Publié par
Fabrice Tebaldi
Précisément, cette notion de réalité préexistante et qui nous serait commune ne recueille pas ton approbation.
Je n'ai pas dit ça. Je suis complètement branché sur l'histoire, qui me passionne depuis l'enfance. Au contraire, je me sais exister dans une continuité historique et même dans une tradition. Je conçois bel et bien une réalité préexistante, commune à tous. Mais je conçois aussi que l'évolution est incroyablement inégale et ne concerne pas exactement tout le monde. Les civilisations sont faites par un tout petit nombre de personnes, et subies par une majorité occupée à survivre. - d'où l'image des singes qui n'ont rien vu, rien entendu et qui, par conséquent, ne diront rien. Et bien entendu je fais la différence entre l'homo vraiment Sapiens et le Singe nu. Et je n'ai rien contre lui. C'est seulement "pas pareil".
Nous serons d'accord sur le fait que la réalité à laquelle nous avons chacun accès n'est pas absolue, mais ne nous est accessible que par le filtre de l'interprétation cérébrale (tu n'es même pas sur que ce que tu vois est ce que tes yeux "voient").
Exact de mon point de vue et c'est historique. L'image du monde qu'on avait au XVe siècle n'a rien à voir avec celle que nous avons aujourd'hui. Mais il se pourrait qu'il y ait plusieurs chemins de connaissance et qu'aujourd'hui le totalitarisme ait changé de camps.
Je soutenais pour ma part que le réel existe en soi, préexiste, et que nous y avons accès de façon commune, partageable, par nos caractéristiques d'espèce (possible également en partie en inter-espèce, les plus proches), source de l'empathie.
Tant que le mot "réel" n'est pas réellement défini et qu'il demeure relatif, il ne peut pas être commun. Il est relatif.
Par contre je considère la matérialité comme absolue puisqu'elle est le résultat d'une opposition entre les atomes. Et qu'elle est commune à tout ce qui est matériel.
Pour moi la notion de "réalité" est une notion subjective. Peut être parce qu'elle ne s'oppose à rien qu'à elle-même en fait. Cette réalité est définie par nous et c'est "chacun la sienne" - d'où la source des conflits. La matérialité ne propose rien de tel. Elle est admise et acceptée par tous. C'est la réalité des réalités.
Tu adoptes une position radicale en réduisant cette connaissance sensible à l'individu, au moi, de façon indépassable.
Oui. Et cela est connu depuis la plus haute antiquité. Il y a la Masse gérée par les lois de l'espèce, puis la naissance de l'individualité pensante, la personne individuelle qui marche directement vers une expérience personnelle, des solutions personnelles qui vont être adoptées par les autres et entrer dans une culture donnée. La culture n'est pas un phénomène de masse, elle est toujours initiée par une personne, un chef, un génie ou ce que tu veux. Toute l'histoire repose là dessus. Je n'y peux rien. A moins que tu veuilles tuer encore César ou Napoléon.
C'est précisément le solipsisme.
Joli mot, qui m'était inconnu. Mais ne me concerne pas. Je suis une personne et pas un nombre encore moins une étiquette. Je n'ai pas une telle importance, mais je n'ai aucune raison de penser que ma vision du monde est une merde. Elle est certes perfectible. Elle ne s'étaie pas sur les mêmes données que toi. C'est vrai que j'essaie de comprendre plutôt ce que disaient les anciens que ce que me bafouillent les modernes. ( mais avec nuances car il y a des gens qui me stupéfient) Je crois que ces anciens comprenaient à leur manière bien des choses que nous ignorons aujourd'hui et que nous finirons par comprendre, imbus que nous sommes aujourd'hui de notre prétendue supériorité.
Tu avais même écrit que rien ne te permettait de savoir si le réel avait existé avant toi et existerait après, ou au moins que rien ne pourra te démontrer qu'il y était ou y sera.
Oui. Et justement parce que le vrai tissu de ce monde est la mémoire - la persistance de l'information- Et aussi parce que chaque époque a déformé selon ses intérêts les données relatives à ce monde ( le Catholicisme ne s'est est vraiment pas privé !!) Donc je considère que tout peut être aussi faux que vrai et qu'on ne peut avoir aucune certitude sur ce qui est réellement passé. Tout n'est qu'interprétation. ça n’empêche pas que toute info est essentielle.
Mon monde, ton monde, dis-tu. Tu assimiles ainsi le monde à un individu. C'est du solipsisme. Tu me soutiens dans un mouvement de retrait que j'existe, que les autres existent. Mais dans cette même logique, rien ne te permet de le démontrer, et je ne suis qu'un élément de plus dans ton monde, une simple interprétation.
En tous cas, elle résiste. Je dois être maso. Rassures-toi. Je sais que tu es là et que tu existes. Tu es Abel et je suis Caïn.
Dans ce cadre le dialogue, la responsabilité, ou toute valeur n'ont plus aucun sens.
Ma responsabilité historique est quasi nulle, mais personnelle est totale. Je paie chaque jour chacun de mes gestes. Je n'accuse jamais personne de mes propres déboires ou si je le fais (ça m'arrive) je sais que je suis de mauvaise foi. Ma connerie est bien la mienne. Mon ignorance aussi. Je suis responsable de tous ceux ou celles qui croient en moi, qui espèrent quelque chose de moi, qui ont confiance en moi et que je ne veux en aucun cas tromper, mais qui doivent aussi savoir que je ne suis qu'un humain et que je peux merder. Et je suis aussi responsable de la chatte.
Reconnaitre la possibilité d'une interprétation commune, ou du moins partageable, sensible, identique, ouvre la porte à une réalité commune, qui n'est pas la réalité absolue mais une réalité d'espèce ou de groupe (que l'on soit universaliste dans le premier cas ou pas dans le second).
Oui. Mais pour moi c'est affectif. ça passe par l'affectivité, l'admiration. Peut être que "amour" est un peu grandiloquent. Mais j'ai besoin d'admirer, "d'être avec", de caresser, de bisouter. C'est peut être con, mais bon...
Ben tu vois que je peux te comprendre, même si pour autant je ne suis pas tout à fait d'accord
Rationnel universaliste, ok, matérialiste aussi (donc pas vraiment post structuraliste, mais avec des morceaux d'essentialisme à petites doses dedans). Relativiste intellectuellement (déterminisme oblige) mais non culturaliste, justement pour un universalisme, trait de la gauche, opposé au post-colonialisme (donc sans l'essentialisme de bazar)
Bon faudrait entrer dans les détails

Dis comme ça c'est un peu brut de décoffrage.
Darcy, post-structuraliste ? J'en doute. Bien sur si l'on se réfère au relativisme affiché ça pourrait coller, avec l'idée que rien ne préexiste à l'interprétation.
Seulement il pense que la liberté de l'individu est totale, là où le structuraliste et post pense que l'individu est déterminé par les structures (le relativisme consiste alors à montrer que le changement de structures change les valeurs). Bon, en plus il y a plusieurs post modernes ou post-structuraliste qui s'opposent, sinon dans la méthode au moins dans les interprétations (forcément)
Cette idée de liberté de choix ferait plutôt de Darcy un existentialiste, dont le structuralisme and bros est la critique radicale. Le structuralisme est une immanence en extériorité, une vision du dehors (quadrature du cercle pour un individu) alors que Darcy apparait comme replié au dedans jusqu'au solipsisme, comme les deux extrémités opposées d'un anti-humanisme.
Mdr. J'ai l'impression d'être chez le pharmacien.
En plus Darcy renvoie à l'expérience, et là je perds pieds avec sa propre logique. D'ailleurs le structuralisme aussi ne suit pas cette voie, puisqu'il renvoie toute référence à l'expérience à un retour de l'essentialisme. Si y'en a un qui aurait pu se vautrer bêtement dans l'essentialisme, c'est bien le matérialiste. Je vous rassure, on peut être matérialiste et subtil. L'histoire d'un monde pour chacun, inaccessible aux autres, est précisément purement théorique. C'est l'exemple même de la théorie, de l'interprétation préexistante. C'est une construction idéale, de l'idée, et en cela il m'apparaissait plutôt spiritualiste en quelque sorte, plutôt que matérialiste. C'est quoi ce retour de l'expérience ? J'approuve, mais ça rend le raisonnement bancal.
Mdr. Je ne comprends pas un mot.
Mais pour être franc avec toi, j'ai dû accepter de ne rien savoir au départ et d'avoir eu à tout puiser en moi. C'est donc que c'était là. Maintenant, d'où cela venait, je n'en sais fichtre rien. Peut être que la fiction dépasse la réalité ?
(tout ça me fait penser qu'au bac, y'a bien longtemps, j'avais choisi la question "mathématiques et expérience")
Bon, voilà un beau pavé qui paraîtra indigeste à beaucoup. C'est salaud, non ?
Allez. J'en rajoute une brouette, tiens. Excusez nous. Ce n'est que le début d'un grand amour...en direct.



