux de te dépêcher Kelch criai-je en sortant de la chambre.

-Je te rejoins tout de suite.

Je sors de l’auberge, au milieu de l’agitation habituelle de la Croisée. L’air brûlant semble ne point endormir les pulsions des aventuriers de passage. Duels et autres combats absurdes semblent constituer le quotidien de ce charmant village, que certains appellent même « village des fous ». J’en viens à me demander comment il a pu tenir si longtemps face aux assaut massifs de l’Alliance. Un bruit de pas m’indique la présence de Kelch à mes côtés. Lui aussi regarde avec stupeur le spectacle de ces batailles internes. Le fracas des armes s’entrechoquant résonnent comme un encouragement tandis que nous avançons vers l’atelier à la limite des habitations. Ici le vacarme des épées sur bouclier laisse place à celui du marteau sur l’enclume. De la fumée s’échappe des braises rougeoyantes alors que les ouvriers forgent ici les outils de mort. J’ai l’impression de me trouver dans les usines de fabrication de la guerre.

-Je devine vos pensées chasseur.

Je me retourne brusquement, derrière moi se dresse Gazel, la mine étrangement réjouie.

-Je retrouve avec plaisir mes deux charmants élèves susurre le mort vivant d’un ton enjoué.

On dirait qu’il vient de recevoir de nouveaux jouets.



Le rituel de force :

L’une des épreuves les plus fréquentes chez les jeunes guerriers de la Horde est le rituel de force, visant à sonder la solidité et la puissance des individus. Sa particularité en fait l’un des tests les plus prisés dans les milieux difficiles. Pour retrouver son origine, on peut s’en référer aux anciens rites orcs qui consistaient à plonger la main dans le feu d’une forge. Si il a été quelque peu modifié au fil des générations, le sens reste le même puisque la forge demeure au cœur de ces exercices. La forge a toujours été symbole de guerre et aussi de progrès, ce à quoi aspirent nos plus jeunes recrues en ces temps sombres.
Les Oubliés de l’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



Tchhh. La sueur tombe sur les braises incandescentes. Ting. Le marteau rencontre l’enclume. Je lève l’outil avant de frapper à nouveau. Ting. Mes muscles sont bandés au maximum, saillant sous ma peau. Ting.

Je sens la chaleur de la forge sur mon visage, j’inspire une bouffée d’air brûlant. L’oxygène rentre par les narines, irritant la muqueuse avant de se déverser tel une vague ardente dans les poumons.

Seul le tintement du métal résonne à mes oreilles. Parfois le bruit d’une respiration essoufflée vient troubler la douce musique.

-Allez, plus d’ardeur ça fait seulement une heure que vous avez commencé !

La voie de Gazel retentit derrière moi, pressante.

Je jette un coup d’œil à Kelch quelques pas plus loin. Lui aussi peine au travail.

-Ce n’est qu’un échauffement répète notre instructeur, nous ne sommes pas encore arrivés à la partie la plus intéressante.

Je n’ose imaginer ce que nous prépare le mort-vivant mais préfère taire la question qui me brûle les lèvres.

-En quoi ce que nous faisons est-il utile ?

Kelch vient de poser l’interrogation qui me taraudait. Pausant nos lourds marteaux nous nous retournons vers Gazel en attente d’une réponse.

Le réprouvé nous observe avec curiosité. Puis, constatant que nous ne réintégrerons pas notre labeur sans explications, il consent à répondre :

-Le travail de forgeron, il n’ y a rien de mieux pour développer la force pure. Vous en aurez besoin avant de poursuivre plus loin nos exercices.

-Ne devrions nous pas suivre des entraînements différents demandai-je pas très convaincu, à près tout je suis chasseur et Kelch est voleur. Nous ne nécessitons pas les mêmes aptitudes.

-Vous suivrez des entraînements spécifiques plus tard réplique Gazel une pointe d’irritation dans la voix, pour l’instant retournez à vos exercices !

Mon compagnon et moi reprenons péniblement nos marteaux mais le mort vivant nous interrompt d’un geste.

-Vous n’aurez plus besoin de ça à présent.

-Et nous continuons comment ? à mains nues ?

Je ris sans conviction.

-Presque répond notre instructeur avec un sourire pervers, vous utiliserez ceci.

Il nous tend deux paires de gants en cuir très épais.

-Vous les porterez pour protéger votre peau tandis que vous frapperez vos lames. De plus reprend t-il allègre, ça devrez vous encourager à accélérer : ils ne tiendront pas longtemps. Je veux que vous me forgiez chacun une arme, alors si vous ne voulez pas voir votre chair brûler, je vous conseille d’accélérer. Vous ne quitterez cette forge que lorsque vous aurez terminé, moi je vais prendre une collation à l’auberge.

Le mort vivant s’éloigne, riant de nos mines défaites. Après un moment de flottement, nous enfilons nos nouveaux outils de travail.

Mon cher Kelch,

Le travail que tu m’as demandé avance bien, j’ai enfin trouvé quelqu'un qui acceptera de m’aider. Malheureusement tout se paye de nos jours tu le sais. Je ne pourrai acquérir ses services que pour quelques pièces d’argent que je ne possède pas. Je te saurai gré de me faire parvenir un paiement d’avance puisque c’est toi le commandeur de ces travaux. Avec mes salutations distingués.

Taldez.

PS : La sécurité d’Orgrimmar a été renforcé pour je ne sais quelle raison, je vais devoir bouger. Je pense m’installer à Ratchet ou Booty Bay où je bénéficierai de la protection gobeline.


Le troll froisse le parchemin et jette un coup d’œil à Drellath toujours endormi. Il pousse un soupir. Il doit être plus prudent à l’avenir, l’orc pourrai tomber sur ces lettres n’importe quand.
JOUR 18


Je resserre les bandages autour de mes mains. Ce ne sont plus que des moignons brûlés depuis hier, à croire que notre instructeur nous avait donné exprès des gants de mauvaise qualité. Je me demande en quoi peuvent bien être utiles de telles tortures pour notre entraînement. Kelch ne m’a paru en meilleur état ce matin, il m’a évité toute la journée. J’espère qu’il ne me tient pas pour responsable de ses malheurs. Une journée de repos en plus aurait été la bienvenue, mais Galdez insiste pour reprendre les exercices dès demain. Il veut que nous lui apportions les armes que nous avons forgé « de nos mains » pour je ne sais quel usage. Je baisse les yeux vers ma propre œuvre : un bout de métal en demi cercle, noirci et bosselé. On ne peut pas dire qu’il ressemble à une quelconque arme.



Technologie de guerre :

La guerre est le moteur de toute civilisation, permettant de nombreuses innovations techniques et scientifiques. C’est ainsi qu’on été découvertes les plus grandes inventions de notre temps comme le métal et l’utilisation de la poudre, qui servent à présent également pour la paix.
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JOUR 19


« Une nouvelle journée d’entraînement qui commence, qui sait quels supplices allons nous subir aujourd’hui. »



-Nous battre contre vous ?

Je regarde Gazel avec surprise. A côté de moi Kelch ricane méchamment.

-Vous pensez vraiment être à la hauteur vieux débris ?

Le troll ne cache plus son aversion pour le réprouvé.

-Pourquoi croyez vous que je vous ai fait venir ici demande notre instructeur en montrant les étendues désertes des Tarides autour de nous, ici nous aurons tout l’espace nécessaire pour combattre.

Gazel nous observe parfaitement calme, attendant notre réaction. Je commence à m’avancer mais Kelch m’arrête d’un geste de la main.

-Je passe en premier, je vais lui donner une leçon moi.

Sans attendre le signal de départ, le troll se saisit de ses dagues et se jette vers le mort-vivant. Celui-ci ne bouge toujours pas, attisant le voleur dans sa haine. Soudain un imperceptible mouvement de l’air et il stoppe d’un bras la lame ennemie à quelques centimètres de son visage. De l’autre il empoigne la veste de Kelch, et d’une simple pression l’envoie valser une dizaine de mètres plus loin. Le tout s’est déroulé en moins d’une seconde. Mon ami se relève abasourdi, les habits recouverts de terre. Il semble prêt à repartir à l’assaut.

-C’est terminé pour cette fois.

La voix de notre maître a retentit avec colère. Son visage est transformé par la fureur. Une telle expression me surprend de la part de quelqu'un qui ne montre jamais aucun sentiment. L’exaspération fait trembler les plis de son cou, au point que des lambeaux de chair se détachent de sa nuque. La respiration sifflante, il s’approche de Kelch qui déglutit.

-La haine murmure le mort vivant soudain plus calme, tous les pores de ton corps empestent ce sentiment. Sais- tu que j’aurais pu te tuer ?

Kelch recule instinctivement.

-Tu as perdu tes grands airs. Comprends tu ton erreur à présent ? Tu t’es laissé emporté par la colère, négligeant ce que n’importe voleur sensé aurait fait : évaluer la force de l’adversaire.

Le visage du réprouvé est maintenant tout proche de celui du troll.

-Tu t’es lancé dans le combat sans réfléchir, aveuglé par ton arrogance. Tu m’as sous-estimé. Si tu es vraiment un étudiant de l’art des ombres tu devrais pourtant savoir que l’on ne doit pas se fier aux apparences. J’en ai assez vu. Désormais tu t’entraîneras seul, tu n’es pas digne de recevoir mes enseignements.

Le maître se retourne, et s’éloigne de Kelch pour venir vers moi.

-Drellath dit-il d’une voix beaucoup plus avenante, je souhaiterais que nous reprenions nos cours ensemble dès demain.

Il me pose une main sur l’épaule.

-Je t’attendrai ici à l’aube. Sois ponctuel.

-Je refuse de continuer sans Kelch protestai-je tentant de prendre une expression féroce. Le résultat est peu concluant. A ma grande surprise Gazel sourit.

-L’amitié… Voilà une idée bien noble. Soit, je respecterai ton vœu. Bats moi demain et je redonnerai une chance à ton ami. Mais en cas de défaite, aucun de vous ne bénéficieras de mes conseils.

Sans me laisser le temps de répondre il reprend, le regard perdu dans le vide :

- J’ai eu moi aussi des amis autrefois. On est toujours déçu. Finalement il vaut mieux être seul.

- Vous vous trompez affirmai-je.

- Vraiment ? Ce sera à toi de me le démontrer.

Le mort vivant s’avance un peu plus vers moi, tant que je peux sentir son souffle sur mon visage.

-Tu dois me haïr toi aussi. Ce ne serait pas étonnant. Sais-tu pourquoi je vous ai fait subir ce supplice l’autre jour ? Pour sonder vos âmes. Ceux qui ont la rancune facile ne sont pas souvent de bonne confiance.

Son regard se pose sur Kelch qui s’est approché de nous. Le voleur garde la tête baissée, les yeux fixés au sol.

-Néanmoins, je serais ravi de me tromper. Sois à l’heure demain.

Adressant un signe de tête entendu, le réprouvé s’éloigne en direction de la Croisée. Ses paroles m’ont laissé songeur. Un moment je repense à mon ancien maître. Une pression sur mon épaule.

-Viens Drellath, rentrons dit Kelch en retirant sa main.

J’acquiesce du menton et plonge mon regard dans celui du troll.

-Je te promets de gagner demain.

-Tu as intérêt réplique t-il en m’envoyant une bourrade, je compte sur toi !

Nous reprenons ensemble le chemin de l’auberge.



La dernière initiation :

Il arrive souvent qu’à la fin de son apprentissage, l’élève défie le maître afin de tester ses compétences. Si ces duels de « passage » sont pour la majorité amicaux, certains tournent à l’agression voir au meurtre. Soit le maître a peur que son disciple se retourne un jour contre lui, soit l’élève décide se supprimer celui qui lui a tout appris, effaçant ainsi les dernières traces de son passé.
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Le Livre des Malédictions.

JOUR 20



« Je dois...gagner. »



Les deux adversaires se font face. L’orc et le mort vivant. Le jeune et l’ancien. L’élève et le maître. Le vent chaud des Tarides tourbillonne, soulevant des nuages de sable qui vont se perdre dans les airs. Le salut. Chacun s’incline et attend. Enfin la main du maître se lève, donnant le signal de départ. En un instant la tension est levée, le chasseur se précipite sur son adversaire, toujours immobile. La dague part mais ses coups sont esquivés. Les mouvements de part et d’autre sont rapides, mais une certaine différence de niveau est visible. La respiration de l’orc est irrégulière, rauque. Le réprouvé continue de combattre sans montrer de signe de fatigue. Il assène un coup dans le dos du chasseur qui s’effondre. Est-ce la fin du duel. Quelques secondes passent, sans que rien ne vienne contester la victoire du mort-vivant. Soudain un éclair, le maître attrape une flèche à quelques centimètres de son visage qu’il rejette aux pieds de son adversaire agenouillé. Il sourit et sort de sa poche un éclat transparent comme du cristal. Déclamant une incantation il brise le fragile fragment entre ses mains osseuses. Un temps. Une main saisit les cheveux de l’orc et tire sa tête en arrière. Ce n’est pas celle du maître. Semblant sortir de l’ombre du réprouvé une silhouette se dessine, ses contours frémissants, sans réelle consistance. La créature des ténèbres resserre sa prise, bloquant le cou de l’orc comme dans un étau. Le sang coule, tombant en gouttes irrégulières sur la terre desséchée. Et soudain, c’est la terreur rouge.







Ma tête tourne, c’est horrible. Je suis glacé, comme baigné dans un lac gelé. Une sensation de grande solitude m’étreint

- Oueeeelaaah

Une voie étouffée me parvient. Je ne parviens pas à en comprendre le sens. La douleur m’empêche de repérer l’origine de la voix. Il me semble pourtant la connaître. Mon maître ? Non… Je tente de me souvenir. Mon maître est mort alors qui ? Où suis-je ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à bouger ? Je me battais je crois. Un ennemi ? Non, ce n’est pas un sentiment de danger que je ressens. Du respect ? De la tristesse ? Je ne sais pas. A nouveau il me semble qu’on m’appelle.

- Douelaaaat. Drellath.

Drellath ? Oui je me souviens. C’est mon nom. Je tente de rouvrir les yeux mais mes paupières sont comme soudées entre elles.

- Réveille toi, allez !

De la chaleur, on me touche. La voix m’est familière. J’ai l’impression d’avoir déjà vécu cette scène. Je ne sais pas quand. Ce n’est pas la première fois que je ressens cette douleur, c’est comme si tout mon corps s’en souvenait. Je sens soudain un liquide glacé couler sur mon visage, mes paupières s’entrouvrent enfin. La lumière est aveuglante. Je vois deux silhouettes penchées sur moi.

- Il a ouvert les yeux.

- Oui il commence à se réveiller.

- Il faut le transporter à l’intérieur.

Je sens deux puissants bras qui me soulèvent et me portent sur plusieurs mètres. La lumière disparaît laissant place à l’ombre. Les silhouettes se font un peu moins flous et je distingue une chevelure rousse. Une main apaisante se pose sur mon front, je m’enfonce dans le sommeil.
Destinataire : Taldez Boots, Ratchet.



Mon cher Taldez,

Les choses viennent de prendre un cours tout à fait différent de ce que j’avais envisagé ; ce à quoi j’ai assisté aujourd’hui bouleverse quelque peu mes convictions mais je sais que je dois continuer. Abandonne l’objet que je t’ai confié, il se trouve que je viens de trouver un apport bien plus puissant en énergie démoniaque. Je ne peux rien te dire de plus pour l’instant, mais pourrais tu trouver des informations sur un dénommé Gazel ?

Amicalement.

Kelch



Destinataire : Nazgrel, Orgrimmar.



Tout se précipite. Je ne suis pas encore sûr pour l’instant mais si tout cela s’avérait vrai, ce serait peut-être la crise la plus importante depuis la dernière intrusion de la légion ardente.

Vous aviez peut-être raison. Veuillez prévenir Thrall que ses inquiétudes étaient fondées.

Mes deux élèves et moi allons devoir quitter la Croisée. Nous ne pouvons plus nous arrêter très longtemps dans le même lieu.

Nous partons pour un voyage. Un long voyage.

Gazel



PS : Je souhaiterai en savoir plus sur le dénommé Kelch. Faites moi parvenir son dossier quand nous serons à Thunder Bluff.





Nazgrel relit la lettre une deuxième fois et s’essuya le front. Ce qu’il craignait arrivait. Pourrait-il faire quoi que ce soit pour l’empêcher ? Il l’ignorait. Thunder Bluff.

-Donnez ce message au chef Thrall, je pars régler quelques affaires dit-il à l’un des gardes orcs qui l’entouraient.

-Bien monsieur.

Direction les archives de la capitale, il devait vérifier quelque chose avant de partir pour les cimes de Mulgore.
JOUR 21



Les archives de l’Histoire :

Chaque civilisation possède ses propres lieux de prédilection où sont entreposées les traces du passé. Bibliothèque, temple, archives secrètes, il n’ait aucune race qui tienne à perdre les racines de son identité. A travers les livres, les contes ou les métaphores orales, nous avons tous notre propre manière de conter notre Histoire à la génération qui suit. Les dirigeants des peuples ont toujours aimé à consulter ces trésors, ne serait-ce que pour ne pas répéter les erreurs du passé.

Les Oubliés de l’Histoire, Aneth,

Le Livre des Malédictions.



-Bon retour parmi nous Drellath !

J’ouvre les yeux et me retrouve face au visage souriant de Kelch.

-Ne force pas trop sur tes bandages dit le troll en désignant mes mains.

Les pansements ont été renouvelés, tu t’es presque déchiré les muscles l’autre jour !

-Que s’est-il passé ?

-Tu as fait preuve d’une bêtise exemplaire, c’est tout.

Je reconnais la voix qui vient d’intervenir. Gazel s’avance derrière Kelch, un sourire amusé aux lèvres. Je n’aurai jamais pensé être aussi content de voir un jour le mort-vivant.

-De quoi te souviens tu exactement ? s’enquiert t-il.

-Je ne sais pas très bien… Il me semble que j’étais en train de me battre contre vous. Et… Vous avez invoqué un marcheur éthéré ! J’ignorais que vous étiez démoniste.

-Chacun a ses petits secrets dit Gazel en riant. Tu t’es bien battu pour que j’en vienne à faire appel à cette sorte de magie.

-Vous… J’ai… Qui a gagné ?

Un silence. Le réprouvé et le voleur s’entre regardent. Est-ce du soulagement où de l’inquiétude qui se lit sur leur visage ?

-Toi, lâche soudain mon maître, le visage tendu.

-On peut dire que tu as assuré me félicite Kelch en me donnant une tape amicale dans le dos.

-Tu ne mérites pourtant pas d’être récompensé dit Gazel d’une voie subitement glaciale, tu aurais pu mourir à cause de ton imprudence ou… pire.

-Je ne comprends pas…

-Laisses tomber, notre maître adoré est simplement vexé d’avoir été vaincu se moque Kelch en lui lançant un regard en coin.

-« notre » ? Tu veux dire…

-Que j’ai repris Kelch comme élève ? Oui c’est juste reprend Gazel plus aimable, si il le souhaite toujours bien entendu.

Le troll acquiesce de la tête.

-Bien. Kelch tu ferais bien d’aider Drellath à préparer ses affaires pour le voyage de demain.

Le réprouvé se retourne et sort de la case à l’air libre.

-Quoi ? Nous partons ? demandai-je.

-Oui et tu sais où ? me dit le voleur le regard pétillant. A Thunder Bluff !
JOUR 22


« Voila trois jours déjà que nous avons quitté la Croisée ; mes compagnons et moi prenons grand plaisir à ce voyage. J’avoue que la force vivifiante des longues marches me manquait. La découverte de ce monde m’émerveille chaque jour, j’espère pouvoir bientôt marcher dans les prairies de Mulgore. »



Je relève un instant le regard de mon journal, observant la danse réconfortante des flammes devant moi. Le feu s’élève dans la nuit étoilée, lumière au milieu des ombres.

-Drellath tu rêves ?

Kelch s’est approché de moi sans que je l’aie entendu venir.

-Dans combien de jours arriveront nous à Thunder Bluff ? demandai-je sans me retourner.

-Gazel estime encore un ou deux jours au maximum, répond le troll. Tu es sûr que ça va ? Tu n’as presque pas parlé depuis notre départ, Gazel aussi s’inquiète pour toi.

-Ca va. C’est juste que… J’ai du mal à réaliser ce qui s’est passé durant mon combat contre lui.

-Ca se comprend… Qui aurait cru ça !

Je saisis une branche et remue les braises du feu de camp, laissant mon esprit revenir deux jours en arrière.





Le jeune orc écoute avec attention les paroles du mort vivant assis devant lui. Peu à peu son visage se crispe et ses yeux se baissent involontairement vers les bandages qui recouvrent ses mains.

-Je… Je ne peux pas le croire.

Le réprouvé pose sa main osseuse sur son épaule.

-Je suis désolé Drellath, mais tu dois accepter ton handicap. Tu ne supporte pas la vue du sang, c’est parfaitement compréhensible. D’autres personnes souffrent de la même phobie.

-Alors pourquoi… Pourquoi est-ce que je ne m’en souviens pas ? Ce n’est pourtant pas la première fois que je vois du sang. Mon maître…

Le chasseur s’interrompt, les lèvres tremblantes.

-Vous savez… Je ne vous ai pas tout dit…

Le visage du mort vivant se fait plus sérieux.

-Inutile, je sais. Thrall m’a raconté tout ce que j’avais besoin de savoir. Ma théorie va peut-être te sembler étrange mais il semble que seul ton propre sang provoque cette réaction.

-Alors… Lorsque nous avons combattu…

-Oui. Je ne t’ai rien dit jusqu’à maintenant pour ne pas te déstabiliser mais… Tu n’as pas gagné. J’ai dû interrompre notre duel en toute urgence pour te soigner.

-Serais-ce la malédiction du drui…

-C’est probable, je ferai des recherches à ce sujet.

-Mais… Comment pourrai-je combattre ? Avec cette maladie ?

-Il te faudra simplement faire preuve d’encore plus d’habileté pour ne jamais voir ton sang. Ce n’est pas forcément handicapant.

Le réprouvé dresse la tête soudain, humant l’air.

-Quoi qu’y a-t-il ?

-Rien, rien rentre au camp je te rejoindrai plus tard.

L’ orc s’éloigne peu à peu, laissant le démoniste seul parmi les ombres.

-Tu peux te montrer Kelch, dit-il avec calme.

Le troll surgit de l’obscurité, un sourire moqueur aux lèvres.

-Bravo, Gazel. L’ouïe fine à ce que je constate.

-L’odorat rectifie son interlocuteur.

Le voleur s’approche du mort vivant.

-Vous lui avez inventé une belle histoire, maintenant il est complètement démoralisé.

-Je n’ai fait qu’enjoliver la réalité.

-Vous croyez ? J’ai vu ce qui s’est passé et il ne s’agit pas d’une simple phobie.

-Nous ne sommes sûrs de rien.

-Quelque chose me dit que vous en savez plus que vous ne le dites.

-Peut-être bien, murmure le réprouvé le regard dur. Je dois faire des recherches.

« Tu ne sais pas à quoi tu t’exposes » murmure t-il pour lui-même.
JOUR 23

"Les révélations de Gazel concernant mon mal m'ont anéanti. Comment pourrai-je jamais me battre avec toujours la peur de voir mon sang? Mon maître dit que ça pourrait simplement être une motivation supplémentaire. Si un jour je parviens à apprivoiser cet handicap, je jure que je châtierai le responsable. Par tous les moyens."
C'est... C'est çà!"

Nazgrel tira l'un des livres de l'étagère. C'était un vieil ouvrage à la couverture écornée, des pages arrachées dépassaient par endroits. L'orc au masque de loup le prit délicatement et le déposa à l'écart. Il jubilait intérieurement, peut-être allait-il enfin trouver les réponses. Avec précaution il retourna le manuscrit, révélant les lettres rouges sang:Les Oubliés de l'Histoire, Aneth, Le Livre des Malédictions.
JOUR 24

C'est une sensation étrange que de sentir l'herbe des prairies de Mulgore sous mes pieds. J'ai marché si longtemps sur les terres brûlées des Tarides que j'en viens à oublier la douceur de la nature. Kelch et Gazel semblent également charmés par la beauté de la région. Je comprends à présent l'ardeur avec laquelle les taurens défendent ce territoire. Il est des richesses que nous devons à tout prix conserver. Bientôt nous apercevrons la lointaine silhouette de Thunder Bluff à l'horizon m'assure Gazel. Il ne nous a toujours pas dit la raison de ce départ précipité et je soupçonne un but secret dans son entreprise. Peut-être devrai-je me méfier de ce réprouvé. Quoi qu'il en soit l'heure n'est pas aux pensées sombres, un tel paysage mérite qu'on y ressente la joie de vivre.
JOUR 25

- AAAAAH !!
Je courre vers Kelch, le troll gît au sol un peu sonné mais non résigné. Il se relève rapidement et tente à nouveau de monter sur le kodo. La bête ne se laisse pas faire, se cabre, et renvoie le voleur au sol. Il paraît prêt à retenter sa chance mais Gazel nous appelle, il est temps de reprendre la route vers Thunder Bluff. Kelch hausse les épaules, c’est un grand incompris.
Tandis que nous retournons auprès de notre maître, il me glisse à l’oreille :
- Tu ne trouves pas que ce vieux tas d’os s’est adouci depuis que nous sommes ici ? Il en deviendrait presque sympathique.
J’acquiesce, il est vrai que les prairies de Mulgore semblent avoir un réel impact sur notre état d’esprit à tous. Je suis content que Gazel et Kelch parviennent désormais à s’entendre.

Energie bénéfique :
Il est des lieux qui par leur essence même sont capables d’absorber toutes les pensées néfastes. Souvent anciens sanctuaires à la gloire de dieux perdus ou encore civilisations bâtis sur des ruines oubliées, ces endroits attirent toute forme de vie par son pouvoir et sa force régénératrice de l’esprit. Si la plupart des peuples d’Azeroth ignorent leur existence, beaucoup y ont construit leurs villes, séduits inconsciemment par leurs effets bienfaiteurs. Cependant tant que nous ne saurons pas l’origine de ces charmes, il est important de ne pas en abuser.
Les Oubliés de l’Histoire, Aneth,

Le Livre des Malédictions.
JOUR 26



Le démoniste Gazel et ses deux élèves sont à quelques jours de Thunder Bluff. Vous savez de quelle importance sont les informations qu’ils détiennent et quel rôle ils pourraient être amenés à jouer quant à l’avenir de notre monde. Le plus important est de les garder dans l’ignorance. Même Gazel ne doit rien apprendre de ce que nous savons, et en raison de l’accord passé quatre ans plus tôt, je vous demande de le respecter aujourd’hui. Le moment est venu de tenir la promesse que vous avez faites. Ce n’est plus seulement à la Horde que vous devez maintenant allégeance mais à l’ensemble des races pensantes de ce monde.

Je vous transmets, chef Cairn Bloodhoof, l’expression des sentiments distingués du chef de guerre Thrall.

Nazgrel.



J’ai hâte de parvenir à Thunder Bluff. Il paraît que c’est un spectacle magnifique que de voir la grande cité des taurens en hauts des cimes de Mulgore. Mes compagnons semblent aussi impatients que moi d’arriver à la fin de notre voyage ; Kelch ne cache plus sa fébrilité, je connais mon ami et je sais qu’il ne peut rester longtemps sans agir. Notre maître quant à lui garde un visage serein mais je le sens parfois inquiet au fur et à mesure que nous approchons de la capitale. Que craint-il de trouver là bas ? Comme pour appuyer mes réflexions Gazel entonne un chant où perce une certaine nostalgie.



Pas de vie, pas d’âme

Rien que tristesse et pleurs.

Nous avons tué ceux qui nous étaient chers,

Mais le remord ne nous atteint plus à cette heure,

Que faire, que dire ? Nous n’avons plus notre place sur cette terre.

Chassés, spoliés, nous n’avons point d’alliés,

Nous sommes réprouvés,

Notre nom est maudits,

Ils nous ont volés nos vies.



Une larme coule le long de la joue du mort-vivant tandis qu’il déclame ces derniers vers. Puis, honteux de s’être laissé allé ainsi, il sourit et propose à Kelch de chanter également.

Le troll, étonné de cette requête, me regarde puis s’éclaircit la gorge, il réfléchit un instant puis commence :



Azeratheka oyofiju, gloire aux anciens dieux !

Continuons à prier,

Ils reviendront chercher,

Notre civilisation oubliée,

N’oubliez pas mes frères,

Azeratheka oyofiju, notre voie est tracée,

Par la prière ou par la guerre,

Nous imposerons leur volonté.

Azeratheka oyofiju, zeidusine oliguques,

Ressortez de vos tombes !

Le temps de la renaissances est venu.



J’applaudis avec ferveur, trop étonné pour prêter attention au caractère particulier des paroles du troll. Venant de Kelch je m’attendais plus à une chanson paillarde comme on en retrouve chez les ivrognes qui peuplent les bas fonds d’Orgrimmar. Gazel ne partage pas mon engouement, il semble contrarié et regarde le voleur avec un drôle d’air. Toutefois je n’y prête pas non plus attention car Kelch se retourne vers moi en criant :

- Une chanson ! A ton tour Drellath.

N’osant répondre par la négative, je fouille dans ma mémoire à la recherche des paroles que je chantais avec mon maître durant les longues soirées d’hiver. L’une d’elle me paraît appropriée et je déclame :



Dans une grotte au fin fond d’Ashenvale,

Un elfe se meurt, sans famille, sans amis,

Que pouvons nous faire pour le pauvre bougre ?

Sinon l’accueillir chez nous, lui prêter couvert et toit.

Le lendemain il était parti,

Et nos affaires avec lui ,

Si aujourd’hui je le retrouve,

Je lui passerai l’envie

De ce type d’embrouille.



La fin de cette chanson nous avait souvent fait rire mon maître et moi, et si elle n’a pas la même prestance que celles que viennent de chanter mes compagnons, les souvenirs qui me reviennent avec ces paroles sont plus importants que tout.

Kelch ouvre la bouche pour dire quelque chose mais Gazel l’interrompt d’un geste. Il doit sentir ma tristesse. Mes idées noires sont cependant très vite dispersées, lorsque apparaît à l’horizon la grande cité de Thunder Bluff, ville à l’aspect quasi divin par sa beauté et sa hauteur. Nous poussons un soupir de soulagement, nous sommes arrivés.

JOUR 27


« Une bonne nuit dans un vrai lit, j’avoue que c’est un réel plaisir de retrouver les avantages de la ville. J’ai l’impression que chaque instant passé au contact de la civilisation m’éloigne un peu plus des cultures ancestrales que m’a transmises mon maître. Pourtant ici je m’aperçois que les traditions taurens ne sont pas si différentes des coutumes elfiques. J’ai hâte de rencontrer le chef de ce peuple, le dénommé Cairn Bloodhoof. »



- C’est une honte ! Laissez moi passer, puisque je vous dit que je suis envoyé du chef de guerre Thrall !

Mais Gazel a beau s’égosiller les deux gardes taurens restent impassibles, lui coupant la route.

- Je dois absolument parler à Cairn Bloodhoof, faites lui savoir que le maître démoniste Gazel est là continue le réprouvé, sans succès.

Résigné le mort-vivant se retourne vers moi et me fait signe de rebrousser chemin. Tandis que nous retournons vers l’auberge, il me dit :

- Je n’aime pas ça. J’ai l’impression que quelqu'un cherche à nous empêcher de rencontrer Cairn.

- Pourquoi ?

- Il est possible que l’on nous prenne pour un danger éventuel. Les esprits sont souvent obtus envers les étrangers reprend t-il sur le ton de la plaisanterie. Nous n’avons pas le temps d’attendre qu’ils se rendent compte de leur erreur, je vais essayer d’envoyer un message à Orgrimmar afin qu’on nous envoie une lettre de priorité d’urgence. Cela devrait prendre deux ou trois jours grand maximum, tu n’as qu’à en profiter pour te détendre et visiter la capitale. Je reprendrai votre entraînement à Kelch et à toi sitôt que j’aurai pu obtenir une entrevue.

Je n’en crois pas mes oreilles, deux jours de liberté ! Il faut que j’annonce ça à Kelch, le troll doit encore dormir dans l’une des chambres de l’auberge.



L’autre :

Il existe trois façons de se comporter avec l’autre, avec toi, sans toi, contre toi soit l’alliance, la neutralité et le conflit. Jusqu’à aujourd’hui une seules de ces voies a prédominé :contre toi, et si certaines races se sont pourtant alliées rien n’assure que notre penchant naturel pour la guerre ne reprenne jamais le dessus.
Les Oubliés de l’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



Je reste là, étendu sur l’herbe qui recouvre les cimes de Thunder Bluff à fixer la nuit étoilée. Kelch et Gazel sont partis se coucher depuis longtemps déjà mais je ne ressens pas de fatigue. Je ne peux pas détacher mon regard du spectacle que m’offre ce ciel magnifique. Rien n’est plus pareil que durant le jour, les bruits et les odeurs changent tandis que le cycle continue. Animaux et humanoïdes s’endorment ou se lèvent selon leur nature, chacun prend la place qui lui est désignée. Des torches son t allumées pour éclairer les rues de la ville obscure. Les derniers aventuriers discutent entre eux autour de chopes remplies de liquides enivrants, les commerçants ferment leurs échoppes et seuls restent ouverts les marchants de quelques composants douteux appréciés par les démonistes et autres lanceurs de sort à la recherche de nouveautés. Je me souviens des paroles de mon maître : « le jour la lumière t’éblouit, c’est la nuit que les vrais secrets se révèlent ». Je ne sais pas si je serai le témoin de quelque révélation cette nuit mais il est vrai que je me sens mieux dans la rassurante obscurité de la tombée du jour.

- Vous ne dormez pas ?

Je tourne la tête vers l’origine de la voix. Un vieux tauren m’observe du haut de son imposante silhouette. Il crache quelques feuilles de tabac qu’il mâchait puis sort un calumet qu’il porte à ses lèvres, après quelques ronds de fumée il reprend :

- Il est rare de voir de jeunes orcs comme vous rester éveillés si tard. Les nouvelles générations ne savent malheureusement pas apprécier les beautés de notre Terre Mère en ses tons les plus sombres.

Je ne réponds pas. Quelque chose dans la voix du tauren, à la fois puissante et apaisante me rappelle Thrall, mais aussi mon maître. Mes yeux s’embrument à la pensée du disparu mais je me retiens, je ne dois pas montrer mes faiblesses devant un inconnu.

Le tauren s’assit à côté de moi. Il me sourit, respectant mon silence et continue de souffler des ronds de fumée. Je sors à mon tour mon propre calumet, et envoie mes bouffées se mêler aux siennes. Nous restons ainsi longtemps, à ne communiquer que par le langage et les signes du vent. Je me surprends à trouver la chose agréable, la seule présence du tauren suffit à dissiper mes doutes et mes inquiétudes. Je sens bientôt l’effet euphorique de la drogue me monter à la tête et je repose mon calumet sur le sol. Tout tourne, il me semble que le tauren me parle mais sa voix me parviens déformée, incompréhensible. Emporté par le sommeil et les effluves enivrantes de la fumée je m’affale sur le sol.



Thunder Bluff.

- J’ai besoin d’un wyverne à destination de Thunder Bluff. Immédiatement.

- Bien conseiller.

Nazgrel regarda le maître des cavaliers célestes harnacher l’animal. Il serrait dans ses mains l’exemplaire des Oubliés de l’Histoire, Aneth, Le Livre des Malédictions.
JOUR 28


Je me réveille dans ma chambre à l’auberge. Je n’ai qu’un souvenir vague des évènements de la veille. Décidément, ça devient presque une habitude ces pertes de consciences subites. Je tâte ma tête et mon corps. Aucune blessure. Dans quelles circonstances me suis-je donc évanoui hier ?

- Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas blessé.

La voix m’est familière, je me retourne pour me retrouver face à la figure sage d’un tauren. A ses côtés Gazel et Kelch me sourient, l’air visiblement surexcités. Que s’est-il passé qui les mettent dans cet état ?

Gazel s’avance et désignant le nouvel arrivant, dit :

- Je te présente son excellence, chef du peuple des taurens, et égal de Thrall dans le commandement des armées de la Horde, Cairn Bloodhoof.

Je regarde le tauren avec effarement, je me souviens à présent de la soirée d’hier. Est-ce donc lui Cairn Bloodhoof, guide spirituel de Thunder Bluff ? Il paraît gêné de l’éloquence des paroles du démoniste à son égard. Malgré son statut important il ne dégage pas une autorité comme celle de Thrall, seule une grande sagesse semble émaner de lui. Je ne doute pas de ses capacités à cacher sa véritable puissance. Si je ne connaissais pas son identité j’aurais pu croire n’être en face que d’un simple guerrier tauren, retiré des combats depuis longtemps. Kelch me fait un clin d’œil, il doit comprendre ma surprise. Cairn nous invite à déjeuner en sa compagnie, proposition que Gazel s’empresse d’accepter et nous suivons tous le vieux tauren jusqu’à son tipi sur la cime centrale de la cité.



- J’ai cru comprendre que vous souhaitiez me rencontrer maître démoniste Gazel ?

Tout en parlant Cairn mord à pleine dents dans une cuisse de kodo. C’est vraiment une erreur de croire que les taurens sont herbivores.

Alors que Gazel prend la parole à son tour, je me détache de la conversation parvenant par je ne sais quelle perversion de mon esprit à couper le son autour de moi. Je vois les lèvres de mes compagnons bouger sans entendre ce qu’ils disent, le silence complet. Je sens ma conscience s’élever au dessus de la masse bruyante et je profite de cet instant de répit pour me remémorer les derniers évènements passés : premièrement ma rencontre avec le druide, la mort de mon maître, ensuite tout s’enchaîne très vite, ma rencontre avec Kelch, Thrall, l’arrivée de Gazel, la découverte de mon mal et enfin notre voyage jusqu’à Thunder Bluff. J’ai du mal à trouver le lien entre tout ça. Tout est embrouillé. Il existe pourtant un point commun qui unit tous ces évènements, j’en suis sûr. Une femelle tauren me resserre de vin, mais je repousse mon verre en signe de dénégation. Gazel et Cairn sont toujours en pleine discussion, Kelch lui se contente d’écouter. Je me demande ce qui peut bien les inquiéter à ce point car je vois leur traits se tirer au fur et à mesure que la discussion avance. Même le voleur reste silencieux, n’osant les interrompre. Cependant ma curiosité n’est pas assez forte pour me faire revenir au temps présent, je préfère demeurer dans mes souvenirs, à chercher la clé qui ouvrira la porte de tous ces mystères.



Affronter ses peurs :

Lorsque nos souvenirs deviennent trop lourds, trop pénibles, il arrive souvent que l’on cherche à s’évader de la réalité. Mais ce n’est qu’une solution passagère, la fuite en avant ne suffit jamais à semer le passé, il faudra tôt ou tard affronter les vieux démons que nous avons libérés. Cependant tous ne s’en sortent pas indemnes, car à trop fixer sa part d’ombre on finit par ne plus pouvoir s’en détacher.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



- Laissez moi passer ! Laisser moi passer !

Le son revient, comme une explosion dans ma tête. Tout réapparaît d’un seul coup. Le flot de paroles reprend son cours des bouches de mes compagnons attablés devant Cairn. Je tente de saisir la conversation au vol mais ils s’interrompent. Je me demande un instant si ils ont remarqué mon malaise mais la cause de leur silence est tout autre. Les gardes taurens surgissent dans la salle accompagné d’un orc au masque de loup. Je reconnais aisément ce faciès si particulier mais Gazel me devance :

- Nazgrel !

Les deux compagnons s’étreignent puis l’orc s’incline devant Cairn qui lui fait signe de se relever.

- Ici nous sommes tous égaux dit le vieux chef d’une voix grave.

Je jette un coup d’œil vers Kelch. Mon ami ne dit rien, il se contente de fixer le nouvel arrivant d’un regard étrange. C’est la première fois que je le vois si … Si sérieux. Il me vient à l’esprit que le troll sait peut-être des choses que j’ignore. Je n’approfondis cependant pas ma pensée. Gazel vient nous dire de partir, expliquant que Nazgrel, Cairn et lui doivent s’entretenir d’affaires graves qui ne nous concernent en rien. J’ai un doute quant au fait que nous ne sommes pas concernés mais j’obéis sans discuter. Kelch me suit à l’extérieur du tipi. Sans un mot il pose sa main sur mon épaule. Lui aussi se rend compte que notre aventure prend des allures bien compliquées.



Trois protagonistes à cette scène. Un tauren, un orc et un mort-vivant. Trois représentants de trois races se réunissent pour décider de l’Histoire. Chacun a conscience que leurs actions ne seront pas sans conséquences. Mais ils n’ont pas le choix. L’orc dépose un objet sur la table. Un livre.
JOUR 29



« Gazel ne nous a rien dit de son entrevue avec Cairn et Nazgrel. Quels évènements peuvent donc pousser ces hauts personnages à ce réunir comme en situation de crise ? Et quel est notre rôle à Kelch et à moi ? Car il est évident que si Thrall a chargé Gazel de notre apprentissage c’est que nous avons une place de première importance. J’ignore la nature du danger mais je sens imperceptiblement l’inquiétude des personnes autour de moi. Nous resterons sûrement quelques jours de plus à Mulgore, le temps que Gazel ait trouvé un alchimiste qui puisse nous aider pour mon mal. »
JOUR 30


Je déambule dans les rues de Thunder Bluff ; Kelch et Gazel ont tout deux disparus, sans doute pour vaquer à leurs affaires. Je me demande pourquoi nous restons ici, il serait plus intelligent de reprendre l’entraînement. Chaque seconde perdue m’éloigne un peu plus des meurtriers de mon maître, sûrement les mêmes qui m’ont infligés ce mal. Je lance un coup de poing rageur contre le mur d’une échoppe, je ne supporte pas de demeurer ainsi dans l’impuissance.

- Vous paraissez bien énervé.

Un tauren se dresse devant moi, l’air bienveillant.

- Je vous invite à boire un verre pendant que vous me raconterez vos problèmes.

- Je n’ai besoin de rien, merci.

Pour qui se prend t-il ? Ai-je l’air d’avoir besoin d’aide ? Je veux repartir lorsque je ressens une douleur violente. Je regarde ma main, je me suis écorché les doigts sur le mur et de longues traînées de sang y sont visibles. Du sang ? Mon sang… Je détourne mon regard vers le tauren. Il m’observe sans comprendre. Je tente de parler mais mes lèvres remuent sans émettre de son.



J’ouvre les paupières. Choc lumineux. Je regarde autour de moi, je suis étendu à l’endroit même où je me suis évanoui. Le tauren est penché sur moi, l’air inquiet. Voyant que je suis réveillé il demande :

- Ca va ?

J’acquiesce et saisit la main qu’il me tend pour m’aider à me relever.

- Après ça vous ne pouvez plus refuser mon invitation reprend t-il en souriant.

- Je crois bien oui. Que s’est-il passé exactement ?

- Vous avez eu un malaise. Mais il semble que ça soit passé maintenant. Venez avec moi à la taverne, un bon remontant vous ferait du bien.

- Je vous suis.



Confiance :

Les plus grandes et les plus fortes personnalités ont toujours éprouvé par moments le besoin de se confier, mais l’orgueil et la fierté sont les plus durs obstacles à affronter pour ces importants personnages. Pourtant cette épreuve d’humilité est nécessaire car à refuser de se confier à ceux qu’on aime on finit par se retrouver seul. Et la solitude si elle ne tue pas, corrompt les esprits ainsi rendus vulnérables.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



Je prend la choppe devant moi et la vide d’un trait. Le liquide brûlant me revigore très vite.

- Vous êtes un bien curieux personnage, chasseur. Même si ce n’est pas la première fois qu’on s’évanouit devant moi, j’avoue que sans d’abord recevoir un coup de masse ça c’est inhabituel.

Il éclate de rire puis ses traits redeviennent sérieux.

- Vous revenez des Tarides je crois. J’espère que vous n’êtes pas sujet à cette étrange épidémie dont tout le monde parle. Le mal n’est pas encore parvenu jusqu’à Mulgore.

- Non ce n’est pas ça rassurez vous. Le vertige c’est tout. Je n’ai pas l’habitude d’être aussi loin du sol.

Il soupire.

- Bien, je n’aimerai pas recruter des malades.

- Recruter ?

Le tauren ouvre sa veste dévoilant un sigle doré sur son torse : une épée transperçant un bouclier.

- Mon nom est Alethor, chef de la guilde « Les Vengeurs de Hellscream ».

Les yeux du tauren brillent tandis qu’il parle de ses projets grandioses. Je comprend vite que j’ai devant moi un « meneur », quelqu'un prêt à tout sacrifier pour ses idées, pour transmettre ses valeurs.



Meneurs :

Il a toujours existé dans ce monde ce que l’on peut appeler des « meneurs ». Des êtres faits pour diriger et commander les autres, et dont le charisme et la force de caractère leur permettent de rassembler de nombreux compagnons autour d’eux. Il est rassurant de savoir que nous comptons de tels personnages dans nos rangs au vu des heures sombres qui se profilent à l’horizon de nos vies.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



- Nous cherchons à perpétuer le souvenir du grand Grom Hellscream. Ses actions n’ont pas seulement libéré nos frères orcs, mais sauvés toutes les races pensantes de ce monde. C’est en son nom que nous combattons l’Alliance et tous ceux qui semblent avoir oubliés son glorieux héritage.

Le discours du tauren me séduit. Je ne sais pas si c’est la perspective de lutter pour une cause dépassant mon intérêt personnel qui m’attire mais je suis prêt à accepter son offre. Réjoui, Alethor me tend un parchemin, la charte de guilde. Je signe de mon nom et aussitôt je sens le lien qui m’unit à chacun des membres de la communauté. Je ne suis plus seul. Je reporte mon regard sur l’entête de la charte : Les Vengeurs de Hellscream. Les vengeurs… Ce nom me convient parfaitement.



Le tauren rejoint le mort-vivant discrètement.

- Que lui avez vous dit ?

- Rien qui ne remette en cause notre arrangement, démoniste. Il croit qu’il s’est simplement évanoui.

- Bien répond le réprouvé. Gardez ce que vous avez vu pour vous chaman Alethor. A t-il accepté votre proposition ?

- Oui.

- Parfait. Ca ne peut lui faire que du bien de se joindre à un groupe. Mais… N’oubliez pas notre accord.

- Vous pouvez me faire confiance Gazel.
JOUR 31


« Nous avons dû quitter Thunder Bluff tôt ce matin. Je ne connais pas les raisons de ce départ subi mais je m’en réjoui. Je commençais à m’ennuyer. Cette fois nous avons pu reprendre des wyvernes pour retourner à la croisée. J’ai hâte de reprendre l’entraînement. »



- Ca c’est passé comment pour toi ?

Kelch rentre dans la chambre couvert de sueur. Il laisse retomber sa veste sur le sol puis répond :

- J’aurai pensé qu’il se montrerait moins exigeant et plus compréhensible, mais il est redevenu aussi insensible qu’un cadavre –si j’ose dire ajoute t-il avec un clin d’œil.

J’acquiesce.

- Gazel se montre sévère pour notre apprentissage. Il m’en a fait baver aussi. L’important c’est que ça soit profitable et que nous progressons.

Le voleur hausse les épaules.

- Oh moi tu sais… Tout ce que je veux c’est un peu d’action, je ne prétends pas devenir un héros.

Je souris. Qui le prétendrais ?



Héros :

La notion de héros est très subjective, car quelle est la véritable définition de héros ? Si ils apparaissent souvent porteurs de bonté et de paix certains cachent de plus lourds secrets que ne le montre les légendes qui les glorifient. Combien de personnages que nous avons adoré étaient en réalité des tueurs et des tyrans. Et si les vrais héros étaient ceux qui les avaient alors combattus, ceux dont l’Histoire se souvient comme les pires menaces.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
JOUR 32



« - Nous allons aborder une phase très importante de ton apprentissage Drellath. Quelque chose que tous les chasseurs doivent accomplir.

Telles étaient les paroles de Gazel. Je suis prêt. »



L’odeur de viande se répand dans l’air. J’attend. Voilà déjà plusieurs heures que rien ne vient, mais je reste. Gazel m’a bien dit qu’il ne voulait pas me revoir sans lui amener ma prise. Un bruit. Je relève la tête. Un raptor s’approche de l’appât. Je ne bouge pas. Pas encore. Il flaire, hésite, soulève la viande de son museau, tourne autour puis après plusieurs sautillements nerveux prend l’appât dans sa gueule. C’est le moment. Je prend lentement mon fusil et vise à droite de l’animal. Pas question de le tuer. Je cherche seulement à le faire aller dans la bonne direction. Je tire 1 coup de feu et le raptor surpris relève la tête de son repas. Un deuxième le contraint à fuir. Parfait. L’animal courre droit sur mon piège. Un crissement se fait entendre. Le reptile gémit, prit dans la glace. Je sors de ma cachette, il ne pourra plus s’échapper à présent. Le raptor grogne à mon approche. Ce n’est pas grave qu’il se méfie de moi maintenant. Je saurai l’amadouer. Tous les chasseurs le peuvent, non ?



Lien à double tranchant :

La nature est généreuse, elle sait donner à ceux qui la respecte. Par exemple ce lien inestimable donné aux chasseurs avec les animaux d’Azeroth. Cependant si elle sait donner, elle sait aussi reprendre. Ceux qui trahissent leur pacte avec les lois naturelles se voient retirer tout ce qui leur est cher.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



- Il ne mord pas au moins ?

Kelch caresse la tête du raptor, la main tremblante.

- Non rassure toi. Je pense que c’est lui qui est le plus effrayé en ce moment.

Gazel me prend par les épaules.

- Je te félicite Drellath. Tu as fait un bon choix. Rapide, énergique, cet animal saura t’accompagner dans tes combats. Tu as su le capturer, c’est bien. Mais le plus dur commence maintenant : gagner sa confiance.

J’acquiesce. Pour l’instant le reptile a toujours les pattes prises dans la glace. Je n’ose le libérer. Comment être sûr qu’il ne m’attaquera pas ?

- Donne lui à manger. C’est la meilleure façon d’amadouer ces bêtes là. C’est comme ça que j’ai fait avec toi tu sais.

Le troll me lance un sourire moqueur.

J’attrape un morceau de viande qu’il me donne et le tend à l’animal, méfiant. J’attend qu’il ai prit la nourriture dans sa gueule puis je passe ma main sur la glace pour le libérer. Silence. Le raptor ne bouge pas, apparemment inconscient de sa nouvelle liberté. J’approche ma main de sa tête, il ne réagit pas. J’approche plus prêt. Il relève la tête. J’ai un mouvement de recul mais l’animal ne semble pas agressif. Il penche sa tête de côté et me regarde. J’avance à nouveau ma main et cette fois ose la poser sur son crâne. Le raptor se laisse faire. On pourrait même penser qu’il ferme les yeux de contentement.

- Ca semble plus simple que je ne l’aurai cru s’étonne Gazel. Comment vas tu l’appeler ?

- Asky.

Je caresse les écailles de mon nouveau compagnon. Il me lèche la main.
Le mort-vivant passa sa main sur le vieux grimoire. Pourquoi étais-ce à lui qu’on l’avait confié ? De ses doigts il suivit le fin tracé des lettres de la couverture, hésitant. Devait-il l’ouvrir ? Pouvait-il l’ouvrir ? Nazgrel l’avait prévenu que ça ne serai pas facile. Quels sombres secrets pouvait bien renfermer l’ouvrage ? Il se doutait que cela dépassait sa simple compréhension. On ne lui avait donné ce livre que pour ses capacités de résistance à la magie noire. Etait-ce vrai que l’avenir de tant de vies était décrit entre ces pages ? Il ne devait pas avoir peur. Ce livre n’était pas une menace, seulement un intermédiaire, une clé.

Des coups à la porte. Le réprouvé se leva pour ouvrir. Un troll se tenait sur le seuil, il l’invita à entrer.

- Démoniste Gazel, c’est un plaisir de vous rencontrer.

- Moi de même. J’imagine que vous venez me parler au sujet de l’un de mes protégés.

- Oui.

- Parfait. Que pouvez vous donc m’apprendre au sujet de votre fils adoptif, Kelch ?



Dangereuses découvertes :

Pourquoi toujours vouloir savoir ? Pourquoi un tel besoin de connaissance ? Il est dans notre nature de chercher la vérité mais prions pour qu’elle ne nous trouve jamais.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
Destinataire : Gazel, Croisée des Chemins.



Mon cher Gazel,

Je suis content de savoir que vos deux élèves progressent selon nos espérances. Les choses risquent malheureusement de s’accélérer, c’est pourquoi je vous demande de finaliser leur apprentissage selon la façon que nous avons convenue ensemble. Je sais que vous êtes inquiets de leur bien être mais la survie d’Azeroth dépend de cette ultime épreuve. Nous ne pouvons nous permette de laisser perdre ce que nous avons accompli. Les risques pris pour protéger nos actions ne doivent pas tomber dans l’oubli. J’ai confiance en vous. Bonne chance.

Nazgrel.



PS : Méfiez vous, l’Ordre des Annonciateurs est agité. Nous soupçonnons ses membres de ne plus se limiter au racisme anti-réprouvé.
Une cascade dans les hinterlands. Les trombes d’eau se déversent le long du dos du tauren. Le chaman reste debout au milieu du courant, attendant que la rivière ai finit de laver son corps et son esprit. Il ressort à l’air libre. Le vent ébouriffe sa fourrure humide. Calme, il entame une incantation et aussitôt un totem incandescent surgit du sol. La chaleur de l’artefact a tôt fait de le sécher et très vite le tauren sent revenir les connections télépathiques qui le relie aux autres membres de la guilde. Des dizaines de voix parlent en même temps à l’intérieur de son crâne, mais l’une d’elle ressort, s’adressant directement à lui.

- Alethor ? Ca fait plaisir de pouvoir à nouveau t’entendre. J’ai essayé de te joindre tout à l’heure mais ça ne passait pas.

- J’avais besoin d’être seul, de faire le point. Je me suis débranché du réseau. C’est épuisant pour l’esprit de recevoir toutes ces pensées étrangères, tu peux comprendre ça, Anakina.

- Peut-être, mais tu es le maître de cette guilde, et si tu décides toi même d’interrompre tes liaisons avec nous, tu nous exposes au danger.

- Quel danger ? Sommes nous en guerre ? Je peux bien prendre du repos quelques heures.

- Mes contacts à Orgrimmar m’informent de l’agitation qui règne à la forteresse de Thrall. De nombreuses rumeurs courent en ville. Des histoires inquiétantes.

- Il ne faut pas prêter foi aux racontars.

- Cette fois je crains que tu n’es tort maître Alethor.

- Tu me contredis ? Tu as peut-être raison. Mieux vaut être prêt au pire.

- Il y a un autre élément qui m’inquiète. Ce nouveau membre que tu as engagé, ce Drellath. Je perçois une certaine tension en toi quand j’évoque ce nom.

- N’y prête pas attention. Il m’intrigue c’est tout.

- C’est à cause de l’arrangement que tu as passé avec ce démoniste ? Je ne lui fais pas confiance.

- Selon ses dires ses deux élèves pourraient devenir nos meilleurs alliés pour les évènements à venir.

- Ou nos pires ennemis. Dois-je comprendre que tu as également proposé à l’autre de nous rejoindre ?

- Pas encore. Mais c’est pour bientôt.
JOUR 33


« Gazel semble nerveux. ‘ai l’impression qu’il m’évite délibérément. Même les plaisanteries de Kelch ne parviennent plus à le dérider. Je me demande pourquoi il nous a demandé de le rejoindre aujourd’hui au milieu du désert des Tarides. »



- Ca ne te rappelle rien ? demande Kelch alors que nous marchons à la recherche de Gazel.

- Quoi ?

- Ce rendez-vous, tu n’as pas l’impression que c’est la deuxième fois que nous le vivons ?

Je ne répond rien. Le troll a raison, ce jour me rappelle celui où le démoniste Gazel nous avait invité à le combattre. Pour autant que je m’en souvienne c’est à ce moment que nous avons découvert mon mal. Serait-il possible qu’il veuille réessayer ?

- Moi ça ne me dérangerait pas continue le voleur, comme lisant dans mes pensées, j’aimerai bien prendre ma revanche sur ce vieux tas d’os. C’est pour toi que je m’inquiète.

- Je te remercie mais je pense pouvoir m’en sortir.

J’ai prononcé ces derniers mots avec colère. J’en ai assez de sentir la pitié des autres autour de moi. Kelch n’insiste pas, nous continuons notre marche en silence jusqu’à apercevoir la silhouette du réprouvé, étendu sur le sable.

- Vous avez été plus rapide que je ne l’aurai cru dit le mort-vivant en souriant. Comment avez vous pu me retrouver si vite ?

Kelch désigne mon raptor, debout à côté de moi.

- C’est grâce au nouveau compagnon de Drellath. Pour un reptile, il a un sacré odorat.

L’animal se dresse sur ces deux pattes et observe le troll comme si il comprenait qu’on parle de lui.

Toujours souriant, Gazel hausse les épaules, il paraît différent de l’individu que nous avons quitté la veille. Moins sombre.

D’un grand geste de la main, il montre l’étendue des Tarides. J’ai un mauvais pressentiment. Asky lève la tête vers moi, il semble tout aussi nerveux. Le visage de Gazel redevient subitement triste.

- Vous savez pourquoi je vous ai amené là.

Il nous regarde alternativement Kelch et moi.

- La dernière fois reprend t-il, vous n’aviez aucune chance. Mais aujourd’hui vous en savez beaucoup plus.

Il fronce les sourcils.

- Ca ne sera pas facile de me battre, je saurai mettre tous mes atouts dans la bataille.

Je frissonne. Le démoniste se fait presque menaçant.

- Vous n’avez pas idée de ce que j’ai appris ces derniers jours, mais soyez sûr que cela m’encourage à me battre jusqu’à la fin.

Il soupire.

- Jusqu’à la mort.

Les mots sonnent comme une condamnation. Je tremble de nouveau, mais pas de peur, de rage. Gazel aurait donc dissimulé des informations nous concernant ? Peut-être même sait-il comment soigner mon mal ? Je jette un coup d’œil vers Kelch. Le troll est étrangement calme. Je reporte mon regard vers le démoniste. Gazel me fixe durement.

- Il y a quelques jours e n’aurai pas accepté de me battre contre vous. Vous êtes mes élèves, mes compagnons, mes amis. Mais les derniers évènements m’ont ouverts les yeux, si vous n’êtes pas capables de sortir vainqueur vous êtes trop faibles pour nous venir en aide.

Il reprend son souffle.

- Je suis désolé, tout ne dépend pas de moi.

Mouvement. Je n’ai pas le temps de réagir. Kelch s’est déjà précipité sur le mort-vivant, fendant l’air de ses dagues. D’un bon il atterrit derrière le réprouvé et lance les lames acérées dans sa direction. Je m’attends à voir le sang gicler mais les dagues traversent le corps du démoniste avant de se ficher dans le sol.

- Tu n’es pas Gazel.

Kelch ramasse ses dagues et les remets à sa ceinture.

Devant nous la silhouette du réprouvé se distend, avant de s’enfoncer dans le sol et de disparaître telle une ombre.

- Un marcheur éthéré…

Le mots viennent de m’échapper. Le voleur acquiesce d’un signe de tête.

- Son démon a pris sa place. Je ne savais pas que c’était possible. Un parfaite imitation sauf que…

Je finis sa phrase :

- … Il n’a pas d’ombre.

- Exact, j’ignore ce que voulais nous montrer Gazel par ce stratagème mais… Il est probable que nous le retrouvions simplement à la croisée devant une bonne bière.

Je souris, il doit avoir raison.





Illusions :

Nos sens sont vulnérables à toutes illusions, mirages et autres déformations de la réalité. La seule manière de déjouer ces perversions de l’esprit c’est de ne pas y croire, d’aiguiser notre sens de l’observation au point de pouvoir déceler la moindre irrégularité. Ces phénomènes de perturbation sont particulièrement fréquents en présences de démons ou créatures n’appartenant pas à ce plan physique.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.



- Ne faites pas cette tête, c’était une épreuve nécessaire.

Nous regardons Gazel assis à la table de l’auberge, attendant des explications.

- Pourquoi nous avoir fait croire que nous devions nous battre contre vous ?

Le mort-vivant avance son visage dans notre direction.

- Je voulais voir si vous en seriez capable.

- De quoi ? De vous tuer ?

- Non. De savoir voir au delà des apparences.

J’interviens :

- Vous savez à présent, non ? Kelch ne vous aurait jamais attaqué si il n’avait pas été sûr que ce n’était pas vous.

Le démoniste regarde le troll qui s’étire, sans remarquer l’attention dont il fait l’objet.

- Je me le demande… murmure le réprouvé.



- Alors vous êtes venu.

- Bien sûr. Vous doutiez de moi ?

Le tauren soupira.

- Je sais que vous avez un problème avec l’autorité Kelch, mais si vous rejoignez les vengeurs, vous devrez vous montrer plus respectueux envers vos supérieurs..

Le troll eut un sourire moqueur.

- Ne vous inquiétez pas, je compte passer au grade d’officier rapidement.

- Ne vous moquez pas de moi. Si j’ai choisi de vous prendre avec nous ce n’est pas pour vos « extraordinaires capacités », mais plutôt parce que votre ami est déjà l’un des nôtres.

- En quoi cela me concerne ?

- Vous verrez bien.
JOUR 34



Je n’arrive pas à dormir. Dès que je ferme les yeux les cauchemars reviennent. Des flammes, des cris, des silhouettes qui m’entourent mais dont je ne peux distinguer les visages. J’ai l’impression que ces cauchemars ne m’appartiennent pas, comme si j’explorais un esprit étranger. Comment expliquer ces rêves ? Serais-ce une conséquence de la malédiction du druide ? J’hésite à en parler à Gazel. Depuis hier, je me pose beaucoup de questions à son sujet. Il me donne parfois l’impression de nous surveiller Kelch et moi, comme un gardien veille sur ses prisonniers.
JOUR 35



« Depuis que j’ai rejoins les vengeurs je sens mon esprit devenir de plus en plus ouvert. Mais ce n’est pas naturel, comme si quelqu'un tentait d’enfoncer la porte de mon crâne et d’y pénétrer de force. Je connais l’origine de ce phénomène, dès que j’aurai acquis l’ancienneté requise les voix des membres de la guilde commenceront à se faire entendre dans ma tête. Cela m’inquiète. Je n’ai pas envie d’être manipulé. »



Les Cavernes des Lamentations, lieux déformés par les énergies démoniaques qui les parcourent. L’endroit ne m’inspire pas confiance. Asky gémit faiblement, il semble nerveux.

-On doit vraiment entrer là dedans ?

Kelch regarde Gazel avec inquiétude. Lui aussi n’est pas très enthousiaste à l’idée de s’engouffrer dans ces méandres souterrains.

-C’est une étape nécessaire. Tous ceux qui sont ressortis de ces cavernes étaient plus forts, plus assurés qu’à leur entrée.

-Si ils ressortent marmonne le troll.

Je reporte mon regard vers le gouffre béant. Il s’en dégage une atmosphère malsaine, la forme même du rocher m’évoque un crâne. Et l’entrée, telle une gueule affamée semble attendre que nous soyons assez fous pour y pénétrer…

-On raconte qu’un maître druide aux pouvoirs très puissants s’est retiré il y a très longtemps dans ces grottes pour y explorer le rêve d’émeraude, reprend le mort-vivant. C’était à une époque où les Tarides ne portaient pas encore ce nom, où la région était accueillante.

-C’est sûr que ça date.

-Malheureusement il semble que ce druide soit lui-même à l’origine de la lente corruption qui envahit cette région. Ces cavernes sont devenues un lieu de prédilection pour toutes les créatures ayant été touchées.

-On va devoir retrouver ce druide et le tuer ?

Je frémis. Je me rappelle de ma rencontre avec l’un de ces fanatiques, prétendus défenseurs de la nature. Ces lanceurs de sort sont puissants, je le sais. Et cette fois ci j’ai le pressentiment que ce ne sera pas aussi facile que la première fois.

Soudain le mort-vivant éclate de rire.

-Le tuer ? Non, ça fait longtemps que des aventuriers comme vous se sont occupés de lui et de ses disciples. Mais ces cavernes n’en demeurent pas moins dangereuses. Tout ce que je veux c’est que vous y alliez… et que vous reveniez.






Etrangers :
Chaque jour, chaque heure, chaque seconde une nouvelle espèce d’animal ou de plante apparaît sur la planète. L’origine de ces mutations, aussi infimes qu’elles soient, reste incertaine, souvent attribuée aux perturbations démoniaques. Il faut cependant nous rendre à l’évidence, les mystères d’Azeroth demeurent entiers. Qui sait combien de races que nous croyons disparues sont tapies quelque part aux tréfonds de ces terres. Aujourd’hui plus que jamais nous devons être vigilants face aux dangers anciens qui pourraient ressortir du néant.
Les Oubliés de L’Histoire, Aneth,
Le Livre des Malédictions.
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