J’appris que le tavernier avait été envoyé travailler dans les mines de Tépok. Il ne survivrait pas. Blanche avait pleuré beaucoup ce soir là. Elle avait tiré un trait sur sa vie passée. J’étais heureuse sincèrement pour elle. Je faisais des efforts surtout pour elle. J’aurai pu fuir ! J’aurai été lâche, on me donnait une chance de réussir, et Blanche m’avait donnée celle-là : devenir Paladin de l’Eglise !
Tous les matins, je partais pour l’entraînement. Le père Signasse était mon professeur d’arme. L’après-midi, j’avais des cours de théologie avec un moine. Nous étions dix élèves à écouter. Le fils de Léonie Mac Harcourt était là aussi. Il aimait passer devant moi avec son air hautain. Les autres élèves, des garçons de bonne famille me toisaient aussi. Une fille n’avait rien à faire ici. On parlait de caste. J’en compris le sens. Je m’en fichais totalement. Léonie Mac Harcourt n’était pas souvent là, elle se reposait sur Blanche pour recevoir les visiteurs. Son fils était sous la tutelle de son oncle en son absence. Il avait un an de moins que moi, et je les dépassais tous déjà, je riais intérieurement.
Un matin d’hiver, Armand participa aux entraînements. Il maniait parfaitement l’épée et donnait du fil à retordre à son vieil oncle avec des coups d’estoc. Je le regardais évoluer fascinée. Son oncle était rusé, et il réussit à le déstabiliser, l’épée tomba à terre. Armand était dépité. Je riais aux éclats envoyant sa tête. Il vint vers moi et l’épée menaçante, je prie la mienne, et cérémonieusement, je le saluais.
Le combat commença. Le père Signasse se mit à l’écart et nous laissa le champ libre.
C’est lui qui tenta la première attaque, je l’esquivais. Il s’avança de nouveau comme un rapace sur sa proie. Je pris appui sur mes deux pieds, Armand leva son épée, nos deux lames se frottèrent l’une contre l’autre, et le bruit du métal résonna dans la cour.
J’évitais sa lame de peu, reculant le torse dans une passe arrière. Il abaissa sa lame. Je sentais sa fatigue. Il ramena son épée devant lui pour se protéger. J’enchaînais à mon tour aussitôt une nouvelle attaque. Me projetant vers l’avant, je donnais deux coups d’épée sur les flancs opposés du garçon. Celui-ci para le premier coup, mais ne put éviter le deuxième, qu’il reçu en pleine hanche. La lame de l’épée s’enfonça dans la maille, mais ne transperça pas la peau. Il lâcha son épée, surpris, effrayé. Mon épée ne faisait qu’une avec moi, j’étais une vraie furie, je voulais le dessus à tout prix et je l’eu.
Père Signasse applaudit. Mon c½ur battait à tout rompre et le souffle court, je saluais le pauvre Armand défait. Dignement, je rangeais mon arme à sa place et prit congés sans rien dire, un sourire de victoire aux lèvres.
Armand fit le premier pas pour me parler. Je n’avais jamais eu de relation avec des personnes de mon âge. Il mit du temps à m’apprivoiser.
Un après-midi, mes barrières tombèrent. Le jeune Mac Harcourt raconta à ses compagnons sa mésaventure. Il avait le sens de l’honneur. Les garçons vinrent me féliciter. Je n’en revenais pas. Ils devinrent mes camarades. Ils étaient intéressants, ils m’apprirent plein de choses que je ne soupçonnais pas.
Armand et moi devenions des élèves de plus en plus redoutables. Signasse était dure et juste. J’avais quinze ans quand il m’offrit une superbe épée à deux mains. Je le dépassais à présent, j’avais une armure de maille, elle était lourde mais avec l’entraînement intensif, ma musculaire me permettait ce poids. Mon allure n’était pas la même que celle de mes compagnons masculins. Elle était plus gracile. Ma chevelure était toujours aussi rousse, mes cheveux étaient très longs et étaient retenus toujours par ce même lacet de cuire. Mon heaume couvrait mon visage, mais le catogan dépassait et laissait voir ma seule féminité.
Blanche devenait une dame, avec l’argent qu’elle avait amassé, elle s’achetait de belles robes et elle aimait tournoyer autour de moi, le soir. Je riais avec elle. J’étudiais le soir, je savais lire et la bible fut mon premier livre de chevet.
Les garçons qui étudiaient avec Armand et moi, se joignaient aux leçons de combat du père Signasse. Bientôt, nous devions dire notre souhait de rejoindre la caste des paladins.
J’étais devenue disciplinée, mais mon esprit ne l’était pas. J’étais rebelle à l’idée de devenir un instrument à la solde de l’Eglise. Tout ce que l’on m’enseignait était pour moi une foutaise. Je voyais que mes camarades ne posaient aucune résistance à cet enseignement.
Armand m’accompagnait souvent rendre visite à Blanche dans la cuisine. Il aimait ma présence et j’aimais la sienne. On était ami. Nos vieilles ranc½urs étaient enterrées. On riait souvent de nos prestations avec nos épées. Nos camarades étaient médusés de voir que nous y mettions tant de force. On avait appris ainsi à la maîtriser. Le père Signasse aimait nous regarder. Il devenait à mes yeux le père que je n’avais pas eu. J’avais du respect pour lui et quand il me fit cadeau de mon épée. Une larme me vint, et il se moqua de moi !
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Amarhante Paladine de la Blanche Hermine
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