(bon j'ai tout lu, je ne suis pas certaine d'avoir tout compris, certains concepts/certaines idées/certaines notions/voire même certains quiproquos, bien que passionnants, rendent les choses assez délicates, donc voici sans prétention, mes deux centimes).
J'ai l'impression, depuis quelques temps, que le monde dans lequel nous vivons est une monde basé sur des idéologies et systématiquement idéologisé.
Je m'explique.
Depuis quelques siècles, maintenant, entre les "progrès" divers et variés et la "démocratisation" (entendez par là, l'accès plus libre à la masse) de l'éducation, on se retrouve devant un fait étrange et questionnant, qui tend à transformer chaque conversation sur le monde en un "débat" "d'idéologies" (et non pas d'idées ou bien de pensées, c'est très différent). Par exemple, erreur fréquente, Rousseau ne se place pas dans une "idéologie" de l'homme, mais dans une "pensée de l'humanité", même si les discours qui l'ont suivi et la façon dont on nous l'enseigne, tendrait à donner comme acquis que Rousseau est un "idéologiste", non c'est un "penseur". L'idéologie est une systématique de la pensée humaine, se traduisant par une systématique du monde environnant, la pensée du monde est une construction mentale visant à résoudre un problème. Aujourd'hui, on nous bassine avec "l'idéologie marxiste" et "l'idéologie capitaliste", mais cela n'a rien à voir. Les paroles de penseurs comme Marx ne sont pas une "idéologie" mais une "pensée". L'idéologie naît, non pas de la "pensée du penseur" mais de la politisation de cette "pensée". Et par raccourci idéologique (encore une fois) on résume la pensée à cette idéologie politique du monde.
Seulement avant d'être "politique", le monde "est" au sein de la pensée de ceux qui prennent/perdent leur temps à le penser avant que d'autres ne "radicalisent" cette "pensée". Ce qui fait que aujourd'hui, seul moyen d'être entendu, c'est de "radicaliser" sa pensée dans un sens ou dans l'autre, sinon, on vous sort la grande phrase "tu es quelqu'un de paradoxal", bah forcément, je suis humaine, donc à forte tendance paradoxale. Mes désirs me tiraillent, ma fainéantise aussi, mais également ma "volonté" d'aimer ce monde, parfois plus que de raison et d'avoir envie de le "changer". Le "changer"? Oui, mais comment? Alors là, c'est le branle-bas de combat des "références", celles apprises, celles lues, celles comprises (rarement, et je parle pour mon cas personnel), celles aimées ou appréciées, tout simplement celles qui nous ont "plues", au sens large du terme. Seulement, notre "idéal" se confronte à d'autres idéaux et l'avantage de "l'idéologie" contrairement aux idéaux, c'est qu'elle est démagogique et donc facilement "accessible" (toute raisons gardée, ça dépend de l'idéologie en question), moins nébuleuse. Il suffit de voir les phrases chocs, comme des slogans publicitaires, que l'on nous fait passer, en particulier sur Sartre et Marx entre "L'enfer c'est les autres" ( écrit sur des Tee-shirts) et "Le travail c'est l'opium du peuple"... Bah, si ça ce n'est pas de la "démagogie idéologique" je ne sais pas comment vous appelez ça... Cela a plusieurs avantages, un cela permet de donner un sentiment d'accès à la connaissance à ceux qui ne l'ont pas forcément et ça permet surtout de laisser les "débats" se créer dans une "stérilité" quasi systématique. Car la proximité apparente de "l'idéologie" permet de ne pas se fatiguer à penser

.
Donc, ce que nous appelons, les "débats d'idées" ne sont rien de plus rien de moins que des discours stériles sur une "idéologie" ou des "idéologies", les cafés-philos en sont souvent le meilleur exemple. Seulement cette panacée d'idéologies (suffit de se balader ici, pour en trouver partout) amène un problème de fond, c'est que cette "idéologisation" (j'invente un mot là je crois) du monde est parfaitement voulue (non laissez les chinois du FBI tranquilles), dans le sens où elle permet de se poser des questions sans jamais y trouver de réponses, puisque toute "idéologie" demande "analyse pratique" et comme certains l'ont parfaitement dit, pour savoir si l'idéologie communiste est viable il faudrait pouvoir l'appliquer. Ce qui, amène un non-sens total, puisque la pensée marxiste est "taxée" depuis belle lurette d'utopie et que, même le plus niais des communistes, sait bien que ce monde "idéal" a peu de chance de voir le jour. Pourtant, il n'en reste pas moins que "l'idéologie marxiste" continue de faire des émules (et non pas "pensée", le nombre de marxistes n'ayant jamais lu Marx est flagrant), ce qui voudrait signifier que "l'idéologie" peut se passer de "penseurs", elle peut continuer sans eux, tournant à vide sur elle-même, déblatérant ses discours les mêmes cent milles et une fois déjà entendus, et ce quelle que soit l'idéologie en question. Ce qui veut encore dire que l'idéologisation du monde permet d'assurer la pérennité d'un "système" (si on continue de considérer l'idéologie comme une "non-pensée" je vous renvoie à Deleuze et Derrida si ça vous chante).
Je m'explique encore un peu (après j'arrête le pavé).
Si la "pensée" d'aujourd'hui se résume à une "idéologie" c'est gagné pour le "système", car les "idéologies" ont la fâcheuse tendance de ne pas trop évoluer, voire même de s'amoindrir au fur et à mesure du temps, puisque une "idéologie" étant politisée cherche des voix pour se faire promulguer (dans un système ayant le droit de vote) et donc à s'adapter au contexte social dans lequel elle se retrouve, (discours démago et j'en passe et des meilleurs) et surtout radicalisation d'elle-même pour se différencier des voisins. Et plus on "radicalise" moins on permet à la "pensée" (encore sous-jacente de l'idéologie) de s'épanouir. Au lieu d'aider une "pensée du monde" à faire jour et à se "matérialiser", nous voici au milieu d'idéologies tournant en rond...
Et cela a un aspect parfaitement pratique pour tout "système" pas trop stupide, c'est qu'aucun "discours" ne peut le déstabiliser et de décrédibiliser de façon suffisante à générer un consentement général des masses, puisque ce discours "idéologique" tourne à vide sur lui-même, sans aucun enrichissement extérieur et sans confrontation réelle possible avec l'idéologie voisine puisqu'elles sont tellement "radicalisées" que rien ne peut les faire se "rejoindre" et surtout pas le "discours" (à différencier de la "parole"). Alors, chacun campe sur ses positions et chacun l'en est heureux comme ça...
C'est beau non?
Ce qui m'amène Soir, à me poser une question, et c'est cette question qui répond à la tienne, en fait (mais j'avais besoin de dire pleins de trucs inutiles avant

).
Quelle est cette "réalité" dont tu parles? Certains ont présenté la leur, je viens de présenter la mienne. Pour "améliorer" le monde, encore faudrait-il réussir à lui trouver une façon "commune de le "lire"/"voir"/"comprendre", et on voit bien, ne serait-ce que sur ce fil, mais c'est partout pareil que cette "communauté" d'approche est non seulement inexistante, mais quasi irréaliste. C'était la prétention de la philosophie on voit où ça l'a menée... Elle ratitionne sur son propre problème de "définition". C'est pas inintéressant remarque, mais bon, cela n'amène pas de "solutions", ce qui fait dire à l'un de mes anciens profs "La philosophie ne pense plus elle philosophe"... J'ai trouvé ça lucide et triste. Aujourd'hui, de même on ne fait plus de politique mais de l'idéologie et tout cela tourne joyeusement en rond... Bon je suis quasi HS et je m'en excuse, mais comme le débat semblait tout de même "libre" j'ai décidé de l'écrire quand même.
(et je m'excuse si certaines notions ne sont pas clairement explicites, j'espère que le "fond" reste compréhensible et que vous saurez déduire les idées induites

)