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Les épisodes précédents
Rencontre avec sire Guesclin L'oeil ensanglanté du Lion L'ange gardien Le soir tombait. La lumière oblique du soleil paraît les murs de la capitales de chaudes couleurs. Soleine entrât dans l’église de Camelot pour aller y voir son instructeur qui l’initierait aux secrets d’un nouveau cercle de la connaissance. En parcourant la nef, elle sentait son cœur s’ouvrir à la Lumière. Plus elle se rapprochait de l’autel, plus elle ressentait la Lumière de Camelot comme une expérience sensuelle à la réalité bien concrète. Les rayons du soleil traversaient les vitraux de l’abside et projetaient au sol des dessins de lumière. Alors qu’elle commençait à traverser les rayons lumineux, elle ralentit le pas. Une musique douce se fit entendre. Les rayons projetés au sol l’entouraient maintenant, et en poursuivant sa progression vers l’autel, elle se sentait comme rentrant dans l’eau pure du lac où le grand Roy reçut un jour l’épée Excalibur des mains de la Dame du Lac. Plus elle approchait de l’autel, plus son pas ralentissait. La sensation du monde qui l’entourait s’atténuait peu à peu, pour laisser la place à de nouvelles impressions. Bientôt, elle n’eut plus conscience de l’endroit où elle était. Elle se sentait comme flottant dans un espace différent, bercée par une douce musique, son visage caressé par une brise portant des odeurs extatiques, ressentant l’impression d’une chaleur moelleuse qui l’entourait. Et surtout, devant elle, une lumière brillante mais non éblouissante, la Lumière de Camelot. La Lumière de Camelot qui comme à chaque fois l’accueillait en lui offrant cette transe inouïe. Son âme s’ouvrait alors aux enseignements de la Lumière. De cette transe, elle conserverait ensuite cette aura si particulière qui la nimbait. Ses bénédictions s’en trouveraient de nouveau renforcées, son âme raffermie, elle retournerait dans le monde pour apporter la protection de la Lumière à ceux qui en avaient besoin. Elle poursuivit sa progression dans la direction de la Lumière sachant qu’une fois de plus Il serait là pour l’attendre et lui parler. En effet, Il était là. C’était comme un être dont le corps n’aurait été fait que de lumière. Il lui avait expliqué être un « être engendré de Lumière », une créature au service de la Lumière, tel le visage angélique qui gardait la sortie des Abysses empêchant les atrocités qui s’y tapissaient de s’en échapper et d’aller corrompre la terre d’Albion. Chaque fois qu’elle le rencontrait, il lui semblait plus présent, plus palpable. Il lui avait expliqué qu’au fur et à mesure de son initiation, plus son âme se rapprocherait de la Lumière, plus facilement ils parviendraient à communiquer, franchissant les barrières qui retenaient normalement les mortels dans ce bas monde. Pour la première fois, alors qu’il imposait ses mains sur elle, elle eut une sensation physique de contact. Elle sursautât. « - Alors, fille aimée de la Lumière, pourquoi sursautes tu ? « - Je ne m’attendais pas à ressentir un contact physique. « - Il n’a y eu aucun contact physique, je puis te l’assurer, ton corps n’existe pas ici, pas plus que le mien n’existe ici bas. Ce que tu as ressenti doit te faire prendre conscience que tu progresses sur le chemin que je t’ai un jour dévoilé. Bientôt la Porte de la Lumière s’ouvrira devant toi. Le baiser de Lumière te fera abandonner ton corps physique et franchir la barrière pour quitter à tout jamais ce monde corrompu et venir rejoindre les sphères supérieures où les serviteurs de la Lumière t’attendent. Ton âme est désormais prête à la transmigration. L’Eglise de Camelot perdra une clerc mais gagnera une sainte. Il faut maintenant te préparer à ce départ. Saches bien que ce voyage ne te sera possible que si tu en fait le libre choix. Ton âme possède ce don si rare de pouvoir franchir les sphères, mais cela ne te sera possible que si tu abandonnes tout ce qui te retient à ce bas monde. Tu devras rejeter tous les oripeaux qui risqueraient de te retenir afin d’avancer librement au travers de la Porte de la Lumière. Ce choix, ce renoncement, personne d’autre ne peut le faire. On ne peut exister à la fois dans deux sphères. Tu abandonneras l’une pour gagner l’autre. » « - Comment ferais je pour aller à la Porte de la Lumière ? « - Ton pouvoir t’y conduira simplement. Je ne peux te dire comment cela se passera, tu glisseras d’une sphère vers l’autre. Pendant ce glissement, tes sens humains seront perturbés et ce qu’ils te diront est imprévisible. La seule chose dont tu dois être sûre, c’est que tu parviendras devant la Porte de la Lumière et qu’alors, tu en prendras conscience. A cet instant, tu devras faire ton choix. Il est possible que la Lumière m’ordonne d’être présent à cet instant, je ne puis te l’assurer cependant. Va, maintenant, fille aimée de la Lumière, replonge une dernière fois dans cette sphère inférieure et ai confiance. » Les douces sensations s’évanouirent lentement, et Soleine repris conscience doucement, agenouillée devant l’autel, les bras légèrement ouverts, baignée par la lumière du soleil qui achevait de se glisser vers la ligne d’horizon. Elle aperçu alors Gwennda devant elle. La clerc la regardait en lui souriant. Elle posa ses mains sur son front et la bénit. « - Comment vas tu, fille aimée de la Lumière ? « - Merveilleusement bien comme après chacune de mes transes, Mère très Sainte. La communion avec la Lumière me remplit d’une joie que je ne sais décrire, tellement les mots me manquent pour dire tout ce que j’ai ressenti, tous ce que j’ai vu. J’ai même l’impression, que ma mémoire ne sait pas me restituer tout ce que j’ai vécu pendant cette transe, qu’une partie de cette expérience ne peut en aucun cas pénétrer cette sphère matérielle. « - Soleine, je te l’ai déjà dit, la Lumière d’évidence te destine à une mission à laquelle peu d’entre nous peuvent avoir accès. Même si tes impressions sont très fugaces au réveil de tes transes, je puis te garantir qu’elles sont très éloignées de ce que la plupart de nos clercs peuvent vivre lors de leur initiation à un cercle supérieur. « - Je l’ignore Mère très Sainte, c’est une connaissance que je n’ai pas. Vous êtes la plus haute clerc de notre royaume, je ne suis qu’une petite clerc qui cherche l’illumination. « - La recherche de la sainteté est une illumination très particulière, mon enfant, peu en sont dignes. Il semble que la Lumière ait décidé de t’en ouvrir la voie. « - La sainteté ? « - Ce n’est pas à moi de t’en dire plus. Si la Lumière t’en ouvre la voie, tu le sauras au moment venu. Il est des savoirs qui ne doivent pas être révélés avant l’instant où ils seront nécessaires. Soit simplement confiante dans la force de ton âme, laisse la s’imprégner totalement de la Lumière, et l’instant venu, tu sauras ce qu’il t’es demandé de faire. Va maintenant, je crois que tu es attendue ». Arslann avait accompagné Soleine jusqu’à l’église. Il l’attendait sous le porche monumental. Il avait été surpris de prendre conscience qu’il ne désirait pas rentrer dans l’édifice, qu’un malaise l’avait pris, et que chaque pas en direction de l’autel majorait ce malaise. Impuissant à luter contre cette sensation, il l’avait donc laissé rentrer seule dans l’église, la voyant s’éloigner de lui. Lorsqu’il la vit s’agenouiller, il prit conscience pour la première fois de la distance qui les séparait. Elle était clerc de l’Eglise d’Albion. Elle avait prononcé des vœux, vœux qui l’éloignaient d’une vie normale. Les clercs font vœux de chasteté et d’obéissance. Le mariage était interdit à la plupart d’entre eux. Quelques uns avaient été autorisés à prendre un époux ou une épouse, mais la plupart se consacraient à leur sacerdoce, seuls. Il se rendit compte alors qu’il n’avait jamais pensé désirer autre chose que d’être près d’elle. Pourtant, ce célibat imposé lui pesait maintenant. Ses sentiments se renforçaient chaque jour, et il sentait bien que l’idée d’une union pointait dans son esprit. C’est alors qu’il ressentit de nouveau cette impression physique d’une barrière se dressant devant lui, lui interdisant d’entrer dans l’édifice, et de la rejoindre. Il la voyait au loin, nimbée de lumière, agenouillée en prières, si lointaine qu’il en eu mal. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Alors qu’il s’était toujours senti si proche d’elle, il percevait une impression de distance incommensurable. Elle était à la fois présente et absente, ses pensées tourbillonnaient dans sa tête sans qu’il puisse se contrôler. Il se sentait ballotté, prisonnier d’un destin implacable, tout devenait confus. Bowen sortait du jardin d’Arthur lorsqu’il aperçut le fils de son ami. Arslann s’appuyait au chambranle de la porte de l’église comme s’il allait tomber. Intrigué, il se rapprochât. Il observât Arslann pendant une minute. Il fut surpris de voir son regard fiévreux dirigé vers l’intérieur de l’édifice. Il suivit ce regard et aperçût Soleine. Il sourit, mais son sourire se figeât. Le regard qu’Arslann jetait sur la belle clerc n’était pas celui du jeune homme qu’il connaissait. On eut dit celui d’un fauve qui guettait sa proie, prêt à bondir, une lueur de triomphe dans son regard. Et quel regard ! Les yeux marrons du jeune homme étaient injectés de sang, sa bouche déformée par un rictus hideux laissait apparaître ses dents qui semblaient être devenues des crocs. Un frisson parcourût le dos de Bowen alors que son cœur lui lançait une alerte, ce sentiment qu’il connaissait chaque fois qu’il entrait dans les Abysses. Le garçon devant lui n’était pas celui qu’il connaissait. Un mal indicible le recouvrait, une ombre avait envahit son cœur et l’occultait à la Lumière de Camelot. Pourtant cette impression disparût instantanément, alors qu’il franchissait les derniers mètres le séparant du jeune homme. Son regard redevint celui du garçon qu’il croisait souvent au sortir de leurs maisons de guilde. Il posât sa main sur son épaule. Arslann tournât la tâte vers lui et lui sourit tristement. « - Mon garçon, que t’arrive t’il ? Pourquoi ce sourire si minable sur le visage d’un jeune et vaillant guerrier dont les exploits me reviennent aux oreilles si souvent ces derniers temps ? Et pourquoi cette attitude si peu martiale ? « - Salam alekum, sire Bowen. Vous vous demandez ce qu’il m’arrive, je vois . Simplement la prise de conscience d’une réalité que j’avais occulté jusqu’à présent, et qui me pèse plus que je ne saurais le dire. Se confronter à la réalité du monde implique parfois des renoncements qui sont bien pénibles. « -Alekum salam, jeune lion. Que ce discours est inhabituel dans ta bouche. Où est passé le Lion victorieux, celui qui se fit un prénom lors de l’inauguration de votre maison de guilde ? Je te sens bien abattu, mon garçon. Je n’aime pas te voir ainsi, j’ai eu une bien désagréable impression en te voyant. » Arslann soupirât et regardât vers l’autel. De nouveau, il tourna la tête vers Bowen, donna l’impression qu’il allait prendre la parole, puis secoua la tête. Il prit une profonde inspiration. « - Quels sont les liens entre la Lumière de Camelot et l’Amour, sire Bowen ? « - La Lumière de Camelot peut illuminer l’Homme de bien des façons, mon garçon. Pour certains, elle apparaît comme une force qui guide leur bras au combat, pour d’autres comme une protection qui les nimbes dans les instants de périls. Certains, par contre y trouvent l’amour, soit l’amour d’un être proche, soit aussi, l’amour de la vie, de toute chose vivante auprès de nous. « - Comme mon père ? « - Ton père est un homme simple dont la force d’âme est digne d’admiration. Pour lui, l’illumination a ouvert son cœur et lui donné la force d’aimer son prochain, quel qu’il soit . Il a aussi reçu une illumination particulière qui lui a désigné ta mère comme être aimé. C’est un privilège rare pour un membre de l’Eglise que d’être autorisé à abandonner les vœux prononcés lors de son noviciat. Il faut pour cela avoir montré que cet amour ne t’aveugle pas, et qu’illuminé par la Lumière, il t’aide à comprendre et à suivre le chemin que te désigne la Lumière. Cela peut te paraître assez nébuleux comme explication, mais je ne trouve pas d’autres mots pour te le dire. Ce sujet est source d’âpres discussions entre nos théologiens, et je dois avouer que les arguments avancés passent bien au dessus de la compréhension que les simples mortels ont du message de la Lumière. Ce sujet divise la communauté des clercs de l’Eglise, et si Dame Gwennda n’avait pas pesé de tout son poids quand le cas de ton père fut discuté en concile, il n’aurait jamais eu l’autorisation d’épouser ta mère. Seule l’autorité et le prestige de Gwennda ont pu ce jour là faire triompher un point de vue plutôt minoritaire au sein du clergé de l’Eglise. Ton père garde une profonde reconnaissance envers Gwennda, et c’est pour cela que tu le verras toujours la protéger de son bouclier quand d’aventure ils se retrouvent pour partir guerroyer. Dame Gwennda vit en communion totale avec la terre d’Albion. Elle est beaucoup plus souvent par monts et par vaux dans nos campagnes que bien au chaud dans la sécurité des murs de l’église de Camelot. Cela lui donne une connaissance profonde de l’âme de nos combattants. Elle sait être le lien entre eux qui défendent notre terre et le message de la Lumière de Camelot, message qui dans la fureur d’un combat peut sembler bien lointain. » « - Qu’est ce qui te pousse à t’intéresser à ce point du dogme ? Il ne me semble pas que tu aies jamais fait preuve d’un intérêt quelconque pour la religion d’Albion. Qu’est ce qui peut t’inciter à m’interroger à ce sujet ? » Bowen suivit le regard d’Arslann en direction de l’intérieur de l’église. Apercevant Soleine, il sifflât doucement. « - Ainsi donc, toi aussi, jeune Farqhard, tu as été frappé par la flèche de Cupidon ? De toutes les belles d’Albion, il a fallu que ton cœur choisisse l’une des plus inaccessibles d’entre elles. « Mon cœur n’a rien choisi du tout, Sire Bowen. Il n’y a pas eu de choix. Je ne pouvais aimer qu’elle seule. Avant même de la rencontrer, je l’aimais déjà. Je savais que j’étais là pour elle. Le soir où je la vis pour la première fois au fort d’arrivée du val de Béryl, avant même de l’avoir aperçu, je savais qu’elle était là, je le sentais. Je n’ai pas eu à la chercher, mon cœur me l’a désignée tout de suite. Je savais aussi ce que j’avais à faire, et je l’ai fait. C’est tout. Son ange gardien comme dit Ketty, sa sœur aînée. Partout je l’accompagne, et je la protège. C’est pour cela que je suis sur cette terre, rien d’autre. » Il avait répondu à Bowen en conservant son regard posé sur la jeune femme. Sa réponse avait été dite d’une voix brûlante. Bowen eu un court instant l’impression que le jeune homme devenait plus grand, plus massif, plus impressionnant. Il dut convenir que la conversation qu’il avait eu avec Chanir au sujet des pouvoirs que celle ci attribuait à son fils recevait un éclairage différent maintenant qu’il avait vu et entendu Arslann. Cela expliquait il cette fugace alerte quand il l’avait surpris ? « - Les hommes de la maison Farqhard semblent avoir un dont particulier pour trouver dans leur amour la force qui les anime au combat. En cela, tu ressembles beaucoup à ton père. Il y a la même exaltation dans tes paroles que dans les siennes. Vous ne savez pas faire les choses à moitié, ni l’un ni l’autre. Même si ton père n’est pas le farouche combattant que tu es, ce n’est pas rien que d’être capable de forger des merveilles comme celles qu’il me donnât, il y a bien longtemps, et avec lesquelles je combats toujours. C’est étrange d’ailleurs. Le sang des Farqhard a produit deux hommes d’une trempe inhabituelle en deux générations, sans que rien ni quiconque ne les ai précédé. J’ai toujours été surpris par le rideau de fumée qui précède l’entrée de ton père dans l’Ordre des paladins. Personne ne sait qui furent ses parents, ni d’où ils venaient. La trace de leur existence a tout simplement disparue, comme balayée de la terre. Je ne peux pas croire que des hommes d’une telle qualité n’aient pas été précédés par d’aussi valeureux ancêtres. Qui donc a jeté votre nom dans l’oubli, et pourquoi ? » Voyant Soleine s’avancer vers la sortie de l’église, Arslann prit congé de Bowen. Mais il vit son père approcher la jeune clerc et la saluer. « - Bonjour à vous, fille de la Lumière. « - Bonjour, noble paladin. Que la Lumière de Camelot illumine vos pas. « - Je vois avec plaisir que votre initiation progresse. Bientôt, vous aurez connaissance de tout ce que notre Eglise peut avoir à vous apprendre. Votre initiation prendra fin, vous serez prête pour accompagner votre sœur et mon fils en expédition. Je voulais vous demander de me suivre à la forge, votre sœur m’a commandé une partisane. Je me proposais de la forger et de vous la confier ensuite. » Ils partirent donc vers la maison des Lions Ailés. Arrivés à la maison, Gwodry la fit visiter à Soleine. De nombreux souvenirs avaient été accrochés aux murs. Il raconta l’histoire de chacun d’eux, de celui qui avait rapporté tel objet, des anciens Lions morts au combat dont les armes exposées rappelaient le souvenir. Alors qu’il commençait à forger l’arme, ils vinrent à parler d’Arslann, de l’éducation sarrasine qu’il avait reçue, de sa découverte des merveilles d’Albion. Soleine compta au forgeron les exploits de son fils lors des récentes batailles du val de Béryl. « - Même raconté par vous qui, pourtant, avez pris une part active à ces combats, je me demande encore s’il n’y a pas quelques exagérations dans votre récit, et surtout dans ceux qui m’ont été rapportés. J’ai du mal à croire qu’un mercenaire albionnais puisse se transformer en lion en plein combat comme le font nos ennemis bersekers ou protecteurs. Chanir prend très au sérieux ces croyances sarrasines. La Lumière ne m’a rien apporté dans la compréhension de cette histoire. Ou plutôt si, il y a quelque chose que vous devez savoir Soleine. » Sa voix était devenue grave. Il s’était interrompu, et regardait la jeune clerc avec beaucoup d’intensité. « - Vous devez probablement vous interroger sur la nature des relations qui nous unissent, Arslann et moi. Autant il est proche de sa mère et de sa sœur, autant rien de profond ne s’est jamais passé entre nous. Je suppose qu’il a du vous en parler. Il semble éprouver un profond malaise en ma présence. Nous pensions que ce malaise s’atténuerait avec le temps, qu’au fur et à mesure qu’il s’imprégnerait de la civilisation albionnaise, il se sentirait moins étranger. Il n’en est rien. C’est même pire, je crois. Et ceci depuis qu’il combat à vos côtés. » La jeune femme regardât le paladin avec surprise, elle se serait attendue à tout sauf à ce discours dans la bouche du père d’Arslann. «- Je ne permettrais pas de vous faire la moindre remarque à ce sujet. J’ignore s’il y a une relation de cause à effet entre votre rencontre et cette crispation survenue entre lui et moi. Quoique l’on pourrait facilement supposer de bien jolies choses entre un jeune et fougueux garçon avide de faire ses preuves et une si délicieuse jeune femme. » « - Sire forgeron, je puis vous assurer qu’il n’y a rien entre Arslann et moi que la morale ou la sainte Eglise de Camelot pourraient réprouver. Je suis une clerc de la Lumière de Camelot ! Et puis, jamais ma sœur n’accepterait de se rendre complice d’une telle chose. » « - Ce point particulier ne me regarde pas, mon enfant. Quel que soit la nature de vos relations, Arslann est un homme maintenant. Je ne me prononcerais à ce sujet que s’il sollicite l’avis de son père, et croyez bien que je n’ai jamais fait parti des bigots que notre sainte Eglise héberge en son sein. Soyez rassurée, je n’ai aucun doute sur votre pureté, Soleine, assister au spectacle de votre transe initiatique fut un rare moment de bonheur pour le petit soldat que je suis. Gwennda voit en vous une âme à la pureté exceptionnelle. C’est exactement l’image que je garde de votre transe. Mais, ce n’est pas là où je désire en venir. C’est d’Arslann dont il s’agit. » « Arslann n’est pas un enfant de la Lumière » dit il soudain abruptement. « Il a été élevé loin d’Albion, loin de l’éducation que la sainte Eglise dispense à chaque enfant. Bien que Chanir ait pris bien garde de lui enseigner les rudiments de notre civilisation, Arslann reste marqué par son passage chez les sarrasins. Ne croyez pas que la présence d’hommes et de femmes ne suivant pas la Lumière de Camelot me pose le moindre problème, je suis bien éloigné des principes rigoristes qui animent certains de mes compagnons paladins membres de l’Inquisition. Mais il y a quelque chose en Arslann qui le différentie des autres sarrasins. Vous savez que nous autres paladins avons reçu de la Lumière le don de voir dans les profondeurs de l’âme de toute chose vivante si une parcelle de la Lumière y existe. Etre en votre présence lorsque l’on possède ce don, c’est être inondé de la Pure Lumière d’Albion. Votre âme est entièrement baignée dans la Lumière. Arslann résiste à cet examen. Un voile gris et opaque soustrait son âme à mon examen. Et je soupçonne qu’il ait conscience que je l’ai déjà soumis à cet examen, d’où le froid qui nous sépare. Je ne sais comment expliquer ce phénomène, ni pourquoi il se produit. Mais tout ce passe comme si Arslann me fuyait pour se soustraire à mon regard. Je tenais à vous informer de ceci, sachant que vous êtes maintenant très proches, et que bientôt de terribles épreuves vous attendent car vous serez bientôt autorisés à descendre dans les profondeurs fangeuses des Abysses. Là, vous trouverez ce qu’il y a de pire sur notre terre, ce qu’il y a de plus bas et vil. Vous aurez besoin de faire appel à la moindre parcelle de la Lumière qui baigne votre cœur. J’ignore comment Arslann fera dans une telle situation, je tenais à vous en prévenir. Peut être l’illumination que vous avez reçue vous donne-t-elle un regard plus profond que n’est celui du misérable paladin que je suis. Peut être pourrez vous déchirer ce voile et voir ce qui se cache derrière. Peut être la Lumière vous a t’elle mis auprès de mon fils pour faire pénétrer la sainte illumination dans son âme. » « Soleine, je crois qu’Arslann a besoin de vous, ne le laissez pas résister à l’illumination, je vous en prie ! » Le monstre faisait bien 4 mètres de haut. Il était d’un noir brillant, presque lumineux. La lumière étrange qui l’entourait semblait à la fois l’éclairer tout en étant plus sombre que lui. L’espace dans lequel il se mouvait était également étrange, distordu comme si aucune des lois que nous connaissons ne s’appliquait en ce lieu. L’être abominable était un manticore, le plus gros que l’on n’ait jamais vu. Un corps trapu de lion, des ailes de chauve souris, une queue de scorpion au bout de laquelle un aiguillon venimeux était prêt à frapper, une tête de lion qui portait un visage humain. Soutenu en l’air par le lent battement de ses ailes, il attendait que l’homme s’approche. Il vint devant l’animal. Il semblait confiant, nullement impressionné, résolu à affronter l’horreur qui se dressait devant lui. A ses côtés, trois lions noirs se tenaient, énormes eux aussi, semblant obéir aux ordres de l’homme. Alors que deux lames brillantes jaillissaient dans les mains de l’homme, les trois lions bondirent sur la Bête, un sur chaque aile, le troisième immobilisant la queue et le dard empoisonné, rendant inefficace cette arme terrible. Alourdi par le poids des 3 lions, le manticore fut attiré au sol. L’homme engageât alors le combat. Il tournoyait autour du monstre, ses lames lumineuses décrivant d’amples courbes dans l’espace sombre de ce lieu étrange. Bien qu’handicapé par les fauves qui s’accrochaient à lui, le manticore restait un adversaire redoutable, dont les pattes griffues tailladaient profondément la chair de l’homme. Mais il semblait n’en rien sentir, continuant à tourbillonner autour de la chose noire. Chaque coup de pattes le déchirait, mais également, chaque coup que l’homme portait au monstre faisait apparaître une nouvelle blessure sur le corps de l’homme. Dans ce lieu où le temps et l’espace ne semblaient pas exister, le combat se poursuivait, l’homme trouvant en lui les ressources pour affronter l’horreur posée devant lui. Soudain, l’homme ouvrit les bras écartant largement ses lames. Le manticore lançât alors sa gueule béante vers la tête de l’homme. Celui ci esquivât en se penchant en arrière, et l’animal mythique s’avançât alors pour de nouveau lancer une attaque de ses crocs puissants. Alors que ses crocs se refermaient sur la gorge de l’homme provoquant un jaillissement de sang, les deux lames se croisaient sous le coup de l’animal, et dans un grand mouvement de ciseau, alors qu’il succombait à la morsure empoisonnée, les deux lames tranchèrent la tête du manticore qui roulât au sol. Le corps sans tête de l’animal s’effondrât alors sur le cadavre atrocement mutilé de l’homme. Emportée par l’élan du coup d’épée, la tête roulât sur quelque distance pour venir s’immobiliser au pied d’une espèce de statue de lumière. Il y avait 8 statues lumineuses, disposées en cercle. La lumière devint moins éblouissante, et l’on put distinguer alors qu’il s’agissait d’un homme. Les autres statues se mirent également à bouger, révélant chacune une femme ou un homme en tenue de combat. 4 paladins, 2 clercs et 2 moines composaient le groupe que l’on avait pu prendre pour des statues. Laissant finalement son regard descendre vers la tête de l’animal, Gwodry reconnût le visage du monstre, celui d’Arslann. Couvert de sueurs, Gwodry sortit brutalement d’un sommeil agité. L’image de la tête monstrueuse portant le visage de son fils encore en mémoire. C’est avec la même image atroce qu’au même instant 7 autres combattants albionnais sortaient du même sommeil agité. Merci à Chanir, Macguyre et Aripha pour leurs corrections. La suite... |
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Gwodry / Arslann |
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