|
Comté de Dalton, petit bourg de Geldwine.
Au premier étage de la maison de sa guilde, elle patientait.
Il lui fallait se divertir comme elle pouvait, fabriquant tour à tour quelques poupées de chiffon, quelques écharpe.
Elle devait partir, un peu plus tard, l'attaque allait commencer. Elle aussi elle avait été appelée, comme toutes les forces du royaume d'Albion. Et elle devait patienter. Certes, elle aurait aimé partir dès qu'elle pouvait, lui épargnant l'angoisse croîssante de chaque heure , chaque minute, chaque seconde...
"Il ne viendront pas" se dit-elle," Mais sans eux, je ne peux rien faire ... "
Elle était déséspérée... Elle savait ce qu'il se passait au loin, dans la Forêt Sauvage, mais était consciente qu'à elle seule, elle ne changerait rien.
Son mari ne viendrait pas, il lui avait écrit quelques mois plus tôt du royaume de Midgard, ou il faisait campagne.
Dans le quartier voisin, les maisons de ses amis étaient aussi vides que l'était la maison de Guilde.
Elle s'était remise à la confection d'une robe, qu'elle offrirait sans doute à... " Mère ! " S'écriait-on au dehors : la porte s'ouvrit dans un fracas, laissant la place à une jeune demoiselle, ruisselant d'eau, le visage encore marqué des récents combats qui s'étaient produits contre les Drakorans, sur l'île lointaine des Pommiers. " N'y allez pas, n'y allez surtout pas. Les autres vont arriver, mais laissez moi y aller à votre place, je vous en prie !" La voix de la séduisante jeune fille était suppliante, presque appeurée. " Vous êtes faible, vous trép... n'y allez pas je vous en conjure !"
La tisseuse, s'était levée brusquement, sans un mot. En un geste, elle avait ordonné à sa fille de se taire. Bien que tremblante, sa prestance, sa droiture inspiraient le respect. " Tu es jeune, retourne t'entrainer, va rejoindre tes compagnons." dit-elle d'un ton las
_ Mère, de nombr ...
_ C'est un ordre ! Tu m'as toujours rendue fière, ne commence pas à me faire douter de toi. "
La jeune moniale, dans un dernier regard, furieux et terrifié à la fois, disparut derrière la porte, et, courrant sous des trombes d'eau, rejoignit la maison voisine, la maison d'un petit ménestrel.
Elle avait été dure, elle le savait, mais il ne fallait pas qu'elle montre la moindre trace de faiblesse devant sa fille.
La pluie avait cessé, l'orage s'était tut, on n'entendait plus que quelques cris de guerriers, se motivant et se redonnant courage avant de partir au combat.
Les autres n'allaient pas tarder, comme lui avait dit sa fille. Elle devait maintenant être patiente.
Soudain, la porte s'ouvrit, laissant place à ses compagnons. Presque tous étaient la, le Chef , une noble théurgiste qui savait redonner courage, confiance et sérénité, son parrain et mentor, qui l'avait guidée tout le long de son innitiation au sein de la Guilde, tous ses amis. Un ménestrel, et son imposante carrure s'approcha, déposa un tendre baiser sur le frond de la tisseuse : "On y va, Soeurette"
Le trajet ne fut pas très long, jusqu'à la forteresse de Chateau Sauvage : de nobles marchands, dotés d'une puissante magie, les avaient transportés, ses compagnons et elle, en peu de temps. Au loin , on entendait la fureur des combattants Albionnais, bien décidés à n'abandonner aucune de leur relique sacrée.
"Tout le monde est pret ?" avait demandé le ménestrel, qui dirigeait pour un temps le groupe, connaissant mieux que personne les frontieres du royaume. Aucune protestation, aucun bruit, ils étaient prêts à partir. Le chateau d'Excalibur n'était qu'à quelques lieues de là, bon nombre d'ennemis avaient déja été tués disait-on. En effet, à peine arrivés devant le chateau pouvait-on voir des dizaines de corps étendus. Il fallait faire vite, les portes n'allaient pas tarder à ceder. En un rien de temps, ils étaient en haut du donjon, attendant l'assaut des ennemis. Les mages s'étaient rendus sur la muraille, récitant des incantations, lançant des sorts afin de contrer , de blesser les assaillants. Parmi ces mages, la tisseuse, redevenue thaumaturge pour la bataille. Ses boules de feu frappaient un à un les guerriers adverses. Une naine redonnait vie à ceux-ci ... Il ne fallut pas longtemps à la thaumaturge pour tuer la barbare.
Mais, s'en rendant compte trop tard, la thaumaturge mourrait.
Un archer ennemi, caché non loin dans la forêt, la prennait pour cible.
Tout se passait tellement vite, ses compagnons lui criant de s'eloigner, incapables de la guérir... S'eloigner, c'est très dur à faire, lorsque, se vidant de son sang, et titubant, l'on n'a plus de force.
Regardant une dernière fois ses compagnons en haut de la tour, elle leur fit un dernier sourire. Elle savait, depuis le début, qu'elle ne reviendrait pas. S'agenouillant, elle envoya un dernier baiser à son cher frère, lui promettant de revenir. "Ce ne sera pas long" lui dit-elle.
En haut du donjon, on entendit ses compagnons rendre un dernier hommage à la thaumaturge, leur compagnon, leur amie, leur soeur: " A bientôt, Nirwane "
|