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Juste un mot ou deux pour vous faire parsrt d'un malaise.
Mais avant, veuillez prêter attention à ce préambule : je n'ai pas de couleur politique, je juge les choses sur pièce. Je ne crois pas aux théories socialistes, capitalistes, gaullistes, etc... Je SAIS que ce qui est prévu, budgété, organisé et correctement préparé fonctionne. Par contre j'adhère à trois principes : l'égalité, la justice, l'intérêt de la nation (c'est-à-dire de nous tous.)
Ceci dit, j'attaque le morceau.
Je suis professeur particulier, faute de mieux. C'est un travail que j'adore, et je me réjouis des progrès de mes élèves, même si ça veut dire qu'au bout d'un moment je perds mon client... je le perds avec le sourire aux lêvres en fait. Vous l'aurez compris, j'éprouve un très fort sentiment de responsabilité envers eux. Je suis assez bien payé pour le sentir très concerné pa leurs résultat, c'est une question d'honneur.
Seulement voilà, je n'aime pas le FOND de ce travail. Je sais très bien que je participe à une fracture éducative. Je suis du côté des riches. Je n'ai pas vraiment le choix, c'est ça ou le caniveau, mais ça m'agace quand même profondèment. Alors quand quelque chose me gêne, je cherche à comprendre. J'interroge les élèves, les parents, je leur demande pourquoi ils ont fait appel à moi. Et j'ai trois cas. Trois cas ABSOLUS, pas de nuances, pas de graduation, non. du tranché, bien net.
Cas numéro 1 : le branleur, il ne veut rien faire et rejette la faute sur son entourage. Ceux-là, je les garde le temps de faire comprendre aux parents que leur gamin n'a pas besoin de cours mais de baffes.
cas numéro 2 : celui qui n'y arrive vraiment pas. Les plus durs, parce qu'on ne peut pas les laisser tomber. Mais est-ce seulement de sa faute ? En cherchant bien, en lisant les cours des années précédentes je me rends compte que l'éducation nationale a laissé passé cette personne dans des classes supérieures alors qu'il n'aurait jamais du y arriver. EN AUCUN CAS. Souvent je trouve des cours pris de façon fractionnaire, mal rédigés, les figures mal faites... Aucun contrôle n'est exercé sur la tenue des cahiers, et le fait même de réussir à atteindre la troisième sans connaître ses tables de multiplication et en ayant du mal à calculer des chose comme 2*1+3*0 est significatif d'un gros malaise.
Déjà, une question se pose : comment un nanard pareil peut-il parvenir en troisième... parce que c'est pareil en grammaire, en orthographe, en histoire/géographie et en sciences. Une ruine. Il n'aurait jamais du dépasser la 5ème. Pourtant il est plein de bonne volonté, il est attachant et ce n'est pas la moitié d'une andouille. Alors quoi ? L'éducation n'est-elle pas sensée exercer un contrôle pour éviter ça et permettre à cet élève d'avoir le minimum nécessaire pour trouver un travail ? en l'état actuel des choses, ce gosse est un chômeur de longue durée en puissance. Il faudrait que ses parents payent un somme colossale en cours particuliers pour arriver à en faire quelque chose. Ou alors un institut privé, ce qui revient au même.
Déjà, j'y vois une sévère défaillance du corps enseignant.
Trosième cas (le plus répandu, hélas!) : le professeur démissionnaire. Au début je n'y croyais pas. J'ai toujours eu des professeurs présents. Certains étaient nuls (notamment un professeur de maths pour qui les élèves qui ne comprenaient pas ses cours étaient bon pour l'orientation... je ne la comprenait pas, j'ai pris des cours particuliers, j'ai à présent un bac+5, je ne la remercie pas) mais ils étaient tous présents, dans le sens où on pouvait aller à leur rencontre, ils répondaient (peut-être ai-je eu de la chance.) Bref, je n'y croyais donc pas. D'abord mon élève me disait : "mon prof ne sert à rien, il fait son cours et part" ou encore "il est si souvent absent qu'on dirait qu'il a droit à des RTT." Ma réaction à ça a été la suivante : "je l'ai déjà fait à ma mère le coup de la faute au prof, ça marche pas avec moi... "j'en ai vexé des élèves avec ça... et puis les parents viennent m'en parler, et confirment les dires de leurs enfants. "Normal, me disais-je, ils se rangent à l'avis de leur môme." Et puis comme j'aime pas juger hâtivement, je plonge la tête dans le cours du prof, je pose des questions et... et je suis tombé de très très haut... en vrac : le prof de français qui REFUSE d'apprendre à ses élèves comment faire une dissertation, la prof de biologie absente 2 cours sur 3 pour des raisons diverses et variées, qui maîtrise moins bien son cours que moi, et qui donne des polycopiés sans aucune explication à ses élèves (elle si je la croise, j'en fais de la charpie), le prof de math absentéiste de longue durée... celui qui saque ses élèves à tel point qu'ils en développent des complexes d'infériorité (l'élève à 6 de moyenne, à la contre-correction il a 11.) Hallucinant.
et là dessus, la grève. Comment dire ce que je ressens. Une de mes élèves n'a plus eu de notes, rendant MON travail quasi-impossible. Rendant les révisions des élèves très dures à orienter. Mes élèves qui me sortent des trucs du genre "vu ce que les profs bossent en ce moment, je vois pas pourquoi j'en ferais plus qu'eux"...
Alors c'est ça l'éducation nationale ? Non mais faut arrêter la casse là. Si seulement les gens chez qui me donnent des cours étaient des gens de droite, je pourrais me dire que mon jugement est biaisé. Même pas, ce sont pour la moitié des fonctionnaires, parfois même des professeurs qui sont alarmés par le foutage de gueule complet qui se joue en ce moment sous nos yeux. (oui, vous avez bien lu, des professeurs du public font appel à des professeurs particuliers, ça m'a soufflé ça.)
Le rôle d'un professeur, c'est d'enseigner aux enfants de notre pays. qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il neige, il doit être au poste. c'est pour ça qu'ils sont payés aussi cher pour faire aussi peu d'heures. Or, ce que je vois, c'est que les élèves à qui j'enseigne, qui sont des gens en difficulté, ont été TRAHI PAR LEURS ENSEIGNANTS AU MOMENT LE PLUS IMPORTANT POUR EUX. C'est lamentable, pitoyable, minable. Je n'ai pas assez de mot pour exprimer le dégoût que ça m'inspire. Une de mes élève va aller au bac de français sans que ses textes aient été préparés en cours, sans savoir rédiger une dissertation ou un commentaire-composé. Si le sujet d'écriture d'invention la déroute c'est banane, sans alternative. Et ça, ce n'est pas une défaillance de l'état, c'est une défaillance du corps enseignant.
Et si seulement tout ceci avait lieu pour une raison valable... mais même pas. On me parle d'école à deux vitesses, de régions pauvres, etc...
Ok, voyons les choses sous un angle objectif.
Qui est concerné par la réforme : les TOS. Les tondeurs de pelouse, les surveillants, les cuisiniers, ce genre de gens. Pas les enseignants. Pour avoir fait ma scolarité dans un lycée-poubelle (qui a depuis été refait, par la région, et est un modèle du genre,) je suis assez bien placé pour savoir qu'ils n'ont qu'un impact réduit sur la qualité du travail fourni.
Que va-t-il se passer : transfert de la feuille de salaire vers les régions. ils ne changent pas de statut, ni de salaire, ni de régime de retraite. Rien de tout ça, c'est juste un transfert de l'organisme payeur.
quelles sont les objections : ça va créer une éducation à deux vitesses? Ah bon ? et comment diable ? on ne touche pas au corps enseignant là-dedans. bon ok, mettons, mais pourquoi alors ?
Ben parce que certaines régions sont plus pauvres que d'autres. Exact, maintenant pourquoi ? La recette des régions vient d'une part de la fiscalité, d'autre part de l'état. Pour la part fiscale, elle est directement proportionnelle avec la population du secteur (certains diront l'activité, mais l'activité est AUSSI proportionnelle à la population.) si les rentrées sont proportionnelles à la population ce sont donc les régions les moins peuplées qui sont les moins riches. Et si elles sont moins peuplées, il y a moins d'élèves, donc moins de dépenses liées à ces élèves. Il y a donc corrélation entre les entrées et les dépenses dans ce domaine. Et de toutes façons, les régions qui gagnent le moins par la fiscalité touchent plus de l'état. C'est le principe de pluriquation. Nul ne peut y déroger car c'est inscrit dans la constitution. autant dire que c'est gravé dans la marbre et l'airain. Alors, conclusion ? Conclusion cette affaire c'est du flan.
Mais le pire, c'est qu'on prend les élèves et les parents en otages, en prétendant que c'est pour leur bien alors qu'il n'y a pas de problème, que les raisons invoquées sont fallacieuses et que les élèves vont en pâtir tout de suite. Actuellement la fin du programme a été passée à la trappe; Et une fois arrivés en prépa, ou simplement dans l'année suivante, qui va rattraper le programme ? les profs , non, pas le temps. Il faudra alors avoir recours à des expédients comme les cours privés. Et ça, c'est de l'éducation à deux vitesses.
Messieurs les syndicalistes, vous me faites vomir. Je reconnais le droit à la grève, mais pour des raisons semblables, BEURK. vous salissez ce droit, vous salissez l'éducation nationale, vous êtes en train de montrer à vos élèves le brillant exemple de notre époque. En espérant qu'ils seront plus malins que leurs aînés.
Je finirais par ceci. Des enseignant ont utilisé des ouvrages de Luc Ferry pour bâtir un mur (j'ai eu l'info de façon fragmentaire, si quelqu'un peut me corriger en cas d'erreur j'en serais ravi.) Ca revient à détruire des livres. Un livre ça ne se détruit pas. Ca se lit. Même Mein Kampf de Hitler doit être lu, pour comprendre comment on crée une mécanique de haine et mieux savoir la combattre. Le rôle d'un professeur c'est d'amener la connaissance, pas de la détruire. En faisant ceci, ils se sont mis du côté de ceux qui ne dialoguent pas, mais qui imposent et ce sont de fait, retiré tout droit à la critique du gouvernement (qui en fait autant.)
En terme poli, ça s'appelle un auto da fé. Et je méprise du plus profond de mon être tout ceux qui s'y sont livré.
c'était juste quelqu'un pour qui enseigner est la plus belle chose du monde. Et qui est écoeuré. Ecoeuré. Je voulais devenir professeur... là je suis moins sûr.
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