Tiens, il y a encore de la lumière ici
, quoi qu'elle semble quand même un peu floue dans un brouillard d'évocation. Lorsque j'étais jeune (selon la formule consacrée) je me régalais à voir les sketchs de Roger Pierre et Jean-Marc Thibault. Il ont désormais disparu tous les deux, mais pas tellement avec cette mort récente du second, mais il y a déjà bien longtemps, parce qu'ils n'avaient plus la même aura médiatique.
La mort est un sujet qui n'a pas fini d'user les doigts (on ne parle plus de plume désormais, ou de stylo, alors autant rester dans le vague). On la mesure à l'aune de sa conception de la vie. Elle peut faire rire ou pleurer (bien que la deuxième version ait plus de succès). Je vois que ça entraîne inéluctablement un discours sur les personnes âgées, mais il est vrai qu'on meurt plus facilement en approchant de la fin de sa vie
(pour faire honneur au trait d'esprit involontaire mais néanmoins savoureux de caterina).
En général on voit mourir ses parents, c'est plus dans la logique temporelle. Les deux miens sont morts depuis longtemps avec un contraste saisissant : ma mère n'est pas vraiment morte, elle a juste arrêté de vivre et ça lui a pris quelques années pour conclure le processus. Quant à mon père il a tout simplement décidé d'en finir lorsqu'il s'est retrouvé en maison de retraite, ce qui était parfaitement incompatible avec sa conception de l'existence. Il m'a simplement dit qu'il n'avait pas envie de ça et il est décédé rapidement avec une grande sérénité à l'image de celle qu'il a trimbalée pendant plus de 90 ans (sa sérénité, pas son épouse...
).
Personnellement je n'ai jamais trouvé la mort triste. Intrigante, curieuse, problématique, révélatrice... mais pas triste. Le premier cadavre que j'ai vu était celui d'un cousin mort "prématurément" d'un cancer assez vicieux. Je me souviens de mon regard encore juvénile posé sur la rigidité pâlichonne de ce visage désormais terriblement immobile. Ma mère m'a alors vivement éloigné de cette vision qui ne lui semblait pas convenable pour mon jeune âge. Mais c'était surtout elle qui était toute chamboulée sans que j'en comprenne fondamentalement la raison.
Mais ce que j'ai trouvé de plus étrange alors c'est lorsqu'elle m'a donné comme tâche de couvrir un grand miroir d'un drap blanc sans qu'elle daigne répondre à ma légitime curiosité quant à l'intérêt d'une chose pareille. Plus tard je me suis dit que peut-être le mort, ou du moins son double ectoplasmique aurait pu malencontreusement passer devant ce miroir et constater qu'il ne reflétait plus rien de lui, ce qui je l'avoue aurait sans doute pu non pas le tuer puisque c'était déjà fait, mais tout du moins secouer passablement son corps éthérique.
Depuis j'ai compris que cette mort là, la dernière, n'était pas la plus à craindre, mais que c'était bien plutôt les petites morts quotidiennes qui par un effet stochastique arrivent à miner une existence et la vider de toute sa substance. On tue au quotidien avec des regards, des mots, des actes, des omissions... Mais ces morts là semblent trop insignifiantes pour qu'on leur accorde toute l'importance qu'elles ont en réalité, comme ces substance toxiques qui à petites doses finissent par encombrer notre organisme sans qu'on le sache.
Pour terminer et ne pas en faire un pavé la mort n'est pas à craindre mais plutôt le fait de rater sa vie, de ne pas suffisamment profiter des opportunités qui nous sont offertes, de toujours freiner en se disant qu'on sera prêt demain. Non, c'est demain qu'on va mourir mais c'est aujourd'hui que l'on vit
.