Ex-Libar : Le vote ! - Publication des textes [Attention, c'est LONG]

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Texte n°1 5 5,38%
Texte n°2 2 2,15%
Texte n°3 4 4,30%
Texte n°4 9 9,68%
Texte n°5 5 5,38%
Texte n°6 10 10,75%
Texte n°7 9 9,68%
Texte n°8 6 6,45%
Texte n°9 25 26,88%
Texte n°10 3 3,23%
Texte n°11 6 6,45%
Texte n°12 3 3,23%
Texte n°13 6 6,45%
Votants: 93. Vous ne pouvez pas participer à ce sondage.

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Bonjour tout le monde !

Voici enfin le moment tant attendu de tous : La publication des textes de nos treize candidats.

Vu que les textes sont longs, et que vous avez été nombreux à participer à ce concours (et nous vous en remercions ) nous allons laisser du temps aux bariens afin de lire convenablement et tranquillement les différentes versions.


Pour vous les candidats :
  • Certains d'entre vous ont proposé une mise en page que je ne me sentais pas de modifier (avec le début et la fin imposée) pour ne pas casser le rythme. Si vous souhaitez que je modifie la mise en page de votre texte envoyez moi un MP - ne le dîtes pas ici vu que les textes sont anonymes :]] - Merci : )
  • Si j'ai oublié quelqu'un, merci de me prévenir rapidement, il se peut que j'ai fait un oubli, même en ayant vérifié une bonne demi douzaine de fois.
  • Si des passages (du début ou de la fin) ne sont pas au temps que vous avez proposé, prévenez moi.
  • Si j'ai oublié le titre de votre oeuvre, merci de me l'indiquer également.
  • Si vous avez envie de faire caca, n'hésitez pas, envoyez moi aussi un MP. :]

Pour vous les lecteurs et les votants :
  • Les textes sont anonymes pour ne pas faire de favoritisme, merci de respecter cette condition et de ne pas chercher à savoir à qui est quoi.
  • Vous avez un mois pour lire les réalisations et pour élire votre coup de coeur.
  • Si vous avez envie de faire pipi, envoyez moi un MP aussi.

Bonne lecture à tous ! Bon courage ! Et vive les noisettes.
Texte n°1

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.


Citation :
L’impression de sortir d’un rêve.
L’impression d’avoir dormi debout.
Le vertige
Des bruits encore. Des gens qui courent.
Ce visage rond et inexpressif qui semble hurler a quelques centimètres de moi.
Des paroles prononcées a un volume trop fort, sans sens ni intérêt.

Ce rêve qui était si doux. Chaud et cotonneux.
Ce goût métallique et enivrant.
Ce parfum de rose musquée qui m’enveloppait comme une douce couverture dans ce rêve pourpre et chaud.

PLAF !
Une claque.
Comme si on m’enlevait une gangue. Comme un rideau qui se serait déchiré.
Des bruits, Assourdissants
Des paroles hurlées, compréhensible mais toujours sans intérêt.
Et le visage d’Abel en train de me parler a toute vitesse
Ses halètements et son haleine essoufflée et fétide.
Le courant d’air froid qui s’engouffre entre nous.
La nausée, le vertige et la fièvre. La sueur froide qui coule le long de mon dos.

PLAF !
Une autre claque.
Cette fois le monde réapparaît. Le couloir sombre, l’escalier, le mur contre lequel je suis appuyée, la tache de sang sur le mur a coté de mon visage. Eze et Abe en train de foncer au bout du couloir. L’odeur de poudre, le sifflement dans mes oreilles. Abel qui me tiens par les épaules en hurlant
« … Temps, mais dit moi quelque chose, réponds ! »

Il lèves sa main une nouvelle fois et ma joue se rappel a mon souvenir. Comme si toute la chaleur du rêve s’était concentrée dans cette marque cuisante.

« Ca va ! » je lui hurles en pleine face, incapable d’ajuster mon niveau sonore au bruit ambiant qui semble redescendre petit a petit.

Il se tait alors et arrêtes son geste.
Le tambourinement dans l’escalier commence a s’estomper et le sifflement dans mes oreilles a baisser.

Qu’est ce que je fais ici ?

Comment cela a il commencé ?

Pourquoi Abel semble il si terrifié ?

Apres qui Abe et Eze courent ils ?

Pour toute réponse, Abel m’attrape par le bras et me tire en direction de l’escalier.

La gravité qui s’inverse.
Mon équilibre qui bascule.
Et mon champ de vision qui plonge vers mes chaussures.
PLAF !
Le plancher qui me percute avec un son étouffé.
Le souffle coupé
Le poids du monde sur le dos.

D’ou je suis je vois très bien la tache de sang qui dégouline contre le mur juste a coté de la ou je me tenais.
Je me surprends a penser qu’elle est petite. Pourquoi est elle plus petite que ce que j’aurais pensé ?

Le poids qui baisse et mon champ de vision qui change. Abel est en train de me soulever par les épaules. Il me remet debout contre le mur d’en face du couloir, alors qu’un haut le cœur causé par la nausée et le vertige remonte en moi.

La tache de sang est en train de couler, déjà elle atteint presque le sol. Tache noire suintante contre le plâtre gris, contaminant de sa couleur sale tout ce que touchent ses gouttelettes perlées, glissant en direction de la douille encore fumante qui a roulée au pied du mur.

Mes pieds qui reprennent possession du sol.

L’air glacé qui revient dans mes poumons.

Je respire a grandes goulées en crachant un long panache de fumée.

Abel me colle son épaule sous le bras et commence a me traîner vers l’escalier. Il s’agrippe a la rambarde pour se guider dans l’obscurité.

Au fur et a mesure qu’il s’enfonce dans le noir, j’ai l’impression que mon rêve reprends possession de moi. J’ai l’impression que le noir m’attire vers ses profondeurs pourpres. Les ténèbres semblent émettre leurs propre chaleur. Elles apaisent mon angoisse et étouffent les sons.
Je ne sens plus mon corps.

PAF !

Je suis collé contre le mur.
Une vague lumière semble filtrer par une porte ouverte.
L’air redevient glacé et remplis de nos bruits de respiration.

« La vache c’que t’es lourde ! « me glisse-t-il.
« Viens on y va, on va l’avoir !»

Il me traîne a nouveau en direction de la porte.

La nuit est presque tombée. Mais la pénombre m’écorche les yeux.

« le soleil s’est couché, me dit Abel. On a merdé dans le timing et on a trop attendu. Le soleil s’est couché et on était pas prêts. »

L’odeur de la terre humide du jardin me monte aux narines. Mélange d’humus et de rosée collée aux plantes aromatiques. Je pourrais presque les décrire toutes tellement l’odeur est forte.
La douce chaleur du soir d’été me tombe dessus. Comme si j’émergeait d’un congélateur. Pourtant cette vielle bicoque n’a pas de climatisation. Une vague de chaleur courre sur moi mais ma peau reste glacée et je sent la sueur perler le long de mon échine.

J’entends parler au loin. Encore des bruits incompréhensibles.

« ils sont la viens « me hurle Abel.

Il me traîne a nouveau dans l’herbe. Mes pieds reprennent l’habitude de me porter et d’avancer au même rythme que les siens.

Nous avançons plus vite vers une source de lumière.
Je met ma main devant mon visage pour abriter mes yeux.

Abe est en train de hurler : « restez ou vous êtes. Je ne vous veux pas de mal mais surtout ne bougez pas «
Il souhaiterait avoir de l’autorité dans sa voix, mais la terreur qui suinte de lui comme de la sueur, lui enlèves toute crédibilité.
« On a rien fait nous. Rangez votre pétoire, on a rien a se reprocher nous. On préparais juste le ragoût
_ restez ou vous étes et ne bougez pas « hurles frénétiquement Abe.
Alors que nous approchons, la voix aigrelette d’Eze intervient sur un ton plus confidentiel :
« Elle est entrée chez ces gens, dans le jardin. Elle n’est pas loin, je la sent. Elle attends quelque chose »
Abel semble se détendre. Abe aussi. Il se rapproche de nous.

Je me dégage de l’étreinte d’Abel et je me tiens debout.

J’ai l’impression que mes jambes peuvent se dérober de sous mes pieds a tout instants.

« Ou sommes nous ? » demande Abel.
« j’en sais rien réponds Abe, plus serein. Ca a duré trop longtemps comme poursuite. Je ne connais pas le patelin.
_ Elle s’est pas arrêtée sans raison dans ce boui-boui. Reprends Eze Elle mijote un sale coup.
_ A combien sommes nous de son refuge ? » demande Abel.

Une sourde angoisse monte alors en mois. Je sais que cette question est primordiale. Je sais que je connais la réponse. Je sais qu’elle est importante. Dans les yeux d’Eze et Abel, je notes que la même angoisse les travails. Je ne vois pas Abe mais je sens que lui aussi réfléchit a la question.

« J’en sais rien. Reprends Abe énervé. On ne devait pas faire tout ce cirque. Ça aurait dut se régler plus vite. »

Quelqu’un lance alors :
« Si vous rangez pas votre pétoire, ça risque de mal se finir. Remarquez on sera bien placés, le cimetière est derrière la clôture. »

Ca y est ! je le sais !

Je me tournes vers la clôture et je notes alors le grand mur sombre qui borde le jardin

« Et Merde ! hurles Abe.
_ Elle nous a baisée, dit Eze d’un air dépité. On l’a dans l’os pour un an ! »

J’ai soudain l’énergie qui remonte en moi. Comme si cette révélation avait ouvert les vannes de la force perdue depuis quelques minutes. Je reprends possession de mon corps et d’une partie de ses perceptions. Un courant monte le long de ma colonne vertébrale illuminant mon système nerveux.

Une balançoire est collé contre le mur. En m’aidant je dois pouvoir accéder au large sommet du mur du cimetière.

En un instant mes gestes deviennent automatiques. Je fonce vers la balançoire, j’attrape la corde et je grimpe sur le portique. Je me glisse le long du métal froid et je me jettes sur le rebord du mur. La lumière provenant de la maison est dans mon dos. Je vois presque mieux dans les ombres projetées par mon corps.

Elle est montée par la !

La pierre rends la chaleur, me réchauffant de cette éternelle impression de froid et c’est presque comme si je sentais les zones glacées ou elle a posée ses mains.

Je sais !

Je me propulse avec toute ma hargne et je prends appuie sur le mur.

Un océan de tombe s’étends a mes pieds. De la modeste tombe au mausolée, des blocs de marbre, surmontés de croix, tapissent tout le champ vision.

Du coins de l’œil je vois Abel qui me suis. Avec moins de grâce, il grimpe le long de la balançoire, la faisant s’agiter et grincer frénétiquement. Eze me balance un gros objet que j’intercepte en vol. Mes mains savent avant moi ce qu’elles tiennent.

Une arbalète.

Dans le même mouvement, je me retrouve automatiquement accroupis, l’œil sur le viseur. Je balaie la sombre entendue a mes pieds.

Je la trouve tout de suite.

Elle est la. Pas loin. A quelques mètres a peine de moi un peu plus bas. Debout entre deux caveaux. Ses longs bras effilés posés chacun sur les sinistres murs, en réplique d’un christ féminin et lugubre.

Je vois ses yeux pour commencer. Plus sombre que cette nuit qui tombe. Sa peau est blanche même dans le noir. Sa chevelure brune hirsute, cascade sur ses épaules, donnant l’impression que son mince corps est drapé dans sa crinière, éclipsant ainsi sa robe de dentelle noire.

Ses lèvres pales sont figées dans un rictus amusé.

Je pointe l’arbalète sur son cœur

Je ne peu pas la rater.

J’entends quelqu’un dire « niquez pas la balançoire, elle a coûté un saladier. Il y a un portail a coté. Si vous allez la bas, on va pouvoir aller se manger le ragoût ? »

J’entends les halètements d’Abel qui grimpe sur le portique.

Je peu presque sentir l’angoisse et le souffle retenu d’Abel et Eze.

Elle est a ma pogne. Elle ne bouge pas. Le chasseur et la proie.

Un sourire !

Le visage suave semble soudain irradier ces ténèbres pourpres. La chaleur et le parfum de rose. L’oublie.

Qui je suis ?

Qu’est ce que je fais la ?

Pourquoi je vise ce sourire ?

Qui est elle ? Que m’a elle fait ? Elle a l’air plutôt avenante. Elle ne fuit pas. Qui sont ces guignols derrière moi avec leur arsenal.

J’ai passé la journée a lui courir après, ça je le sais. Pourquoi lui tirer dessus maintenant ?

Le calme.

Plus de bruits. Plus de lumière. Juste ces yeux noirs et ces lèvres pales. Je pourrais m’enrouler dans ces cheveux soyeux et me retrouver dans ces chaudes ténèbres accueillantes.
Je sens presque son souffle chaud sur mon visage. Je le sent qui glisse le long de mes joues et qui s’immisce dans le col de ma veste. Je le sent caresser mon coup. Je le sent se concentrer sur mon coté gauche je sens la chaleur augmenter.

Je la sent soudain.

La blessure qui dégouline le long de mon cou, depuis quand ? une éternité ? dix minutes ?

Le sourire éclate et un rire strident et moqueur déchire le silence.

J’enfonce mon visage dans mes bras pour me protéger.

Je sent le rire s’approcher de moi et courir le long de mon corps, s’infiltrer dans mes oreilles, forcer le passage et couler long de mon cou et plonger dans cette blessure chaude et humide.
Je le sent pénétrer mon corps et se jeter dans mon esprit, prendre possession de moi, comme si le rire venait du plus profond de mon crane, comme si c’était moi qui riait. Comme si la futilité de ce que je faisais éclatait soudain dans ma tête. Ce piège, cette poursuite qui s’était retournée contre nous. Le chasseur chassé. Et me voilà maintenant la proie face au chasseur qui s’approche de moi pour me porter le coup de grâce. Sa main qui s’abat sur mon épaule et qui me tire vers le haut.

Abel qui me regarde droit dans les yeux interloqué.

« Tu as vu quelque chose ? elle est la ? »

Je jettes un œil en dessous, dans la foret de crucifix. Rien. Personne. Pas un mouvement. Juste une impression. L’impression qu’il me manque quelque chose ; que j’ai oublié quelque chose.

Je m’assoie sur le rebord du mur et pose l’arbalète. La balançoire oscille encore. Eze et Abe semblent attendre ma réponse le souffle coupé. Les gens derrière eux, cachés dans la lumière, ont aussi l’air suspendu a ce qui va suivre.

« Non … j’ai rien vu, dis-je dans un souffle
_ Et merde murmure Abel.
_Le patron va être furax. « reprends Eze.

Abe baisse son arme et rabat le percuteur doucement. Dans un cliquetis de métal huilé.

Plus personne n’ose rien dire ni prendre une initiative.

Je sent le regard lourd d’Abel sur ma nuque. Pourrait il voir ce que j’ai vu, sentir ce que j’ai ressentis, simplement en se concentrant sur moi ? Non, Abel n’est pas si fort que ça ! Il n’est pas si fort c’est vrai ?
Fin :
La balançoire oscille encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total règne pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût"
Texte n° 2

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

Citation :
Et tomba… puis finit par dévaler ces foutues marches pendant de longues minutes. Trop longues minutes. Allez savoir pourquoi… Tout paraissait pourtant normal: une maison, des escaliers, des murs, une porte, Elle… Mais tout s'emballa. Un simple rendez-vous, ressemblant de plus en plus à un nébuleux cauchemar. Oui, je l'avais vue. Oui, Elle m'avait repoussée. De fureur, j'étais parti. C'était sans compter cette planche branlante…
Et maintenant, je dévalais. Et le décor changea… Toujours des escaliers, oui. Mais des gens défilaient à présent: ma famille, mes amis, mes conquêtes, mes ennemis… toutes celles et ceux qui avaient su me résister. Ils se moquaient, riaient de moi… Pas de ma chute. De moi, de mon être, de mon âme.

Eh! J'ai essayé après tout. C'était Elle, je ne pouvais en désirer d'autre. Son visage, son sourire, sa chaleur. Elle était tout ce que je pouvais désirer. Mais bon…Un ragoût est un ragoût et malgré les coups de fourchette, ça n'y changeait rien. Elle était belle cette platée. Une odeur alléchante. Malgré ma chute, un mince filet de bave apparaissait aux commissures de mes lèvres. J'en avais connu des platées mais celle-là! Je m'en était approché alors. Lentement, sans bruit. Je ne voulais pas être repéré. Et je ne l'avais pas été. C'était Elle qui m'avait posé un véritable problème. Facile de monter les escaliers, de pousser la porte, de monter sur la table. Elle! Elle était magnifique: ses petits bouts de légume taillés à la bonne taille, sa viande cuite à point. Tout ça baignait, comme abasourdi, conquis par tant de simplicité et de majesté… J'avais pris la fourchette. J'avais visé une pomme de terre. J'avais raté la pomme de terre. J'avais plongé la tête dans la platée… et mon corps suivit.
Ce fut un autre monde empli de violence. Un monde où les gens comme moi s'habillaient, se nourrissaient, comme le faisaient mes maîtres. C'était une vision insupportable. Maintes fois, je m'étais imaginé à leur place. Ca avait toujours été une vision joyeuse… Mais là… C'en était trop! Les gens paraissaient malheureux… Non, c'était plus que ça… Ils enviaient leur condition originelle. C'était dur d'être debout, d'avoir une contenance, une convenance, de paraître normal quand on était un homme. Non! Mille fois non! Plus jamais je ne me mettrais à la place de mes maîtres! Et la vision s'en était allée… J'étais tombé de la table…

Ca dévalait toujours… Et me voilà face à ma vie… Cette vie pitoyable qui n'avait été que prétexte à singer. Depuis tout petit, je détestais ma condition. J'avais chercher à m'élever. Des images défilaient… De la solitude, de la saleté, des ombres et enfin… la délivrance. Ca m'avait pris du temps mais… j'avais réussi à me faire accepter par ceux qui étaient désormais mes maîtres. C'était par une journée d'été. J'errais dans la ville à la recherche de nourriture et de chaleur. Et j'avais atterri dans ce jardin d'où la joie semblait prendre son essence. Ces gens étaient heureux. Ils riaient, ils chantaient, ils dansaient. Ils étaient étranges, certes… mais ils étaient heureux. Ils formaient une famille, une véritable famille… Et toute cette chaleur qui émanait… Je n'avais pu résister. Ils m'avaient regardé. Un regard de pitié, certes… mais malgré cela, je savais que, désormais, j'existais! C'était pas toujours facile de vivre entre une balançoire, une horloge, et un barbecue… C'était une famille particulière mais c'était Ma famille!
D'accord… Faire un câlin au barbecue, c'était pas facile. Dormir à côté de l'horloge c'était pas ce qu'il y'avait de mieux… Et combien de fois j'avais été assommé en jouant avec la balançoire… Mais je sentais leur Amour! Un véritable Amour! Pas une seule fois, ils ne m'avaient rejeté. Pas une seule fois, ils ne m'avaient interrompu quand je parlais. Ils m'écoutaient encore et encore. Je leur parlais de mon envie d'être comme eux… Ils ne m'avaient pas contredit.
Et depuis le jour de mon arrivée chez eux, je m'étais attelé à leur ressembler. J'avais appris comment fonctionnait cette chose qu'on appelle "toilettes". J'avais appris à reconnaître les aliments même si ce fut très difficile au début… J'en avais mangé de l'herbe, de la terre… parce que j'avais cru que c'était ce qu'ils mangeaient… Avec le recul, je me dis que c'était pas si mauvais tout compte fait…
Mais là! C'était l'expérience de trop… Tant de rêves et d'espoirs pour une si douce illusion…

J'avais enfin fini de dévaler l'escalier et je me dirigeais à toute vitesse vers l'horloge. Je lui criais ma rage de toutes mes forces. Je lui demandais pourquoi elle m'avait caché la réalité de sa condition, la tristesse de sa prestance… Je n'eus pour seule réponse que le regard froid d'un bois millénaire… J'étais désemparé. Que faire? Vers qui chercher le réconfort? Le barbecue!
Je pris le couloir à ma droite et sortit par la porte entr'ouverte. Il était là devant moi. Mais il était différent. Il rougeoyait. Il grondait. Il me fallait une réponse. A tout prix. J'approchais lentement, mais décidé… Et une fois près de lui, je bondis pour chercher de l'affection. A quelle réponse eus-je droit? A son contact, une douleur atroce s'empara de moi. Je sentis toute la rancœur accumulée pendant tant d'années. En réalité, il me détestait. Tout mon monde s'écroulait…
Je sautais du barbecue. Il me restait plus qu'une personne vers qui me diriger: la balançoire. Elle trônait là, esseulée. Elle semblait m'appeler. J'accourus… Je mis toute mon âme dans cette course… et elle aussi courait. Elle s'approchait à toute vitesse pour me consoler. Encore un pas et je sentirai de nouveau la chaleur maternelle…

Un grand BONG! Tout devint flou. Et l'obscurité gagna ma vision… C'en était fini de moi… même ma mère me détestait…

A ce bruit, les parents du petit Bob accoururent. Le reste de la famille était resté à regarder derrière la fenêtre. Après tout, ce n'était pas la première fois…
Quelques secondes passèrent. Les parents de Bob étaient agenouillés là, impuissants à constater les blessures superficielles de leur progéniture. Ils se regardèrent tous les deux. Constatant que le petit revenait à lui, le père lança: "Qu'il est con ce gosse!"
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût"
Texte n°3

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

Citation :
Elle entre dans sa chambre en pleurs va rejoindre Théo, le seul de la famille a ne pas hurler a longueur de journée.
Pas toujours simple la vie d’une enfant de douze ans.
C’est un peu la conclusion a laquelle aurait pu arriver Corinne si elle avait eu le temps d’y réfléchir, mais la réflexion n’était pas a l’ordre du jour.
Encore des cris toujours des cris, papa est encore parti très énervé en claquant la porte et pour ne pas être en reste maman pleure dans le salon, Corinne aussi pleure dans sa chambre, elle aimerait bien aller demander pardon a maman mais elle n’ose plus.
« Ce ne sont pas des histoires pour les enfants » lui dira maman si elle lui demande ce qui s’est passé.
Elle le sait bien Corinne que si ses parents se font toujours la tête c’est parce que depuis le collège elle n’arrive plus a ramener de jolis carnets comme avant.
Maman l’aime très fort et que c’est pour ça qu’elle ne veut pas lui en parler, pour ne pas lui faire de peine, ne pas la gronder.
Pourtant Corinne fait des efforts, c’est juste qu’elle n’arrive pas a se concentrer avec tous ces cris, alors elle parle a Théo, il l’écoute il lui donne des conseils aussi parfois.
Il lui a dit de bien s’appliquer en rédaction et en mathématiques pour que papa et maman soient content.
C’est facile pour lui ce n’est pas cette bête peluche qui va tous les jours au collège apprendre des choses qu’il ne comprendrait pas mieux qu’elle !
Le collège, justement « C’est l’heure » a dit maman en entrant dans la chambre les yeux tous rouges.
« A ce soir mon cœur, travaille bien »
« A ce soir maman »
***

Julie et Marc ont passé une matinée difficile, mais le coup de fil de ce midi les a réconciliés, ils se fâchent beaucoup en ce moment, leur travail les préoccupe trop, d’ailleurs ils se sont promis de faire attention et de prendre des vacances bientôt, ils s’aiment encore, comme au premier jour et ils ne veulent pas gâcher cette belle histoire.
Cela fait plus de deux ans maintenant que Marc travaille a son projet d’aqueduc, mais la fin est proche les travaux se terminent et il va enfin pouvoir souffler.
Un premier grand projet comme celui-là, il ne voulait pas laisser la moindre part au hasard, il avait mis toutes les chances de son côté pour que rien n’arrive et rien n’était arrivé, une dernière ligne droite puis viendrait le calme, il pourrait se consacrer entièrement a sa famille comme il se le répétait souvent.
Julie aussi voyait le bout du tunnel, ses études se terminaient, elle avait bientôt mis un point final a son mémoire, sa place de professeur lui était désormais acquise, enfin elle pourrait tout donner pour les deux choses qu’elle aimait le plus au monde –Avec son mari- les enfants, et son enfant.
Ils savaient tous les deux que les études de Corinne s’en ressentait aussi faisaient-ils bien attention de ne pas la gronder a ce sujet, en se promettant chacun de ne surtout pas la mêler a leur problèmes.



***

Corinne s’est encore fait gronder en cours de français.
Elle n’a pas su expliquer quand la maîtresse lui a demandé pourquoi vendredi avait finalement décidé de ne plus manger ses prisonniers.

« Je viens de faire le cours pendant une demi-heure mais tu n’écoutais pas comme d’habitude je parie, de quoi ai-je parlé ? »

Elle avait écouté pourtant, c’est juste qu’elle n’avait pas bien compris elle a voulu lui expliquer mais toute la classe a rigolé et la maîtresse l’a collé mercredi quand elle a répondu :

« Je ne sais pas … vous ne l’avez pas dit. »

Et papa et maman étaient encore fâchés
***

Dimanche Corinne aura treize ans, papa et maman ont invité toute la famille, papa et maman ont l’air content mais Corinne a peur qu’ils se fâchent encore devant les grands-parents, elle aurait préféré ne jamais avoir treize ans.

Corinne joue dans le jardin, les invités sont là, tous attablés, elle préfère être toute seule derrière, de là elle voit papa qui travaille au bureau.

Marc fini un plan pour son travail il a juste une petite retouche a faire, cela ira vite, Julie entre très énervée dans le bureau
« Même pour l’anniversaire de la petite il faut que tu travailles »
« Je te signale que hier soir pendant que tu finissais de lire tes idioties sur la vie de Maria Montessori dont personne n’a plus rien a fiches c’est moi qui suit allé acheter le cadeau de Corinne »
« He bien ! Tu ferais mieux d’en avoir quelque chose a faire, tu apprendrais peut-être a plus t’occuper de ton enfant le jour de son anniversaire si tu avais lu son livre, notre présence est très importante a son age, il faut qu’elle sente qu’on est là avec elle mais tu préfère ton travail a nous j’ai l’impression »
« … »

Corinne pleure seule dans le jardin elle vient de voir papa et maman qui se crient dessus dans le bureau elle n’entends pas bien mais elle se doute qu’ils ont vu sa punition dans le carnet, ce n’est pas normal papa ne devrait pas gronder maman pour ça, c’est sa faute a elle.
Sa faute, sa punition si eux ne la punissent pas elle se punira toute seule.

Julie a raison, Marc est allé finir de préparer le repas, il vont pouvoir se mettre a table et passer un agréable moment en famille.

Au moment ou papa sort avec un gros plat tout chaud de la cuisine, Corinne descend du portique, elle lance fort la balançoire puis se retourne et lui présente sa nuque, ça fera peut-être un peu mal sur le coup mais c’est mérité, la fessée que papa ne lui a pas donné elle se l’administrera toute seule.

Corinne a eu tort de croire qu’elle aura mal, elle n’a rien senti…
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût"
Texte n°4 - Permutation -

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.


Citation :
Marie reste tétanisée contre la porte de la chambre, elle est en sanglots mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle pleure, elle tremble. Elle entend les pas s'éloigner, la porte d'entrée s'ouvrir. Il est parti et il ne reviendra jamais. L'horrible silence qui s'en suit l'écrase, elle baisse lentement la tête et celle-ci vient se poser sur ses jambes croisées.

Le Temps détruit tout, surtout les mensonges. Une vie dédiée pour eux, pour chacun d'eux. L'un comme l'autre, elle était toujours là pour eux. Mais il a fallut qu'elle en choisisse un. Son coeur les aurait choisi tous les deux, mais ce n'était pas possible. Elle a menti, le destin l'a aidée un peu. Neuf mois discrets, neuf mois d'amour. Sylvain prenait soin d'elle, et de lui aussi. Et le destin s'en mêle, la maladie aussi. Elle a menti à Sylvain quand elle revenait du gynécologue. Elle a menti à Kathy aussi. “Tout va bien, ça sera un beau bébé”, disait-elle. “Mais il sera séropositif.”, pensait-elle juste après, la gorge nouée en se détournant.

Finalement un pleur de rage et de dépit se fait entendre. Et les pensées tourbillonnent de concert, cette vie enfouie depuis trop longtemps lui jaillit au visage. Cette nuit dans cette discothèque miteuse, où elle était partie, avec Kathy, se changer les idées après une dispute avec Sylvain. Quelques verres et les idées noires passent. Mais Kathy est fatiguée et décide de rentrer plus tôt. Elle veut rester encore un peu. Puis arrive cet homme, grand et élancé, cultivé aussi. Son discours la séduit, ils sortent. Il propose de la raccompagner, il la fixe longuement, la caresse un peu. Elle se laisse aller, elle a besoin d'un peu de réconfort. Tout s'accélère bien trop vite, elle est enivrée par ses attouchements autant que par l'alcool. C'est cette nuit-là qu'elle a contracté le virus.

Puis les jours ont passé, elle avait tant de regrets, mais elle ne lui a jamais dit. Elle se rend compte qu'elle est enceinte. Sylvain est fou de joie, ils essayaient depuis des années, et les voilà enfin récompensés. Mais elle doute, si c'était Sylvain.. ou si c'était lui, cette nuit-là. Mais Sylvain est stérile et le destin n'a pas changé cela.

Elle tombe sur le coté, elle reste là, affalée de longues minutes. Elle trouve la force de bouger et d'ouvrir la porte. Elle rampe jusqu'au couloir. Toujours aucun bruit. Absolument rien exceptée sa propre respiration irrégulière et effrénée, entrecoupée de spasmes et de reniflements. Elle continue de se traîner jusqu'à la chambre au bout du couloir. Au fur et à mesure des lents mouvements, le passé continue de ravager ses pensées.

Elle pousse de toutes ses forces, elle sert la main de Sylvain autant qu'elle peut. Les médecins l'encouragent, Sylvain la rassure. Elle pousse encore, la douleur la transperce mais d'un coup elle finit par s'estomper. Thomas vient de naître, la vie l'accueille. Sylvain est invité à couper le cordon ombilical, il a les larmes aux yeux, c'est le plus beau jour de sa vie. On présente Thomas à Marie, elle le prend dans ses bras, elle sourit timidement. Elle aimerait tant lui donner tout ce qu'elle a. Mais elle a peur, une peur horrible. Une peur qu'il s'en aille trop tôt. Qu'elle lui donne tout et qu'il disparaisse comme un voleur, avec son amour en otage. Il a ce mal en lui, elle en est certaine. Elle ne peut pas vivre avec cette idée, pas avec lui. Elle aimerait mourir. Quelques heures plus tard, le mari de Kathy vient la voir. Martin est un beau bébé lui aussi. Le destin a voulu que les deux amies accouchent le même jour. Les deux nouveaux-nés se ressemblent beaucoup, ils seront les meilleurs amis du monde c'est certain. Ils se ressemblent beaucoup, oui.

Cette nuit-là, Sylvain est reparti à la maison préparer la nouvelle chambre. Marie n'arrive pas à fermer l'oeil. Cette chambre d'hôpital lui parait trop petite. Elle a besoin de marcher un peu. C'est un petit hôpital, le personnel est gentil mais pas très strict, on la laisse vagabonder. Elle arrive près des couveuses. On a placé Thomas et Martin l'un à coté de l'autre, on a presque l'impression qu'ils se regardent l'un l'autre en souriant. Marie pleure, la tête posée contre la vitre. D'un coté elle voit la vie, de l'autre la mort. C'est évident pour elle, Thomas a une tête de mort sur son front. Elle s'en veut, elle n'a pas mérité ça. Elle pénètre dans la pièce. Elle se cache. Elle échange leurs bracelets. Elle se cache de nouveau, croyant entendre du bruit. Puis elle pousse tout doucement les couveuses montées sur roulettes pour les permuter de place. Elle sort et rentre dans sa chambre. Elle pleure en silence en s'agrippant le visage avec ses mains. Elle prie pour s'endormir et pour se réveiller demain en ayant oublié ce qu'elle vient de faire.

Aujourd'hui, Marie ne prie plus, mais elle pleure toujours et n'a rien oublié. Elle rampe dans ce couloir jusqu'à cette chambre, tout au fond. Dans cette chambre où la portée de ses mensonges vient d'éclater au grand jour, où la vie s'est arrêtée aussi. Elle n'est plus qu'à quelques centimètres, elle est déjà ankylosée à l'idée de découvrir l'un des deux gisant à terre. Enfin elle parvient au seuil la porte. Sa bouche est ouverte, les larmes coulent autour, elle a du mal à maintenir sa tête relevée.

La grande commode est complètement renversée, le contenu des tiroirs a été vidé. Les papiers et les photos se sont mélangées sur le sol. Tous les bibelots de l'étagère ont valsé à terre. Les tableaux ont été arrachés. Ses yeux ne voient rien de tout cela, ils sont fixés sur lui. Il est assis sur le lit et la regarde, les mains jointes posées sur ses cuisses. Son regard est vide, désabusé. Il la laisse contempler. Sa vie est là, déchirée en mille morceaux. Il n'a rien à lui dire. Rien de plus. Il se lève et visse sa casquette sur sa tête. Il marche lentement, il l'enjambe et poursuit sa route dans le couloir.

- Thomas, gémit-elle avec douceur.

Il continue jusqu'à ce qu'ils arrivent aux escaliers, il descend la première marche, puis la deuxième, il pose sa main blanche et fine sur la rampe et s'arrête. Sa voix est froide et posée, sans émotion.

- Martin, ... maman, Martin. Mais pour toi désormais, ça sera ni l'un ni l'autre.

- - - - - - - - - -

Martin déboule dans la maison aussi vite qu'il peut. Il a du mal à respirer. Son souffle est rapide. Pour quelle raison Thomas peut-il crier après lui comme ça ? Il monte les escaliers et trottine jusqu'au fond du couloir. Il entre dans la chambre de Marie et trouve Thomas à genoux, des papiers autour de lui et dans ses mains. Il le fixe les yeux emplis d'incompréhension et de doute.

- Pourquoi tu cries ? Qu'est-ce que tu fais ?, demande Martin complètement interloqué.

Thomas ouvre la bouche et les yeux. Il n'arrive pas à fixer Martin dans les yeux. Les siens tournent sans cesse comme s'il tombait dans un trou sans fin. Il se décide à parler comme s'il s'adressait à une voix intérieure.

- Elle prend le même traitement que toi, dit Thomas, semblant lever sa main droite tenant un papier vers Martin. Il s'agit d'une ordonnance médicale.

Dans le couloir, on entend des pas se rapprocher, c'est Marie. Elle entend les voix de Thomas et Martin se confronter, s'interroger, s'élever, s'amoindrir, murmurer. Elle ralentit au fur et à mesure qu'elle approche de la chambre du fond. Ses yeux s'écarquillent. Elle lui a dit : le tiroir de gauche. Non celui de droite. Elle ne sait plus. Elle s'arrête. Celui de droite, c'est celui où elle avait rangé tous ces papiers médicaux sur ses anciens examens. Pourquoi garder ce genre de choses, qui ne font que ramener de mauvais souvenirs ? Et les mauvais souvenirs, Marie les avait enterré depuis longtemps. Elle n'arrive plus à faire un pas de plus. Elle entre dans la chambre voisine de celle du fond, dont la porte est juste à sa gauche. Elle referme la porte mais ne la claque pas. Elle essaie d'écouter ce qu'ils se disent dans l'autre pièce.

- Qu'est-ce qu'elle foutrait avec ces médocs ?
- J'en sais rien putain ! C'est aussi prescrit pour d'autres trucs ?
- Quoi d'autres trucs ?
- Beh, je sais pas, d'autres maladies... tu sais pas ?
- C'est pas possible, c'est des médocs faits pour ça..

L'arrière de la tête de Marie touche la porte, elle regarde le plafond. Les murs s'écroulent autour d'elle. Les pans d'une vie qu'elle a mis vingt ans à construire tombent un à un. Ils sont en train de comprendre, ils sont en train de la haïr. Comment a-t-elle pu laisser de telles traces à la vue du premier curieux. Comment a-t-elle pu être aussi naïve et confiante pour négliger de telles preuves dans un simple tiroir devant lequel on passerait milles et une fois dans aucun soupçon. L'oubli ? Surement. Tout allait si bien. Tout le monde se complaisait de la situation. Plus ça allait, moins elle y pensait, parfois elle n'y pensait simplement pas, elle profitait. Mais l'immense iceberg dévastateur n'a jamais fondu. il n'a fait que se dissimuler dans la brume. Elle n'avait pas conscience que quelqu'un finirait par se cogner contre lui, un jour ou l'autre.

Ce jour est arrivé, même si rien ne le prédestinait à l'être. C'était un repas au soleil entre voisins, entre amis, comme il y a des milliers tous les week-ends. Elle s'en voulait, tout était si évitable. Pourquoi lui a-t-elle demandé d'aller chercher ça ? Il voulait rendre service, elle était occupée à préparer la salade, elle n'y a plus pensé. Elle aurait pu venir elle-même, personne ne se serait soucié de quoi que ce soit, comme d'habitude. Des détails. Un enchaînement des petits détails. Machiavéliquement agencés jusqu'à l'instant présent. Des détails qu'on frapperait l'un sur l'autre comme des silex pour allumer un feu. Un feu qui brûlerait tout, lentement et irrémédiablement.

- Putain mais d'où elle aurait choppé cette saloperie ?
- J'en sais rien bordel, calme toi, c'est p'tet rien !
- Rien ? Mais va te faire foutre, elle nous en aurait parlé !
- Elle l'a peut-être eu lors d'une transfusion foireuse, comme quand on t'a fait cette ponction à la con !
- Mais... merde pourquoi elle a rien dit ? C'est quoi ce délire.

Marie continue d'entendre les questionnements emplis de haine, d'incompréhension, de vulgarité, de crainte et de doute des deux jeunes hommes. Ses jambes commencent à vaciller. Au fur à mesure qu'ils posent les bonnes questions, ses genoux se plient plus en plus. bientôt elle est assise devant la porte. Elle porte toujours toute son attention à ce qu'elle entend, à la moindre phrase qu'elle comprend. Ils fouillent les autres tiroirs, ils sont énervés tous les deux, Thomas bien plus que Martin, qui essaie de le calmer. D'autres armoires sont passées au crible. Des fardes jusque là passées inaperçues attirent subitement une attention inarrêtable. Les cordes qui les scellent sont arrachées, les papiers tombent, des photos d'échographie, des avis de pédiatrie pré-natale, des convocations du médecin, et des résultats de prise de sang. Les réponses sont formulées de manière compliquée, indirecte. Thomas les scrute, il tremble, il les parcourt en diagonale. Martin le regarde faire, il ne sait pas quoi faire d'autre. Il a peur. Il retire sa casquette et prend son crâne chauve entre ses mains. Il s'assied contre un mur et essaie de réfléchir pendant que Thomas continue la perquisition de sa propre vie. Des albums photos. A leur vue il s'arrête quelques secondes. Il s'assied à son tour devant l'armoire et les saisit lentement, comme s'il sentait qu'ils contenaient quelque chose de précieux. Il prend le plus vieux et l'ouvre délicatement.

Marie ne les entend plus. Elle se dit qu'ils ont déjà compris, que c'est terminé. L'envie de pleurer la prend, comme s'il ne restait plus que ça à faire. Pleurer jusqu'à ce qu'elle s'éteigne. Elle qui voulait tant un enfant à aimer, elle n'a même pas été capable d'aimer son propre fils. Pourtant Thomas elle l'aime, comme s'il venait d'elle. Elle veut tout lui donner. Il est beau, fort, gentil, il a tout pour plaire, elle n'en veut pas d'autres. Elle ne veut pas de Martin, il est malade, chétif, pâle, il est gentil aussi mais ça ne lui suffit hélas pas. Kathy a d'autres enfants, ce n'est pas grave si Martin n'est pas parfait. Mais Marie, elle, Thomas est son unique fierté. Le seul trésor qu'elle a ramené de sa croisade. Lui ôter cela c'est lui ôter sa vie, car malgré toutes ces années, Martin n'a toujours pas fait ses preuves à ses yeux. Et de toute façon aujourd'hui c'est trop tard.

Une vieille photo carrée comme on faisait dans le temps. Thomas sert Martin contre lui, son bras par dessus ses épaules. Il a toujours été plus grand que lui, malgré leurs ages identiques. Kathy et Marie se tiennent derrière, souriantes. Kathy tient Maxime dans ses bras, son benjamin. Une belle journée à la mer. Thomas cherche le moindre indice révélateur. Il fouine le moindre recoin de l'instantané. Mais tout est au centre, rien n'est caché. Il regarde son visage, puis celui de Martin, celui de Kathy, et enfin de Marie. Un nez fin, des arcades sourcilières carrés, des sourcils fins, une bouche fine. Troublante ressemblance. Martin avait le visage fin ça tout le monde le sait. Mais d'un coup Thomas se rend compte qu'il a les mêmes traits que Marie. Personne n'avait jamais fait le rapprochement, ou n'avait remarqué la ressemblance, car tout le monde était persuadé qu'il n'y en avait simplement pas. Des cernes bleutées se creusent sous les yeux de Thomas. Il regarde vers Martin qui l'observe entre les paumes de ses mains.

- Putain, c'est pas vrai.

Il n'avait rien d'autre à dire. Il jette la photo et feuillette frénétiquement les albums. Les photos défilent devant ses yeux. Chacune apportant une petite pierre à l'édifice interdit dans lesquels les deux jeunes adultes pénétreront pour découvrir la vérité. Un sourire semblable sur une. Une même mimique au même instant sur une autre. Encore un album à terre, Thomas se saisit d'un autre. Martin se déplace sans bruit derrière lui et vient regarder au-dessus de son épaule. Thomas tient une photo dans chaque main, et les compare. Même expression dans le regard. Il arrête la torture là. C'est désormais tellement évident. Une vie. Un mensonge. Un mensonge gros comme une vie. Il a l'impression que tout ce qui l'entoure disparaît petit à petit de sa mémoire, et devient quelque chose d'horriblement inconnu. Sa tête tourne un peu. Il a mal au ventre. Il se laisse aller pour se coucher sur le sol. Sa tête se pose sur la poitrine de Martin, agenouillé derrière lui. Martin baisse à son tour la sienne et pose sa joue contre le crane de Thomas. Les doigts de ce dernier se relâchent doucement et les dernières photos rejoignent les autres à terre. Thomas les repousse encore plus loin avec ses pieds. Il s'y reprend à plusieurs fois, pour être sur qu'elles ne les touchent plus, Martin et lui. Il veut rester dans cette bulle juste avec lui. Ce qui se trouve en dehors de cette bulle n'a plus d'importance pour eux. Ils n'y croient plus. Ces murs, ces tableaux, ces meubles, ces bibelots, ces assiettes, ces couverts, ces verres, ces draps, tous ils savaient. Tous, ils se sont tus. Tous, ils les ont trahis.

- On a plus rien à foutre ici.

Thomas se redresse lentement.

- Si on a pas le droit de vivre ici, personne ne l'aura.

Marie sursaute. Quelque chose vient de tomber avec fracas. Elle entend des choses percuter le sol. Des livres ? Des boites ? Un autre bruit sourd. On aurait dit une étagère qui se fracasse lourdement sur le parquet. “Ils ont en train de se battre”, se dit-elle. Non, ils ne peuvent pas faire ça. Ils n'ont pas le droit. Pour eux, rien ne doit changer, ils n'ont pas mérité que leurs vies s'arrêtent comme ça. La jalousie de ne pas avoir eu droit à la vie qui leur était promise ne doit pas les envenimer. Elle gratte le sol mais est incapable de bouger. Des éclats de verre. Ils chutent et se brisent. Pire, ils s'en servent sans doute pour s'entre-tuer. Encore des coups, des meubles qui tremblent. Marie a l'impression que ça dure des heures. Chaque choc l'électrise. Chaque cliquetis la traumatise.

Puis enfin le silence. Quelques secondes. Marie ferme les yeux autant qu'elle le peut. Elle s'attend à un dernier vacarme. Comme si le corps d'un des deux allait s'affaler lourdement. Le temps ralentit. Elle va l'entendre. Elle en est sure. Le temps ralentit. C'est imminent. Le temps ralentit. La fin arrive. Comme quand on roule à du deux cent à l'heure dans la nuit et qu'on risque de se prendre le premier mur venu.

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Martin est en train de déployer la nappe sur la table en bois dehors. Il y a un léger vent et ses gestes sont fatigués et imprécis. Il fait mine qu'il s'en sort très bien. Marie prépare des condiments et la salade et l'observe du coin de l'oeil. Elle a un pincement au coeur à le voir se démener pour un geste aussi simple mais elle sait qu'il refuse qu'on l'aide. Il a l'air si exténué au moindre mouvement. C'est comme si la maladie, invisible, avait noué des cordes autour de ses poignets et mollets et prenait un malin plaisir à les tirer vers le sol quand il essaie de les utiliser.

Mais Martin a l'esprit beaucoup plus vigoureux que ses muscles, et inlassablement, quand il rate, il recommence. Lentement. Méthodiquement. Sa geste se calcule à l'avance afin d'économiser la rare énergie que son corps arrive encore à emmagasiner. C'est sur il ne sera jamais sportif, mais la tête travaille beaucoup. Il adore lire. Surtout de la mythologie, il adore ça. Et particulièrement le tonneau des Danaïdes. Ce tonneau percé de mille trous qu'elles doivent remplir pour l'éternité afin qu'il ne se vide pas. Ce tonneau c'est un peu comme sa vie. Elle perd son fluide à chaque seconde. Mais Martin se bat pour que ça continue, encore et encore. Pour un petit bout de temps.

Ca y est, cette foutue nappe est enfin à plat. Quelques verres la maintiendront le temps d'apporter les assiettes. Le ragoût est presque prêt. Des assiettes profondes c'est l'idéal. Une fourchette, un couteau, une cuiller pour chacun. Un verre pour le vin aussi. Martin s'en met un mais il boira de l'eau, à cause des médicaments. Voilà. Quatre places pour quatre convives. Sylvain va bientôt revenir et on pourra commencer à déguster ça. Martin corrige quelques symétries et admire sa présentation.

Un cri. C'est Thomas. Il vient de crier le prénom de Martin. Ca n'arrive jamais. D'habitude c'est l'inverse. Martin a toujours besoin de Thomas. Mais là, quelque chose d'anormal vient de se produire. Martin regarde la porte de la maison.

Marie s'est arrêtée de préparer sa salade, elle fixe Martin qui se précipite dans la maison. Elle a l'étrange pressentiment qu'il a pénétré dans celle-ci comme on pénètre dans un mausolée interdit.

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Thomas se balance nonchalamment sur la vieille balançoire qui a rythmé ses après-midi d'enfance comme un métronome. Il lit une revue sportive, perdu dans ses pensées.

- Aaah, enfin le voilà !, se réjouit Sylvain.

Martin arrive souriant, son éternelle casquette sur la tête, et l'embrasse. Marie sort de la maison l'air épanouie elle aussi.

- Pour une fois qu'il est à l'heure, plaisante-t-elle.

Martin fait un petite sourire pincé, il ne le prend pas mal mais il a toujours eu des difficultés à sourire. Il embrasse Marie. Thomas pose sa revue et le regarde en plissant les yeux l'air mesquin. Martin se dirige vers lui en levant un sourcil, devinant ce qu'il allait dire.

- Ouais ouais, pas de commentaire mon vieux, lache Martin en mise en garde.
- Héhé, je commente rien. Mais félicitations, rétorque Thomas en rigolant et en se balançant légèrement.
- Mais qu'est-ce tu t'imagines, on a juste été boire un verre.
- Ah oui, hmm, c'est tout ce que vous avez fait ?
- Beh oui, t'es vraiment obsédé ou quoi ?
- Mais non, je m'inquiète de tes fréquentations mon p'tit !
- Mes fréquentations sont bien comme il faut, et puis pour une fois que c'est pas une fille qui tombe raide dingue de toi.

Thomas rit. Martin le fixe avec un léger rictus. Il profite. C'est rare que ça soit lui le sujet d'une discussion. Marie s'installe sur une chaise et arrache des feuilles de salade pour la préparer. Elle aime les regarder. Mais surtout lui. Son Thomas. Elle détourne son visage et voit la table du jardin dénudée. Elle décide de donner ses ordres pour l'organisation du repas.

- Chéri, le temps qu'on prépare le repas, va donc chercher des boissons chez m'sieur Jolivet, commence-t-elle.
- Oui tu as raison j'y vais, et Sylvain s'exécute.

Il prend ses clefs de voiture et s'en va chez l'épicier.

- Hey les jeunes ! Vous pouvez donner un coup de main aussi vous savez, poursuit-elle.
-Ah bah oui, quoi par exemple ?
- Il m'en faudrait un pour dresser la table, ça serait un bon début.
- Je m'en charge, Marie, répond Martin en souriant.
- Tu sais où ça se trouve hein, fais comme chez toi.

Thomas regarde Martin se diriger vers la cuisine. Il lève le visage au ciel. Le soleil lui lèche les joues et le front. Il sent le petit picotement de la peau qui bronze.

- Avec un temps pareil, ça serait un crime de pas faire de photo.

Marie l'observe et acquiesce en silence.

- Il est où déjà l'appareil photo ?, demande Thomas.
- Dans ma chambre je pense. Tu sais la vieille commode là. C'est un des tiroirs. Celui de gauche. Oui c'est ça. Je vais te le chercher si tu veux.
- Te fatigue pas, maman, je sais encore où se trouvent les choses dans ma maison, rajoute Thomas en plaisantant.

Il donne une grande impulsion avec ses pieds. Il recule de deux bon mètres. Il profite de l'élan de la balançoire pour faire un petit saut et se mettre debout. Marie sourit en le voyant faire.

- Quel gamin, murmure-t-elle avec une voix attendrie.

Thomas marche en trottinant vers la maison. Sur le seuil de la porte, il croise Martin qui apporte la nappe et les assiettes. Il le laisse sortir. Il pose sa main sur son épaule en souriant quand il passe devant lui. Il s'engouffre à son tour.

La balançoire oscille encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.



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Les scènes sont en ordre chronologique inversé.
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°5

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.


Citation :

Elle pousse un cri strident, et court se réfugier dans la buanderie, la porte légèrement entrouverte, pour pouvoir surveiller ses allées et venues. Mais elle n’ose pas regarder. Son cœur bat la chamade, elle respire fort, et vite. Elle se penche en avant, et sursaute. La silhouette imposante vient de passer devant elle, et adossée au radiateur, elle plaque violemment ses mains sous celui-ci. Elle commence à paniquer, et elle a envie de pleurer, mais elle contient ses larmes, à tel point qu’elle sent son cœur gonfler. Elle suffoque. La chose qui court détruit tout sur son passage, et toujours ces bruits incessants qui résonnent dans sa tête.


« Je voudrais être morte… Je voudrais être morte… Abrégez mes souffrances, je vous en conjure, achevez-moi par pitié… » murmura-t-elle, implorant la chose.

Elle a mal, et a comme un haut-le-cœur. Elle ne se sent pas bien, elle a la tête qui tourne. Elle laisse tomber celle-ci sur son épaule droite, et son regard se pose sur la flaque rouge qui s’étale sur le sol.

BLAM ! BLAM ! Toujours ces bruits, encore…

Elle n’a plus de force, et parvient difficilement à se mettre à genoux. Elle a perdu trop de sang, elle sent la vie quitter son corps petit à petit. Elle veut juste partir maintenant, et ne plus revoir cette chose immonde. Elle espère, et ferme les yeux, essayant de sourire. Elle bouge les lèvres, mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle a du mal à se déplacer, et se traîne sur le sol, baignant dans la flaque de sang, ce sang qui s’échappe de son corps et qui entraîne avec lui le peu d’énergie vitale qui lui reste. Elle serre quelque chose de froid dans sa main. Quelque chose d’argenté, un bijou…

Puis elle repense à la douce comptine qu’elle chantait lorsqu’elle était enfant. Affalée sur le sol, la tête posée sur son bras allongé, ses vêtements trempés dans son sang, son regard se perd dans le vague. Elle essaie de se souvenir des paroles, et se met à chanter. Bientôt ce sera fini, bientôt, elle sera libérée. Ses yeux se ferment doucement. Les portes continuent de claquer, les murs continuent de trembler, les bruits continuent de résonner dans la vieille masure, mais elle n’entend plus rien. Et elle n’entendra plus jamais…

Quelques mois plus tard, à un tout autre endroit, Alwin se réveille doucement. Comme tous les matins, il lève la tête avant que son réveil ne sonne, et il l’éteint rapidement, ne lui laissant aucune chance. Il déteste l’entendre sonner, ce bruit lui rappelle étrangement un autre cri…

Allongé sur le dos, il reste quelques minutes au chaud sous sa couette, regardant les fissures dans le plafond. Il faudrait arranger cela un jour, se dit-il. Il pousse un profond soupire, puis se relève, se dirigeant vers la salle de bain. Il laisse couler l’eau de son bain, puis attend patiemment que la baignoire se remplisse, et il ferme les yeux un instant. Quand il les ouvre de nouveau, il pousse un cri en ayant une vision d’horreur : sa baignoire est remplie de sang. Pris de panique il se met à reculer et glisse sur le sol mouillé. Il sent quelque chose de froid au niveau de son cou, quelque chose qui l’étrangle, il a mal, ses yeux sont exorbités.

Puis il se réveille en sursaut, et en nage. Il lui faut plusieurs minutes avant de se rendre compte que ce n’était qu’un mauvais rêve. Un cauchemar. Son téléphone sonne, mais il ne prend pas la peine de répondre. De toute façon, cela fait des mois qu’il ne répond plus. Il est retard encore une fois, et il le sait. Il n’a pas entendu son réveil sonner.

Secouant la tête de dépit, il se lève et il a une impression de déjà-vu. Il enfile un pantalon, et sa chemise froissée de la veille. Il se fiche de ce que pensent les gens, il se fiche de tout après tout. Il finit de se préparer en quelques minutes, puis claque la porte en sortant de chez lui.

Dehors il fait froid, c’est bientôt Noël, mais pas pour Alwin. Il se fiche de toutes ces fêtes, de toutes ces lumières, de toute cette agitation. Il n’aime plus se retrouver mêlé à la foule. Alors il se dépêche d’arriver à la vieille usine où son patron l’attend. Au moins là-bas, on lui fiche la paix. Il entasse les boîtes machinalement, voire avec maniaquerie. C’est la seule chose qui arrive à captiver totalement son attention.

Mais aujourd’hui, c’est le patron qui l’attend, comme à chaque fois qu’il arrive en retard. Alwin le voit de loin, il sait exactement ce qu’il va lui dire. Il n’a même plus besoin de s’y préparer. Il passe devant lui sans même lui laisser le temps de parler, et se dirige au fond de la salle. Il commence à travailler.

Et c’est seulement maintenant qu’il sourit, intérieurement, certes, mais il sourit pour lui. Il revit tous ces instants de bonheur dans sa tête, tous les bons moments qu’il a pu passer avec sa sœur jumelle, sa défunte sœur. Alors que les boîtes passent et s’entassent, Alwin lui est dans sa bulle, dans son monde à lui. Et il est bien.

Nous allons laisser Alwin de côté un moment, et nous intéresser à un tout autre genre de personnage. A l’angle de la rue de l’usine, se trouve une vieille échoppe tenue par un couple de personnes âgées. Cela fait plus de quarante ans qu’ils vivent et travaillent là. Leur petit-fils vit avec eux, il a tout juste la vingtaine. Ses parents l’ont mis dehors il y a deux ans, et seuls ses grand-parents ont eu la bonté de le recueillir, en dépit de tout le mal qu’il leur faisait chaque jour.

Il est bientôt midi, et la vieille aide son mari à ranger des petits pots de confiture sur la plus haute étagère. Juché sur un escabeau, il a les mains qui tremblent, et il pose un à un les pots que sa femme lui tend. Leur petit-fils vient de se lever à l’étage. Comme tous les matins, c’est le même rituel : le sale gosse met de la musique très fort, il ne descend même pas aider ses grand-parents.


« Ah ça y est, Maxence est levé. » marmonne la vieille, « Dépêche-toi donc, il y a encore tous ces pots là à ranger et nous allons bientôt manger ! »

Une fois les confitures rangées, le couple se dirige vers l’intérieur de la boutique, donnant directement sur leur maison. Pendant que la vieille femme finit de préparer le repas, le vieux sort trois assiettes et commence à dresser la table. Le jeune homme déboule alors dans la salle à manger, et réclame de l’argent à sa grand-mère, insolemment. Celle-ci s’exécute avant qu’il ne fasse une crise. Elle déteste voir son petit-fils s’énerver, souvent il casse des choses, et il lui fait peur.

« Tiens Maxence. » lui dit-elle en lui tendant un billet, « Tu restes manger avec nous ? Je prépare le repas et… »

Il lui coupe alors la parole avec un non sec et dur. Puis il lui arrache le billet des mains, et s’en va sans la remercier.

« De toute façon je n’aime pas ta nourriture… Je sors. » se contente-t-il de dire.

Maxence enfile alors son blouson, et quitte ses grand-parents. Ils ne sont même pas surpris, ils ont pris l’habitude de le voir réagir ainsi. Ils s’installent comme si de rien n’était, et déjeunent tous les deux en silence. Au moins aujourd’hui, ils n’auront pas peur.

Alors que la journée s’achève enfin, Alwin lui est toujours plongé dans ses rêveries, en rangeant les boîtes tel un robot. Et comme tous les soirs, le plus jeune des ouvriers de l’usine vient lui tapoter l’épaule.


« Allons Alwin, il est tard, tout le monde est déjà parti… Viens, je te raccompagne, rentrons ! »

Alwin sort alors de son état de transe. Le sourire présent sur son visage s’efface peu à peu. Il regarde le jeune ouvrier avec un air de reproche. En quelques mois, le visage d’Alwin s’était durci, on pouvait difficilement croire qu’il avait à peine vingt-cinq ans.

Alwin ne mange pratiquement rien de la journée, il grignote à peine le soir en rentrant chez lui. Le teint blafard, les yeux cernés, chétif, Alwin donne l’impression d’être malade.


« Il faut que tu t’y fasses Alwin, elle n’est plus là, tu n’y peux rien. Allons viens, il se fait tard. » lui dit le jeune ouvrier, qui s’appelle en réalité Théo.

Alwin baisse alors la tête, et se laisse entraîner par Théo jusqu’au dehors. Théo lui parle de sa petite amie, de ce qu’il compte faire ce week end, de ce qu’il va manger le soir. Mais Alwin ne lui répond pas. Cela fait plusieurs mois qu’il ne parle plus, plongé dans un profond mutisme.


« Voilà, te voilà arrivé ! C’est ici que je te laisse, à demain Alwin, passe une bonne soirée »

Et sur ces mots, Théo s’en va, laissant Alwin en bas de son immeuble. Il sort la clef de la porte, mais se rend compte qu’il a oublié quelque chose. Il se retourne vivement, mais ne voit pas le jeune homme qui avance d’un pas rapide, et qui lui rentre dedans. Le jeune homme, gros mastodonte vêtu d’un blouson de cuir noir, et d’un chapeau de la même couleur le regarde avec un air impudent, puis se met à l’insulter. Alwin ne bronche pas, mais fixe longuement le jeune insolent. Cette voix, ce regard, ces yeux… L’homme le bouscule violemment et s’en va en bougonnant.

« Dégage connard, tu me barres la route ! »

Alwin lui reste impassible, il ne bouge pas d’un cil. Il reste quelques secondes immobile, puis repart sur ces pas. Il a perdu un objet précieux à ses yeux, et il espère vivement le retrouver…

Quant à Maxence, voici maintenant plusieurs heures qu’il erre dans la rue. Lui aussi cherche quelque chose, il ne semble pas avoir trouvé. Il lui faut absolument le retrouver, il le cherche depuis plusieurs mois maintenant.


« Putain ! C’te sale journée… » murmure-t-il tout bas.

Il est de mauvais poil ce soir, sa douleur au bras gauche est revenue, elle lui fait mal. Il s’était cogné contre un homme qui ne regardait pas où il mettait les pieds tout à l’heure, et ne s’était pas gardé de le lui faire remarquer.

Arrivé là où il devait aller, il s’arrête et regarde la vieille maison délabrée un instant. Il risque gros en revenant ici, pourtant il doit absolument le récupérer. Après tout, cela fait plusieurs mois que ça s’est passé, personne ne devrait le reconnaître par ici. Il regarde quand même à droite et à gauche, méfiant. Il ne sait plus trop ce qu’il doit faire, il est un peu sonné.


« Finissons-en, allez ! »

Il entre alors dans la demeure abandonnée, et grimace. Il se dépêche, pour pouvoir sortir plus vite. Il scrute les salles une à une. Il arrive dans une salle complètement vide, uniquement décorée par une tâche rouge marron, sur le sol. Mais il ne ressent rien. Il monte à l’étage et continue de fouiller, mais il ne le trouve pas. Il commence à s’énerver, et donne des coups de poing dans les murs et les portes. Ses mains saignent, des échardes pénètrent celles-ci. Mais il est trop énervé, il ne ressent rien. Il a envie de hurler mais se contient tant bien que mal.

Il sort en courant, et ne s’arrête qu’une fois arrivé à la ville. Il bouscule tout le monde, mais ne s’arrête pas cette fois-ci. Son blouson de cuir noir est couvert de poussières, mais il s’en moque. Il arrive dans la rue de ses grand-parents, et réfléchit déjà au moyen qu’il va utiliser pour les réveiller et les énerver.

Mais quelque chose capte son attention. Juste devant l’usine, à quelques mètres de la vieille boutique, un homme est accroupi. Il ramasse un objet qui semble briller dans le noir. Il s’approche doucement, intrigué.


« Mais… C’est pas vrai, je rêve… » chuchote-t-il ses yeux ternes grands ouverts.

L’homme se relève, et essuie l’objet avec sa manche, le sourire aux lèvres. Maxence continue de s’approcher, obsédé par l’objet : c’est une moitié d’un pendentif argenté, l’objet de sa convoitise, celui qu’il recherche depuis plusieurs mois… Et c’est l’homme qu’il a bousculé une heure plus tôt qui le tient dans ses mains, là, devant lui !

Alwin range précautionneusement le demi-pendentif dans sa poche, et s’apprête à repartir, quand Maxence lui bloque le passage. Il ouvre de grands yeux en revoyant ce grand gaillard devant lui.


« Donne moi ça… » exige Maxence.

Alwin tente d’ignorer Maxence, et essaie de l’esquiver. Mais ce dernier n’a pas l’intention de le laisser filer. Il l’attrape par le bras, et plonge sa main dans la poche du malheureux. Alwin ne se laisse pas faire, et se débat. Il pousse un cri, hurlant sa douleur, hurlant tout son mal, tout ce qu’il a gardé enfoui au plus profond de lui même. Pour la première fois depuis des mois, un son sort de sa bouche. Et il vient du fond de son cœur.

Alwin devient enragé lui aussi. Il comprend alors ce qui se passe. Il comprend tout. Toute l’histoire défile dans sa tête. Il sait exactement qui est la personne qu’il a en face de lui. Et il ne lui laissera aucune chance, pas cette fois.

L’homme qui ne mange plus, l’homme rachitique serre ses poings. Puis il attrape le poignet de Maxence, et enfonce ses ongles dedans. Hors de lui, Maxence lui saute dessus, il commence à l’étrangler, ses mains se posent sur le cou d’Alwin et il serre fort. Il serre si fort que de la bave coule de sa bouche sur le visage bleui d’Alwin.

Les deux hommes se battent, chacun défend sa propre cause : l’un la liberté, l’autre la justice.


« Tu m’as pris ma sœur ! » hurle Alwin, « Tu l’as tuée, tu l’as tuée, tu l’as tuée… » répète-t-il inlassablement alors que Maxence ne relâche pas son étreinte.

Ce dernier ne peut le laisser hurler cela, il enlève ses mains, et se relève pour prendre de l’élan. Puis il assène un coup violent au niveau du visage d’Alwin.

Alwin lui ne ressent plus la douleur. Il profite de ce petit flottement de la part de Maxence pour se libérer et le plaquer contre le sol.


« Tu l’as tuée ! Tu l’as tuée ! Tu l’as tuée ! » continue-t-il de hurler.

A présent, Maxence a peur, l’homme squelettique s’est transformé en monstre dévastateur, il n’a jamais vu pareil spectacle auparavant.


« Ta gueule abruti ! » crie Maxence à son tour, essayant de le faire taire.

Des gens se sont rassemblés autour d’eux, mais devant la violence des deux hommes, ils n’osent pas les démêler. Alwin attrape alors la tête de Maxence, et la cogne frénétiquement contre le sol. Maxence se met à crier, il implore Alwin. Mais il ne s’arrête pas. Telle une furie, il continue de frapper la tête contre le sol. Le bruit des os sur le béton résonne, et Alwin continue jusqu’à ce qu’il sente une main contre son épaule.

Quelqu’un l’attrape et le tire avec force en arrière. Alwin se retourne, et voit Théo.


« Alwin arrête, arrête ne fais pas ça ! »

Il lâche alors le corps de Maxence, et regarde ses mains pleines de sang, il a une vision d’horreur, mais cette fois-ci, elle est bien réelle.

« Mais c’est lui Théo, c’est lui qui… »

Alwin secoue la tête. Il vient de réaliser ce qu’il a fait. Sa respiration s’accélère et il regarde autour de lui. Tous ces gens qui le dévisagent, toutes ces personnes agglutinées autour de lui.

« Appelez une ambulance, dépêchez-vous, ne restez pas planté là comme un piquet ! » crie Théo aux personnes qui les entourent.

Alwin lui, est complètement désorienté. Il s’approche de Maxence, et colle sa main contre la sienne. Elle est refermée, et contient quelque chose. Il l’ouvre, le demi-pendentif est là, il n’attend que lui. Alwin sourit, il a enfin réussi, il a enfin la preuve. Il l’a perdu quelques heures plus tôt, et il le retrouve en retrouvant également la personne qui possède l’autre moitié du pendentif.


« Théo regarde… Théo regarde, j’ai réussi… » susurre-t-il, avant de s’évanouir.

Quelques jours plus tard, dans l’hôpital de la ville, au deuxième étage, dans une chambre banale pour malade, un homme regarde par la fenêtre. Quelqu’un toque à la porte, puis entre.


« Monsieur Alwin Desvoges ? Je suis ici pour vous poser quelques questions… »

Alwin ferme les yeux. Il tient dans sa main le demi-pendentif. Il est à présent prêt à révéler toute la vérité. Il a la preuve : il détient la moitié de ce que l’assassin de sa sœur jumelle détient et recherchait, et il sait qui il est. Il l’avait récupéré sur le cadavre de sa sœur, elle le tenait dans ses mains et il s’était juré de retrouver l’autre moitié. Il s’assied sur le rebord de son lit, et répond calmement à toutes les questions de l’inspecteur.

Dans la soirée, Théo vient lui rendre visite. Alwin est toujours dans sa chambre, allongé sur son lit. Il a le droit de sortir demain. Ils discutent longuement, de tout et de rien. Alwin le remercie d’avoir pris soin de lui pendant tous ces mois, il ne l’a pas oublié. Théo lui, reprend ses habitudes. Il lui raconte que demain, ses amis et lui organisent un déjeuner chez lui, et qu’il compte en profiter pour faire sa demande en mariage à sa petite amie. Alwin lui sourit.


« Si tu veux Alwin, tu peux venir avec nous, tu es le bienvenu. Je passerai te chercher demain, lorsque tu sortiras. »

Le lendemain, Alwin attend dans sa chambre en regardant par la fenêtre. Dans le jardin de l’hôpital, il y a des balançoires, et des gens dessus. Il se remémore alors quand sa sœur et lui étaient enfants, et qu’ils allaient souvent jouer aux balançoires dans le parc près de leur maison. Puis Théo arrive dans sa chambre, et ensemble, ils quittent l’hôpital.

« Mes amis sont en bas, ils s’amusent sur les balançoires, je te présenterai aussi Célydie, ma petite amie, elle est restée à la maison, elle nous y attend. »

Les hommes dévalent les escaliers, puis quittent l’hôpital. Alwin respire enfin la liberté. Ils s’approchent des balançoires. Les amis de Théo les attendent. Et il y a une fille qui se balance, les cheveux au vent. Alwin la regarde et lui sourit. Ils sont tous silencieux.
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°6

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

Citation :
M. Tortue, Georges de son prénom, regardant ainsi partir sa femme Lolly, se dit que de mémoire de tortue, jamais personne ne vit femelle courir si vite. Il en fut assez fier, qu'elle était donc belle et athlétique; si elle maintenait cette allure peut-être même ne mettrait-elle qu'une journée à atteindre le perron. Cela ferait un magnifique début à l'histoire du "voyage de Madame Tortue" qu'elle était en train d'entamer.

Depuis des millénaires, en effet, les femelles tortues ont à coeur de maintenir passion et romantisme au sein de leur couple. Sachant qu'un couple de tortue s'unit habituellement vers l'âge de cinq ans et ne se rompt qu'à la mort d'un des deux partenaires , sachant également que l'espérance de vie moyenne d'une tortue est de 130 ans, cela n'est pas toujours tâche facile. Quand, malgré les efforts renouvelés de dame tortue, monsieur tortue ne parvient plus à être extirpé de sa routine quotidienne et oublie de prodiguer mots doux et don de navets, celle-ci sait qu'est alors venu pour elle le moment de commencer son grand "voyage de Madame Tortue". Le principe premier de ce périple est de faire subir à leurs mâles si grandes émotions et motivantes inquiétudes qu'à leur retour jamais ne soit oublié l'intensité des sentiments que Monsieur Tortue porte à sa conjointe et que plus jamais ensuite la tendresse ne soit absente de leur quotidien. Principe qui a toujours fonctionné parfaitement bien. Chaque aventure, une fois terminée est soigneusement intégrée à*"l'Historique Chronique des Grands Voyages des Magnifiques Femelles Tortue de Patagonie et d'Ailleurs mais surtout de Patagonie". Chronique tenue de mère en fille par la famille Bel Ecaille (lignée de tortues très estimée en Patagonie) et racontée intégralement chaque 15 août, la nuit qui précède les grandes soldes d'été des animaleries. Ces histoires palpitantes et souvent héroïques font vibrer l'imagination des jeunes femelles depuis maintes générations et marquent durablement l'esprit des jeunes mâles, enfin de ceux qui ne se sont pas endormis.

Georges, insomniaque depuis toujours était l'un de ceux qui avait entendu le plus grand nombre de ces histoires. Il savait que son rôle était de s'inquiéter, de passer de nombreuses heures à arpenter le plancher de son enclos et à contempler l'eau de la mare miniature en se tordant les pattes d'angoisse. Cependant Georges était un rêveur, et plutôt que de s'alarmer, il ne pouvait s'empêcher d'être tout excité en imaginant le moment où le récit de sa femme serait raconté lors de la prochaine veillée du 15 août. L'une des héroïques Femelles Tortues avait voyagé à dos de tigre et une autre encore avait nagé plusieurs heures avec un groupe de dauphins (il est vrai que ceux-ci étaient alors endormis), une troisième avait traversé l'immense désert de sable blanc du Parc Mon-Souris à Paris. Moult récits plus extraordinaires les uns que les autres avaient été racontés lors de ces veillées et le coeur de Georges frémissait déjà d'amour et de fierté à l'idée d'entendre celui de Lolly. Peut-être même pourrait-il obtenir une dérogation et avoir ainsi le droit de lire lui-même la saga de sa femme. A cette pensée, Georges sentait déjà sa gorge se serrer d'émotion.

- Toby a perdu l'une de ses tortues, confia Mme Anne Thomas à son mari

- Comment peut-on perdre une tortue, répliqua Luc Thomas. Leur vivarium est au deuxième étage et sa clôture fait bien 60 cm de haut. Dis-lui de mieux regarder, elle a dû crever au fond de la mare.

- La clôture avait un trou. La tortue a dû s'en échapper.

- Oh nom du ciel, dis à Toby de bien fouiller l'étage, je n'ai nulle envie de retrouver une tortue en décomposition au milieu de mes chaussettes.

- Mais pourquoi veux-tu tellement que cette tortue soit morte. Toby pense qu'elle est partie en voyage.

- Mouais, si je comprends bien, il faut que j'aille d'urgence acheter une nouvelle tortue à mettre sous le sapin dimanche. Comme si j'en avais le temps. Je dirais à ma secrétaire de faire le nécessaire. Bon, je file, n'oublie pas de commander le ragoût.

Lorsque Georges avait rencontré Lolly le temps avait paru s'arrêter. Il mangeait sereinement une feuille de salade quand Lolly était lentement descendue du ciel, un large ruban doré entourant sa carapace. Des grosses mains poilues également l'enserraient mais celles-ci avaient très vite disparu de son champ de vision, aussitôt remplacées par le visage hilare de Toby.

- Tu es content Georges, hein tu es content ? criait le petit garçon.

Georges n'était pas sûr d'être content. Allait t’il devoir partager sa salade ? Mais quand il avait croisé le regard hébété de Lolly, une vague de compassion l'avait submergé et dans un élan d'amour prénuptial, il avait franchi la mare, une feuille de Batavia en offrande dans la gueule. La jeune tortue avait ingéré la verdure puis doucement proféré. "où est le reste ?". Ils avaient alors retraversé la pièce d’eau de concert et lorsque Lolly eut englouti seule l'intégralité de la salade, c'est le regard de Georges qui était hébété.

Peu à peu il s'était habitué à l'idée de tout partager, de devoir interrompre souvent ses rêveries pour écouter attentivement les petits riens que Lolly lui narrait avec véhémence. En un rien de temps il maîtrisa de nouvelles utiles compétences : fixer l'oreille droite de sa conjointe et alterner des oh ? et des ha ! à chaque fois que celle-ci tressautait. Il était très important que ce fut la droite, la gauche qui avait un temps de réaction légèrement décalé, lui ayant fait subir quelques désagréments.

- Imagine-toi chéri que ce matin, la femme de ménage occupée à faire la poussière dans la chambre de Toby...

- OH !

s'est exclamée en me voyant : cette tortue a une carapace tout bonnement superbe qui ferait grand effet comme cendrier sur ma table de salon.

- ...

- Je te dis que la bonne songe à me faire la peau et toi tu n'as aucune réaction ?

- Mais enfin chérie, j'étais sous le choc. Qu'elle essaye donc de s'approcher de toi et c'est son plumeau qui nous servira de descente de lit.

Georges eut plaisir à découvrir que la vie commune avec Lolly stimulait fortement son imagination. Il l'imaginait portant des chapeaux plus extravagants les uns que les autres afin de pouvoir rire à gorge déployée alors qu'elle lui racontait pour la centième fois la même plaisanterie. Il pensait à tous les choux et radis que plus jamais il ne mangerait seul pour arborer un faciès suffisamment sinistre lorsqu'elle lui relatait de mineurs désagréments. En un mot comme en cent, et en très peu de temps, Georges fut profondément amoureux.

- Comment ça tu as décidé de faire un repas de Noël végétarien ? grinça Luc Thomas. Ca n'est pas du tout ce qui était prévu. Et c'est maintenant que tu me le dis, mais bordel il ne doit plus rester une seule boucherie ouverte. Quoi, la nouvelle tortue à mettre sous le sapin ? Et bien oui, j'ai oublié. Non mais tu sais la somme de travail que je dois accomplir le dernier jour avant Noël ? Tu penses vraiment qu'acheter des tortues fait partie de mes priorités ? Et n'essaie pas de faire pleurer dans les chaumières, Toby a déjà un monceau de cadeaux qui l'attendent, c'est à peine si on aperçoit encore le sapin derrière le tas. Qui ? M. Tortue ? le pauvre M. Tortue attend depuis deux jours sans bouger, derrière la fenêtre, à guetter l'allée ? Et bien dis à Toby de le poser ailleurs.

Georges, pour se rassurer, se mit à calculer la durée moyenne d'un "voyage de Mme Tortue". Temps qu'il était difficile d'évaluer puisqu'il ignorait le point de départ des autres femelles. Si l'héroïne aux tigres était partie de la banlieue parisienne, comme Lolly, on pouvait aisément rajouter un mois à la semaine interminable qui venait de s'écouler. A moins qu'un cirque itinérant ne soit venu s'établir à proximité de son domicile. Idem pour les dauphins. Georges en conclut, à regret, que rien dans ces récits ne permettait de se faire une idée raisonnable du déroulement logique et ponctuel des différents événements. Il en éprouva quelque ressentiment. Toby semblait aussi inquiet que lui, après avoir fouillé la maison et le jardin en compagnie de sa mère, ils avaient placardés des dizaines d'affichettes dans le quartier. Sans aucun résultat pour l'instant, Georges espéra que Lolly n'avait pris aucun avion.

C'était Noël aujourd'hui et Georges se sentait un tout petit peu moins malheureux, quelle magnifique conclusion d'un voyage de Mme tortue que de rentrer un soir de Noël, un ruban doré ceignant sa taille comme au jour de leur première rencontre. Ce serait un coup de théâtre d'un tel symbolisme que nul mari ne pourrait jamais l'oublier. Et surtout pas Georges. Il avait beaucoup réfléchi ces jours derniers aux raisons du départ de Lolly et il s'en voulait terriblement. Il avait relâché son attention, c'était évident. Il l'aimait tellement, depuis de si nombreuses années, qu'il pensait n'avoir plus rien à lui prouver mais c'était méconnaître le profond besoin de romantisme d'une femelle tortue. Il se rappelait les larmes qui avaient fait déborder la mare au dernier anniversaire de leur rencontre quand il avait décidé d'innover et lui avait offert un très joli petit râteau, tellement pratique pour gratter les contours de la pièce d'eau, à la place de leur Batavia traditionnelle. Et il y avait eu aussi le jour où il s'était trompé, l'avait imaginée avec un chapeau grotesque alors qu'elle lui racontait une terriblement importante histoire d'allée de cailloux assortis. Il avait ri à en perdre haleine et Lolly l'avait mal pris. Il prendrait soin de son extrême sensibilité désormais, Georges se le promis.

Mais que voyait-il bouger là bas, en face, dans le jardin du voisin. La haie avait frémi, il en était persuadé et une ravissante petite tête chauve un court instant avait pointé. Lolly, c'était Lolly, elle revenait, il devait l'accueillir dignement. Georges poussa un hurlement digne du plus tonitruant des guerriers Massaïs et Toby accourut. Le petit garçon comprit immédiatement l'intensité de la situation.

- Georges, tu crois que c'est elle ? tu veux qu'on aille l'attendre en bas, c'est ça ?

Et l'enfant portant la tortue à bout de bras dévala les escaliers plus vite qu'aucun adulte, même juché sur une paire de roller, ne le fit jamais. Il déposa ensuite soigneusement la tortue sur une des balançoires et retourna dans la maison appeler ses parents. Il fallut bien quelques minutes à Georges pour revenir à un rythme respiratoire plus proche de la normale, et quelques minutes encore pour qu'il se rappelle où et qui il était. Un mouvement de l'autre côté de la route lui fit entièrement recouvrer ses esprits. Lolly "le retour de Lolly". Rien ne devait gâcher la solennité de ce moment. Georges avala sa salive, se cala fermement sur ses pattes et ouvrit grand les yeux pour ne rater aucun des infimes détails qui faisaient toute la splendeur des "Grands Voyages des Magnifiques Femelles Tortue de Patagonie et d'Ailleurs mais surtout de Patagonie".

Il se mit à scander doucement :*"dimanche 25 décembre 15h45, Banlieue parisienne (il lui semblait nécessaire de rajouter désormais un peu de précision géographique et temporelle aux chroniques) la tête sculpturale de Lolly apparaît, déplaçant 7 feuilles de la haie d' escallonia macrantha, elle avance d'un demi centimètre marque une pause de 36 secondes puis en un bond que nous pouvons aisément délimiter à 14 centimètres se retrouve sur le bord de la route. Lolly, avec une prudence telle qu'elle devrait être citée en exemple à la jeune génération, scrute le côté gauche de la chaussée. 15h51, Lolly scrute le côté droit. 16h01, Lolly s'élance et parcourt 162 centimètres en moins de 3 minutes 16 secondes. 16h04 un bolide gris métallisé heurte Lolly par la gauche. Lolly est projetée sur une distance de 12 mètres 41 et atterrit plus ou moins au milieu du jardin dans un parterre d'hellébores". Un cri aigu interrompit le compte-rendu égaré de Georges.

- MAMAN, MAMAN, une voiture a renversé Lolly !

- Mais non chéri, pas renversé, morigéna le père, propulsé serait une description plus exacte. J'espère d'ailleurs qu'elle n'a pas flingué mon parterre.

- Luc, le reprit la mère. Tu n'as donc aucun coeur ? Je t'en prie, va vite voir dans quel état est cette tortue.

Le père traversa le jardin, désincrusta Lolly du parterre dans laquelle elle s'était insérée, la retourna, l'examina et décréta : Morte, chérie, tout ce qu'il y a de plus morte. Et bien nous allons changer le nom du destinataire sur ce cadeau de Noël. Me voilà enfin sauvé de la déprimante perspective d'un repas végétarien. Je dois avoir quelque part la recette d'un délicieux ragoût de tortue que m'avait donnée M. Chang, lors de mon dernier voyage à Bangkok. Vous allez voir, nous allons nous régaler.

- Papa, tais-toi, sanglota Toby. Georges vous regarde.

Georges, en effet, clignant des yeux pour contenir ses larmes, fixait les grosses mains poilues qui enserraient le petit corps brisé. C'était les bonnes mains, le bon moment, la bonne tortue mais qu'est-ce donc qui avait fait tout dérapé ? Le ruban doré, il manquait le ruban doré. Si Georges trouvait un ruban doré, tout allait s'arranger. Il réfléchit, Toby devait l'avoir gardé, cet enfant gardait toujours tout. Il allait retrouver cette foutue ficelle, il allait la nouer fermement autour de la carapace de Lolly, elle ouvrirait alors les yeux, battrait quelquefois des cils et soupirerait : "Georges, mon sauveur, tu y as pensé". Alors il l'embrasserait et ...

Toby courut vers Georges et lui montra en pleurant une boîte à chaussures tapissée de ouate immaculée, un ruban doré en ornait le couvercle, il lui dit : "J’ai préparé ce cercueil hier. Je voulais jouer à enterrer ma girafe en peluche mais puisque ce terrible accident est arrivé à Lolly…*"

Georges fixa le ruban avec horreur, c'était le même ruban, le même. Toby avait collé le ruban du retour de Lolly sur un cercueil. C'en était trop pour le petit coeur de Georges. Dans un dernier sanglot, un dernier sursaut, il sauta de la balançoire pour rejoindre Lolly, fit quelques pas et à tout jamais s'immobilisa.

Le père en deux enjambées le rejoignit, le souleva et, une tortue morte dans chaque main, déclara "plus aucune sensibilité matrimoniale ne s'oppose à ce que ces deux là finisse dans ma cocotte je suppose ?"
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°7 - La boite à musique

Citation :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.
Les notes d’une boite à musique résonnent encore t encore de plus en plus fort.
Telles sont les cauchemars que fait la petite Gwendoline depuis ces terribles événements qui lui sont arrivés la semaine dernière.


C’était la veille du nouvel an, la mère de Gwendoline avaient invité deux couples d’amis à passer le réveillon avec eux. La porte sonna, ils étaient déjà là. En avance d’ailleurs, le ragoût venait tout juste de commencer à cuire. Gwendoline était cachée en haut des escaliers accroupie derrière la rampe et regardait les têtes des inconnues qui pénétrèrent dans la maison. La petite fille était très timide et c’est pour cette raison qu’elle était toujours en retrait face aux personnes qu’elle ne connaissait pas. Elle était de taille très petite, pour une enfant de 7 ans elle était largement plus petite que la moyenne. Elle avait les cheveux dorés et bouclés, des petits yeux bleus qui reflétait un peu son angoisse de se retrouver face à toutes ces personnes qu’elle ne connaissait pas. Elle portait une petite robe bleue qu’avait cousu sa mère pour son dernier anniversaire.

« Je ne vous attendais pas aussi tôt, s’écria la mère de Gwendoline !
- Oui, nous sommes arrivés un peu plus tôt afin de vous aider à tout mettre en place Jessica. Nous n’allions quand même pas vous laisser tout préparer toute seule, répliqua une dame assez élégante qui venait sûrement d’un milieu très aisé.
- Oh c’est bien gentil de votre part mais il n’y a plus rien à faire ; le ragoût et sur le feu et la dinde et dans le four avec les marrons. »

Les deux couples donnèrent leur manteau à Jessica qui les accrocha aussitôt sur le porte manteau. La dame qui devait être assez riche était une des meilleures amies de Jessica, elle était accompagnée par un homme habillé en costume très chic. Gwendoline les observait, ils semblaient tous deux très hautains. La dame jeta un léger coup d’œil à la jeune enfant puis suivi Jessica vers la salle de réception. L’autre couple était des gens assez simples, des amis de Jessica également.

« Gwendoline ! Tu peux descendre s’il te plaît, fit Jessica !
- J’arrive maman, répliqua la petite fille. »

Gwendoline descendit les escaliers et entra timidement dans la salle de réception.

« Voici ma petite fille, Gwendoline, dis bonjour à nos inviter Gwendoline.
- B’jour, répliqua timidement la jeune fille.
- Oh, oh, oh, ne sois pas timide jeune fille, dit la femme assez riche d’un ton assez moqueur.
- Oui ma fille est assez timide mais cela va lui passer. Avez-vous fait un bon voyage Josianne-Gertrude ?
- Assez difficile, il y a beaucoup de vent dehors j’ai cru que notre voiture allait quitter la route nous avons du rouler très doucement, pas vrai Jacques-François ?
- Il est vrai ma chère, d’ailleurs la radio a parlé d’une tornade qui traverserait la région, j’espère que nous serons à l’abri.
- Une tornade, répondit Jessica assez surprise, je ferais mieux d’allumer la radio au cas où alors. »

Jessica s’avança vers le poste de radio situé sur la commode et le mit en marche, ensuite s’avança de nouveau vers les invités et se tourna vers le deuxième couple qui n’avaient pas encore parlé depuis leurs arrivés :

« Claire, vous prendrez bien un peu de café ?
- Avec plaisir Jenny, avec deux sucres s’il te plaît.
- Et toi Jeffrey ?
- Non merci, pas maintenant. »

Gwendoline profita de cet instant pour remonter dans sa chambre. Elle s’allongea sur son lit, attrapa une boîte à musique située sur sa table de nuit et l’ouvrit. Une douce musique enfantine se répandit dans sa chambre. Cette boite à musique elle l’avait eu de sa grand-mère. Elle était très ancienne, bien souvent sa mère lui recommanda d’y faire très attention. Les volets de la chambre commencèrent à claquer, le vent semblait souffler de plus en plus fort. Gwendoline n’y prêta pas attention car elle était comme hypnotiser par cette musique qui lui rappelait de si bons souvenirs. Mais c’est le téléphone qui ramena la petite fille loin de ses rêves.

Jessica se rendit dans la cuisine afin de répondre au téléphone :

« Allo ? Que me veux-tu Charles ! … Non ta fille n’a pas envi de te voir, laisse-nous tranquille ! »

Sur ces mots, Jessica raccrocha le téléphone. Elle souffla quelques instants afin de ne pas paraître énerver devant ses invités puis regagna la salle de réception.

« Jessica, avez-vous encore cette merveilleuse petite boite à musique, demanda Josianne-Gertrude ?
- Oh que oui, ma fille ne s’en sépare pas, pas vrai Gwendol… Gwendoline ? Oh, elle a du remonter dans sa chambre.
- Nous serions intéressées par te la racheter, combien nous la vendrais-tu ?
- Je ne pense pas que ma fille veuille s’en séparer, c’est un cadeau de sa grand-mère et celle ci nous a quitté il y a un mois.
- Oh, oh, mais cette petite fille n’a aucune notion de la valeur des choses, elle risque de la casser. Ce serait dommage de casser un objet d’une telle valeur. Vous savez, nous sommes prêts à y mettre le prix.
- Il faudra que j’en parle à ma fille, cette boite lui appartient.
- Venez Jacques-François, nous allons en parler à la jeune fille.
- Bien, ma chère »

Jessica indiqua la direction de la chambre de Gwendoline puis rejoignit le couple restant. Gwendoline ferma sa boite à musique et la reposa sur sa table de nuit. C’est à ce moment que Josianne-Gertrude accompagné de son époux entrèrent dans la chambre de la petite fille. Josianne-Gertrude s’avança vers Gwendoline.

« Et bien ma petite, tu en as une belle boite à musique.
- Oui… c’est un cadeau d’grand-mère.
- Tu accepterais de me la donner contre une bonne boîte de chocolat ?
- Non, j’veux pas, j’garde ma boite.
- Oh, quelle insolence ! Ce n’est pas poli de refuser une proposition comme celle là. Allez donne voir ta voir jeune fille si tu ne veux pas que je raconte à ta mère la peste que tu es.
- Non, non, allez-vous-en ! Je n’vous donnerai pas ma boite ! »

Voyant que ces personnes n’avaient pas de bonnes intentions à son égard, Gwendoline saisit de nouveau sa boite à musique et la cacha sous ses couvertures. Josianne-Gertrude commença alors à perdre patience :

« Bon allez, fini tes enfantillages, tu veux combien pour ta boite à musique ?
- Maman ! Maman ! »

Gwendoline espérait que sa mère lui viendrait en aide mais celle ci n’entendit rien avec la radio allumait. Claire aida Jessica à mettre la table pendant que Jeffrey écoutait attentivement la radio. Celui-ci leur fit remarque que la radio parlait de la tornade :

« Ecoutez, on dirait que la tornade va passer tout prêt d’ici.
- Oh mon dieu non, cria Jessica ! Ce n’est pas possible, c’est la première fois que j’entends parler d’une tornade dans la région !
- Pas de panique, fit Claire, cela ne sert à rien de s’inquiéter pour le moment, nous sommes à l’abri je pense ta maison est solide.
- Une tornade, mais tu ne te rends pas compte Claire ! Elle va tout détruire sur son passage ! »

On entendit des bruits violents un peu partout dans la maison, Jessica regarda dehors et vit avec horreur le vent déraciner des arbres, emportant des branches énormes qui s’abattirent sur les murs de sa maison. Puis soudain une vitre se brisa, un bras ensanglanter passant à travers et ouvrant la fenêtre de l’intérieur. Jessica, prise de peur, poussa un cri d’angoisse :

« Aaaaaahhhh ! ! ! ! ! »

Puis elle vit le visage de son ex-mari derrière la fenêtre.

« Jessica ! ! Où est ma fille ! ! »

Charles enjamba la fenêtre brisée et entra dans la salle de réception avec le bras en sang.

« N’avance pas ou j’appelle la police, fit Jessica en se reculant lentement vers le téléphone.
- Appelles les si tu veux, je ne partirai pas sans ma fille ! »

Jessica décrocha le téléphone, Claire et Jeffrey regardèrent la scène sans rien dire. Plus de tonalité, la tempête dehors avait du couper la ligne. Charles profita de ce moment d’inattention pour quitter la salle se dirigeant vers les escaliers.

Gwendoline était prise au piège, Jacques-François bloquait l’entrée de sa chambre et Josianne-Gertrude s’apprêtait à lui voler sa boîte à musique avec ses doigts crochus, d’ailleurs Gwendoline lui trouvait des airs de ressemblance avec une méchante sorcière qu’elle avait vue dans un livre pour enfant. Gwendoline se tenait près de la fenêtre, sa boite à musique blottie contre elle dans ses bras. Les volets à l’extérieur claquèrent de plus en plus fort, la tornade semblait se rapprochait vers eux.

Jacques- François fut bousculer en avant et tomba par terre, Gwendoline poussa un cri de frayeur en voyant son père, le bras ensanglanté, sur le pas de sa porte.

« Gwendoline vient voir papa, fit Charles.
- Mamaaaaaaaaaann, cria la petite Gwendoline ! ! ! »

Josianne-Gertrude profita du moment de distraction de la petite fille pour agripper la boite à musique avec ses mains. Soudain un vent violent projeta un des volets extérieurs à l’intérieur de la chambre propulsant des débris de glace un peu partout. Le volet frappa alors Josianne-Gertrude en plein visage qui lâcha la boite en musique en avant. Gwendoline se retourna alors et vit sa boite à musique s’envoler par la fenêtre. Josianne-Gertrude qui était tombé à terre sous le choc, se releva, sorti de la chambre en courant, traversa le couloir en vitesse et descendit les escaliers en ne manquant pas de renverser au passage la pauvre Jessica qui voulait venir en aide à sa fille. Jessica chuta alors dans les escaliers et perdit conscience.

Gwendoline voulue à son tour quittait la pièce mais son père attrapa son poignet et l’emmena de force.

« Papa, lâches-moi, tu me fais mal ! »

Jacques-François se releva à son tour et, insensible à la détresse se la petite fille, sorti en courant de la chambre. Claire et Jeffey portèrent Jessica dans la cuisine et tentèrent de la réveiller en lui mettant un peu d’eau sur le visage. Ils ne virent pas que Charles sorti de la maison en enlevant la petite Gwendoline.

« Montes dans la voiture, ordonna Charles à Gwendoline ! »

La petite Gwendoline tenta de se libérer de fuir mais impossible de se dégager du bras de son père. Voyant que sa fille ne voulait pas lui obéir, il la bouscula à l’intérieur du véhicule. Il monta à son tour rapidement et verrouilla les portes. Gwendoline tapa sur les vitres en criant de désespoir. Dehors la tempête faisait rage, le paysage était chaotique, les arbres s’envolèrent dans tous les sens, de grands nuages gris prévoyaient bientôt de la pluie et par-dessus tout on pouvait déjà voir la silhouette de la tornade à l’horizon. Mais malgré le danger, Charles démarra la voiture et s’en alla à toute allure.

A l’intérieur de la maison, Jessica commençait à reprendre conscience. Mais à peine réveillée, elle entendit le bruit d’une voiture qui quittait les lieux.

« Oh non, Gwendoline ! »

La pauvre Jessica couru hors de la maison mais il était déjà trop tard. Au même moment, Josianne-Gertrude et Jacques-François cherchèrent la boite à musique qui était tombait quelque part dans le jardin. Mais il faisait nuit noire et les grands nuages gris cachèrent la lune qui était pleine ce soir là.

Sur la route, Charles tellement pressé de s’enfuire ne remarqua même pas le nombre impressionnant de voiture qui étaient dans le fossé. Gwendoline pria son père d’arrêter la voiture mais celui ci ne l’écoutait pas. Puis l’inévitable arriva, un coup de vent fit perdre le contrôle du véhicule à Charles. La voiture décolla de la chaussée et s’envola sur le côté de la route. Lorsque la voiture toucha le sol, celle-ci fit plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser. Par chance, Gwendoline n’eu pas une égratignure mais elle était coincée par le toit de la voiture qui s’était complètement abaissé. Par peur, Charles s’empressa de quitter la voiture et abandonna sa fille s’enfonçant dans la forêt.

« Papa ! Papa ! »

Les appels au secours de la petite Gwendoline ne servirent à rien. Puis le véhicule prit feu et les flammes se rapprochèrent peu à peu du réservoir d’essence.

Jessica était effondrait, elle s’agenouilla sur l’herbe et ne pu retenir ses larmes. Claire et Jeffrey essayaient de la convaincre de revenir à la maison, trop dangereux de rester là avec la tornade qui se trouvait à proximité. Puis il se mit à pleuvoir des cordes et Jessica s’effondra de tristesse sur l’herbe déjà trempée. Claire et Jeffrey la ramena au sec à l’intérieur. A peine entrés, ils entendirent une explosion au loin. Jessica ne mit pas beaucoup de temps à comprendre qu’il était très probable que ce soit la voiture de Charles. Le choc fut tel qu’elle perdit conscience à nouveau.

Dehors le vent soufflait toujours aussi fort, la boite à musique roula sur l’herbe jusqu’à heurter l’un des pieds qui servait à fixer la balançoire, puis elle s’ouvrit. La douce petite mélodie commença alors. Son bruit était à peine perceptible, à moitié étouffée par le vent.

« Vous entendez, demanda Josianne-Gertrude à Jacques-François ?
- Oui, elle n’est pas bien loin. Je crois que cela provient de la balançoire. »

Ils avancèrent alors, avec leurs airs perfides, en direction de l’objet qu’ils convoitaient tant.

Sœur Marie-Jeannette avait sorti à temps la petite fille de la voiture avant que celle-ci n’explose. Gwendoline, encore angoissée, remarqua le couvent situé non loin du lieu de l’accident. Sœur Marie-Jeannette transporta rapidement la petite fille jusqu’au couvent en essayant de la protéger de la pluie. Arrivés à l’intérieur du couvent, la Mère Supérieur fut consterné :

« Oh seigneur ! Que faisait cette petite fille toute seule dans cette voiture ?
- Il s’en ai fallu de peu, ajouta sœur Marie-Jeannette. »

Gwendoline, intimidée de nouveau, n’osa pas dire un mot La mère supérieure lui adressa alors la parole : .

« Le temps est désastreux, nous allons t’héberger cette nuit ma petite et te ramènerons à tes parents demain. »

Mais Gwendoline voulait rentrer à la maison maintenant, elle voulait rassurer sa mère et aussi retrouver sa boite à musique avant que celle-ci ne soit voler par ce couple antipathique.

« Je dois rentrer maintenant, dit Gwendoline.
- Il en est hors de question, répliqua la mère supérieure, c’est beaucoup trop dangereux ! »

Gwendoline courue alors vers la porte d’entrée et tenta de l’ouvrir. Mais sœur Marie-Jeannette l’en empêcha et l’emmena dans l’une des chambres du couvent.

« Je n’aime pas faire ça, mais il vaut mieux l’enferme, conseilla la Mère Supérieur, nous ne pouvons pas prendre le risque qu’elle s’en aille dans cette tempête. »

Sœur Marie-Jeannette verrouilla alors la chambre où se trouvait désormais Gwendoline en lui disant :

« Nous faisons ça pour ton bien, dors ma petite, nous te ramènerons demain à tes parents. »

Gwendoline se précipita vers la fenêtre de la chambre et l’ouvrit. Il y avait un petit muré situé pas très loin, elle pouvait facilement essayer de l’atteindre et ainsi sortir de ce couvent. Il était par contre un peu bas pour qu’elle puisse y aller comme ça. Gwendoline prit donc un drap et l’accrocha au loquet de sa fenêtre, elle se laissa descendre prenant appuie sur les murs du couvent. Avec sa petite main elle essaya d’atteindre le muré situé à un mètre d’elle, une fois atteint elle réussit à prendre un appuie dessus et se hisser jusqu’à lui. Elle se mit debout sur le muré, elle ne pouvait pas sauter de là sinon elle se tuerait car c’était encore trop haut. Il fallait qu’elle marche un peu sur ce muré jusqu’à atteindre l’arbre un peu plus loin et ensuite descendre. Prudemment, elle commença à marcher lentement sur le muré. Soudain un vent violent souffla brusquement et la fit perdre l’équilibre.

« Elle est là ! »

En disant ces mots, Josianne-Gertrude désignait la boite à musique à côté du pied de la balançoire.

« Prenons là et foutons le camps, ajouta-t-elle ! »

Le couple s’avancèrent rapidement vers la boite à musique lorsque soudain Jacques-François constata avec effroi que la tornade était tout près d’eux.

« Il faut se mettre à l’abri, cria Jacques-François !
- Prenez la boite à musique d’abord, idiot ! »

Jacques-François s’abaissa à côté de la boite à musique et tendit son bras vers elle. Mais au moment où il allait la prendre il entendit Josianne-Gertrude criait.

« Que se passe-t-il, vous allez bien ?
- Aidez-moi, je suis bloquée, cria Josianne-Gertrude ! »

Josianne-Gertrude venait de se coincer le pied dans les racines d’un arbre à moitié renversé par le vent.

A l’intérieur, Claire et Jeffrey s’inquiétèrent pour Jessica, celle-ci ne reprit toujours pas connaissance. Tous deux avaient totalement oublié Josianne-Gertrude et Jacques-François et ne s’étonnèrent donc pas de leurs disparitions.



Les petits doigts de Gwendoline tentèrent tant bien que mal à s’accrocher au muré, s’ils lâchaient elle mourrait. Il fallait qu’elle trouve la force de remonter dessus. Alors dans un élan de désespoir elle se concentra et avec toutes ses forces réussies à se hisser à nouveau dessus. Puis elle continua de s’avancer vers l’arbre mais cette fois ci à quatre pattes. Une fois à côté de l’arbre, elle n’eut aucuns mal à l’atteindre et à descendre. C’est donc en courant qu’elle se dirigea vers sa maison. Elle courra, elle courra, sans relâche, de plus en plus vite. Mais brusquement, quelqu’un surgit de l’obscurité juste devant elle… son père !

Sœur Marie-Jeannette et la mère supérieur toquèrent à la porte où elles avaient emmené Gwendoline tenant dans leurs mains un bol de soupe. Puis elles ouvrirent la porte et constatèrent l’absence la petite :

« Oh non, elle est sortie, l’inconsciente, s’écria la mère supérieure !
- Ne vous en faites pas, Mère, je vais la ramener, fit sœur Marie-Jeannette ! »

Sans attendre de réponse, sœur Marie-Jeannette quitta la couvent et s’aventura en plein milieu de la tempête à la recherche de Gwendoline.

Jessica reprit ses esprits doucement mais elle était encore trop faible pour tenter de sortir rechercher sa fille. Claire tenta de la rassurer :

« Ne t’en fais pas, je suis sûre qu’elle va bien, mais maintenant il faut que tu te reposes.
- Je crois que je n’ai pas vraiment le choix, répliqua Jessica par dépit. »

La tornade se dirigea droit vers Josianne-Gertrude et Jacques-François :

« Mais que faites-vous voyons, dépêchez-vous, cria Josianne-Gertrude !
- Je fais de mon mieux, mais je ne sais pas comment vous avez fait votre compte pour mettre votre pied la dedans ! »

Le pied de Josianne-Gertrude était complètement immobilisé, le vent qui s’abattait contre cet arbre avait complètement resserrer les racines sur le pied. Josianne-Gertrude tourna sa tête de gauche à droite puis ses yeux se fixèrent sur un objet :

« Là ! Il y a un sécateur ! Servez-vous en, Jacques-François ! »

Charles agrippa de nouveau la petite Gwendoline :

« Allez viens Gwendoline, tu vas voir, tu seras heureuse, j’ai pleins de cadeaux pour toi à la maison.
- Je ne veux pas vivre avec toi, lâche-moi ! Je veux retourner chez maman !
- Viens je te dis, tu vas voir, je vais te présenter à ta belle-mère, elle a hâte de te rencontrer.
- Non ! »

Gwendoline mordit alors la main de son père, qui lâcha prise sous l’effet de la surprise. Gwendoline tenta alors de s’échapper mais Charles attrapa de nouveau son bras avant que celle ci ne parte puis gifla sa fille.

« Tu vas voir Gwendoline ! Quand nous serons rentrés, tu vas être punie pour m’avoir mordu ! J’ai un martinet à la maison !
- Lâchez cette pauvre enfant ! »

Surpris, Charles se retourna et vit en face de lui sœur Marie-Jeannette. Il lui répondit alors :

« Je suis son père, je fais ce que je veux !
- En voilà une façon d’éduquer ses enfants ! Lâchez là, je vais la ramener au couvent et j’en informerai la police. »

Sous les menaces, Charles s’approcha de sœur Marie-Jeannette et lui envoya un coup de pied dans la figure. Mais Charles oublia que c’est avec ce bras qu’il tenait Gwendoline et celle ci en profita pour fuir de nouveau vers sa maison. Il se lança alors à sa poursuite laissant Marie-Jeannette inanimée sur le sol.

Jessica se releva enfin, après avoir bu une tasse de café, elle se sentit mieux, elle n’avait plus la tête qui tournait. Elle ne pensait qu’à sa fille et il fallait qu’elle la retrouve.

Jacques-François coupa les dernières racines qui bloquèrent le pied de son épouse. Mais il fallait qu’ils fassent vite, la tornade n’allait pas tarder à leur passer dessus. Josianne-Gertrude parvint alors à se libérer et s’écria :

« Vite la boite à musique ! »

La petite Gwendoline courue de plus vite qu’elle pouvait, mais son père courrait beaucoup plus vite et n’allait pas tarder à la rattraper. Elle réussit néanmoins à revenir jusqu’à sa demeure et vit Josianne-Gertrude et Jacques-François sur le point de s’emparer de sa boite à musique. Elle fonça alors droit sur eux. Mais Charles n’était plus qu’à quelques mètres d’elle et se prépara à attraper le bras de Gwendoline. Mais au moment où il allait l’atteindre, Jessica s’interposa entre lui et sa fille.

« Non ! Laisse ma fille tranquille, ordonna Jessica ! »

Jessica et Charles se disputèrent sous les yeux ébahis de Claire et Jeffrey. Préoccupés par leurs histoires, ils ne virent pas ce qu’il se passait à côté de la balançoire.


Gwendoline fit un bon en avant et se jeta sur sa boite à musique juste avant que les bras de Josianne-Gertrude ne la prenne.

« Jacques-François, fit Josianne-Gertrude, débarrasser moi de cette gamine ! »

Jacques-François prit les pieds de Gwendoline et commença à traîner la petite fille dans l’herbe. Gwendoline attrapa alors le pied de la balançoire mais elle n’eut plus qu’une main pour protéger sa boite à musique. Josianne-Gertrude n’eu alors aucun mal à arracher la boite à musique du bras de Gwendoline. La tornade avança encore, les rafales de vents balayaient tous sur leur passage. La toiture de la maison commençait à s’envoler. La balançoire oscilla violemment dans tous les sens, si violemment que Josianne-Gertrude se prit la balançoire sur la tête. Le coup l’assomma et celle-ci tomba à terre avec la boite à musique. Voyant sa femme inerte sur le sol, Jacques-François relâcha les pieds de Gwendoline.

« Je vais porter plainte, Charles ! Maintenant sors de chez moi ! »

Jeffrey s’avança vers Charles, le pris par le cou, puis lui dit :

« Tu as compris ce que l’on t’a dis ? Dégage ! ! »

Sœur Marie-Jeannette débarqua à ce moment là, essoufflé. Charles se rendit compte qu’il ne pouvait plus rien faire et se résout alors à partir. Personne ne fit attention au fait que la tornade s’éloignait peu à peu d’eux, quelle chance, elle n’était pas passé bien loin ! Jessica remarqua alors que Josianne-Gertrude était assommée et ne bougeait plus. Tout le monde se rendit alors à ses côtés pour l’aider à se réveiller. Gwendoline, soulagée, pris sa boite à musique et s’en alla vers sa chambre.

La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°8 - Sweet Dreams

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

Citation :
Mais très vite le son disparut, ce mystérieux personnage semblait s'être dissipé dans la masse des bruits alentours. C'était comme s'il n'avait pas voulu qu'on l'aide, qu'on lui adresse la parole. Une fois sa bruyante déglutition terminée, il était parti en courant. Claquant la porte, refusant d'affronter le regard de tous ceux qui auraient pu se moquer de lui, de sa faiblesse et Dieu seul sait combien ils auraient été... Ils l'auraient sûrement pointé du doigt, et l'auraient raillé, l'arrosant de remarques débiles, stupides et peu subtiles. Mais pouvait-on vraiment les blâmer ?




Ils étaient tous complètement saouls. Dans ce genre de fêtes, il faut dire qu'on a pas vraiment grand chose d'autre à faire. Boire pour oublier le quotidien, pour sourire et rire sans savoir pourquoi. D'autres boivent pour oser pleurer, devant tout un chacun, pouvant ainsi prétexter, une fois leurs sentiments extériorisés, que tout cela n'était dû qu'à l'absorption inconsidérée de trop grosses fortes doses d'alcool. En d'autres termes, assumer, mais pas trop. L'alcool, voilà le maître mot de cette soirée !




Tout le monde se laissait enivrer. Des litres, des cascades, des torrents entiers d'alcool qui se déversaient sans retenue dans les gosiers des plus assoiffés, et des plus désespérés. Les gens semblaient exploser littéralement, laissant de côté tous leurs soucis et autres retenues qui les empêchent normalement d'exister véritablement dans la réalité. On avait l'impression que tout le monde affichait sa vraie nature. Certains voulaient en frapper d'autres, déchaîner leur rage, leur colère que d'habitude la raison parvient à calmer. D'autres personnes au tempéramment habituellement timide se sentaient capables d'exprimer leur amour ou leur attirance pour n'importe quelle autre personne du sexe opposé, ou pas. D'autres encore se laissaient plutôt dévorés par des sentiments suicidaires et poussés à la solitude. C'était la fête.




« Quelle belle démonstration de connerie »: pensait-elle. Tous ces gens qui étalent leur personnalité, qui l'impose et la dévoile en public, d'une manière autant pathétique... c'est énervant. Tout le monde faisait n'importe quoi, criait, pleurait, riait mais avec une intensité telle que sa sensiblité en était heurtée. La jeune Jade s'était enfermée dans les cabinets. Elle avait besoin de se retrouver seule, à l'abri.




Ses amis l'avaient emmenée dans cette fête campagnarde, lui assurant que cela ne pouvait pas lui faire de mal. « Viens donc prendre un peu l'air, viens t'amuser ! ». Elle leur avait fait confiance. Elle avait fait l'effort de vouloir tester, de vouloir comprendre comment les autres personnes de son âge fonctionnaient. Elle voulait, elle aussi, vivre l'espace d'un instant comme tout le monde. Mais le résultat obtenu ne fut pas celui escompté.




La débâcle, la débauche... Tous ces gens n'étaient pas amusants. Des sauvages, des brutes épaisses sans subtilité. Ils agissaient sans égard, sans penser aux conséquences. Ils se sentaient surpuissants, capables de gagner n'importe quoi contre n'importe qui. Ils étaient tous égocentriques, tous occupés à « chauffer la moule », quelle bande de barbares, d'animaux sauvages. Ils étaient dégoûtants, répugnants, irréspectueux.




Jade ne supportait pas cela. Elle avait quitté la fête, difficilement car se frayer un passage dans cette foule n'était pas une chose aisée, afin de prendre l'air dehors et essayer de trouver un endroit où respirer. Mais dehors c'était tout autant bondé de ces gens exubérants. Il lui fallait un endroit où elle pouvait se sentir en sécurité. Elle avait besoin de quatre murs et de tranquilité. Elle opta rapidement pour les toilettes, seul échappatoire qui s'offrait à sa vue. Mais la vision d'horreur que fut la file d'attente pour atteindre les cabinets des femmes lui préféra l'infraction de celle des mâles.
Ces derniers ne purent qu'esquisser un sourire, lorsqu'ils découvrir la jeune femme escalader leurs escaliers et passer derrière eux pour atteindre une cabine vide. De toute façon, ils avaient les mains bien occupées, et cela ne les dérangeait pas de voir leur intimité violée.




Jade se hâta de fermer la porte à double-tour, et s'assit sur le trône, une fois son clapet abaissé. La voilà enfin reine toute puissante des lieux, elle peut maîtriser tout ce qui l'entoure. Elle se met à souffler, elle ferme les yeux et se sent beaucoup mieux. Elle est loin de tout. Elle ne doit plus rien à personne, et personne ne peut l'approcher. C'est comme si le temps s'arrêtait. Elle peut réfléchir, calmement et posément. Elle prend la décision d'attendre. Elle veut patienter jusqu'à ce que tout cela soit terminé. Ses amis lui enverront un message sur son téléphone portable lorsqu'ils décideront de s'en aller. Elle a maintenant l'impression d'être en dehors de tout ça. Elle ne se sent plus aggressée par tous ces gens qui la « mattaient comme des gros porcs », elle ne se sent plus concernée par tout ce qui se passe autour d'elle.




Cela dura peut-être 10 petites minutes, durant lesquelles Jade s'amusa dans son monde imaginaire. « Elle trippait », comme se plaisait à dire les gens qui la connaissait. Elle s'imaginait détentrice d'un sifflet magique, capable d'échanger les voix entre les personnes qui l'utilisaient. Elle se voyait en train de voler, jouant dans les arbres qu'elle cotoye tous les matins, lorsqu'elle se rend à son arrêt de bus. Elle se voyait offrir une boîte à échos, comme cadeau de Noël à l'amant de ses rêves. Elle imaginait la révolte de la nature, de ses dauphins qui navigueraient sur la route, comme ils le font sur les océans ! Mais ses douces et innocentes pensées furent peu à peu altérées par sa tendre curiosité.




« Ahaha, heureusement que t'as fini de pisser, j'voulais te prendre par derrière pour t'enculer ! < rire bourru > »

« Je vois que ton séjour à l'armée t'a laissé des séquelles ! »

« Clair, c'est sûrement pas le genre de type qui dormait sur le ventre! »




C'était amusant. Jadë était peut-être quelqu'un de très sensible, mais pas à tous les niveaux. Elle n'aimait pas qu'on s'en prenne à elle, elle n'aimait pas être prise au coeur des cataclysmes, de milles tourments, mais cela ne lui faisait rien d'observer. Du moment que cela ne la touchait pas directement, elle pouvait tout voir, et tout entendre. Et là voici, au milieu des toilettes pour hommes, capable de tout entendre, de tout épier, sans risquer de se faire pincer. L'endroit idéal pour faire du voyeurisme, avec les oreilles. La chose est d'autant plus intéressante que les concernés ont l'esprit tout embrumé, leur permettant ainsi de délier leur langue avec plus de facilité.




Jade resta ainsi assise, à écouter attentivement tout ce qui pouvait se dire. Elle ne parvenait pas à tout comprendre, certaines paroles et langages étant un peu confus. Mais elle fut néanmoins surprise de constater que les urinoirs pouvaient servir à faire de nouvelles rencontres, du moins chez la gente masculine. Certains semblaient fraternels, prêts à faire la fête sans prise de tête, ouverts à la discussion. Certes cela ne volait jamais très haut. La plupart du temps les conversations commençaient sur la base d'une blague idiote et grasse, soit sur les femmes, soit sur un dicton ayant rapport avec la vessie ou l'alcool. Mais néanmoins c'était bon enfant. Quelque part, Jade fut touchée par cette démonstration de bons sentiments. Tous ces gens n'étaient pas seulement comme elle les avait ressentis, ce n'était pas que des brutes alcooliques qui ne pensaient qu'à baiser. C'était aussi des personnes avares en relation sociale, soucieux d'être heureux et de partager cela avec leur prochain.




S'ouvrir aux autres... voilà bien longtemps qu'elle y songeait. Laisser son monde imaginaire de côté, arrêter de rêvasser et se confronter à la réalité ! Elle se sentait heureuse dans ses pensées, dans son monde... elle était comblée! Mais malgré tout, la solitude la gagnait peu à peu. Peut-être pourrait-elle inviter des gens à la rejoindre dans son monde ? Peut-être pourrait-elle être invitée à partager le monde d'autres personnes ? La voilà qui se mettait à spéculer, à espérer... Il fallait qu'elle trouve le courage, il fallait qu'elle essaye de s'ouvrir aux autres. Certes, c'était mettre en danger son intégrité, bien sûr qu'elle pourrait essuyer des refus ou tomber sur des personnes ne partageant pas les mêmes affinités... mais peut-être que cela en vaudrait la peine ? Et si sa vie pouvait prendre un autre tournant, et si elle découvrait le bonheur ultime ? Sa curiosité la rongeait, elle avait envie de tenter ce qui lui semblait impossible, mais en aura-t-elle le courage ? Trouvera-t-elle la force de s'afficher ainsi devant autrui ? De tendre la main à des inconnus pour parler ? Voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas fait d'autres rencontres, se contentant de vivre avec les quelques membres de sa famille et ses amis d'enfance, fuyant les gens qui cherchaient à nouer ne serait-ce qu'une once de contact.




Et si la réalité n'était pas si cruelle et mensongère ? Les gens ne sont pas tous si méchants... Après tout, même ces hommes qui lui semblaient malpropres et bourrus ont su montré qu'ils avaient de bons sentiments. Jade connaissait merveilleusement bien le monde de l'imaginaire, elle y avait vécu tant de temps... S'y réfugiant constamment, à chaque fois qu'elle était frappée de malheurs dont elle n'était pas responsable, mais injustement victime. Lorsque ces parents la prenait pour martyre et arbitre, lors de leurs fréquentes disputes. Lorsque les gens se moquaient de son obésité, à son entrée à l'école. Les tristes occasions ne lui avaient pas manquées, et sa grande sensibilité naturelle n'avait pas arrangé les choses.




Mais aujourd'hui, peut-être était-il temps. Peut-être était-il temps de changer les choses, d'affronter ses chimères. Il fallait qu'elle trouve en elle la force de surpasser les stigmates de ses souffrances passées. Il lui fallait mettre de côté son monde imaginaire, cesser de fuir... Du moins juste un petit peu... pour essayer. Elle avait découvert que sous certaines carapaces, il pouvait se trouver des personnalités attachantes, pleines de bons sentiments. Que les apparences repoussantes et effrayantes peuvent parfois cacher des beautés insoupçonnées.




Elle avait fait cette fantastique découverte en épiant des conversations dans les toilettes masculines d'une fête campagnarde, là où les gens sont attelés à se beurrer, où ils vomissent leurs tripes et copulent à même le sol, à peine dévêtus. Quelle cruelle ironie.. Mais cette pauvre fille aspirait déjà secrètement, depuis bien longtemps, à vivre pareille découverte. En fait, elle avait pris conscience de cette vérité depuis toujours. Ce savoir précieux dormait en elle depuis des lustres, mais il n'attendait, qu'un malheureux signe pour être réveiller... Comme si elle avait besoin d'une preuve, quelle qu'elle soit, d'une confirmation, d'une main tendue pour l'inviter à rejoindre le monde réel. Il fallait qu'elle se lance, c'était le moment ou jamais...




Elle serra les poings, se mordit la lèvre inférieure et se leva d'un bond. Elle déverouilla la porte, et sortit de sa cabine le torse bombé, droite et fière. C'est décidé, cette nuit elle allait se faire un nouvel ami. Elle dévala les escaliers de la roulotte des cabinets, l'air déterminée et assurée, sans se soucier des regards grandement interloqués des mâles en pleine urination. Elle esquissa même un sourire en imaginant leur tête...




Bon assez rigoler, il faut passer aux choses sérieuses à présent. Ce qu'il lui faut, c'est un terrain de chasse ! Elle ne va pas rester dans cet endroit pourri, les gens ont une haleine insoutenable et en dehors des cabinets ils ne pourront certainement pas s'empêcher de joueur leur rôle de gros macho en ruuth. Alors Jade s'éloigna, tout simplement. La fête se déroulait au milieu des champs, justifiée par une cantine plantée à même le sol. Elle décida d'enjamber les barrières artisanales en plastique du parking et de se diriger vers des lumières qui se situaient à plus d'une centaine de mètres de la « fête ».




Au fur et à mesure qu'elle s'approchait de ces lumières, elle put discerner quelques détails. Ces couleurs luminescentes étaient émises par des sortes de « guirlandes festives ». Elles étaient disposées de long en large sur une sorte d'avant-toit en bois. La maison quant à elle semblait ne comporter qu'un rez-de-chaussée, mais étalé sur la longueur. Chose amusante et remarquable, aucune clôture ne délimitait la propriété. C'était comme un appel à la rencontre, permettant à tout un chacun de s'approcher pour discuter. Jade se dit alors que des gens qui ne prenaient pas la peine de planter des haies ou de construire des barrières autour de leur maisonnée étaient forcément des personnes ayant soif de relations sociales. Des gens ouverts d'esprit, adeptes de la communication et sûrement civilisés. C'est exactement ce dont elle avait besoin. Cela représentait un challenge peut-être pas très relevé, mais au moins elle se donnait les moyens de réussir. Pour une première fois cela suffisait amplement.




Plus elle s'approchait de la maison, plus elle était capable de la discerner dans les détails. Mais cela l'effrayait... Car auparavant tout cela n'était que des lumières lointaines, faibles et ne représentant aucun danger, mais au fur et à mesure qu'elle avançait, cela prenait forme et devenait tout de suite plus concret, plus sérieux, plus véritable. Son courage en était un peu refroidi. Sera-t-elle toujours capable d'approcher des gens pour leur adresser la parole, d'entamer une conversation, de leur partager ses pensées, qui elle est vraiment ? Les inviter à rejoindre son monde, leur partager ses idées farfelues et drôles, parler à coeur ouvert ? Elle le désirait tellement... le voulait plus que tout. Elle serra les poings, de plus en plus fort, et continua de marcher en direction de la maisonnée.




Elle parvient à discerner quelques sons à présent. Il y avait plusieurs personnes, des rires châleureux, des voix d'adulte, mais de jeunes adultes semblait-il. On devinait facilement qu'ils s'amusaient grandement. Le bruit semblait provenir de l'avant-toit en bois, là où se trouvait les guirlandes. Ces personnes devaient sûrement fêter quelque chose; Peut-être un anniversaire, ou juste un souper entre amis ? Alors Jade se demanda si elle ne pétait pas complètement un plomb ? C'était vraiment stupide et décalé de vouloir oser se poser à une table avec de parfaits inconnus, pour s'incruster et espérer se faire intégrer comme si de rien n'était. Ils vont la prendre pour une tarée, c'est sûr, ils vont sûrement appeler la police... lui demander son nom... vouloir prévenir ses parents... ce genre de choses très désagréables.




Jade interrompit sa marche. Elle hésita... Il ne lui restait qu'une trentaine de mètres à parcourir avant de passer sur un talus qui la mettrait à la vue de tout le monde. A nouveau elle se mit à penser, à réfléchir, à peser le pour et le contre, à cogiter, à prédire les conséquences de ses actes... Soudain elle sursauta et lâcha spontanément : « NON ! »

« Tu réfléchis trop ma grande, arrêtes de te prendre la tête avec tout ça. Vis ta vie, fais ce dont tu as envie. Tu es qui tu es, arrête de tout le temps regarder aux autres. Vas-y, imposes-toi, ne serait-ce qu'à toi-même ! Ce que tu veux faire n'est pas mauvais, qu'est-ce que t'en as à foutre de ce que les gens penses de toi ? Si tu en as envie fonces, FAIS LA FOLLE, sois spontanée, c'est comme ça que tu aimerais être et qu'il faut que tu sois ».




Ces mots résonnaient en elle. Elle était determinée. Elle reprit sa marche, avec beaucoup plus d'élan qu'auparavant. Elle escalada le talus avec une agilité des plus remarquables, sûre d'elle. La voilà à présent debout, prostrée sur le gazon de parfaits inconnus, les mains sur les hanches, l'air guerrière, prête à tergiverser de n'importe quoi avec n'importe qui. Mais personne ne l'avait remarqué.




La dizaine de personnes qui festoyaient à la table, sous l'avant-toit, semblaient bien trop occupés dans leurs discussions délirantes pour n'accorder ne serait-ce qu'une seconde d'attention à cette jeune fille, qu'ils n'ont pas du tout remarquée. Mais Jade ne désespère pas, elle va trouver le moyen de se faire voir. Elle balaye l'horizon du regard, en quête d'outils qui pourraient l'aider à agrandir son réseau social.




C'est ainsi qu'elle découvrit, telle une apparition divine en son et lumières, une magnifique et inespérée balançoire ! Sans réfléchir, toujours obstinée et sûre d'elle, elle se jette dessus, l'air féroce, portée par un sentiment d'euphorie totale.




Personne n'a encore remarqué quoique ce soit ! Personne ne se doute de ce qui est en train de se tramer ! Heureusement, Jade est bien décidée à corriger cela. Là voilà qui se met à se balancer, de plus belle, redoublant de force et de rapidité. Elle adore cette sensation, ce balancement, elle a l'impression qu'elle pourrait s'envoler. Cela renforce d'autant plus son euphorie, et son désir de réussir ! Elle veut plus que tout parler à ses gens ! Rien ne pourra l'arrêter, elle se sent invincible, incroyablement forte. Elle va surpasser sa peur, elle va s'ouvrir aux autres ! Elle se sent portée par une force surnaturelle, capable d'exécuter n'importe quel défi !




Soudain une femme en tablier sort d'une sorte de porte fenêtre, en face du bout de table. Un plat à la main, protégée par des gants contre la châleur du récipient. Elle parle, l'air contente... jusqu'à ce que son regard se pose sur la balançoire apparemment squattée par un étranger. Elle dépose le plat sur la table, l'air complètement hallucinée. Elle marmonne quelque chose et pointe du doigt l'objet de sa stupéfaction.




Les bruits de conversations s'arrêtent brusquement, et toutes les têtes se tournent en même temps vers la balançoire. Jade, en plein balançage frénétique entrevoit la scène. Tout se met subitement à basculer, et l'euphorie de l'instant précédent, se transforme à présent en malaise ompniprésent. Le temps semble s'arrêter. Jade se met à douter, croulant sous cette masse de regards pesants, tous originaires de sombres inconnus. Elle prend conscience de ce qui est en train de se dérouler, de ce qui est en train de lui arriver. Elle comprend la scène, elle n'est plus sous le coup de sa folie, de son euphorie. C'est comme si elle revenait à la raison. Et là... elle n'a plus envie que d'une seule chose, c'est de fuir.




« NON JADE ! ». Affrontes la réalité, sois qui tu es ! Affirmes-toi, expliques leur tes intentions ! Cesses de vivre uniquement dans ton monde imaginaire, partages tes rêves, montres-leur la personne formidable que tu es ! Fais-les rêver avec tes idées folles, prends ton courage à deux mains, ouvres-toi aux autres ! Tu es une fille géniale, ne restes pas seule !




Son coeur lui fait mal. On dirait qu'il veut bondir hors de sa poitrine. Elle transpire, elle a de la peine à tenir les cordes de la balançoire. Elle continue de se balancer, frénétiquement, ne sachant pas quoi faire d'autre ! Elle veut attendre, elle veut voir ce qui va se passer. Elle garde en elle l'espoir d'un bon dénouement. Elle ne peut pas le faire seul, elle a besoin que quelqu'un lui tende la main. C'est trop dur, trop difficile, il faut qu'on l'aide. Tant d'années passées seule à souffrir en silence, à s'isoler, à fuir les gens, elle ne peut pas surmonter ça seule. Elle a peur, horriblement peur de ce qui va se passer. Elle qui a trouvé le courage de s'exposer ainsi à autrui, de faire quelque chose d'autant fou, elle ne veut pas être déçue, il faut que cela réussisse !
Elle aurait tellement envie de fermer les yeux, mais elle parvient à trouver la force de les garder ouverts. Elle veut affronter la réalité, en face ! Plus question de rêver, ce qu'elle vit maintenant c'est la réalité. Il faut qu'elle parvienne à tout prix à la surmonter ! Il le faut, il le faut, à tout prix !




C'est alors qu'un homme se lève, d'un seul bond, faisant tomber sa chaise à terre. Son visage est marqué par l'incompréhension et la colère. Il se met à hurler:
« FOUTEZ LE CAMP DE MA PROPRIéTé, ESPèCE DE TARé ! »




Le sang de Jade ne fait qu'un tour, elle perd tout contrôle, elle se sent comme foudroyée, comme si on venait de lui tirer une balle dans le coeur. Ses mains perdent toute leur force, ses yeux se ferment, elle glisse de la balançoire, et tombe sur le sol, violemment, comme si on l'avait abattue. Elle se relève, maladroitement, manquant de tomber à plusieurs reprises. Elle tremble de tous ses membres, des larmes se mettent à perler sur ses joues.




Mais qu'avait-elle espérer ? S'introduire par effraction dans le jardin d'inconnus, s'emparer de leur balançoire, tout ça pour essayer de nouer ne serait-ce qu'une bribe de contact... Pauvre Jade... si innocente, mais tellement naïve. Tu n'es pas comme les autres et tu ne le seras jamais. Tes rêves futiles tu peux te les garder, personne ne voudra jamais les partager. Tu n'as aucune idée de ce qu'est la réalité, elle t'a échappé depuis bien longtemps. Le monde n'est pas aussi beau que celui dans lequel tu vis. Il est bien plus cruel et dangereux, car tu ne peux pas le maîtriser, tu ne peux pas le façonner à ta guise comme tu le fais lorsque tu te mets à divaguer pour fuir tes problèmes et la réalité !




Tout s'est écroulé, elle se sent terriblement heurtée, la violence du choc l'a complètement ébranlé. Elle se retourne, et se met à courir, elle court loin, loin de cette infâme fête campagnarde, loin de cette maison où on l'a brisée. Elle court aussi vite que ses jambes peuvent la porter, laissant derrière elle, cette balançoire qui continue de tanguer. Elle veut fuir... encore et encore... partir... s'éloigner...



Vite... Jade réfugies-toi dans ton monde imaginaire... Retournes là où tu peux t'épanouir pleinement, sans avoir à subir l'imbécilité des intolérants. Oublies le mal que ces maladroits imbéciles t'ont fait... et redeviens heureuse... différente, mais heureuse...
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°9

Début :
BLAM !
Les murs en tremblèrent...
Des bruits...
BLAM !
Une porte claqua.
Une silhouette s'enfonça dans le couloir à toute vitesse et dévala les marches quatre à quatre.

Citation :
Ah ! La salope. Les histoires ont toujours commencé comme ça, les emmerdes aussi. Ah… la cochonne de silhouette. Failli la choper ! Je contemplai le mur de mon beau couloir. Les néons éclairaient faiblement le papier peint, fond bleuâtre et constellé de nounours pelucheux. De grossières roses, tagguées rouge, côtoyaient désormais les Teddy en salopette. Y en avait partout. Il / elle avait pris son temps.

Je sortis mon mini vade-mecum, l’ouvris à une page vierge, chapitre « ne pas oublier ». Je saisis un crayon grossièrement taillé de la poche de ma chemise et annotai sur le petit livret : prévoir karcher pour nettoyer, savoir qui c’est, la punir sévèrement (peine appropriée à trouver), deux blams entendus – rapport avec les faits ?. Je restai perplexe et je sentis les muscles de mon front se contracter et décontracter. Pas bon, pas bon. J’en étais à la pensée d’un double forfait –tags et meurtre- lorsque mon arthrite me lança violemment dans les genoux. Je grimaçai puis m’accrochai au chambranle de la porte d’entrée de mon studio. Je restai debout quelques instants, raide et arc-bouté sur moi-même, puis la douleur reflua. Ah, la vieillesse… « Plus on se rapproche de la tombe, plus la douleur nous fait sentir en vie. » Merci Mamama.

Par-dessus mes lunettes, au-delà de la baie vitrée et cradingue qui éclairait le petit studio, un grand ciel bleu s’étalait, moucheté de nuages véloces, bien pressés de se tirer vers le ponant. Temps clément pour un vieil homme. Parfait pour farfouiller un peu dans le bled, trouver un / une coupable, aller aux nouvelles. J’attrapai mon manteau, le mis et pris enfin ma canne, logée dans l’encoignure où s’empilaient deux trois sacs d’ordure. Je pris le temps de renifler. Ça ne sentait pas encore trop ; je fermai la porte derrière moi et entrepris de longer le couloir en observant avec minutie le papier peint, à la recherche d’un indice. J’humai et passai le doigt sur les roses : déjà sec quasiment, une légère odeur enivrante – souvenirs fugitif d’un grand tableau blanc et de feutres indélébiles. Je reculai un peu, maudis les néons à deux kopecks et plissai les yeux : que des roses, sans épine. Sans doute une vague reproduction de roses génétiquement modifiées.

Je délaissai mon mur et observai les portes à l’opposé. Toutes closes. J’entendis quelque chose, une musique allant crescendo… Rien n’a calmé ces mains que j’ai de te connaître, Gardant du premier soir ce trouble à te toucher, je te retrouve amour si… Aragon chanté par Ferrat. Une bien vieille chanson, pensai-je avec amertume. J’essayai de localiser la source, mais ne la trouvai pas. C’était quelque part dans le Grand Immeuble.

J’appuyai sur le bouton de l’ascenseur. Il ne vint pas. Avec un soupir, je me mis à descendre les marches, clopin-clopant et je chantonnai cyniquement « je suis un vieux déglingué, déglinglingling… ». Au milieu de l’escalier menant au premier étage, trois loufiats s’étalaient sur les marches, nonchalants, désoeuvrés. Avec lenteur, ils s’écartèrent. Je les dévisageai un à un, par-dessus mes lunettes. Et je sentis que quelque chose n’allait pas. Je cherchai quoi, lorsqu’une goutte de morve décida d’aller se nicher au bout de mon nez. Je reniflai et je sentis alors les fragrances légères, de vanille, de caramel, de barbe-à-papa. Je louchai vers les trois non-trublions et balançai d’une voix éraillée par les éons :
« - Hé, les gars, vous vous êtes parfumés ? Ou vous bossez dans un parc d’attraction ?
- Ti-père (c’est le nom que me donnent les habitants du Grand Immeuble), on ne porte pas ce genre de parfums nous… » répondit avec un grand sourire affable –pour une fois- un des bonhommes.
- Et vous n’avez pas vu quelqu’un qu’a dévalé l’escalier ?
- Non, Ti-père. Rien du tout… On a juste vu remonter le vieux Grevelot avec un cabas rempli de DVD pornos. Ça va se palucher sévère. » Et les trois d’éclater de rire. Je les laissai à leur hilarité, passai les deux portes du hall d’entrée et me retrouvai dehors.

Je respirai deux goulées de cet air sec et froid et jetai un coup d’œil en arrière. Le Grand Immeuble se dressait, comme d’habitude. J’avais toujours eu l’impression que, moi une fois dehors, il finirait par s’écrouler et disparaître du paysage. Mais non, martial et gris, c’était un petit monde qui n’avait aucun rapport avec celui où je me trouvais désormais.

Je ressortis mon petit livre, l’ouvrait à la page, me relus tout en cherchant mon crayon. Je notai : roses sans épine (OGM ? fleuriste du coin ; Lorsque s’en vient le soir, Aragon et Ferrat, impossible de localiser la source (le G.I. -pour Grand Immeuble- recèlerait-il d’un fin mélomane ?) ; parfum sucré inconnu ; pas de nouveaux indices. Je fermai le vade-mecum et regardai autour de moi, indécis de la direction à prendre. A l’aide de ma canne, je tâtai la pelouse au bord du chemin asphalté. Pas boueux, je me traînai donc sur la pelouse et profitai ainsi du confort de pas amortis. Je ne savais où aller, alors je me faufilai vers l’ombre du G.I. Semi-obscurité bienfaisante.

Quelque chose à la périphérie de ma vision étincela. Reflet de soleil sur le pare-brise d’une voiture ? Je tournai lentement ma tête –il s’agissait de ne pas réveiller le torticolis qui m’avait taraudé trois jours plus tôt. Une bonne femme, une jeunette, grand sourire triomphant, appareil photo et flash.
« - Merde ! » bougonnai-je « Y a pas besoin de mettre de flash, fait assez clair là » Nouveau flash. Je clignai les yeux, un instant aveuglé. Une rémanence violacée s’inscrivait sur ma rétine, de telle sorte que je ne voyais plus sa tête.
« - Ça vous fait quoi d’être le doyen du Grand Immeuble, maintenant ? » dit-elle d’une voix fluette.
« - Moi, le doyen ? Je n’ai QUE soixante-treize ans ! Vous ne vous foutez pas un peu de ma gueule, des fois ? C’est pour caméra cachée ? Vous me faites marcher, hein ? C’est une blague, j’en suis sûr. » déglutis-je, tétanisé à l’idée de devenir l’ancêtre de la tour de béton.
« - Non non, un petit sourire pour le journal de quartier ? »
Je décochai ma plus belle grimace et bien loin de la contrarier, elle se mit à pousser des petits gloussements d’extase. Revêche et contrarié par la joie qu’elle en tirait, je lâchai un « merde » pathétique. Mon vocabulaire n’avait jamais été étendu, niveau noms d’oiseau. J’hésitai à agiter ma canne comme les grands-pères dans les téléfilms rigolos ; je ne le fis pas. En lieu et place, je posai ma question :
« - Vous avez vu sortir quelqu’un du Grand Immeuble ? » Ce qui eut pour effet de la statufier un instant, le doigt crispé sur le déclencheur, les yeux légèrement plissés, les lèvres en point d’interrogation. Puis, elle me fixa, l’air d’un iceberg :
« - Peut-être. Mais donnant-donnant. Vous souriez vraiment et je vous dis. Est-ce que cela vous va ?
- C’est cher payé, mais va… » dis-je dans un soupir de lassitude. Je souris, mais pas trop, je ne voulais pas qu’elle vit mes dents brunies par le tanin des thés et la nicotine des cigares bon marché.

Elle fit deux, trois photos. Puis, elle saisit mon bras et m’entraîna hors de l’ombre du G.I. Je m’aperçus qu’elle était belle, qu’elle réveillait en moi des souvenirs confus –une once de lubricité ?-, elle me regardait sous le nez avec un air théâtral de conspiratrice :
« - J’ai vu une personne sortir et s’en aller tranquillement vers le parc, un peu avant vous. Je suis quasiment certaine qu’il s’agissait d’un homme, grand et costaud. Il a même rejoint une femme un peu plus loin et ils sont partis ensemble vers le manège. »

Je pivotai autant que peut se faire sur moi-même. Cap Nord-Ouest Ouest. Le poids mort accroché à mon bras fit de même, alors que j’espérais m’en débarrasser. Pas dupe pour deux sous, elle décocha son sourire j’vous ai eu. Le parc n’était pas très loin, il n’y avait juste qu’à suivre le troupeau de mamans / nounous et de leurs bambins emberlificotés dans des vêtements chauds, bonnets tombant sur les yeux et tout le tralala. Pressé, j’essayai d’adopter un pas un peu plus rapide. Je manquai de trébucher ; seule la présence salvatrice du parasite femelle m’empêcha de me vautrer. Agacé, je me remis à chantonner « je suis un vieux déglingué, déglinglingling… » et ma compagne de remarquer :
« - Pas tant que ça, vous n’avez pas encore Alzheimer, ni Parkinson…
- Ça viendra, ça viendra. Merci de me rassurer. » la coupai-je. Puis, je changeai de sujet, de peur qu’elle insiste « Nous sommes quel jour, au fait ?
- Un jour comme les autres, je crois bien.
- Bonne réponse. » lâchai-je laconiquement.

Nous entrâmes dans le parc. C’était le Klondike sans l’or, la ruée sans les porteurs de tamis mais avec des seaux. Mon agoraphobie se réveilla et je marquai une pause, légèrement angoissé. Le poison agrippé ne réagit pas à cette hésitation. Je repris ma marche, après avoir oblitéré la marmaille qui courait / hurlait de mon esprit.
« - Vous savez… Aragon, il a écrit des poèmes pour des vieux comme vous, sur le poids des ans, la tristesse d’une vigueur révolue, les galipettes qu’on ne peut plus faire… Vous devriez l’aimer, je crois. » Elle me regardait en biais. Je me mis à la détester très fortement à ce moment-là et une envie de l’envoyer balader dans les plants de fuchsias germa. Je ne répondis rien. J’avais l’espoir qu’elle se dévoilerait complètement, qu’elle révélerait le sens de ses propos sibyllins. Nous arrivâmes au manège. A nouveau des effluves sucrés et doux, caramel et barbe-à-papa. La népenthès qui ornait mon bras se hissa sur le bout des pieds et me susurra à l’oreille :
« - C’est lui, là, le gars que j’ai vu sortir avant vous ! Vous allez lui mettre un coup de canne dans la figure, hein ? »
Ah, les femmes. Je fis coulisser mes lunettes sur l’arête de mon nez et scrutai le bonhomme. Mine patibulaire mais beau gars, barbe de quelques jours, cheveux mi-longs, vêtu sobrement, mains dans les poches. Je l’imaginai tenir un manurhin. Sûrement un dealer.

Tout à coup, deux marmots coururent vers lui. Il se pencha vers eux avec un sourire et attrapa leurs mains. Un père dealer, quel désastre, quel exemple pour la jeunesse ! J’en étais outré. Ils partirent tout les trois vers les balançoires.
« - On les suit » dis-je « c’est un dealer et en plus, il a salopé mon mur.
- Chouette, de l’aventure, vous croyez qu’il nous enterrera avec les azalées dans le parc ? » Elle sautilla un instant sur place, gage de son excitation. Je la regardai avec des gros yeux et lui intimai de la fermer, sans ménagement et galanterie. Discrètement, nous les suivîmes. J’avisai un arbre assez gros pour nous cacher derrière et nous nous y collâmes. Je penchai la tête. Les deux bambins faisaient de la balançoire, côte à côte. Il y avait une vieille dame, sa capuche à moitié rabattue sur son visage. Quelques mèches blanches s’échappaient et voletaient ; elle avait la tête basse et son regard devait porter sur le bout de ses chaussures festonnées de sable humide. Il y avait l’homme avec une femme qui lui ressemblait, engoncée dans un épais manteau. Et un autre était assis quelques bancs plus loin et parlait à une petite fille. Sans doute la sienne : ils avaient la même couleur de cheveux. Je remarquai qu’à côté de lui se trouvait un lecteur de cassette et de CD portatif. Entre mes dents, je murmurai à ma complice :
« - Je suis sûr qu’ils sont ensemble… Et que la clef de mon mystère se trouve là.
- Vous trouvez ? » répondit-elle naïvement. Elle sortit de sa cachette et, me laissant tétanisé par la stupéfaction, elle se mit à agiter les bras et à crier : « Ouhou ! On est là ! »

Ils levèrent tous la tête et sourirent. Damned ! j’étais tombé dans un guet-apens. Elle les connaissait ! Elle tira sur mon bras fortement et m’entraîna vers le couple. J’étais rouge de fureur. L’homme me fit un clin d’œil :
« - Salut p’pa, je vois que t’es tombé sur ma femme. Elle ne t’a pas trop embêté ? »
J’en tombai des nues et mis un certain à réaliser que j’avais devant moi mon fiston, que je n’avais vu depuis tant d’années.
« - B’jour p’pa, t’as toujours ta barbe, tu sais qu’elle ne te va pas. » ajouta sa voisine. Et ma fille.
« - Y en a d’autres dans les parages, que je crève d’un infarctus ? C’est un complot ?
- Oui » fit une voix claire et ferme derrière moi. « Salut, mon chéri » Je me tournai lentement et découvris la dame. Elle avait rabattue sa capuche en arrière, comme le héros dans les romans d’héroïc fantasy. Elle avait un peu vieilli, mais ses yeux restaient vivaces, clairs comme des aurores boréales figées dans le cristal. Les rides avaient parcheminé sa peau, accentué les traits là, atténué le contour ici. Mais c’était toujours la même. Elle posa une main sur mon épaule et me secoua.
« - Tu pourrais dire bonjour quand même à ta petite femme chérie. » Je bafouillai un vague bonjour. Une sensation d’étouffement m’étreignait et je restai immobile, à récupérer un peu de souffle.

… longuement cherchée, comme si tout à coup s'ouvrait une fenêtre, et si tu renonçais à toujours te cacher… Mon regard se porta vers l’homme assis. Il avait remis en marche sa radio portative. Il l’éteignit, puis nous rejoignit :
« - Bonjour, monsieur. Je suis votre beau-fils. Je suis ravi de vous rencontrer ! Et voici votre petite fille. » dit-il d’une traite en désignant la gamine. Elle avait une bouche en O. Elle n’avait jamais vu de vieux ? Je sentais le pipi ?
L’ébahissement laissa place à l’énervement :
« - C’est vraiment un complot. Vous avez salopé mon mur… »
« - Tu n’aimes pas mes roses, p’pa ? C’est maman qui m’a demandé de les faire pour toi. Elle avait dit que ça t’intriguerait… » lâcha mon fils. Ma femme acquiesça :
« - On t’a bien eu. Tu sais quel jour on est ?
- Aucune idée, je n’en ai rien à foutre…
- … c’est le nouvel an… Souviens toi de ce que t’as dit, sept ans plus tôt quand tu es parti.
- J’avais dit que je ne reviendrai pas sauf…
- … sauf si on remplissait les conditions : t’avoir par surprise le jour du nouvel an, te faire sourire ce jour-là. On a réussi, tu es obligé de revenir.
- Non, vous ne m’avez pas fait sourire. Là, je vous vois, je n’ai pas envie de vous… » Je m’interrompis, je me rappelai tout à coup quelque chose.

Elle tapotai le boîtier de son appareil photo et sifflota un bref instant. Je marmonnai des jurons sur ma sénilité avancée.
« - Y avait vraiment pas besoin de tagguer MON mur…
- … C’est plus joli comme ça…
- Et c’était quoi ces bruits-là, les blam ? vous avez un revolver sur vous ?
- Des pétards pour attirer ton attention.

Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, Heureux qui comme Ulysse a vu cent paysages, et puis a retrouvé après maintes traversées le pays des vertes allées…

- J’avais le choix entre le poème d’Aragon et la chanson de Brassens, beau-papa. Vous aimez ? » Je foudroyai du regard mon gendre. J’allai l’apprécier, lui.
« - Allez, il y a du ragoût de lapin à la crème, avec des spätzle… » me confia doucement ma femme. « Tu ne vas pas continuer à bouder sept autres années… » Je restai silencieux un instant et bougonnai :
« - Vous les avez payé combien les trois gars dans l’escalier ?
- Oh, pas beaucoup
- Et pourquoi vous avez fait tout ça, hein ?
- Tu ne serais jamais sorti sans ce stratagème. Et puis on t’aime bien. Bonne année, mon grand. » La belle avec qui j’avais partagé une longue partie de ma vie, se hissa et déposa un baiser sur ma joue. J’éprouvai un pincement. Au cœur d’abord. Et, à l’estomac… du civet de lapin… Sa main glissa jusqu’à la mienne et l’étreignit. Mes deux petits fils cessèrent de se relancer.
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°10

Citation :
BLAM !

Les murs en tremblent encore...
Des bruits...

BLAM !


Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

BLAM !

Touché. Déjà le mur exterieur s'effondre avec force poussière et fracas, la charge explosive projetant le béton vétuste dans toute la cour.

La machine s'est arrêtée, et des voix recouvrent peu à peu le ronronnement malsain de l'engin de destruction.
Il court, toujours plus vite, dans les couloirs désertés du complexe. Les néons rougeâtres semblent plus faibles qu'à l'accoutumée, mais qu'importe, il les connaît par coeur ces couloirs, il les a tant arpentés. Dix ans, quinze, peut être même vingt, rien n'a changé. Toujours l'obscurité envahissante, chassée avec peine par un éclairage d'un autre temps, suffisant à peine à rendre visible le vaste réseau de tuyauteries qui orne les murs dans tout le sous-sol de la base désaffectée.

Le calme revient, au bon moment pour une fois. Il va falloir se souvenir. Le code, le code, foutue securité. Foutue mémoire.

Cinq minutes, déjà cinq minutes perdues à s'acharner sur ce vieux digicode, dieu sait si il marche encore. Trois lettres, c'est presque ça... Rangées dans un recoin de son cerveau, destinées à ne plus jamais être ressorties, et pourtant...

-"4-3-B-R !"

L'écho du cri victorieux résonne un moment dans le couloir vide, couvrant les bips du digicode malmené par les gros doigts tandis qu'il s'empresse d'entrer le code.
L'épaisse porte renforcée coulisse, le code était bon. Rien n'a changé, mais trop de temps perdu, il s'élance en serrant les dents alors que le grincement des chenilles parvient à nouveau à ses oreilles, ils doivent être au dessus, en surface. Combien de temps avant qu'ils ne trouvent l'entrée des sous-sols... Pas assez, jamais assez, au moins cette porte les retiendra un peu.

4-3-B-R. Elle se referme, le digicode ne livrera sûrement pas son secret, ils devront percer la double couche de métal.

Intrus d'un autre temps, il observe la vaste pièce sans dessus-dessous. La salle de contrôle, sans doute, ou de securité, impossible de se rappeler. Les écrans brisés des vieux moniteurs cotoient les amas de circuits et de composants électroniques, autrefois à la pointe de la technologie, à présent dispersés dans toute la pièce comme les ruines d'une societé, parfois recouverts de quelques documents jaunis et paquets de feuilles d'imprimante
éparpillés, tombeau éphémère de l'informatique. La vision de cette pièce devastée lui rappelait tant de mauvais souvenirs, tout ce qu'il avait refoulé de sa mémoire depuis la grande évacuation du complexe.

BLAM !

Ils recommencent, comme si il restait encore quelque chose à détruire. Ca va sans doute plus vite que de chercher l'entrée, ils n'ont jamais été patients, sauf lorsqu'il s'agit de faire souffrir les autres.

La porte suivante n'est pas close, sûrement n'en ont-ils pas eu le temps durant la fuite. L'homme traverse rapidement la salle qu'il contemplait depuis plusieurs minutes déjà, et reprend sa course dans un nouveau couloir, identique au précedent, à ceci près qu'il l'emmène plus en profondeur encore. Ses pas résonnent alors qu'il descend l'escalier aussi vite que possible, n'attardant pas son regard sur le panneau métallique. Escalier 17, il l'avait emprunté si souvent. La structure en spirale et l'activité qui y régnait géneralement, ainsi que les tapisseries des murs contribuaient à en faire un point de passage régulier et plus agréable que le reste du réseau. Il l'avait monté et descendu si souvent qu'il aurait pu le faire les yeux fermés, mais sans doute jamais en étant aussi pressé.

Le bas de l'escalier débouche sur plusieurs couloirs, et la passerelle. Ce n'est pas le plus rapide, mais qu'importe, quitte à mourir autant admirer une dernière fois la vue unique depuis les vastes baies vitrées.

Il s'accoude un moment sur la barre métallique, comme il le faisait dans sa jeunesse. Le soleil artificiel, bien que considérablement affaibli par l'absence d'entretien, éclaire toujours l'ensemble de la vaste caverne, ville souterraine installée en dessous du complexe pour échapper à la folie exterieure. Le tube vitré traverse l'ensemble de la caverne, suspendu au dessus du vide, servant de jonction entre les deux parties du réseau, et autrefois lieu de promenade privilegié, accueillant chaque jour des centaines de passants, avec sans doute le dernier aujourd'hui, seul contemplateur d'un monde éteint. Les vitres ternies ne sont plus vraiment transparentes, mais la mémoire compense le manque de visibilité et l'émotion, croissante, vient unir le tout comme dans un rêve eveillé.

Il était passé par là lors de l'évacuation de la cité. Il n'avait jamais su pourquoi, tout était si tranquille, jusqu'à ce jour maudit, il n'avait qu'une vingtaine d'années. Le vacarme des sirènes l'assourdissait, il avait suivi les autres, à travers la fumée et la vapeur sorties de nulle part. La caverne avait tremblé, et la passerelle avait manqué de peu de s'effondrer sous le passage des habitants, fuyant sans même savoir pourquoi, ni pour où. Il avait tout perdu, et s'était retrouvé seul, loin de ce qu'il avait toujours connu, loin de ses parents, de son unique amour, Delna, il avait longtemps esperé les revoir, il savait désormais que cela n'arriverait jamais.

Un cri strident, déchirant, vite etouffé. Il sursaute, tiré de sa rêverie brusquement, ramené à la réalité, et à la surprise. Des bruits, à nouveau, une lutte, puis le silence qui reprend ses droits. Il y a quelqu'un, ou plutôt il y avait, c'est trop tard, il le sent. Ce ne sont pas eux, c'est impossible, les murs tremblent encore sous le vacarme de la surface, ils n'ont pas trouvé l'entrée.

Sa main se porte instinctivement vers l'arme qui pend à sa ceinture, son vieux revolver, il a bien fait de l'emporter. Le temps n'a pas tout balayé, il reste quelqu'un, ou quelque chose. Peut être des survivants, il doit savoir, avant que tout ne soit emporté. Un dernier regard à travers la vitre, un soupir, et il reprend son avancée d'un pas rapide, vers l'autre extremité du long tuyau de verre et de métal, remuant à chaque pas. Ses doigts se crispent sur l'arme en ouvrant la porte d'un coup de pied, répugnant à l'idée de devoir tuer, à nouveau, de faire face à une folie qui le dépassait, toujours cette violence.

Il reste en arrêt un moment à l'entrée du couloir, mélange de dégoût, de surprise, de crainte. Couloir identique aux précedents, aux murs ornés de tuyauteries et de longs néons rougeâtres, mais empli d'une odeur qu'il n'aurait souhaité jamais sentir à nouveau. Des tâches de sang, frais, une longue traînée sur toute la longueur du couloir, de petits morceaux de chair sanguinolente ça et là, un corps emporté il y a peu. traîné sans le moindre ménagement sur le sol. Les grondements sourds du métal martelé viennent perturber le silence sinistre. Ils avancent, sans doute sont-ils arrivés à la porte. Il ferme les yeux un bref instant, essayant de retrouver son calme, qu'importe, il n'a plus rien à perdre. Ils descendront bientôt, le privant de toute remontée, et plus profond, il y a ce sang, et quelque chose qui se terre dans les couloirs déserts, car ce n'est de toute façon pas un homme qui a pu laisser de telles traces. Peut être est-ce pour ça que la ville a été evacuée. La ville, il faut y parvenir, avant tout le reste.

Ses pas assurés résonnent à nouveau dans le couloir, il se souvient, la porte est celle d'en face. Ironie du sort, les traces y mènent tout droit. L'entrebâillement n'est peut être pas un hasard. Ou bien un oubli, qui sait ce qu'il y a derrière, c'est en tout cas bien silencieux. Il s'assure rapidement que son arme est prête, et ouvre la porte d'un coup de pied brusque, prêt à faire feu. Peut être aurait-il souhaité en finir, trouver ce qu'il cherchait, ou peut être est-ce un soulagement de constater qu'il n'y a pas âme qui vive, il n'en sait trop rien. Les traces de sang traversent la petite pièce en direction d'un autre couloir, dont la porte arrachée gît au sol, lacerée avec une force qui dépasse l'entendement, et il contemple les bureaux renversés alors que le grondement au dessus redouble. La porte ne résistera plus très longtemps aux assauts repetés, il faut avancer, s'engager à nouveau dans un long couloir, puis l'escalier, à la fois pressé et anxieux de trouver quelque chose.

Dix minutes, dix longues minutes à avancer, à nouveau dans le silence. La porte a cedé, les minutes sont comptées avant qu'ils ne trouvent comment descendre. Et toujours ces traces, répugnant fil d'ariane menant à une issue incertaine, en direction de la salle de repos à présent. Il ouvre à nouveau la porte avec le pied, sans que cela ne semble provoquer grand chose. La pièce est assez grande et rectangulaire, ne permettant pas vraiment de se cacher, et les corps éparpillés laissent deviner sans peine qu'il y avait bien des survivants, et qu'ils ont été massacrés il y a peu. Quelques heures, peut être quelques jours, le sang est à peine seché, des informaticiens, des gardes, pris au dépourvu par leur meurtrier inconnu. Il peine à contrôler le reflux du contenu de son estomac en observant où mènent les traces, et détourne rapidement son regard du cadavre à demi démembré d'une jeune femme, déposé avec négligence le long d'un mur. Des voix se font à nouveau entendre, provenant des couloirs d'au-dessus. Il n'y a pas le temps, plus le temps de fouiller, de comprendre, il faut descendre, encore. L'homme traverse rapidement la pièce, en jetant un regard au portrait dechiré du vieux Lawyer sur la table centrale, l'un des fondateurs du complexe, lui qui se disait le père de la cité, qu'a-t-il bien pu devenir avec le temps. Il contourne le plus largement possible les restes du corps fraîchement amené dans la pièce, trop loin pour voir son visage crispé et pour la reconnaître, trop pressé pour ramasser la petite médaille qui pend à son cou, ornée du nom de Delna, celle là même qui lui avait été offerte par son fiancé avant l'évacuation. Il ne prend pas non plus le temps de lire les quelques documents inachevés sur les tables, il ne voit pas le rapport du garde indiquant que le système de securité et les portes de protection ont été desactivés lorsqu'un intrus a composé le code exterieur pour entrer dans le complexe, quelques heures plus tôt. Il descend rapidement le dernier escalier, qui mène au niveau 0, celui de la ville souterraine.

Elle n'a pas vraiment changé, les bâtiments un peu usés par le temps, mais toujours debouts, comme figés à travers les années, inhabités. La pâle lueur de l'astre artificiel donne une impression de crépuscule, et l'ombre de la passerelle où se bousculent ses poursuivants se dessine dans la rue principale. Les grincements de la structure deviennent de moins en moins discrets, et il s'élance en courant dans les rues. Où était-elle, il doit s'en souvenir. Rien n'a changé, juste le temps, qui embrume ses souvenirs. Le parc est bien là, autrefois refuge des enfants après les cours, havre de verdure et de tranquillité, il n'y reste plus que les squelettes métalliques des bancs et des balançoires rouillés, et quelques arbres morts, rachitiques, pourtant une vague magie s'en dégage toujours, illusion d'un bonheur perdu. Ses jambes se font plus lourdes alors qu'il remonte cette rue qu'il a si souvent parcourue, les yeux brouillés, oubliant totalement le reste, n'entendant même pas les coups de feu et les cris dans les étages superieurs. Sans doute d'autres corps sont-ils en train de tomber, rejoignant ceux des derniers survivants de la societé souterraine qui s'était épanouie vingt ans plus tôt. La grosse porte en bois n'a pas changé, on distingue même le nom de ses parents sur la petite plaque en cuivre, elle grince un peu plus qu'avant sur ses gonds, mais a tenu bon. Il reste un moment à regarder le salon en désordre, la table où reposent encore les assiettes et les couverts, les chaises renversées le soir où ils se sont enfuis, la vieille commode inébranlable où sont eparpillés divers objets. Des photos, toujours là, encore visibles, tant de souvenirs qui remontent. Sa main tremble un peu en saisissant le cadre sur la commode et en tournant vers lui la vieille image, prise à ses fiançailles, Delna, ses parents et lui, réunis dans le même cadre. Une larme vient s'écraser sur l'image, emportant un peu de poussière avec elle alors qu'il sort d'un pas lent dans le petit jardin, sans que ses oreilles ne semblent entendre les voix dans les rues, de plus en plus proches. L'herbe est dessechée, le gros arbre a perdu toute verdure depuis bien des années, mais le reste n'a pas bougé. La petite table achève de rouiller dans un coin et la balançoire suspendue à une grosse branche remue sous les courants d'air qui balayent la vaste caverne. Elle craque un peu lorsqu'il s'asseoit dessus, mais tient bon, le laissant pleurer les dernières larmes de son corps, vidé, epuisé par le contemplation de son passé à travers la photographie. Après tout ce temps, il va les rejoindre, enfin, ceux qu'il a abandonnés vingt ans plus tôt. Qu'importe ce qui va lui arriver, il ne se soucie même plus de son arme, ne sent plus les brûlures des cicatrices dans son dos, ne repense plus à ces années de cauchemar à la surface, prisonnier chez ceux qui s'appelent encore Hommes mais en ont perdu la valeur depuis des décennies, dévoilant aux grands jours les pires atrocités dont ils sont capables. Il en a vu s'entretuer, cuisiner les corps de leurs adversaires et les servir en banquet devant leurs esclaves, infliger des sévices que nul être humain ne saurait cautionner, ravager la surface au détriment même de leur propre existence jusqu'à ce qu'ils ne restent plus qu'eux et leurs technologies, à la fois proies et prédateurs de la même espèce, mais tout va finir, enfin. Leurs voix rauques se rapprochent, il ne reste plus que quelques minutes avant qu'ils ne le retrouvent, et n'investissent ce monde souterrain devasté par l'inconnu. Il serre le cadre contre lui en fermant les yeux, fronçant les sourcils au contact froid de l'arme sur sa tempe. Une dernière pensée pour ceux qu'il a aimé, et qu'il va rejoindre. Il entend les voix clairement, ils sont là, sans doute dans le salon, le cherchant.

BLAM !

Le corps inerte glisse de la balançoire au moment où ils arrivent dans le jardin, tombant au sol en brisant le cadre de bois fin.
La balançoire oscille encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régne pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût"
Texte n°11 - Histoire vraie -

Citation :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.


Au passage, la lueur vacillante d'un candélabre en renvoie une image agrandie, informe, ombre chinoise démesurée projetée en noir contre les pierres calcaires du mur, mais elle disparaît bientôt, engloutie par les ténèbres de l'escalier.

Où peut-elle bien courir aussi vite ?



« Alice, vient manger ma chérie. » dit une voix douce depuis l'autre coté de la haie.

Alice, pensive, sortit la tête de son livre. Elle aimait à imaginer les motivations des personnages, et l'empressement de ce dernier l'intriguait depuis un bon moment déjà. D'un petit mouvement de ses semelles, elle imprima une légère poussée au sol et laissa vagabonder son esprit, profitant du doux va-et vient de la balançoire.

Ca aurait pu être une vulgaire empoisonneuse à la solde du Vatican, prostituée suisse poursuivie par un cardinal obèse et complètement sénile, confit dans sa bure, aussi bouffit que gênant. Ou alors, un agent secret triple du temps de la guerre froide, psychopathe évadé d'un asile nord-coréen sous haute surveillance à la faveur d'un attentat suicide revendiqué par des évangélistes texans maneuvrés en coulisses par des fous grabataires. Des kangourous pourchassés par des lapins en chemise, n'importe quoi.

Toutefois, curieuse d'en savoir plus sur le vrai personnage de l'histoire, elle s'immergea à nouveau dans le récit, d'autant qu'il ne lui restait plus que quelques pages avant la fin. Cette hérésie culinaire qu'ils osaient nommer ragoût pouvait bien attendre encore un peu.



L'ombre pénètre à présent dans une cave sombre et humide mais l'obscurité qui règne ici semble pourtant lui être familière car elle se dirige précisément vers un angle dissimulé de la pièce, farfouille le sol, trouve quelque chose. Une trappe s'ouvre, reflet métallique, il y à un objet à l'intérieur.

Elle s'en empare fébrilement, referme la trappe, sort de la cave, puis entreprend à l'envers le trajet qui l'a conduite jusqu'ici. En chemin, ses mains blanches et fines se rejoignent, ses maigres doigts se croisent fiévreusement, formant une supplique ambulatoire. Elle gravit lentement l'escalier en ânonnant une espèce de litanie funèbre que rythment les marches usées.

« Les Fous à lier, fous alliés, peste, mort et sang qu'il faut mâcher. Bouillon âmer a pas digérer les aurores mal lavées, mais moi je sais, Oh, oui, je sais bien comment, moi. Modération, balivernes ; Sanctions, foutaises ; Banissement ? Ah Ah, Mauvaise blague avariée... moi je sais, je sais bien moi, comment faire. Tailler dans le gras, et bien profond encore, faucher les fleurs du mal avant l'été. Oh, tendron pas trop fade, bébé hiatus prématuré, laisse moi te montrer, te digérer comme boues fumantes, purée de grumeaux, parce que moi je sais, moi je ne le suis plus.

Masque d'horreur totale qu'on enfile à la hâte, un spectre se presse dans l'escalier, remonte le colimaçon, un rictus mauvais déforme déjà curieusement ses lèvres.





Alice fit la moue, déçue, ce personnage était complètement tiré par les cheveux, en plus il disait n'importe quoi. Elle préférait les histoires de guerre, celles du genre qui se terminent mal, dans le sang et la haine, avec des héros poilus, de vrais durs, plein de reliefs, pas cette espèce de créature grotesque et délirante qu'on voulait lui faire avaler de force. Décidément cette histoire ne ressemblait à rien. Elle poussa un profond soupir, s'installa un peu plus confortablement contre une des cordes tendues de la balançoire. Deux nattes blondes divisées à la base du crâne, suivaient son cou délicat avant de revenir encadrer son joli visage. Elle se mit à en mâchouiller distraitement une des extrémités, plongeant derechef le nez dans son histoire.



Catapultée à l'air libre, la chose émerge à présent d'une profonde obscurité qu'on aurait juré n'avoir jamais vu ici avant. Elle semble presque squelettique, décharnée, à la lumière du jour, à moins qu'elle ne soit nue sous son grand manteau. Sa capuche dissimule un masque austère, quasi sinistre, et aux légers mouvements qui agite les plis du tissus, on devine des phalanges blafardes caressant quelque chose de long et dur. Elle marmonne deux trois phrases à peine intelligibles où il est vaguement question d'éradiquer le mal dés la racine afin de rétablir l'équilibre cosmique des forces et s'enfonce dans les bois en chantant Cut the kids in half, cut the kids in half...





Elle connaissait cette chanson de Radio Head, portée par la voix céleste d'un chanteur illustre, mais elle étouffa bien vite le singulier élan de sympathie que faillit lui inspirer l'anecdote, la jugeant déplacée.

« A table ! »



La forme se fraie maintenant un chemin parmi les ronces, louvoie entre les arbres, malhabile dans son grand manteau noir. Épouvantail agité de soubresauts, ses mouvements erratiques semblent dénués de toute logique physique. Une jambe avance qui entraîne miraculeusement un bassin, un bras allergique à toute hiérarchie corporelle et qui partait dans une direction contraire forme un angle étrange avec le reste. Articulations incongrues, masses incertaines, contours multiformes, volumes étranges, à croire qu'un pseudopode meut une amibe hydrocéphale vers un destin dont on n'a pas idée.





J'arrive ! Lança Alice en direction de la haie, parfaitement résolue à n'en rien faire. Au lieu de quoi, elle s'absorba toute entière dans la lecture de ses dernières phrases.



Lorsque soudain, droit devant, en plein milieu de la cour, une balançoire sur laquelle une enfant lit. Sans un bruit, la chose se glisse par derrière, à pas de loup, se cale précisément sur le rythme du va-et vient. Éclat luisant d'un objet qu'on soulève, elle vise une nuque gracile avant d'abattre lourdement sa faux.





On entendit tomber un livre, immédiatement suivit par quelque chose d'un peu plus lourd, au milieu des pâquerettes, les yeux écarquillés sur les trois lettres tâchées de la Fin.

Ce qui était resté sur la balançoire, finit par suivre le même chemin et atterri dans l'herbe tendre.

Alors, l'ombre sortit quelque chose de ses poches, les glissa dans chacune des petites mains crispées et disparu sans un bruit.


Dans les doigts serrées de la main gauche de la fillette, un mot sur lequel on pouvait lire Future trolleuse potentielle n° 745 - Eradiquée, la main droite était recroquevillée sur une épluchure de pomme de terre.

La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût"
Texte n°12 - A table

Début :
BLAM !
Les murs en tremblent encore...
Des bruits...
BLAM !
Une porte qui claque.
Une silhouette s'enfonce dans le couloir à toute vitesse et dévale les marches quatre à quatre.

Citation :
Les deux dernières marches sont encore maculées de son propre sang, pas encore sec. C'est ce moment que choisis la douleur pour se rappeler à son bon souvenir.
BLAM !
Les murs de la maison autour de lui commencent à s'effriter à mesure que la puissance des chocs s'intensifie.
Instinctivement, il ressert l'étreinte de son bandage autour de son bras à moitié arraché, en grimaçant. Des milliers de pensées se bousculent dans sa tête dont une semble passer par-dessus les autres : "Il faut que je sorte d'ici… MAINTENANT !".
BLAM !
Une sculpture aux contours indéfinissables se brise sur le sol devant lui. La maison à l'air plus grande que dans ses souvenirs. Il n'y a passé beaucoup de temps et il s'y sent perdu alors que l'envie de s'en extraire n'a jamais été aussi forte.
Au bout d'un couloir, une lumière brille faiblement. Elle oscille tandis que le parquet se fissure de plus en plus. Il fait très sombre et il a du mal à se repérer, d'autant que du sang recommence à couler dans ses yeux, depuis la plaie béante qui lui barre le front. Il a même du mal à se tenir debout, la violence des chocs qui secoue le bâtiment n'ayant rien à envier aux plus haut degrés de l'échelle de Richter.
BLAM !
Le silence se fait.
Plus rien ne bouge.
Il s'est arrêté dans sa course, le temps est comme suspendu.
"Un répit ?"
CRAAAAAC !
"C'était trop beau…"

La maison est soudain comme extraite du sol et lancée dans les airs. Il est entraîné dans le mouvement telle une poupée de chiffon, virevoltant dans les airs.
Très rapidement, tout retombe dans un vacarme assourdissant. Les étages au dessus de sa tête semblent se déchirer comme du papier, laissant apparaître la lumière du jour, éclatante, qui l'aveugle quelques instants.
Il voit là une échappatoire.
Mais il lui est impossible d'escalader quoique ce soit avec son bras en sang et il ne reste des escaliers que les deux premières marchent. Ce qui reste du bâtiment craque de partout et menace à tout moment de s'écrouler sur lui.
Il se met alors à parcourir l'enchevêtrement de parois qui jonchent le sol, à la recherche d'un espace vers l'extérieur suffisant grand pour qu'il puisse s'y glisser. Il progresse difficilement, surveillant également tout autour de lui afin que rien ne lui tombe dessus.
Après quelques minutes de cette progression laborieuse, il prend quelques instants, appuyé sur une massive armoire normande qui a du s'écraser là puis l'étage et il réfléchit.
Il n'a aucune idée du jour qu'il est. Il sait qu'il a été inconscient assez longtemps. Il se souvient de la douleur qui l'a réveillé, lorsqu'un autre homme a commencé à découper son bras avec une lueur démente dans les yeux. Il n'avait pas compris pourquoi, ni comment, mais son instinct de survie lui a permit de s'en sortir. Il avait du tuer cet homme, et la combat qui avait précédé lui avait valu son entaille au front mais au moins, il était vivant.
En y repensant, son problème du moment n'est pas la culpabilité face à ce meurtre. Ca n'est pas le fait qu'il s'est retranché au fond de la maison après avoir évacuer le corps par une fenêtre de l'étage. Ca n'est finalement pas non plus la nécessité de sortir de cette montagne de débris.
Non son problème actuel, ce sont les "autre". Ceux qui 'l'ont barricadé dans cette maison, en espérant le faire fléchir psychologiquement. Ceux dont sa victime faisait partie. Ceux qui le veulent, lui.
Un craquement au dessus de lui.
Puis deux.
Soudain, c'est le reste du bâtiment qui s'écroule sur lui-même.
Il a à peine le temps de se glisser dans la massive armoire qu'une pluie de plâtre de bois et de tuile s'y abat.
Par chance, le meuble tient bon et, après quelques instants de vacarme, le calme revient.
C'est alors qu'un rayon de lumière filtre à travers une large fissure du haut de l'armoire. Celui-ci n'étant pas bien solidaire du reste, il parvient à le déboîter afin de s'aménager une sortie.
A peine passe-t-il la tête au dehors qu'une légère brise caresse son visage. L'air frais fait place aux relents viciés auxquels il avait commencé à s'habituer. Jamais il n'avait respiré avec autant de bonheur.
Il s'extirpe alors avec difficulté, grimpe sur un monticule composé de divers objet et matériaux de construction et constate l'étendu des dégâts.
Une belle maison familiale complètement détruite, écroulée sur elle-même. Il est surprit de voir que tout ce qui se situe à la périphérie directe de l'ancienne maison est intact.
C'est en faisant un tour panoramique de la situation qu'il les voix, "eux", deux couples qui attendent à côté des débris, l'observant, le sourire aux lèvres.
Les deux hommes sont assez différents, l'un est grand et plutôt costaud et le deuxième est petit et très maigre. Leurs femmes sont toutes deux mince et élancées, elles se ressemblent comme des sœurs, l'une est brune, l'autre rousse.
L'homme plus petit s'adresse à lui.
"Je pense que tu peux descendre maintenant, il est temps de s'arrêter là."
"Vous ne croyez quand même pas que je vais capituler maintenant ?"
"Ce serait plus raisonnable, et puis, il se fait tard, on a faim, il faudrait dîner… Tu n'a pas faim toi ?"
"Probablement pas comme vous…"
"Allez vient, soit raisonnable."
"Vous pensez que j'ai peur de vous ? Pensez donc à votre ami a qui j'ai réglé son compte…"
"Ne t'inquiète pas pour lui, nous nous en sommes déjà occupés."
Bien le soleil qui le réchauffe en haut de son monticule, il frissonne en entendant cette phrase. Il lui avait dit ça sur un ton effrayant.

Il regarde à nouveau tout autour. Ca et là des arbres peuplent un terrain vaste au-delà desquels on ne peut voir d'habitations. Il distingue seulement le chemin de pierre par lequel il est venu.
"C'est par là qu'il faut que je parte…"
Il prend sa respiration et commence à descendre à toute vitesse le tas de débris du côté opposé à celui ou se trouvent les couples, en direction de son objectif. Son regard est rivé à l'énorme chêne face à lui, celui qu'il avait repéré en arrivant, avec sa petite balançoire en fer, pendu à une épaisse branche par de fines chaînettes.
Il préfère ne pas regarder ses pieds de peur de tomber, ce qu'il est à la limite de faire plusieurs fois durant sa descente.
Evidemment, les autre autres ne sont pas dupes, ils contournent les débris de la maison deux par deux, afin de le réceptionner, mais il espère être plus rapide.
Mais le grand type cours vite, très vite. Si bien qu'il est déjà sur le chemin quand il touche le sol. Mais il n'est plus temps de tergiverser, il fonce.

Il veut éviter à tout prix de se faire encercler, c'est sa seule chance de s'en sortir. Il cours aussi vite qu'il le peut, réfléchissant à toute vitesse.
Les deux femmes essayent de se placer sur ses flancs.
Il sait que l'homme le plus petit est derrière lui même si il ne le voit pas puisque son acolyte est face à lui.
Il est grand et trapu, impossible donc de passer en force dans son état.
Il a soudain une idée désespérée
Il contourne le grand arbre du jardin, un chêne qui est encore debout.
Comme il s'y attendait, son "prédateur" se mets sur sa trajectoire.
Lui fonce en direction de la balançoire et l'homme en face, fonce sur lui.
Ils ne sont plus qu'à quelques mètres l'un de l'autre, son projet semble donc réalisable.
Juste avant le contact, il prend appuie sur la balançoire qui est emporté par son mouvement.
Il s'élève dans les airs avec elle, frappant au passage son assaillant en plein front.
Poursuivant sa course dans une quasi apesanteur, il saute le plus haut possible afin d'échapper à se poursuivants.
Mais c'est peine perdue.
Il n'a pas vu que, dans le même temps, la femme brune à sortit de sa poche un Beretta et qu'elle l'a ajusté avec précision.
Elle presse la détente dès qu'il quitte son support comme un chasseur abattant un oiseau qui vient de s'envoler d'une branche.

Le tir l'atteint en plein vol, dans son épaule droite, ce qui modifie la trajectoire de son saut. A partir de là, il sait qu'il ne pourra plus s'en sortir. Ils sont quatre et lui est seul, blessé et à leur merci.
Inconscient de sa douleur, il flotte encore quelques secondes dans les airs, accompagné par le tintement des chaînes de la balançoire puis entame, comme cette dernière, sa retombée.
Les deux couples présents le regardent chuter, avidement.
L'ironie voulu qu'il tombe dans l'énorme marmite préparée à son intention et remplie d'un mélange visqueux et particulièrement chaud. Il eut l'impression pendant la première seconde de tombe dans une eau glacée puis très vite, ses centres nerveux lui transmettent l'information contraire. La brûlure provoque une douleur inimaginable. Il sent son épiderme se disloquer à mesure qu'il s'enfonce dans le liquide brun.
Il comprend alors que c'est ici que sa route s'arrête.
Sa vie défile devant ses yeux, vite, trop vite.
Le week-end avait pourtant si bien commencé. Il tenait toutes ses promesses.
Mais, sans raison apparente, tout avait basculé.
C'est lorsque la dernière étincelle de vie le quitta qu'il eut sa pensée la plus lucide.
"Quelle idée aussi d'avoir des amis cannibales…"
Fin :
La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser.
Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût".
Texte n°13

Citation :
BLAM !
Les murs en tremblent encore... Des bruits...
BLAM !
Une porte claqua.Une silhouette s'enfonça dans le couloir à toute vitesse et dévala les marches quatre à quatre.

Roger arriva essoufflé et complètement paniqué dans le salon. Deux femmes étaient assise en train de prendre l'apéritif. Elles s'étaient arrêtées de parler et le regardaient fixement l'air étonnées. Dans un souffle Roger murmura :

«- Vous avez entendu ? Je crois qu'on vient de faire une grosse boulette avec Maurice.»

Maurice entra à ce moment là dans la pièce, il tenait dans ses mains un fusil et n'osait pas regarder autre chose que ses pieds. Les deux femmes visiblement beaucoup plus inquiètes tout à coup demandèrent simultanément :

«- Mais qu'est ce qu'il c'est passé ? C'était quoi ce vacarme ?

-En fait, on était dans le grenier avec Maurice, je lui montrais mon nouveau fusil de chasse et puis on s'est dit que ça serait bien de l'essayer pour voir. On s'est mit à la fenêtre et on a vu passer un truc assez gros dans le ciel, on voyait pas bien mais on s'est dit que c'était sûrement un oiseau alors j'ai tiré et...

-Et quoi ?!»

Soudain Maurice jusque là silencieux leva les yeux et cria :

«- Je crois qu'on vient de buter le père Noël !!!»

Les deux femmes se regardèrent et se mirent a rire. L'une d'elle dit :

«-Moi, je crois que vous avez surtout un peu trop abusé sur le Ricard, je t'avais dis que les mélanges Champagne Ricard ça te réussissait pas.

-Mais putain Francoise tais-toi, je suis peut être un peu bourré mais on vient quand même de buter le père Noël sinon tu peux m'expliquer ce que fout le traîneau avec le renne en plein milieu du jardin la ?»

Roger montra du doigt la porte fenêtre juste derrière Francoise. Ils s'en approchèrent et plus aucun bruit ne se fit entendre dans la pièce. Là, au milieu du jardin, se trouvait un énorme traîneau rouge auquel était accroché un gros renne qui avait commencé à manger le parterre de bégonias en face de lui. Allongée dans l'herbe, au pied du traîneau, une forme plutôt imposante vêtu de rouge ne bougeait plus.

«-Faudrait peut être aller voir de plus près non ? dit Roger »

Françoise lui répondit en soupirant :

«-Bah c'est pas comme si on avait le choix hein... sinon quelqu'un s'y connaît en rennes ? C'est méchant ce genre de bestiole ? Parce que bon...Allez Maurice passe devant on te suit»

Tout le monde s'éloigna de la fenêtre pour laisser passer Maurice qui tenait courageusement le fusil serré contre lui .Il sortit, suivi de Roger, tandis que les deux femmes refermèrent la porte derrière eux et les suivirent du regard le nez collé à la fenêtre. Maurice s'approcha et dit, hésitant :

« - Heu, Bonsoir...

-Non mais tu crois qu'il resterais le nez dans l'herbe si il était capable de te répondre, vas y approche toi et retourne le.

-Parle moins fort y'a le renne qui nous regarde bizarrement...

-Pfff ouais c'est ça il trouve que tu ressemble à un bégonias, fais gaffe c'est carnivore un renne tu savais pas ?

Roger n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une détonation suivit d'un bruit sourd le fit sursauter. Il leva alors les yeux vers Maurice qui tenait le fusil à bout de bras en fixant le renne qui gisait maintenant sur le sol la tête enfoui sous les bégonias. Un long silence suivit, Maurice se retourna vers la porte fenêtre et vit que les femmes avaient reculé d'un bon mètre, les yeux écarquillés. Il se retourna alors vers Roger :

« -Ouais bah il me regardait bizarrement je te dis !!

-Bon tu vas me donner le fusil, c'est pas que j'ai pas confiance mais un peu quand même.

-Heu ouais si tu veux, Maurice donna le fusil à Roger et détourna son regard vers le corps toujours allongé dans l'herbe. Bon on fait quoi alors ?

-Retourne le et pour le renne on verra après mais je pense que Françoise doit avoir une recette la dessus.

Maurice se baissa, retourna lentement le corps et découvrit que le père Noël avait malheureusement l'air aussi vivant que son renne.

« - Il est super puissant ton fusil , tu avais raison... Enfin a mon avis il a pas survécu là je crois que tu as vraiment tué le père Noël.

-Comment je vais faire ? Si j'appelle les flics un soir de réveillon en leur disant que je viens de tuer le père Noël avec mon nouveau fusil pour la chasse ils vont se foutre de moi.

-On est en pleine campagne personne nous a vu à mon avis...

-Je crois que tu as raison j'ai une idée vas chercher Françoise et Jaqueline."

Maurice se releva et se dirigea vers la maison où les deux femmes, le nez collé à la fenêtre lui ouvrirent la porte. Une fois tous dehors, Roger prit la parole.

"-Bon alors j'ai effectivement tué le père Noël et Maurice a achevé le renne d'une balle dans la tête, heureusement personne a pu nous voir alors je pense que si on travaille en équipe on va pouvoir régler ça assez vite.

-Je vois pas trop comment mais on est plus à ça près...

-Jaqueline pas de mauvais esprit s'il te plaît, bon alors vous vous êtes plaint toute la soirée que j'avais oublié d'acheter la dinde et que du coup vous aviez rien prévu d'autre bah la je crois que, Roger désigna le renne, vous allez avoir largement de quoi faire un bon ragoût ."

Tout le monde regardait Roger attentivement, il continua.

"-Nous, on va enterrer le père Noël au fond du jardin et personne n'en saura rien, de toute façon on a pas le choix et puis pour le traîneau ça fera du bois pour le feu. Aller Maurice tu emmènes le renne dans la cuisine, les femmes se débrouillerons avec et puis tu reviens m'aider a creuser le trou.

-Ok ! Et on va creuser où au fait ?

-Bah là bas sous l'arbre avec la balançoire au fond du jardin, de toute façon personne l'utilise ."

Quelques heures plus tard, alors que Roger et Maurice finissaient de remettre la terre sur le trou et que le traîneau avait été entreposé dans le garage en attendant de finir en petits tas de bûches ( de Noël Oo), Francoise ouvrit la fenêtre de la cuisine et leur cria que le dîner était prêt. Maurice et Roger fixèrent le trou. La balançoire oscilla encore quelques secondes, puis finit par s'immobiliser. Un silence total régna pendant un moment, jusqu'à ce que quelqu'un lance : " Eh ben on va enfin pouvoir aller se le manger, ce ragoût
j'ai fini le 4'eme moi, mais j'ai besoin de café , je ne dormirai pas tant que je n'aurais pas tout lu

edit le huitieme texte est posté 2 fois

arg j'en suis au dixieme, pour l'instant deux textes ont bien retenu mon attention, l'un par le theme et l'histoire, et l'autre par la trame et la chute , c'est dur dur !
Citation :
Publié par Messire Moustache
Je voterais dès que j'aurais fini de lire, dans 4 ou 5 ans.
J'ai commencé, j'en suis au 4eme (mon préféré pour l'instant mais j'ai pas finit) Le 3 est sympa aussi mais j'ai pas aimé la fin.
Citation :
Publié par Messire Moustache
Je voterais dès que j'aurais fini de lire, dans 4 ou 5 ans.
tout pareil.
Mais je promet de tout lire. \o (je leve la main droite, nanan ce n'est pas un salut nazi)

vais me les imprimer, ca me fera de la lecture pour la grosse commission.
Citation :
Publié par Kurd
@Mab y a 2 fois le texte 8
J'ai remarqué ça aussi, après avoir pris note qu'il y avait le texte d'intro plus 13 textes, soit 14 posts sur la page au lieu de 15. C'est ptetre pour combler la page entière. Ou alors c'est juste une erreur.
En tout cas je suis déçu, je m'attendais à voir un certain texte qui n'y est pas
j'ai terminé personellement, ca se lit assez vite faut pas exageré.
y'en a deux que je trouve vraiment bien

(enfin je sais pas si on peut faire des commentaires ou pas, alors j'en fais un petit, s'il faut pas j'éditerai)

je me fou de savoir de qui c'est mais le 4 j'ai beaucoup aimé voila bravo a l'inconnu auteur (j'espere qu'on connaitra les auteurs une fois le sondage terminé)
le thème m'a bien plus, j'ai même frissoné a certains passages l'intrigue est cool et c'est plaisant a lire meme si c'est long.

ensuite j'ai autant aimé le 9 , avec le vieil homme dans le parc, le texte est assez frais , ca se lit bien, y'a des touches d'humour forts sympathiques, et la chute est plutot inatendue.
donc bravo aussi au bel inconnu.

edit : j'ai voté.
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