Parfois.
Forum, transport en commun. On y voyage les uns en face des autres, les cuisses frôlant des autres cuisses, grimaçants ou burlesques, sérieux ou se racontant au grès des humeurs. On dissimule des coliques, on retient des pets odorants ou bien on meugle en s'accrochant aux portes, se coinçant parfois une jambe dans les entrées coulissantes, tantôt fonçant confiant dans une vitre qu'on croyait vide, comique. C'est rassurant de routine, ces mêmes personnages qu'on y croise et qu'on classe dans sa boutique mentale - les petites chattes, les beaux parleurs, les habitués, les jeunes, les vieux etc - tous ceux qu'on assimile en qu'on gloutonne à sa façon.
C'est comme un théâtre des possibles, ou l'on se fabrique un personnage, enfile un costume, prépare ses répliques, impose ses mises en scène et interprète en abîme. On s'oublie à l'intérieur, on y rêvasse d'un autre soi et on met en scène des fantasmes et des comportements factices. C'est en équilibre précaire qu'on communique. Imaginant la place des autres, luttant pour que son personnage soi assimilé à sa juste teneur, s'offusquant d'une mauvaise interprétation et réparant les erreurs de jugement des autres qui vous dérapent dans une catégorie dont vous ne voulez pas paraître. Après tout.
Et l'on jure et peste d'être soi-même, celui qu'on est dans les pièces du réel, niant les costumes et les jeux d'acteur. Gueulant à qui veut bien le croire, l'entendre juste, que le maquillage n'est pas artificiel, qu'il épouse les traits du véritable. On est "moi", on est "sincère", on est un pauvre gars - fille - femme - étudiant - séducteur - et c'est pas du chiqué. C'est le gros mollard de la vérité, qu'on crache sur les quais et revendique.
C'est le bordel de la nique.
Parce qu'on a beau juré de ne pas avoir le sexe chaud et les pores dilatés, soit. N'empêche que les acteurs cherchent la baise, celle qui donnera consistance à son personnage en costume. C'est la braderie des relations, les étals plein de bidoches dont on imagine les odeurs et modèle les formes. Pour l'exemple, une petite courge de forum, qu'on mijote à la mode virtuelle, dont on encourage la superficialité, l'aspect féminin et qu'on influence d'être l'objet de convoitise. On la baise ensuite pour faire mousser son personnage, pour produire les rebondissements, pour tenir le spectateur. Ainsi, un utilisateur dont le costume prend la poussière, après des temps de gloire en avant scène, trouvera dans la baise de courge une manière de revenir parmi les têtes d'affiches, la queue en poupe. L'engrosser serait le monologue sublime, la douche. ce n'est pas Pierre qui couche avec Justine. C'est pseudonyme untel avec pseudonyme untel. On couchera avec des personnages qu'on aura fabriqué ou dont le personnage profitera au nôtre.
Dans un autre registre.
C'est un bonbon juteux dont on savoure l'absurdité, de tous ceux qui dégobillent n'être ni voyeur, ni exhibitionniste. Et de se scandaliser vertement des petits bouts d'intimité dégueulasses qu'on laisse éclore de temps en temps. C'est chacun qui tire sa langue et déblate des morceaux de son intérieur, lui donnant un petit air ridicule de secret dévoilé. Il dit les choses, elle exprime le machin, mais c'est moins pire que - puisque c'est parfumé avec prudence : Ils sont pudiques ! et se dévoilent à contre cœur, soi-disant. Et avec la considération modeste - car la modestie peut justifier les épanchements - que de toute façon, ils ne seront pas lus, après tout. On sirote tous dans le registre, on ingurgite des autres avec gourmandise et on régurgite du soi avec appétit.
En conclusion burp.
Ce n'est là rien du tout qu'une emmerde de jour de pluie. On y lira rien et on gueulera au texte trop long, pour la taverne, qu'est-ce que ce machin posé la comme une crotte et qui fait chier d'être trop long - con ? Pour être juste, je ne suis même pas d'accord avec tout ce que je viens de fourrer là-dedans. Et je suis la première à me tirer des balles dans la connerie. On dira que c'est une vomissure opaque de plus et on la laissera couler comme la poussière, sous le bar et grâce aux courants d'air. Et surtout, gaffe à pas interpréter trop dur.
Et parce que je suis pas vache.
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On aime les machins clairs, ayant un but.
On veut éviter de se prendre la tête avec des morceaux d'incompréhensible.
C'est important aussi, de contenter les mouettes.
On va transformer la bouse en carrosse :
Ceci est un : Gueuloir collectif
Veuillez dégueulez ici - le plus proprement possible - tout ce qui vous agace
Après tout, faut bien que ça atterrisse quelque part..