Alors comme je vois que ça bouge pas beaucoup sur le forum, et bien je vais vous gonfler avec un petit AAR, soit After Action Report pour les intimes.
Tout se passe a Sedan, dans la nuit de Vendredi à Samedi.
Superbe bataille, comme j'en avais pas vécu depuis très longtemps.
Je ne sais pas si le 6ème sens de Francis était actif ce jour là, mais il l'avait senti arriver cette grosse attaque.
Une demi- heure avant le début de l'attaque, Sedan était d'un ennui tel qu'on se serait senti aussi bien dans ses bottes, que par une chaude journée de mai 40.
La radio nous crache que la base avancée axis est sur le point de tomber, les 2 autres nous appartenant.
Pourtant, je m'en vais pousser avec mon camarade de chambrée ce joli Mle 37, avec lequel nous n'avons pas encore tiré un seul obus.
Et on pousse et on pousse en montant la colline au sud est, et on poireaute enfin bien loin de Sedan.
Un bosquet accueillant et merveilleusement protégé nous sert de couverture.
Je me prends quelques ronces dans le visage, et je manque de me ramasser dans les orties, mais le lieu reste étonnamment apaisant.
Je sors mon paquet de cigarette, on s'en grille une petite parce que l'effort nous l'a fait mériter.
Donc avec Francis, c'est mon chef, on déploie calmement le bouzin, avec deux fenêtres de tirs dirigées vers le Sud ouest et le nord ouest.
Ah le Francis c'est quelqu'un.
Moche comme un pou, et Stéphanois de pure souche.
Un monstre attachant, à la voix chantante.
Sans doute l' accent.
Mais je l'aime bien le Francis,et on attend sans faire un bruit.
On ne se parle pas, on a rien à se dire ou plutôt il n'y a rien à dire.
On sait que l'ami Gunther n'est pas loin, Francis a toujours eu le nez pour ça.
30 minutes passent, lorsqu'on nous annonce un nombre incalculable de panzers qui se rassemblent.
La tension monte, les français tentent d'organiser une frêle défense autour de Sedan, mais il est déjà trop tard, les armes antichars n'arriveront pas à temps sur les hauteurs.
Il se tourne vers moi et me dit "J'te l'avais dit mon ptit gars, on va devoir se taper le sale boulot, et crois moi on va pas chômer!"
Et il ronchonne: "les grosses huiles ont de la merde dans les oreilles, ont pas voulu écouter le ptit peuple et voilà où on en est, r'partis comme en 14!"
On se sent un peu seuls et abattus, mais un sourire mutuel nous redonne du coeur à l'ouvrage.
Soit ! On va leur préparer un accueil chaleureux, et leur faire regretter de venir jouer les touristes sans y avoir été invités.
Et la farandole se met en marche, quelques minutes passent et les moteurs nous entourent déjà.
Un panzer 3F passe à notre gauche, un 3H et un Stug III longent le couloir Nw.
Ces jolis cibles à 50 m ou 100m nous rendent avides, mais il faut attendre.
Le doigt sur la détente il faut attendre de voir leurs suivants, pour ne pas attirer le feu vers nous.
Ne pas se faire repérer par nos obus quelque peu traçant, 1 obus par cible quand c'est possible, c'est la règle de notre survie.
J'ai des fourmis dans les doigts, mes jambes tremblent.
"Tu verras c'est comme perdre son pucelage avec une fille de joie, tu seras plus jamais comme avant" me dit Francis avec toute sa poésie, en me démontant l'épaule au passage.
Un dernier regard vers lui, il me donne alors l'ordre de tirer.
Et la foire du "tout à 10 sous" est engagée.
Un premier pz3f , son réservoir percé laisse écouler une essence qui prend immédiatement feu au deuxième obus.
Pas de temps pour les sentiments, paix aux âmes de ses occupants.
Déjà il faut se concentrer sur le prochain.
Un 3H à sa gauche,n'a pas eu le temps de s'apercevoir que son équipier est hors service, et se déplace vers la colline qui surplombe Sedan.
Si on le laisse filer, je ne donne pas cher de la peau de notre défense chancelante.
Je tire, erreur! le canon était calibré pour la 1ère cible!
L'obus passe juste au dessus de la caisse, caressant l'acier rutilant au passage.
Juste le temps de corriger notre erreur que déjà il prend 3 obus, le dernier lui faisant cracher les flammes.
Francis m'ordonne de lâcher mon poste de tir, pour tourner l'arme vers le Nw ou se massent un Stug et un panzer 3F tout commandant dehors.
Déploiement de l'arme en catastrophe.
Des branches d'arbres couvrent mon champ de tir, je les arrache d'un coup.
L'oeil dans l'épiscope, arme calibrée, obus en chambre et BAM le percuteur propulse notre 47 droit dans le flanc du 3F qui crie à l'agonie.
La bouche du canon crache une fumée fine.
J'aime son odeur.
Francis me fait diriger maintenant la bouche du canon vers le Stug, je l'engage...
NON! le stug tourne sa caisse pour nous faire face, je cris à Francis "IL NOUS A REPERE, BOUGE, BOUGEEEE!"
Ses chenilles crissent dans un bruit effrayant, à la limite de la rupture .
Je n'ai plus l'oeil dans le viseur, mais je presse quand même la détente pour sortir cet obus du canon.
Juste le temps de le voir finir sa course dans la tourelle du Malheureux, que déjà on s'enfonce dans les bois.
Un silence se fait soudain pressant, un silence avant la formidable canonnade.
Le 75 du Stug crache alors son feu autour de nous, il ne nous voit plus mais sa menace est grande.
On sait qu'il va rameuter vers nous des renforts dont nous aurions aisément pu nous passer.
Je me prends des éclats dans le derrière, et la chaleur dégagée par les obus explosifs, me donne droit à une épilation de prima qualité.
On redéploie, le champ à notre gauche fourmillant de panzers.
Ajustement, tir d'un obus, moteur d'un 3H hors service...encore un qui verra pas Sedan.
Et les explosions redoublent d'intensité.
Les Vautours sentent la charogne dans ce bosquet, et la charogne c'est nous.
On se planque ou on peut, on serre les fesses.
Et ce qui devait arriver arriva, un obus bien senti met hors de combat notre canon.
On se regarde avec l'ami Françis comme deux imbéciles.
"On fait quoi maintenant, on leur jette des petits cailloux ou du sable?"
"Tiens un champignon, tu crois qu'ils aiment les champignons?"
"Et si on creusait un tunnel?"
Je comprends qu'il vaut mieux attendre qu'on vienne nous chercher, pas le moment de jouer aux héros.
Et c'est un fier 38T qui viendra nous récupérer, et par son arrivée cavalière me provoquera un fou rire, dans ce moment pourtant critique.
Cet imbécile rentre dans le bosquet comme un chauffard, et se prend d'abord un arbre.
Puis un deuxième.
Ca sent la bière à plein nez.
On pousse le canon vers lui comme dans un dernier baroud d'honneur.
Et on se colle à ses chenilles.
Et il nous cherche, et nous cherche encore.
Son tireur vise manifestement trop haut pour pouvoir nous voir, nous qui avons le centre de gravité assez bas voire même au sol.
Comme quoi ça a du bon d'être une personne de petite taille.
Je regarde Francis, et on se met à appeler, à taper sur la caisse du char.
"Oh oh, ya quelqu'un là dans? faut sortir ma ptite dame, on va fermer"
Le pilote nous regarde, hausse les épaules l'air de dire: "c'est pas ma faute les gars, c'est l'autre empaffé dans sa tourelle"
On aurait eu à la fois le temps de déployer notre arme, tirer tout notre stock d'obus, retourner à la ville chercher d'autres caisses d'obus, recommencer, nous préparer une boisson chaude, lire le dernier Paris magazine avec la belle Monique Geandrai en couverture, lui changer une roue et...hum à ce prix là lui faire le plein.
Notre salut viendra du chef de char, qui ouvrira sa trappe l'air benêt et gêné.
Heureux sans doute de ne pas s'être mangé un pruneau un peu dur à digérer pour son estomac habitué à d'autres mets...
Voilà!
C'était chiant hein! c'était fait pour ça