Pas contre, je pleins M. Ou Mme Soluble qui vie dans un monde ou l'art "intelligent" de gauche à besoin du pognon fasciste de droite pour survivre
OK, merci de cette contribution.
A Darcy, réponse en vrac à ton message d'hier soir:
- Le positionnement politique de cette dame ne me paraît pas anodin. En effet, c'est uniquement ce positionnement politique qui fait qu'elle a quelque audience, qu'elle peut publier des bouquins, etc. Car elle se contente de mettre en musique, au service de son idéologie, des arguments développés par d'autres avant elle et qui, eux, sont de vrais érudits, des autorités intellectuelles incontestées (Fumaroli, Jean Clair, etc.), même si on n'est pas d'accord avec eux. Elle, elle n'est rien: "critique d'art" cela ne veut pas dire grand chose. Par ailleurs, qu'elle puisse soutenir des actions de destruction d'œuvres d'autres artistes la discrédite complètement comme artiste à mes yeux (et je ne parle pas de sa production personnelle, qu'on peut voir sur son site. Franchement, tu trouves ses tableaux top?).
- Comme tu l'as bien lue, tu te focalises sur Jack Lang (et Buren, ah oui, les fameuses colonnes du début des années 80) qui, je te le rappelle, n'est plus ministre de la culture depuis au moins 20 ans. J'imagine que comme elle est dans la resucée, elle recycle toujours les mêmes exemples. Quand Fumaroli publie au début des années 90
L'Etat culturel (je l'ai lu), ces exemples sont alors d'actualité et font partie de la polémique, ils ont encore une certaine vigueur. Sauf que Fumaroli montre que "l'état culturel" s'est mis en place bien avant Jack Lang (au moins dans les années 30). Jack Lang n'invente pas l'art contemporain. Sa politique culturelle est dans la lignée de ses prédécesseurs (ce n'est pas lui qui choisissait les tableaux des Pompidou) et ses successeurs de gauche comme de droite continueront cette politique. La différence, c'est que Lang avait un talent publicitaire plus affirmé que les autres, donc cela a eu un retentissement forcément plus spectaculaire.
- Ce n'est pas Jack Lang qui a inventé non plus les artistes contemporains qui sont aujourd'hui les plus cotés. Ce sont des collectionneurs passionnés (ex le galeriste Yvon Lambert), qui patiemment ont su révéler ces artistes, souvent inconnus auparavant. André Breton, qui était collectionneur, a su lui aussi repérer la beauté des arts "premiers", des naïfs, etc. avant d'autres. L'institution n'a fait que suivre ces découvreurs.
- Dans FIAC, il y a le I comme international. L'art contemporain, ce n'est pas Jack Lang ni les têtes pensantes du ministère de la culture ni la France: c'est donc un complot international!!! Par ailleurs, cet art, contrairement à l'idée reçue, n'intéresse pas que la petite élite qui peut se l'offrir: puisque tu parlais de Jeff Koons à Versailles, il faut bien admettre que cette exposition a reçu une forte réponse du (grand) public.
- Contemporain: c'est une appellation sujette à caution. Au sens propre du terme, tu es un artiste contemporain. Il est possible que lorsque tu as commencé, il était difficile de trouver un appui institutionnel (que tu n'as jamais réellement cherché non plus d'après ce que tu dit) si l'on ne s'inscrivait pas dans une démarche non figurative, conceptuelle ou "contemporaine". Or, en parcourant l'exposition de la Biennale, qu'est-ce que j'ai vu: effectivement du non figuratif, du conceptuel (parfois gadgetuel mais au moins, c'est fun et astucieux et comme on le disait plus haut, à quelque niveau en art, il faut bien épater le bourgeois, grand ou petit, puisque c'est son spectateur/acheteur) mais aussi beaucoup de figuratif, beaucoup d'œuvres palimpsestes (en gros des clins d'œil à de grandes œuvres du passé, des réécritures picturales), beaucoup d'hyper réalisme (cf succès de Ron Mueck), beaucoup (trop) de vidéo (et là on n'est pas vraiment dans le non-figuratif). Autrement dit, le contemporain reconnu par l'institution est beaucoup plus varié que l'idée qu'on en donne et il ne semble pas qu'il n'y ait désormais qu'une seule voie possible.
- Il y a beaucoup d'artistes qui ont choisi le "contemporain" (au sens restreint) et qui n'ont jamais été soutenus ni institutionnellement ni commercialement. Le contemporain n'est pas forcément la voie la plus facile. Tu disais que tu as toujours pu vivre "de ton pinceau", de ton art. Crois-tu vraiment que tu aurais eu le même succès si tu avais fait du contemporain? Crois-tu que tes acheteurs, qui se préoccupent de l'effet des couleurs par rapport à la moquette de leur salon, iront acheter du contemporain même à 100€? Je suis sûr que le marché du contemporain est moins important que le marché global du "traditionnel".
- Les spéculateurs: moi, cela ne me choque pas qu'il y ait des gens prêts à investir des sommes importantes dans l'art. Il y a des bulles, des planches pourries mais c'est pareil avec les actions. Au moins, si ça part en fumée, l'artiste ou le vendeur en aura peut-être profité avant. De plus, je pense que François Pinault est réellement (sincèrement) passionné, que c'est quelqu'un d'intelligent, de cultivé, que c'est autre chose qu'un simple spéculateur. Qu'importe si ces spéculateurs n'ont aucun intérêt pour ce dans quoi ils investissent. Ça les regarde. Tu ne vas pas refuser une vente à un client si tu sais qu'il achète parce qu'il est persuadé qu'il pourra revendre ta toile 500€ de plus sur eBay.
- 2e moitié du XIXe siècle, l'essentiel de l'histoire de la peinture se fait en dehors des institutions, des académies, des salons officiels, je ne vois pas alors pourquoi il faudrait regretter aujourd'hui de ne pas en être. Cela n'enlève rien de la valeur intrinsèque d'une œuvre. On peut tout à fait considérer que Hitchcock (qui a fait des films commerciaux, avec une histoire linéaire) est aussi important dans l'histoire du cinéma que Godard. Inversement, j'ai du mal avec ceux qui décrètent que Godard c'est nul.
- Tu sembles opposer intellect et émotion. Tu crois donc que j'aime assister à une pièce contemporaine parce que cela me fait penser à la page 236 du livre d'Antonin Artaud ou de tel théoricien du théâtre. Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire, c'est plutôt: mes lectures, mon expérience de spectateur vont faire que je ne serai pas d'emblée bloqué par une certaine idée préconçue du théâtre, que je serai plus à l'aise (et puis, effectivement je vais repérer deux ou trois trucs, comme toi lorsque tu regardes la technique d'un autre peintre). Non, ce que je recherche, c'est bien évidemment le choc émotionnel, sortir d'un spectacle complètement bouleversé (cela m'est arrivé, même si c'est rare). L'émotion esthétique, ce n'est pas l'émotion sentimentale (rire, pleurer, on aime bien l'histoire, satisfaction parce qu'on trouve que c'est bien dit, écrit, bien fait, etc), mais elle vient de l'œuvre elle-même, qui vous happe. Ce genre d'émotion (sans doute plus forte au théâtre parce qu'il y a parfois catharsis), très rare, est à mon sens celle qui fait qu'on a affaire à une œuvre sortant du commun, à un geste d'artiste.