[Anim GOA] - La Chute de la Reine Noire

 
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La Chute de la Reine Noire

« - C'est fait Sire ! Leurs dernières troupes ont été mises en déroute et nous ne rencontrons plus aucune résistance organisée. Il ne reste plus qu'à forcer le donjon où s'est réfugiée la Reine Noire. - Très bien lieutenant. Donnez l'assaut. Il est temps d'en finir à présent. » - Extrait des militaires concernant les opérations menées sur Heimaey.

Je dois vous dire tout d'abord que les combats qui ensanglantèrent l'île d'Heimaey furent parmi les plus meurtriers dont j'ai été témoin au cours de ma longue vie de guerrier. J'étais de toutes les batailles de ces vingt dernières années, j'ai vu la sauvagerie du sac de Caer Witrin, la fureur désespérée des défenseurs de Dun Crauchon, ou les terreurs qui rodent au cœur des Monts de Pennine, aussi vous pouvez me croire lorsque je vous affirme que le Royaume de la Reine Noire et ses forteresses formidablement défendues constituaient l'une des plus formidables menaces que notre royaume ait jamais affrontée.

Acculés, les Geershas et les Borogoves se sont farouchement cramponnés à leurs murailles et nos braves ont payé un tribut élevé avant de réussir à les emporter. Oui en vérité, j'ai vu nombre de compagnons disparaître au combat ces jours-là, au pied de ces forts de douleur ou au cœur d'endroits maudits, lieux de malheur et de désespoir, hantés par des âmes qui n'avaient jamais trouvé leur repos.

Mais les nôtres étaient résolus à payer le prix. Les sacrifices, les souffrances ne furent pas vains et la Reine Noire aux abois fut finalement abattue. Celle qui avait orchestré ces massacres sanglants, celle qui avait voulu ces conquêtes aveugles, celle dont les mains étaient couvertes du sang des innocents n'était plus.

Les derniers séides de la reine en fuite, nous pûmes enfin hisser nos bannières au sommet de son fief. Après de longs mois de guerre, une menace était écartée à jamais. Il était temps alors pour nos troupes victorieuses de rentrer au pays, mais avant de se replier, elles ont fait de nombreuses découvertes et pu s'emparer de quelques documents.

Certains manuscrits étranges ont d'ailleurs d'ores et déjà été remis entre les mains de nos plus grands érudits et nul doute que leur étude ne nous aura révélé bon nombre d'informations importantes au sujet de ces peuples barbares, de leurs plans de conquête et des raisons qui les ont poussées à venir nous défier sur le sol même de notre royaume.

Nous avons également pu faire quelques prisonniers au hasard des affrontements qui rougirent le sol de l'île, même si la plupart de ses défenseurs ont combattu jusqu'à la mort. Les interrogatoires se sont avérés très fructueux, une fois nos nouveaux hôtes poussés dans leurs derniers retranchements, et je vous livre ici la retranscription d'une de ces amicales discussions.

Heimaey

« - Une île de glace et de feu. Une île où la vie s'est nichée au centre d'un volcan endormi depuis longtemps, à la lisière des glaces septentrionales. Et bien, ce ne sera pas simple d'amener les navires jusque là ! » - Le Capitaine Harcourt estimant les probables difficultés à surmonter par ses navires.

Je dois reconnaître, étranger, que nous n'avons pas ce que vous appelez des archives. L'âme de mon peuple réside vois-tu dans les veillées, les skalds qui conservent précieusement ses souvenirs, ses légendes, ses victoires ou ses défaites et les transmettent aux enfants le soir autour des flammes. Je m'en vais essayer néanmoins de te conter l'histoire de mon peuple, l'histoire d'Heimaey, mais peut-être d'abord dois-je te décrire celle-ci, ce havre de paix qui n'est plus que ruines et désolations à présent, souillé à jamais du sang des hommes et des bêtes, une terre par trois fois maudites…

Heimaey est une petite île, une ancienne terre à la colère enfouie au plus profond des siècles. Il y a déjà longtemps que le feu primitif a cessé de ravager ses vallées et la vie est venue peu à peu se nicher ici tel un trésor oublié, à la limite des glaces éternelles, au cœur de cet ancien cratère. Les graines et les oiseaux furent les premiers à suivre les vents sauvages jusqu'à ces vallées reculées que les hommes n'étaient hélas pas voués à ignorer éternellement.

Oui étranger, les récifs qui enserrent Heimaey de leurs griffes avides sont parmi les plus traîtres que mon peuple a rencontrés et aucun navire ne peut espérer aborder ces côtes abruptes sans connaître un funeste destin. Les rares rescapés, drossés sur le rivage par ces vagues sans âme sont condamnés à périr sous la violence des éléments. Une chance, une seule s'offre à eux : trouver l'une des trois voies d'accès au cœur de l'île, l'un de ces chemins creusés année après année par les torrents rugissants du printemps et il faut alors affronter la force et la vigueur de ces eaux gelées qui ont vite fait de glacer les plus robustes avant de pouvoir découvrir enfin les merveilles de cette île préservée.

Au fil des siècles, par cinq fois, le sanctuaire d'Heimaey fut ainsi violé.

Les Vestens

« Les Vestens s'en sont allés De par les mers, ils ont quitté, Les sentes, les vallées, D'Hibernia pour l'éternité. Et la Pierre à leurs côtés, a disparu. » - Extrait d'une ancienne ballade d'Hibernia.

Les premiers furent les Vestens. Ils abordèrent les côtes escarpées de l'île il y a très longtemps de cela, alors que le monde était encore jeune. Ils fuyaient dit-on la colère d'un roi ou d'un dieu lointain et emportaient avec eux l'avenir d'un royaume qu'ils ne reverraient jamais. Pressés par le sang et les armes, ils avaient embarqué quittant leur patrie sans espoir de retour, sans vivres, sans armes, sans vêtements... Le voyage fût effroyable, la plupart succombèrent et ne virent jamais les côtes d'Heimaey se dessiner dans le soleil couchant.

Ceux qui avaient survécu étaient démunis, affaiblis mais ils étaient forts. Ils s'abritèrent quelques jours sous les pentes escarpées puis trouvèrent l'une des trois voies. Ils découvrirent enfin alors Heimaey, son cœur, ses douces vallées et ses sombres forêts, ses ruisseaux et ses lacs aux eaux de neige.

Mais Heimaey était, en ces temps, hantée par les terribles Geershas. Féroces, ils s'abattirent soudainement sur les Vestens épuisés et le sang vola au soleil. Mais il était puissant le sang de Ceux qui avaient survécu, de ceux qui avaient bravé la furie de trois rois et de mille océans. Leur volonté et leur colère étaient grandes et ils fondirent sur les maudits et les dispersèrent à jamais. Leur rage était telle qu'ils ne ressentaient blessures, fatigue ou faim, et nombreux ils en tuèrent avant que les bêtes immondes ne renoncent et ne refluent, vaincues, au cœur des cavernes obscures où elles se terraient depuis toujours.

Ceux-là étaient aussi des bâtisseurs et ils avaient soif de paix. Ils fondèrent Dun Farach et ils vécurent en harmonie en cœur d'Heimaey pendant des siècles et des siècles, épargnés par la fureur des hommes, des guerres et des dieux.

Les Borogoves

« - Continuez. Il finira fatalement par parler. Personne ne peut résister à ça. - Heu.. Sûrement oui… Mais encore faut-il qu'il lui reste la force de nous raconter quelque chose, vous savez… » - Interrogatoire d'un Borogove récalcitrant.

Nous sommes les Borogoves. Nous fûmes les seconds.

L'histoire n'a pas retenu le nom de ce roi qui prit la mer en quête de gloire et de pillage par une belle matinée de printemps. Il est murmuré que Loki s'était longuement entretenu avec lui la veille du départ, que Odin lui-même était venu le saluer à son départ… Quoiqu'il en soit, il est sûr que ce roi disparu nous mena en des territoires inconnus. Toujours plus près des glaces nous errâmes, et les prodiges furent nombreux, les richesses conquises et les villes brûlées. Nos chants évoquent cette épopée mais je ne les chanterai pas ici, pas maintenant, pas pour toi étranger. Pas même sous la morsure de tes lames.

L'hiver s'approcha mais jamais le roi ne renonça à ses rêves et les drakkars ne revirent jamais les fjords où ils étaient nés. Une nuit d'hiver, les glaces se vengèrent de ceux qui les avaient tant défiées. Elles prirent les fiers navires dans leurs bras de neige pour leurs chanter une berceuse sans fin, un chant d'adieu et de tristesse.

Mais les dieux ne voulaient pas de cette fin. Assemblés, ils se concertèrent longuement et finalement, la nuit suivante, mes aïeux, réfugiés sur la mouvante banquise reçurent leur guide. Etincelante, elle éclaira leur marche trois jours et trois nuits et les mena à l'orée d'Heimaey, qui est le royaume que les Dieux nous offrirent.

Sans hésiter, nous commençâmes à remonter l'un des trois torrents et découvrîmes bientôt à notre tour, le joyau d'Heimaey. Nous rencontrâmes aussi les Vestens au pied de Dun Farach. Nos ancêtres étaient valeureux mais la conquête ne fût pas aisée. Vaillants se révélèrent nos ennemis mais les siècles avaient appauvri le sang de cette noble race et bientôt ils plièrent l'échine devant leurs nouveaux maîtres.

Nous laissâmes Dun Farach et leur liberté aux Vesten vaincus en reconnaissance de leur bravoure et nous bâtîmes un grand fort de pierre et de bois en hommage aux Dieux qui nous avaient amené jusqu'ici et que nous nommâmes Breidablik Faste.

Les siècles passèrent et nous vécûmes heureux, épargnés par la fureur des hommes, des guerres et des dieux… Seuls les Geershas se lançaient parfois dans un raid audacieux. Nous les punissions alors en conséquence et ils conservaient un souvenir terrible de la punition que nous leur infligions … Nous aurions pu régner sur ce royaume jusqu'à Raganarok, mais le destin en décida autrement…

Draugrvaldr, le Maudit

« Et dans ce pays étrange, certains skalds racontent encore à la veillée l'histoire exemplaire de ce prêtre qui défia les dieux, de celui qui crut mériter honneurs et richesses et qui en réalité fut jugé par ses pairs et condamné à la peine la plus infamante qui soit au sein de ce peuple, l'exil. L'histoire n'a pas retenu son nom cependant mais ce n'est pas le plus important, vous le voyez bien. » - Godric Pousse de Chêne et Guiseppe Lombardi en pleine discussion autour d'une bonne chope de bière.

Il y a de bien nombreuses années, il y a mille et mille lunes de cela, l'île fût abordée par un des nôtres. Proche des Dieux, il avait été trahi par les hommes, c'est comme cela qu'il se présenta. Draugrvaldr était son nom. Epave à son arrivée, naufragé d'une frêle esquif de bois qui s'était fracassée sur les récifs acérés, il retrouva vite sa volonté et sa puissance. Son ambition aussi. Deux ans plus tard il était maître de l'île et sous sa poigne nous réduisîmes les Vestens en servitude, eux qui avaient osé se dresser contre sa loi, contre Lui. En vérité, ce fût une ère noire me disait le père de mon père qui le tenait du père de son père.

Cela dura jusqu'à l'arrivée du Chevalier Sans Honneur. Il ne fuyait pas lui, il cherchait la mort, mais si elle se laissait courtiser avec ravissement, volage elle se dérobait à ses assauts. Il fût trouvé sur la plage par une jeune femme au milieu des restes d'une méchante barque. Elle eût pitié de ce vieillard usé et le recueillit, en prit grands soins. Et le vieillard finit par se relever, appris la langue et délaissa enfin celle qu'il avait tant cherchée pour se réfugier au creux de bras plus doux et plus amants.

Mais la nouvelle de sa venue vint finalement aux oreilles du grand roy. Suspicieux il ordonna à ses hommes de lui amener l'étranger. Hélas ce dernier, quand ils arrivèrent à la petite cabane de bois qu'ils partageaient avec celle qui l'avait sauvé des flots, n'était pas là. Déçus, ils se vengèrent sur la pauvre innocente.

Le reste de l'histoire est fort triste et je n'aime pas en parler. Sache cependant que le Grand Roy avait eu tort de provoquer l'ire de celui qui devait se révéler Chevalier. Longtemps la tête de Draugrvaldr oscilla au gré du vent, aux murs de Breidablik Faste, sa bouche muette lançant une ultime malédiction sur la contrée qui l'avait accueilli.

Alors le Chevalier Sans Honneur devint Roy d'Heimaey et il se révéla grand en vérité. Il régna de longues années, prit femme, et fit bâtir deux fières forteresses : Caer Eiris qui devint la nouvelle capitale de l'île et Longuegarde en laquelle il fit ensevelir le corps de son amie.

Au crépuscule de sa vie, celui qui s'était perdu et retrouvé, fût rappelé par les Dieux. En compagnie de sa fille, il embarqua pour son dernier voyage. Il laisse son fils Aran Œil-d'Ambre à Caer Eiris et ce dernier régna sagement jusqu'à sa propre mort. Oui elle fût glorieuse en vérité l'histoire de mon royaume, de mon peuple.

Les lunes de sang

« - Les Geershas seront demain devant les portes de Breidablik Faste, nous ne pouvons plus attendre, il faut prendre une décision ! Nous n'avons que deux choix possibles vous le savez bien. - Oui je sais. Le déshonneur ou la mort. » - Propos tenus lors du dernier conseil libreBorogove.

Il y a quarante printemps de cela je naquis. Et je n'avais que onze ans lorsque j'entendis pour la première fois parler de la Dame Noire, de la Reine des Geershas.

Elle était arrivée sur l'île par une nuit sans lune, le regard habitée d'une étrange folie, de sa puissance aussi. Elle avait su trouver son chemin vers le cœur de l'île rapidement, au milieu des ténèbres épaisses de la nuit profonde. Son pied était sûr comme si elle connaissait parfaitement son chemin, elle qui foulait Heimaey pour le première fois et mon père nous a murmuré sur son lit de mort bien des années plus tard qu'il était certain que le Démon veillait déjà sur le moindre de ses pas.

Sans hésiter, elle gagna les hautes montagnes escarpées, repère de l'antre des Geershas et descendit seule au plus profond des obscures cavernes. Là elle rassembla les sombres créatures et pendant trois jours et trois nuits, elle leur parla de la surface, de l'air libre, de l'herbe et des oiseaux, de la terre où avaient vécus leurs ancêtres, de ceux qui les avaient condamnés aux noires entrailles et les maintenaient ainsi sous leur joug. Le quatrième jour elle exécuta le plus grand sorcier de ce peuple, le seul qui osait encore lui résister et elle mena les autres vers le soleil et la guerre, vers les peuples d'Heimaey qui ignoraient encore tout de sa venue.

Les Geershas assoiffés de sang, emplis de haine et de cruauté émergèrent de leurs demeures de roches à la tombée de la nuit, la Reine à leur tête.

Le sang, la peur, éclaboussèrent Heimaey. Ce furent les Lunes de Sang.

Hantant les forêts de l'île, elle mena ses démons à la guerre avec une férocité et une cruauté sans égale. Inlassables, imprévisibles, ils fondaient sur les hameaux et les villages pour les réduire en cendres, ne laissant que quelques survivants apeurés conter l'horreur dont ils avaient été témoins.

Naturellement mon peuple, comme tous ceux de l'île partirent en guerre. Hélas sa puissance était telle que nos plus vaillants héros ne furent rien devant elle.

Les murailles de Longuegarde la grise, bientôt furent emportées. Les défenseurs se battirent avec vaillance mais à la nouvelle lune, la Reine donna en pâture à ses Geershas affamés ceux qui avaient osé lui résister. Longuegarde n'est plus à présent, et Nahagarash est aux mains des démons.

Les portes de Dun Farach l'éternel enfoncées, les Vestens furent piétinés et massacrés. Courroucée, la Reine réduisit en esclavage les survivants et les dispersa dans toute l'île. Elle immola personnellement tous ceux qui avaient tenu tête à ses maudits… Le lieu est maudit étranger, et nul jamais n'y retournera…

Alors nos pères prirent peur. Nul n'avait le pouvoir comprends-tu de combattre le mal. Par une triste matinée d'automne, les portes de Breidablik Faste s'ouvrirent devant les hordes de la Reine et nos pères se soumirent à sa volonté. Ils devaient survivre, comprends-tu étranger…

Longtemps les derniers défenseurs de Caer Eiris bravèrent le courroux de la Dame Noire. Mais les maléfices sont plus forts que le courage et la vaillance. Ils viennent à bout des armes comme de la volonté. La Reine ne laissa vivre aucun de ceux qui s'étaient opposés à Elle. Leurs âmes servent maintenant ses noirs desseins dit-on.

Ce fût le début de son règne et il devait durer trente longues années.

La Reine

« Par ta seconde venue, tu nous as apporté ta vengeance, et libéré notre peuple opprimé de la descendance de l'usurpateur. Louée soit la noire main vengeresse de ta fille, corps de ton esprit, qui a su répandre le sang des voleurs de trône ! » - Une prophétie Geersha déchiffrée par les érudits des royaumes

La Reine s'installa dans les ruines de Caer Eiris qu'elle fit rebâtir par ceux qui avaient courbé l'échine devant sa puissance. Très vite, elle distingua certains des nôtres et les nomma à ses côtés, leur offrant terre, pouvoir et richesse en échange de leur soumission absolue. Mon père fût de ceux-là, et c'est ainsi que je suis venu vivre à Caer Eiris au milieu des ténèbres de la cour par une soirée d'automne sans lune. C'est là, pendant les années qui s'ensuivirent, que j'ai appris à la servir, à la connaître, et finalement à l'aimer.

Car elle n'était pas coupable vois-tu. Reine de douleur certes, Reine de cauchemars, jamais.

Nommé dans sa garde personnelle, j'ai appris à la connaître peu à peu. C'était une femme d'une grande force certes, mais elle était aussi habitée de terreurs sans nom. Impitoyable, elle pouvait ordonner sans ciller l'exécution de ceux qui avaient bravé sa loi, et pourtant la nuit je l'entendais parfois sangloter seule dans ses appartements.

Moi qui approchait régulièrement la Reine, il me fallut longtemps pour me rendre compte de la présence du Démon. Oh il n'était pas là tout le temps bien entendu. Mais parfois, lorsque le vin coulait à flot, lorsque la Reine s'épanchait jusqu'à plus soif sur ses conquêtes futures, lorsqu'elle abreuvait d'injures les royaumes de Midgard, d'Albion et d'Hibernia, ceux qui subiraient son courroux lors de la prochaine conjonction, parfois oui, on pouvait sentir le monstre tapis tout prêt, soufflant son venin dans l'âme de sa marionnette.

C'était l'odeur qui nous prévenait peut-être tout d'abord de sa présence. Un relent indéfinissable, douceâtre et écœurant qui flottait dans l'air à ces moments-là. Et puis quelques instants plus tard, il y avait la lueur dans le regard d'Ysja. Ses prunelles sombres qui flamboyaient soudainement d'une rage animale. Et à ce moment-là, elle se mettait à parler, à crier, tempêter. Elle exigeait vengeance de ceux qui l'avaient conduit à l'exil, de ceux qui avaient pris sa mère, du Chevalier Sans Honneur aussi parfois…

Je crois que quelque part elle savait dans ces moments qu'il était là, et qu'elle luttait, luttait de toute la force de son âme. Mais elle n'était pas de taille à lutter vois-tu et cela la rendait folle.

La Conquête

« Krambar dévale la pente rocailleuse à grandes foulées, les pierres roulent sous ses pas et déjà il aperçoit la grande pierre au détour de laquelle on voit le village. Comme il la contourne, la masse glisse entre ses doigts alors que lui échappe un hoquet de stupeur. » - Un troll découvrant les ravages commis par les hordes geershas sur Midgard…

Pendant trente longues années, toute une vie d'hommes, nous nous sommes préparés à la guerre. Oui étranger, entre deux grandes conjonctions de lune, seul moment où les flots recouvrent suffisamment les traîtres récifs, ou l'île devient accessible par mer et ce pour quelques mois seulement, il s'écoule toujours trente ans. Et nous les avons mis à profit crois-moi !

Pendant trente longues années nous avons affûté nos haches, poli nos armures. Pendant trente longues années, les meilleurs d'entre nous se sont mesurés chaque mois devant le regard impitoyable de celle qui était notre Maîtresse.

Pendant trente longues années les hordes de Geershas se sont multipliées et chaque saison, ils partaient en expéditions au cœur des montagnes, capturer et dompter les grands vers sauvages qu'ils nomment Wyrmarashs dans leur langage qui est une insulte à la face des Dieux..

Et Elle nous a transmis sa soif, étranger, sa soif de conquête et de combat, de pillages et de massacres ! Je ne sais si c'est le Démon qui lui soufflait ces rêves de conquête mais tes terres sont verdoyantes et fertiles, et vous sembliez faibles, paresseux et couards, nous pensions déferler sur votre contrée comme un ouragan de fer et de sang !

Et enfin le jour est venu. Par une belle matinée et devant le regard de la Reine, les premiers drakkars ont quitté Heimaey pour cingler vers vos lointaines contrées. Nous avons bravé les dangers et les tempêtes, nous avons bravé la maladie, la soif et la faim et nous sommes finalement arrivé en vue de vos côtes. Oh, plus d'un drakkar s'est fourvoyé sur la route et certains ont même été attaqués par des monstres géants qui avaient quitté pour la première fois de leur ténébreuse vie leurs antres abyssaux. Oui, en vérité nous étions maudits, tous, mais nous ne le savions pas.

La suite tu la connais, étranger, je ne vais pas te raconter en détails toutes ces manœuvres d'approche, ces éclaireurs que nous avons envoyés reconnaître tes forces, évaluer la qualité de tes guerriers, la puissance de tes magiciens. Nous avons appris vos points forts, compris vos faiblesses. Nous savions qui frapper pour plonger ton royaume dans le chaos, qui acheter pour obtenir toutes les informations dont nous avions besoin.

Alors la guerre a vraiment commencé. Les Geershas ont porté les premiers coups et bientôt notre armée a pris pied sur ton sol. Nos raids se sont fait plus audacieux, plus incisifs et nous avons même conquis certains de tes hameaux, de tes châteaux.

Mais toujours vous vous êtes relevés, étranger. Nous avons eu beau vous porter les coups les plus féroces, jamais vous n'êtes tombés, et pour un brave que nous abattions, deux prenaient aussitôt la relève. Nous avons fait couler votre sang, mais le nôtre, aussi est tombé en abondance.

Nos chefs ont vite compris que nous ne pourrions pas l'emporter. Mais la Reine, ou le Démon, n'ont rien voulu entendre. Aveuglée par sa soif de vengeance, elle nous a donné le plus funeste des ordres. Et nous avons obéi bien sûr, nous n'avions pas d'autre choix comprends-tu. Nous avons tenté une dernière fois, de vous battre sur le champs de bataille, et les Dieux m'en sont témoins, nous avons été bien prêts de l'emporter. Mais à la fin nous avons été vaincus, et bien peu sont ceux qui sont revenus jusqu'à Heimaey porter la triste nouvelle.

Oui, en vérité nous n'aurions pas du nous en prendre aux trois royaumes en même temps.

Le temps des représailles !

« La situation empire, les guetteurs Geershas ont signalé des flottes faisant voile vers l'île, abordant en deux points différents. Je leur donne une semaine tout au plus pour trouver leur chemin jusqu'au cratère. D'ici là espérons que le portail cesse de cracher des monstres de pierre et des vermines bleues. » - Fragment d'un journal brûlé tenu par un guerrier Borogove.

Notre peuple était exsangue, les couloirs jadis joyeux de Breidablik Faste étaient vides à présents et l'ombre de la mort planait sur l'île. Nous pansions à peine nos blessures lorsque vous êtes arrivés. J'ignore comment vous avez découvert Heimaey, si certains des nôtres ont imprudemment laissé des indices, des cartes peut-être, si vos magiciens ont été capables de créer un portail jusque ici.

C'est la cinquième fois que l'île était souillée et ce sera la dernière. Oui vous avez bien fait votre travail étranger, vous nous avez bien massacré. Affaiblis comme nous l'étions, ce fût un jeu d'enfant pour vous de forcer nos défenses. Nous vous l'avons fait payer bien sûr, mais cette fois-ci vous étiez disposé à payer le prix.

C'est bien. Tout cela devait se finir un jour. Dans le sang comme tout cela a commencé. La conjonction est achevée à présent m'as tu dis ? C'est bien aussi, il est temps que l'île se repose. Les Vestens ont été libérés par ceux d'Hibernia, les Geershas se sont enterrés au sein de leurs cavernes, et nous-autres Borogoves avons péri jusque dernier. La Reine n'est plus et Heimaey peut retourner à l'oubli.

C'est à mon tour à présent étranger. Tu peux partir maintenant. Je ne te dirai plus rien. Sache que je ne regrette qu'une seule chose : avoir vu flotter ton étendard sur la plus haute tour de Breidablik Faste. Laisse-moi emporter cette vision dans la mort et quitte cette cellule à présent que je puisse me recueillir en paix.

Conclusion

Nous n'avons rien pu tirer de plus de cet homme. Même nos interrogateurs les plus zélés ont déclaré forfaits devant sa pugnacité et sa volonté. Naturellement nous ne lui avons pas permis de mourir pour autant, ses connaissances sont trop précieuses pour cela, et certains de mes hommes m'ont suggéré d'amusants moyens de le retourner, ce que nous avons entrepris de faire.

Concernant Heimaey, les derniers rapports en provenance de l'île sont très clairs : la menace n'existe plus. Que la Reine Noire ait été manipulée ou non, son pouvoir et ses armées ont été totalement anéantis et nous pouvons à nouveau consacrer toute notre attention à nos véritables ennemis. Je dois d'ailleurs vous parler de cette rumeur de civilisations englouties au plus vite…
 

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