Sacré est ton Silence, Sacrieur ! [BG Vyem]

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-Introduction-



Je vole.
Le vent souffle contre mon corps, glisse dans mes cheveux. Autour de moi, rien d'autre que des nuages à l'apparence cotonneuse, et le bleu infini du ciel.
C'est agréable. Je me sens si léger, si bien.
Même mes angoisses se sont volatilisées.
Il n'y a rien, hormis cette sensation de bien-être, comme si je flottais. Comme en plein rêve.
En plein rêve.
A peine cette pensée me vient, que je me sens brusquement entraîné vers le bas, comme si subitement, la gravité reprenait ses droits.
Panique.
Je m'agite, je tente de me controler. Le sol m'apparaît, maintenant, plus bas, bien plus bas. Mes mouvements sont semblables à ceux d'une poupée de chiffon entraînée par une bourrasque. Un instant, je me demande quel dessin fera mon sang lorsqu'il se répandra autour de mon corps désarticulé par une chûte violente.
Je vais mourir.
Le sol se rapproche. Je ne discerne rien, aucun détail. Je n'ai que la peur qui m'étreint, de voir ma fin arriver, de ne plus jamais voir la lumière. De n'être plus rien.



-Bordel, j'crois que l'Sacrieur tient plus !
-Essayez de lui faire reprendre connaissance, il faut surtout pas que son Sacrifice lache !


Un choc brutal. J'ouvre les yeux, ranimé par le coup de poing en plein visage qu'on m'a administré pour me faire revenir à moi. Comme toujours.
Ca sent le sang frais et chaud, la poudre et la sueur. Le son des armes s'entrechoquant est familier, mais n'a rien d'agréable. Un goût métallique dans la bouche. Mon corps entier n'est que frissons de douleur et spasmes incontrôlés. J'ai atteint ce stade où plaisir et douleur ne sont plus dissociables.
Mais je suis resté debout. Même à demi inconscient, je n'ai pas fléchi les genoux, je n'ai pas titubé.
L'Eniripsa m'attrappe par le menton et me force à tourner la tête vers lui.

-T'avise pas de nous faire faux bond, le Sac. T'es trop précieux pour qu'on te laisse crever maintenant.

Je m'appelle Vyem, et je suis un bouclier humain.





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Blabla Viddhartesque :


Voilà, je me suis finalement lancé, après plus d'un an à avoir un peu laché l'écriture en général.
J'ai pas mal d'idée en tête concernant ce personnage -Vyemboth Haylku-, que je projette à l'origine de jouer en jeu -sûrement sur Hecate vu que Kuri m'a un peu lassé-, mais sur lequel j'avais envie d'écrire un peu. J'ignore combien de temps je vais continuer à écrire sur lui, j'aimerai bien arriver au bout, pour une fois. Actuellement je rentre tout juste de l'hosto, et ma periode de convalescence me pousse à rester chez moi à rien foutre (oui, j'ai un taff habituellement, faut pas croire :C ), rongé par l'ennui mon cerveau est en ébullition et mes mains ont de fortes envies de prendre d'assaut crayon et clavier (ce n'est pas sale). Du coup, je profite au moins de cette periode pour être productif niveau dessin, projet persos, et surtout écrit, et j'espère du coup pouvoir continuer sur cette lancée une fois ma convalescence terminée. A croire que les antidouleurs, ça rend productif.

J'ai envie depuis plusieurs années de creuser le côté "bouclier humain" des Sacrieurs, je trouve que trop souvent on les prend comme des psychopathes ou de joyeux berserkers, là où au contraire, on pourrait s'imaginer que leurs capacités les font parfois servir d'autres guerriers contre leur volonté. Y a des chances que ça soit pas très joyeux, comme fic, mais bon, on verra en fonction des idées qui me viennent.

C'est une intro très courte, et j'espère poster la suite demain au plus tard, l'ayant déjà commencée.
Donc, voilà, enjoy !
PARTIE I
Chapitre I :
Des bandits.



D
eux heures après la bataille, les trois hommes comptaient leur butin, soignant leurs blessures.
L'affrontement avait été difficile, mais ils s'en étaient sortis sans trop de dégats.
Beth Adhynn, l'Eniripsa, avait assuré les arrières de l'équipe, psalmodiant sans relache des mots de soin et de protection, tandis que Brizerain le Iop et Torbwa Yo le Pandawa s'occupaient des assauts frontaux. Ils n'étaient que trois, mais avaient appris à travailler ensemble de manière optimale, afin de ne jamais laisser de chance à leurs adversaires.
Et puis, ils avaient le Sacrieur.

Torbwa se leva une fois le partage terminé, laissant Beth s'occuper de faire comprendre au Iop pour la énième fois que non, celui qui donnait le plus de coups n'était en aucun cas celui qui devait récolter la plus grosse part du butin.
C'était un Pandawa massif, le genre d'individu capable de soulever sans grand mal trois de ses coéquipiers à la fois. On l'aurait facilement pris pour un homme avec un serieux embonpoint à première vue, mais il suffisait de voir ses prouesses en combat pour réaliser qu'il n'était pas seulement bedonnant, mais clairement musclé malgré ses apparentes rondeurs. Muscles ou pas, ses deux mètres dix dissuadaient bien vite ses détracteurs de faire des commentaires désobligeants à son encontre. A vrai dire, seul Beth se le permettait, mais uniquement parce qu'il était conscient qu'il ne risquait rien, au vu de son statut de guérisseur au sein du groupe.
Il s'approcha d'un pas décidé du Sacrieur attaché à un arbre. Ses petits yeux chafouins se plissèrent, réduits alors à d'étroites fentes noires, lorsqu'il le détailla du regard.


Je sens des relents nauséabonds d'alcool. Torbwa, evidemment : même lorsque les autres picolent, leur odeur est bien plus supportable que la sienne, résultant, à n'en pas douter, d'années passées à se murger dans un bouge cradingue. Ca, ou les Pandawas ont une tradition stupide les poussant à se tartiner les aisselles d'alcool et laisser fermenter le tout une poignée de mois.


Le Pandawa n'était dans l'équipe que depuis peu de temps, et ne se faisait décidément pas à l'allure de la chose pitoyable qui leur servait de bouclier de viande.
On ne nourrissait Vyem que pour le maintenir debout : le strict minimum pour un Sacrieur, ce qui équivalait à presque rien pour quiquonque n'avait pas choisi la voie de la Déesse miséricordieuse. En résultait une maigreur maladive, la peau violacée par les coups et les hématomes du Sacrieur laissant transparaître ses côtes, ainsi que certains os au niveau de ses bras et jambes.
Pour combler le tout, on avait pris le soin de greffer sous d'anciennes plaies ouvertes quelques pointes faites d'ossements au niveau de ses bras, laissant ensuite la légendaire cicatrisation des adeptes de Sacrieur faire son office afin que la peau vienne maintenir les objets en place. Peu importait qu'il ait telle allure : ces fanatiques de la souffrance avaient toujours été perçus comme des marginaux, exhibant cicatrices sans retenue, malmenant leur corps, s'extasiant à la vue de leur propre sang.
Evidemment, quelques détails auraient certainement pu indiquer à un voyageur un peu trop curieux que la situation du sac de frappe sur pattes n'avait rien de classique. Peut-être les sutures au niveau des paupières et des lèvres du malheureux -une idée de Beth-, ou encore le lourd collier de métal passé à son cou. Des marques qui indiquaient clairement sa condition d'esclave ou, comme on disait dans le milieu pour adoucir le propos, de "bouclier humain".
Pourtant, tout portait à croire qu'il aurait certainement eu du charme, pour un Sacrieur, s'il n'avait pas été contraint à subir ces traitements. Ses cheveux, longs et malheureusement laissés à l'abandon depuis des mois, avaient une étrange teinte violette, et ses traits apparaissaient fins et étonnament délicats pour un berserker élevé à la douleur pure. Son visage possèdait cette caracteristique étrange, propre autant aux disciples de Iop que de Sacrieur, qu'est l'absence de nez, mais un menton volontaire et des lèvres un peu plus charnues que chez nombre de ses confrères cassait net l'allure trop plate qu'aurait pu avoir son profil.

Le Pandawa passa son index massif sous la machoire du Sacrieur, le forçant à redresser la tête.
-T'es content ?, tonna-t-il de sa voix de basse, à faire vibrer les entrailles. C'est grâce à toi aussi, cette victoire. T'en retires pas de fierté ?
Lorsqu'on coupait les fils à ses lèvres, pour le laisser se nourrir, jamais il ne pipait mot. Pas un hurlement, pas un appel au secours, pas un sanglot de désespoir. Même lorsqu'on le questionnait, il ne répondait pas, laissant un silence glacial s'installer, ne daignant même pas obtempérer sous les menaces et les coups. Beth maintenait qu'il était tout à fait capable de s'exprimer, mais qu'il refusait par insubordination. Une forte tête, au final. Difficile de forcer un Sacrieur à obtempérer, la peur des représailles et de la souffrance étant totalement absente de leur culture.
Du fait, Torbwa s'attendait d'avantage à un simple hochement de tête, ne voyant pas la nécessité de libérer cette bouche muette. Il n'en eut pas. Vyem resta immobile.
-T'es pas drôle. Tu devrais être content, non ? T'as toute la douleur dont ton p'tit cerveau de demeuré à besoin.
-Arrête de lui causer, lança l'Eniripsa, occupé maintenant à allumer un feu de camp. C'est un outil, pas un compagnon de route.

Le mauvais caractère du disciple de la Fée des Miracles demandait une infinie patience de la part de ses camarades. Une enfance passée à être à la traîne par rapport à ses pairs et à en subir les moqueries lui avait donné un côté irrascible, un tempérament vénimeux. Il prenait un malin plaisir à humilier les autres, afficher un mépris notoire pour à peu près tout chose et, le plus souvent, à se placer en tant que chef du groupe.
La nature lui avait donné un physique nerveux, un corps maigre aux muscles secs. Malgré une petite taille, des cheveux blonds bouclés et un visage plutôt rond et enfantin, ses lèvres perpétuellement ourlées en un sourire sournois et ses petits yeux mauvais lui donnaient une allure peu avenante. On l'entendait toujours arriver, à cause des nombreux tubes, fioles, et autres outils de découpe qu'il rattachait ça et là sur son corps par des lanières en cuir de bouftou.
Récupérer ce Sacrieur, c'était son idée. Il estimait ne pas pouvoir être efficace à cent pour cent sans avoir quelqu'un pour protéger ses arrières à lui. Vyem faisait désormais totalement l'affaire, et il n'hésitait pas à se jeter dans la bataille sans crainte, appréciant secrètement la simple idée que l'autre puisse souffrir à sa place.

Il entreprit alors de sortir d'un sac quelques restes de la chasse du jour précédent : quelques morceaux de viande, qui risquaient fort de pourrir si on ne les mangeait pas bientôt. Ca tombait bien, ils avaient tous les crocs.
-Ca m'a l'air encore bon, mais vu ce qu'il reste, 'faudra penser à chasser dès demain matin si on tient pas à avoir le ventre vide à midi, fit remarquer Beth en reniflant la viande, avant de la piquer au bout de longues tiges fines que Brizerain se chargeait de tailler à partir d'une branche cassée.

Le Iop était du genre silencieux, hormis lorsqu'on parlait butin. Méfiant, il s'efforçait dans ces moments de compter sur ses doigts à mesure que Beth le faisait à voix haute, malgré son incapacité à faire des additions dont la somme allait au-délà du chiffre quinze.
Costaud, avoisinant le mètre quatre vingt dix, il était impressionant, sans pour autant pouvoir faire de l'ombre à Torbwa et à sa carrure Pandoresque. Son habit simple, son visage peu expressif, ses favoris broussailleux et sa machoire carrée lui donnaient l'allure de l'aventurier Iop classique, sans une touche d'originalité pour égayer le tableau.
Des trois, il était celui que l'on remarquait le moins, car son tempérament le poussait à rester à l'écart la plupart du temps si le sujet ne tournait pas autour de batailles ou d'argent. Beth supposait qu'il était trop stupide pour suivre un autre sujet, quel qu'il soit, mais s'était accoutumé à ce compagnon de route peu causant et habitué à supporter ses râlages incessants sans broncher.

Lorsqu'ils commencèrent à manger, ce fut Torbwa qui se leva spontanément pour revenir auprès du Sacrieur. Les liens trop serrés marquaient la peau de ce dernier, mais le Pandawa doutait franchement que celà puisse le gêner.
-Tiens, faudrait pas qu'tu nous lache lors d'la prochaine attaque, mh ?
Ce faisant, il passa la lame d'une petite dague sous les fils noués qui maintenaient la bouche de leur prisonnier scellée, et donna une petite impulsion pour les trancher net. Celà fait, alors que le Sacrieur passait sa langue sur ses lèvres trop sèches, goûtant au passage les quelques gouttes de sang qui y avaient perlé, il posa un bout de viande au creux de son immense main, et la lui présenta, comme un éleveur nourrirait une Dragodinde pour éviter d'être mordu.
Vyem ne se fit pas prier et tendit immédiatement le cou pour venir choper ce qui serait de toute évidence son seul repas de la journée, les bandits ne l'ayant pas nourrit à midi et la nuit pointant déjà le bout de son nez. L'adepte de Pandawa l'observait silencieusement, se demandant -rien qu'un bref instant- ce qu'il se passerait s'il décidait de refermer sa main si massive sur le visage du malheureux, et d'attendre qu'il se mette à suffoquer. Est-ce que son côté Sacrieur le ferait apprécier le supplice de ses poumons s'emballant, le brûlant, de son sang qui se mettrait à pulser sauvagement dans ses veines avant qu'il ne rende un dernier soupir... ou est-ce que son instinct de survie le pousser ait à paniquer, à troquer son masque d'indifférence glacée contre un visage déformé par une terreur absolue ?
Il retira sa main, laissant l'autre machonner tant bien que mal son morceau de barbaque.

Celà ne faisait que deux semaines qu'il était entré dans la bande, mais il était plus intrigué de jour en jour par le captif, développant une curiosité malsaine à son égard. S'il avait autrefois fréquenté des Sacrieurs, il avait toujours regardé de très loin leurs coutumes, sans jamais les comprendre (ni réellement chercher à le faire). Maintenant qu'il en avait un en permanence à proximité, son intérêt avait été multiplié par dix, et il désirait plus que tout satisfaire ses interrogations personnelles concernant son "fonctionnement".


Le Sac de frappe restait peut-être enfermé dans son mutisme, mais tôt ou tard, Torbwa savait qu'il parviendrait à lui extirper des réponses à ses questions, de gré ou de force.



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Blabla Viddhartesque :

Nott => Merci ! Le rythme va changer parce que je préfère que la majeure partie du récit soit à la troisième personne, avec des passages où on se place côté protagoniste comme dans l'intro par moments.

La suite, comme promis ! Ca fait du bien de se remettre à écrire, j'ai du mal à virer toutes les fautes, et les accents sont mes pires ennemis, mais je fais de mon mieux, promis. Beaucoup de descriptions, j'ai conscience que ça peut être plutôt lourd, mais j'essaye de toujours détailler les personnages quand je les introduits dans une histoire, d'autant plus lorsque c'est le début du récit.
La suite du chapitre 1 arrivera soit dans la soirée, soit demain, soit dans une poignée d'heures si l'inspi me reprend.
J'oublie mes angoisses, le temps d'un maigre repas.
La viande est à peine cuite, mais c'est déjà bien assez, comparé à ce que j'ai le plus souvent. Il est souvent arrivé qu'ils me donnent un os à ronger, ou un reste carbonisé d'un de leur repas. J'ai trop faim pour faire la fine gueule.
Je suis si affamé que la chair juteuse a l'allure d'un met divin. Je me moque bien de ce qu'ils pensent en me regardant manger sans pouvoir user mes mains la maigre pitance qu'ils daignent bien me donner. Je sais déjà qu'à leurs yeux, je ne suis qu'une bête.



Les trois bandits ne prenaient jamais le temps de s'installer. Chaque nuit, ils se contentaient d'un feu de camp, et dormaient à la belle étoile. Celle-ci ne fit pas exception.
Ils organisaient des roulements afin d'éviter d'être attaqués par surprise : après tout, ils étaient recherchés dans la région Nord d'Amakna, et n'étaient certainement pas les seuls bandits de la région. Le fonctionnement était simple : dès l'instant où celui qui assurait la surveillance des dormeurs ne se sentait plus capable de tenir son poste, trop épuisé, il réveillait le suivant, qui faisait alors de même. Le système marchait plutôt bien, et ils ne s'étaient jamais heurtés au moindre conflit le concernant (néanmoins Brizerain soupçonnait fort Beth d'être toujours celui qui dormait le plus, et seule sa nature distante l'avait fait éviter le sujet jusque-là).
Beth commençait généralement le premier tour, et se chargeait durant ce moment de faire un peu de "couture".
Ca avait été difficile au début, et il avait fallut assomer le Sacrieur, mais maintenant il se laissait faire. Résigné, sans doute.
Précautionneusement, l'Eniripsa pinçait les cils du prisonnier, avant de les tirer légèrement afin de faire se décoller les paupières du globe oculaire : il s'assurait ainsi de ne pas le traverser. Celà fait, il se mettait à coudre, muni d'une aiguille très fine et de fil de pêche. Une fois son ouvrage terminé, il faisait un noeud, puis passait à l'autre oeil, terminant toujours par les lèvres, avec un fil plus épais. Celà faisait maintenant trois jours qu'il ne s'était chargé que de le priver de la parole, ne lui retirant plus les fils aux paupières, persuadé que Vyem n'avait de toute façon pas besoin de voir. Plus ils le privaient de ses sens, plus il devenait dépendant d'eux. Et moins il aurait de chances de s'enfuir.
Car Beth n'était pas dupe. S'il leur obéissait lorsqu'ils nécessitaient ses talents pour combattre, c'était uniquement par crainte de la mort, et à raison : ils n'hésiteraient absolument pas à lui trancher la gorge s'il se refusait à les soutenir. Et de l'autre côté, le moindre instant de faiblesse de la part des bandits, et ce foutu Sacrieur leur tomberait dessus. Une raison bien suffisante pour ne pas lui laisser la moindre liberté.

Beth cousait donc, en silence, observant Vyem de son air mauvais. Le Sacrieur ne fit pas le moindre geste, ne chercha pas même à détourner la tête pour lui compliquer la tâche. S'il avait pu ouvrir les yeux, l'Eniripsa aurait alors vu deux perles d'une clarté glaciale, un regard aussi froid et tranchant que la lame effilée d'une dague de Sram.
Et il craignait ce regard.
La blancheur lunaire des yeux des Sacrieurs l'angoissait. Et plus encore dans le cas de Vyem, car ces yeux, lorsqu'il avait l'occasion de les voir, n'étaient pas ceux d'une proie, mais d'un prédateur. C'était le regard de celui qui avait le coeur consumé par une haine glacée.
Et il en avait peur.
Il aurait préféré mille fois que cette victime hurle, pleure, se débatte, geigne à n'en plus finir. Il aurait voulu le faire taire, le cogner pour lui aprendre à obéir, avoir le sentiment d'écraser un pauvre insecte ridicule... il aurait voulu qu'il baisse le regard devant lui, pouvoir le dresser comme on dresse un clébard. Il aurait voulu tout ça. Mais il avait sous-estimé le Sacrieur, qui gardait la tête haute. Il était fier. Et il se vengerait à la moindre occasion.
Voilà pourquoi il fallait se montrer plus dur encore.
Beth savait que le seul moyen de ne plus avoir cette crainte ridicule de leur esclave, c'était de le briser, de le réduire à rien. Aucun de ses efforts n'avait encore porté ses fruits jusque-là.

-Tôt ou tard... tu vas t'foutre à genoux... tu vas t'écraser au sol comme une pauvre loque pour que j'daigne alléger un peu ta peine..., siffla l'adepte de la Fée des Miracles avant de se redresser, rangeant son aiguille dans une petite sacoche à sa taille.

Il s'éloigna en marmonnant. L'utiliser avait beau être son idée, ce foutu Sacrieur le rendait mal à l'aise.
C'était lui, Beth, qui risquait de se faire tuer le premier si quelque chose dérapait, il le savait.
Et Vyem aussi.



La nuit se passa sans encombres, à peine troublée par les cris nocturnes d'une meute de Mulous qui ne vinrent jamais s'approcher d'eux.
C'est Torbwa qui avait assuré le dernier tour de guet, et il réveilla les autres peu après que les premières lueurs de l'Aube aient recouvert la cime des arbres. On détacha le Sacrieur, dont les poignets restèrent tout de même soigneusement liés, avant de lever le camp. C'est Brizerain qui tenait la laisse de fortune qu'ils avaient accroché au collier de métal du captif, le guidant ainsi à leur suite au travers de la forêt.

-Vous savez ce qui m'emmerde ?, fit remarquer le Pandawa, après qu'ils aient marché une bonne vingtaine de minutes en silence au milieu de la végétation.
-Je sens que ça va être pa-ssio-nant, ironisa Beth.
-Ca fait un paquet d'jours qu'on a pas bu une goutte d'alcool.

Brizerain hocha silencieusement la tête. Même si Torbwa était le dernier arrivé dans le groupe (il remplaçait en réalité leur dernier équipier, un Feca qui s'entendait très mal avec Beth, et qui fut décimé par ce qui ressemblait à une mysterieuse intoxication alimentaire), c'était le plus loquace, il se familiarisait vite avec les gens qu'il ne connaissait pas, et, il fallait bien l'admettre, mettait un peu d'ambiance au tableau morose qu'offraient un Eniripsa aigri, un Iop taciturne et un Sacrieur muet.
Le guérisseur fronça les sourcils.

-Tu t'fous de moi ? Tu t'trimballes ton tonneau sur le dos depuis not' dernière escale, et j't'ai vu en boire tous les jours.
-Il est presque vide ! déplora le Pandawa. Et puis c'est pas c'que j'appelle un alcool, il est médiocre. C'est presque du jus de pomme !
-Et puis on pourrait voir des femmes, ajouta le Iop à voix basse.
-D'accord, j'vois... z'avez décidé d'jouer aux gamins capricieux, hein ? Tout l'monde veut sa pause pipi et son verre de lait d'bouffette ?, railla l'Eniripsa, grimaçant. Très bien... on va continuer vers l'Sud, Sufokia devrait être qu'à queq' heures de marche.

Torbwa le soupçonnait d'y mettre de la mauvaise volonté pour la forme plutôt que parce que l'idée d'aller prendre un peu de bon temps le rebutait. Au contraire, Beth serait probablement le premier à s'oublier dans l'alcool et le stupre. Ca leur ferait du bien à tous les trois, après tout. Peut-être même à tous les quatre.
Le Pandawa doutait que le Sacrieur puisse réellement profiter d'une virée à Sufokia. On le laisserait probablement quelque part en périphérie de la ville, surveillé par l'un des trois. Il y aurait encore un roulement à faire pour la surveillance. Embêtant. Il aurait réellement aimé qu'ils y aillent les trois ensemble, aussi il lança finalement, l'air de rien :

-Et pour Vyem ?
-L'un de nous restera à le surveiller, les autres ramèneront d'quoi vous goinffrer.
-Ah non, non, ça serait bête ! J'connais justement une auberge géniale à Sufokia. Un p'tit paradis ! Pour quelques pieces, on a un alcool de qualité ! Ils y font un vin chaud délicieux, la bouffe est grandiose, et... j'vous parle pas des danseuses...
Il fit un sourire malicieux derrière sa barbe, ajoutant sans leur laisser le temps de répondre quoi que ce soit :
-Et puis... je pourrais payer ma tournée. Pour fêter not' franche amitié naissante, mmmh ?

La simple idée de ne pas avoir à débourser le moindre sou acheva de convaincre Beth. Côté Brizerain, c'était comme prêcher pour un convaincu.

-D'accord, je marche. Mais on fait quoi du sac de viande ?
-Je le fout dans mon tonneau, personne en saura rien.
-Va pour ça.

Malgré l'air grognon qu'il se donnait, le colosse fut a peu près certain de percevoir un vague sourire au coin des lèvres de l'Eniripsa.
Je sais pas trop si on doit commenter sur le même thread que le texte - au risque d'en peu gâcher la clarté - mais puisque quelqu'un a entamé. *paf*
J'avais tout lu hier soir (ou tôt ce matin ?) mais j'étais trop stone pour répondre correctement. J'ai trouvé le sujet original, le texte est bien écrit et le côté sombre maîtrisé. En plus avec tes belles illustrations des personnages dans le thread concerné (parce qu'en plus tu cumules dessin et écriture comme talents ), on se représente(/représentera pour les futurs ? ^^) mieux la scène et ça me plaît encore plus moi qui aime bien visualiser quand je lis quelque chose. Bref comme dit mon voisin d'au-dessus : la suite !
-Neuf cent soixante-dix, neuf cent quatre vingt, neuf cent quatre-vingt dix... Mille.

La jeune Osamodas jeta le sac aux pieds du Roublard, ponctuant ce geste d'un soupir, pour bien lui montrer à quel point tout celà l'ennuiyait profondément. Loin de s'en formaliser, l'autre lui rendit un sourire charmeur, avant d'entamer une espèce de révérence, de laquelle il se redressa finalement en tenant son sac de la main gauche.

-C'est un plaisir de faire des affaires avec vous, madâââme.
-Mademoiselle.
-Je vous en prie, appelez-moi Lass.

L'Osamodas roula des yeux, franchement soulagée d'en avoir fini avec cet individu. Lass Depykh était quelqu'un de particulièrement irritant, travailler avec lui relevait de l'épreuve d'endurance mentale.
Il fanfaronnait, bavardait, prenait son temps, et passait plus de temps à amuser la galerie qu'à faire preuve du peu de serieux qu'on lui demandait. Son visage perdait rarement cet espèce de rictus à la fois moqueur et sournois qui paraîssait vouloir lui scinder les joues en deux. Son seul oeil visible, le gauche, pétillait de malice (d'autres diraient "de fourberie"), du moins lorsqu'il n'était pas en partie dissimulé par des mèches éparses de cheveux blonds, contrastant étrangement avec sa peau brune. Il marchait avec l'air un peu trop sûr de lui, et semblait toujours regarder un peu les gens de haut, à cause de sa grande taille.
On pouvait lui reconnaître au moins une chose : il savait faire son boulot.
Ce drôle de type dégingandé cachait derrière une allure peu engageante un certain talent, il fallait bien l'admettre.
C'était à l'origine un voleur d'exception, qui savait pertinemment se diversifier et exécuter toutes sortes de basses besognes pour peu qu'on mette une récompense interessante à la clef.
Il avait à son -prétendu- palmarès enlèvement, assassinat, vol à mains armée, vol à main désarmée, vol à l'étalage, vol de dragodinde, conduite de dragodinde en état d'ébriété, escroquerie, détournement de fonds, usurpation d'identité, discrimination, proxénétisme, bizutage, mendicité, exploitation de failles, extorsion, vente de kamas illégale, contrefaçon, séquestration, mutinerie, détournement de navire, piraterie, vente illégale de matèriel naval, dégradation de matèriel, trahison, espionnage, espionnage en état d'ébriété, complot, refus d'éplucher des patates, sabotage de pièges sram, vente de kododios, outrage, intimidation, cruauté envers les familiers, vente d'organes, indécence, vol de chachas, profanités, mauvaise hygiène dentaire, concurrence déloyale, débauche, création de potions sans diplome d'alchimiste, tapage nocturne, tapage diurne, et enfin pratique illégale du tango frénétique du Captain Chafer. Du moins sur l'île de Frigost.
Il avait même la réputation d'être capable de voler le Temps lui-même.
Le Roublard avait quitté l'île parce qu'il y était ardamment recherché, d'après ses dires, et comptait bien faire du grand continent son nouveau terrain de jeu.
Kyvala Shass, l'Osa, doutait franchement de la véracité de son Curriculum Vitae un peu trop long, mais avait tout de même tenu à vérifier s'il n'était qu'un beau parleur. Force était de constater que Lass était parvenu haut la main à s'emparer du butin qu'elle convoitait : un bijou d'une grande valeur qui avait appartenu à Bougli Aune, un dresseur d'exception.
Les mille kamas qu'elle avait promis au Roublard ne valaient rien en comparaison avec l'artefact, mais elle se garda bien de le dire, préfèrant profiter de la naïveté de celui qu'elle considérait d'ores et déjà comme un mythomane de la pire espèce plutôt que comme un collectionneur de délits.
Elle était prête à parier qu'il ne venait même pas de Frigost.

Passant le collier surmonté du bijou autour de son cou, elle lança au Roublard :

-Il est temps de se quitter. Nous avons tous les deux eu ce qu'on voulait. Si j'ai encore besoin de toi un jour, je m'arrangerai pour te retrouver.
-Le plaisiiir sera mien, ma belle.

A ces mots, Lass fit une grande enjambée, se rapprochant en un clin d'oeil de la jeune femme, puis l'étreignit tendrement.
Un instant magique, que brisa l'Osamodas en le gratifiant d'une giffle en plein visage, furieuse de s'être laissée ainsi approcher par le voleur un peu trop entreprenant. Celui-ci recula, et lui fit son plus radieux sourire, exhibant une mèche de cheveux blonds arrachés à la demoiselle dans la manoeuvre.

-Je me languis d'avance de vous revoir !
-Hors de ma vue, saleté !

Le roublard s'écarta, ignorant royalement la douleur dans sa joue, puis escalada un monticule de caisses afin de filer par une fenêtre, non sans avoir oublié de jeter à la belle un dernier sourire.
Il se laissa tomber à l'exterieur devant une dragodinde médusée, avant de s'éloigner de la grange dans laquelle ils avaient procédé à leur échange.
Pauvre chérie, songea-t-il en sortant de sa poche le collier de Bougli Aune, précisément à l'instant où, à l'interieur de l'édifice, l'Osamodas réalisa qu'elle n'était plus en possession du bijou précieux. Elle se précipita sur la porte, furieuse de s'être fait doubler, bien décidée à rattrapper ce maudit Roublard. Elle ne réalisa son erreur que lorsque qu'une lueur orangée à sa droite vint l'éblouir.
L'instant d'après, une explosion soufflait son corps, n'en laissant pas même un pauvre résidu calciné.

-J'ai bien peur que tout ça ne mette un terme à nos affaires futures, murmura Lass, le visage déchiré par un sourire mauvais, alors que la grange devenait la proie des flammes et que la fumée se répandait en denses nuages gris dans le ciel.

Il porta la mèche de cheveux blond platine à son visage et la renifla longuement, avant de la passer contre sa joue avec lenteur, les yeux mi-clos. Son étrange rituel ne dura qu'une minute tout au plus, et celà fait il glissa les cheveux dans une petite sacoche avant de reprendre sa route.
La fumée, plus que l'explosion, allait sans doute alerter les habitants des fermes avoisinantes, mais le temps qu'ils arrivent, lui serait déjà loin. A l'orée du bois situé tout près, sa dragodinde l'attendait. Un animal massif aux écailles ivoire et prune, au regard agressif et pourvu d'une dentition qui laissait de serieux doutes concernant son statut de paisible herbivore. Son nom était Daynveurh, et celà faisait déjà plusieurs années maintenant que le Roublard l'avait volée à un éleveur connu pour fournir principalement les Miliciens des différentes villes du vieux continent.
L'animal était chargé de deux énormes paniers contenant ce que le Roublard appelait "son nécessaire de travail", incluant des explosifs, un grappin, plusieurs rouleaux de cordes, des vêtements de rechange et quelques déguisements, des parchemins falsifiés, et d'autres choses plus exotiques qu'il n'est pas nécessaire de mentionner ici.
Le brigand donna une petite tape amicale à l'encolure de sa monture, puis se hissa dessus.

La matinée était déjà bien avancée alors qu'il traversait les champs d'Amakna en direction du Sud. Il allait lui falloir faire le plein d'informations croustillantes et d'histoires de trésors, histoire d'occuper un peu son temps libre. La taverne du village n'avait aucun intérêt, la plupart des récits d'habitués tournant autour de la pluie, du beau temps et de l'état des récoltes, mais il savait que celle de Sufokia regorgeait de marins de passage et d'aventuriers venus prendre un peu de repos. Parfois même, des personnes comme cette Kyvala Shass, pauvres voleurs débutants s'attendant à pouvoir pactiser avec lui et s'en tirer sans encombres. Il prenait un malin plaisir à se faire passer pour un imbécile, pour mieux les faire tomber dans ses filets.

Il ne croisa pas grand monde sur la route, hormis quatre drôles d'hommes qu'il se garda bien d'approcher alors qu'il traversait la forêt d'Amakna. Il était à peu près sûr que le Sacrieur à l'arrière du groupe se faisait traîner en laisse.

Mais après tout, ce genre de choses ne le regardait pas.



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Comme prévu, la suite ! Changement d'ambiance, changement de personnages, mais comme vous pouvez le deviner, on retrouvera bien vite le trio de bandits et leur sac de viande. Désolé si vous trouvez que ça casse le rythme. :C

Bakuha => Pour être honnête, j'ai pas osé créer de thread pour les commentaires, j'ai jamais eu masse de commentaires pour mes fictions, du coup je préfère encore les avoir au long du récit (mais limite, faudrait que je link depuis le premier post les différents messages si j'arrive à plusieurs pages, histoire que ça reste lisible).
Je suis content que ton récit te plaise autant que mes dessins, j'ai toujours été hyper réticent à écrire des fictions (mes ex-guildmates approuveront :'p), du coup vos commentaires me motivent à m'accrocher.

Vertige © => Merci ! J'ai toujours adoré l'idée de classes exploitées, voire même de "racisme" au sein de l'univers de Dofus et Wakfu. Pour moi, ça semble une chose tout à fait évidente : dès l'instant où quelque chose est différent, alors il y a des risques que des salauds fassent tout pour l'écraser... ou l'exploiter si ladite chose peut tout de même être utile. Côté Ankama, ils sont assez gentillets sur le sujet, puisque les seules réelles victimes d'une discrimination sont les Iops (le nom même de leur classe/Dieu est devenu synonyme de crétinerie sur Terra Amakna).
Vu que les différents adeptes possèdent des pouvoirs bien distincts, il me semble "logique" que certains veuillent s'en servir. Un esclave Eniripsa, forcé à soigner contre son gré, aurait tout autant marché !
J'étais déjà fan des dessins et je me disais, mouarf le mec pense pouvoir etre bon en dessin ET dans l'écriture.... et effectivement c'est vrai.

J'adore : le style, le rythme, les personnages ultra bien travaillés, c'est juste nickel.

Continue comme ça! il me tarde de lire la suite!
Comment reconnaître une bonne auberge ?

Une grande partie des habitants du village d'Amakna auraient sûrement répondu qu'on la détectait en sentant la viande grillée de loin, ou encore aux chants paillards braillés par des clients un peu trop éméchés. Pour Lass, c'était un peu différent. Une bonne auberge, c'était un lieu où assez d'aventuriers gravitaient pour qu'un tas d'histoires interessantes circulent, et surtout, que les sacs et bourses soient régulièrement pleins et prêts à être vidés.
Celle de Sufokia répondait tout à fait à ses exigeances.
Il y était retourné plusieurs fois depuis sa venue sur le Vieux Continent, appréciant particulièrement son tavernier peu regardant et sa clientèle bigarrée.

Lorsque le Roublard poussa les portes de l'auberge, il eut la surprise de ne voir aucun regard se tourner vers lui. Non pas que l'établissement était vide, bien au contraire, mais la majeure partie de ses occupants s'étaient amassés autour d'une table située dans le fond, près du comptoir que le tenancier semblait avoir abandonné pour se joindre au groupe.
Curieux, il se dirigea vers le petit attroupement, son flair lui indiquant qu'il pouvait bien se trouver là une affaire interessante à saisir, des personnes à truander, voire des informations croustillantes.
Avant même qu'il n'ait traversé la distance qui le séparait de tout ce petit monde, les exclamations et les cris suffirent à lui faire comprendre ce qui se tramait là.

-Mise, mise !
-Tu peux pas l'laisser gagner 'core une fois, té !
-Moi j'parie cent kamas qu'il a rien ! Allez, suis !

La source de tout ce ramdam n'était autre qu'un Ecaflip et un Enutrof, occupés à jouer aux cartes. De l'argent avait été misé des deux côtés, et le vieil homme semblait être en train de jouer ses dernières pièces.
Celà faisait maintenant trois bonnes heures que Marth Onyh, l'Ecaflip, enchaînait les victoires. Ses adversaires se succédaient, et perdaient tous lamentablement contre lui. Personne ne l'avait réellement pris au serieux au moment où il avait fait son entrée dans l'établissement, mais après ses premières victoires, les clients avaient commencé à s'interesser serieusement à lui. Il faut dire qu'il était taillé comme une alumette, et que ses poils bruns sentaient le rongeur crevé, ce qui lui donnait une allure de chacha de gouttiere franchement crasseux. Son habit ne présentant pas de manches, on avait rapidement exclu l'idée qu'il puisse y cacher des cartes pour tricher.
Non, l'Ecaflip à l'allure d'épouvantail décharné faisait simplement preuve d'une chance insolente. Nul doute que le Dieu Joueur l'avait à la bonne.
Il secoua la tête, lachant un petit soupir d'exasperation.

-T'es mal barré, dis donc... allez, va, j'vais te faire une fleur... je mise tout sur ce dernier tour. Si tu gagnes, tu récupères ton fric, et l'mien en plus... l'est pas belle la vie ?
-Tout ?
-Tout.

L'Enutrof fronça les sourcils.

-Tu bluffes, Marth Onyh.
-Moi j'pense qu'y bluffe pas, fit très serieusement remarquer un Eniripsa parmis le groupe d'interessés.
-Ah si, si, moi j'dis y bluffe, objecta un Iop.
-J'ai bien analysé ta technique, mon gros chacha... et j'ai remarqué que tu misais toujours tout alors que ton adversaire n'a presque plus de cartes.. pour le faire abandonner alors que tu n'as pas le moindre jeu en main ! Eh bien je suis, figure-toi !

Le vieillard étala ses cartes sur la table, dévoilant une suite royale.

-Que dis-tu de ça ?

Marth plissa légèrement les yeux, l'air gêné. Avec une lenteur méthodique, il étala ses cartes, face contre la table, puis les retourna une à une, son regard se faisant de plus en plus assurant à mesure qu'il les dévoilait.
Une Quinte, rien que ça.
L'Enutrof resta sans voix, regardant d'un air incrédule son adversaire, qui déjà glissait ses gains dans son sac sans attendre. Il y eut quelques applaudissements parmis l'audience improvisée, et des exclamations admiratives, mais personne ne semblait plus vraiment vouloir affronter ce nouveau venu bien trop veinard.

L'Ecaflip se leva de sa chaise, et s'approcha de l'aubergiste, lui glissant quelques pièces dans la main.

-Pour une chambre c'soir.
-Oh... hum... premier étage, la deuxième à droite, elle est libre, répondit l'homme en s'assurant du compte des pièces en un bref coup d'oeil.
-Parfait.

L'heureux gagnant agrippa son sac de voyage, puis monta à l'étage de son pas trainant, sans particulièrement sembler plus satisfait que ça de sa victoire. Il vivait comme celà depuis un moment, se payant ses repas et son logis grâce à des jeux gagnés ici ou là. Celà ne suffisait hélas pas à lui faire gagner assez pour vivre dans l'opulence, ses adversaires potentiels disparaîssant bien vite après deux ou trois victoires consécutives. Qui plus est, son air de matou mité avait tendance à repousser les gens, mais il n'en avait jamais réellement eu conscience.
Il s'arrêta devant la seconde porte que lui avait indiqué l'aubergiste et la poussa doucement. Etrange que les chambres ne possèdent pas de clefs dans ce lieu, se dit-il, mais au fond, installer des serrures était sûrement la dernière des préoccupations du propriétaires des lieux, qui à l'inverse avait probablement cadenassé sa réserve et sa propre chambre.
La pièce était petite, ne présentant que le strict minimum. Un lit avec deux places sentant le moisi, une fenêtre qui donnait vue sur les quais, une petite table ronde avec deux pauvre tabourets, et une petite commode en bois vermoulu. Les rideaux et les draps avaient la même couleur vert vomi, de très bon goût à n'en pas douter compte tenu de l'environnement maritime. Du moins pour qui n'avait aucune sensibilité artistique.

Marth s'approcha du lit, tâtant le drap en bien piteux état. Il sursauta lorsque la porte claqua derrière lui, et se retourna instantanément, les poils hérissés, pupilles dilatées.
Un jeune homme à la peau brune et aux cheveux blonds se tenait appuiyé contre le mur, arborant un étrange sourire. Il était vêtu d'étranges habits bleu-gris qui semblaient venus d'une région plutôt froide, comme ils présentaient de la fourrure grisâtre en abondance, au niveau des avant-bras, des épaules et des cuisses. Ses bottes aussi arboraient de la fourrure, et une cape légèrement usée sur les bords venait compléter le tableau. Son visage était encadré par des cheveux mi-longs dorés comme les blés et par un petit bouc de cette même teinte qui ornait son menton.
Il gardait une sacoche sous le bras, et n'avait pas l'air particulièrement hostile. L'adepte d'Ecaflip se méfia néanmoins, lui lançant d'un ton agressif :

-Qui t'es, et qu'est-ce que tu viens fout' dans ma chambre ?

Lass lui fit un sourire radieux, qu'il ponctua d'une révérence élégante.

-Dès aujourd'hui votre plus grand adepte, monsieur... Marth, c'est bien ça ?. J'ai assisté à votre petite partie de cartes... du grand Art ! Êtes vous toujours aussi talentueux ?
-Mouep... maugrééa l'Ecaflip, fronçant les sourcils. Mais les seuls fans qu'j'accepte dans ma chambre, c'est celles qu'ont certains "arguments", s'tu vois c'que j'veux dire...

A ces mots, il dessina des mains une forme rappelant vaguement un sablier.

-Oh, pardonnez-moi... ce n'est pas du tout ce que vous croyez, messire Marth... A vrai dire, si je suis venu, c'est uniquement pour vous remercier : j'avais misé un sacré paquet d'argent sur vous.
-...et...?
-Et il me semble légitime de vous en donner une part... sous certaines conditions, bien entendu.

Marth dressa les oreilles instantanément. Il n'y avait que trois choses qui l'interessaient en ce monde : le jeu, les femmes et pour finir, l'argent. Ce genre de propositions piquaient donc naturellement son intérêt. Il poussa du pied un tabouret pour inviter le Roublard à prendre place avec lui à la petite table.

-Je t'écoute.
-Eh bien... vous vous faites finalement assez peu de sous, à jouer contre des ivrognes et des aventuriers à la manque, expliqua Lass. J'ai les moyens de vous amener bien plus haut, pour peu que vous acceptiez d'être mon associé.
-Je vois..., fit l'Ecaflip à voix basse, l'air toutefois dubitatif.
-Laissez moi être plus clair.

A ces mots, le jeune homme au teint sombre glissa une main dans son sac, en ressortant presque immédiatement une carte, et un poinçon effilé. Il étala la carte sur la table, et pointa l'outil au niveau de Sufokia.

-Sufokia est une zone assez pauvre, les gens n'y viennent qu'en escale... Tout l'aspect touristique à disparu lorsque Otomaï s'est ouverte au reste du monde, j'imagine que le côté île de rêve avec plage, soleil et kokokos a vite fait se désinteresser les gens de cette bonne vieille Sufokia.

Il poussa un soupir de lassitude, puis reposa son outil à l'endroit de la carte où figurait le village d'Amakna.

-Il faudrait commencer par écumer les tavernes d'Amakna. Il y a quelques gros joueurs là-bas, et les battre pourrait commencer à vous forger une vraie réputation. Ensuite... il faudra passer par Astrub. La population y est un peu stupide, les gens faciles à arnaquer, et ils possèdent plus d'argent dans leurs bourses que ceux de la bourgade. Une fois que nous aurons assez d'argent... c'est Bonta qu'il faudra viser.

-Je vois... ça m'semble interessant, en effet, finir à Bonta, les poches pleines... Dans une grande maison, entouré d'belles plantes...
-Et n'oublions pas la célébrité !, ajouta le Roublard, le sourire aux lèvres. C'est que ça les attire, la célébrité... mais ça ne serait qu'un temps : ensuite, nous continuerons notre route plus haut.
-Plus haut... ? Mais il n'y a rien, au-delà de Bonta...
-Oh si, il suffit de remonter LA.

Lass leva d'un coup son poinçon, qui s'enfonça sans aucun mal dans la gorge de l'Ecaflip. Un pauvre gargouillis s'échappa d'entre les lèvres de ce dernier, avant qu'il ne bascule face contre la table, les yeux exhorbités, le corps agité de tics nerveux.

-Je suis désolé, vraiment, dit le Roublard d'un air faussement attristé, en essuiyant ses doigts ensanglantés sur la joue de sa victime agonisante. J'ai bien peur qu'il n'y ait pas d'avenir dans le monde des paris pour un minable dans votre genre, à bien y réfléchir...

Il abrégea les souffrances de l'Ecaflip d'un coup de dague dans la nuque, s'assurant ainsi de rayer de la carte un potentiel ennemi de plus. Rien n'était plus dangereux qu'une personne avec l'âme envahie par le ressentiment et la vengeance, aussi il prenait toujours soin d'achever ceux qu'il dupait. Ca, et il fallait bien admettre qu'il était aussi particulièrement friand de meurtres.
Il adorait manipuler ces petites marionettes, pour ensuite leur arracher les fils d'un coup, et les briser sans un seul remord. Savoir qu'il était celui qui pouvait décider de l'instant exact de leur mort. Et il n'avait jamais raté une seule de ses cibles. Enfin, presque. Cette fichue Xelor courrait sûrement encore.

Il passa la demi-heure suivante à fouiller dans les affaires de l'Ecaflip, récoltant, en plus de l'argent, quelques bijoux sans trop de valeur, mais qu'il pourrait aisément échanger contre quelques pieces sonnantes et trébuchantes en les faisant passer pour des objets précieux.



Lorsqu'il redescendit enfin de la chambre, la grande salle avait repris son calme, et tous semblaient vaquer à leurs occupations. Boire, jouer à des jeux d'argent, raconter quelques aventures, proposer des services... le comportement classique du pillier de bar Sufokien.
Rien n'interessait pourtant Lass dans le lot. Il avait le sentiment d'avoir déjà écouté mille fois les racontards de ces gens, qui passaient régulièrement faire une halte ici entre deux travaux. Des habitués.
Ce qu'il lui fallait, c'était de nouvelles têtes. Des tofus à plumer.
Arrêté en bas des escaliers, il observait avec attention chaque visage, esperant vainement trouver un nouveau venu qui lui aurait échappé...

-Vous allez voir, z'allez pas être déçus !

La tête du Roublard pivota instantanément vers l'entrée.
Un gigantesque Pandawa, flanqué d'un Eniripsa à l'air franchement antipathique et d'un Iop aux yeux pétillants, venait d'entrer dans l'auberge. Le trio était assez peu accordé -il se rappela les avoir aperçus de loin alors qu'il traversait les bois- mais leurs armes et leur démarche assurée laissait deviner qu'ils étaient probablement des durs à cuire. Ou du moins, qu'ils s'en persuadaient.

Un sourire étira les lèvres de Lass. Voilà qui s'annonçait interessant.


--------------------------Blabla Viddhartesque--------------------------


Et voilà la suite ! Beaucoup de blabla et peu d'action. :C

Logram => Naaaooon je dois dessiner pour vivre. x)

AlbenjO => Merci ! J'essaye de garder un rythme d'au moins une update par semaine, c'est pas énorme mais j'ai toujours du mal à me garder un moment pour ne faire rien d'autre qu'écrire, ça m'est impossible si y a le moindre truc qui me parasite (contrairement au RP, que je suis capable d'assurer avec quinze comptes différents, une main dans le froc, la console allumée et le téléphone à l'oreille. C'est ça de passer de Ragnarök à Dofus, ça donne +50 en multitask).

Hapero => J'ai jamais pensé être bon en écriture. x) Enfin, disons que je suis conscient que je sais écrire, jvais pas faire le fôkuh , mais j'ai toujours trouvé mon style assez lourd, d'où le fait que je montre vraiment peu de mes textes. :/ J'avais tenté d'envoyer un début de fiction ici y a presque un an de ça, mais j'ai abandonné après l'intro, parce que ça me plaisait pas du tout.

Piscine => Merfi !'
Bon, ça fait plus d'un mois, je trouve ça dommage, tu m'avais mis l'eau à la bouche, j'espère que la suite arrivera dans peu de temps !



Ohaimjay, owned, j'ai confondu 09 et 08, qu'on m'apporte une corde
Désolé, j'essaye de rattrapper les nombreux boulots que j'ai en retard, du coup j'ai pas posté la suite du mercredi comme prévu. :'p ça sera posté au plus tard mercredi prochain.

Et en effet, ça fait absolument pas plus d'un mois, même pas deux semaines, là :'p
Le néant.
Son monde déjà noir était devenu presque aussi silencieux qu'obscur.
Malgré ses oreilles obstruées, il pouvait entendre quelques sons au loin, des voix trop étouffées pour qu'il ne puisse comprendre leur propos ou identifier leur propriétaire.
Sa prison de fortune était étroite, l'obligeant à tenir dans une position inconfortable, les jambes ramenées contre lui, tête sur les genoux et bras contre le buste. Il y faisait terriblement humide, et l'odeur rance de du mauvais alcool lui irritait la gorge, l'étourdissait. Il y avait tout juste un mince filet d'air provenant d'une entaille sur le couvercle du tonneau qui lui permettait de respirer suffisamment pour ne pas encore tourner de l'oeil.

Il n'avait jamais été consommateur d'alcool, malgré la réputation des Sacrieurs d'être d'agréables compagnons de beuverie. La boisson, ou du moins le fait d'être enfermé dans un tonneau qui en avait contenu des jours durant, l'énivrait, trompait ses sens. La violente sensation de vertige qui le prit était quelque chose de totalement abstrait et nouveau pour lui, rendant l'experience plus effrayante qu'elle ne l'aurait dû.
Pour la première fois depuis longtemps, il réalisa qu'il était en train de perdre son sang froid.

Sueurs froides, douleur lancinante au niveau des tempes, nausée.
Angoisse.

Il tenta de ruer pour se défaire de ses liens, mais l'étroitesse du tonneau rendit impossible la plupart des mouvements.

La panique fut rapidement mâtinée de frustration. Personne n'était en train de le surveiller, il le savait : Torbwa avait bien précisé que lui et ses deux comparses iraient ensemble à la taverne. Et quoi, il n'était même pas fichu de profiter de ce moment pour fuir ?

L'alcool lui montait à la tête, l'empêchait de raisonner convenablement.
Immobilisé, réduit au silence. Impossible d'user de son sang, son corps n'ayant aucune plaie assez fraîche.
Il allait falloir qu'il trouve un autre moyen de se sortir de là avant le retour des bandits.


---


-Alors comme ça, tu viens d'Frigost ?

Lass hocha la tête, le sourire aux lèvres. Il avait la mine fière typique de celui qui parle de son pays et qui ne trouve que du bon à en dire. Le gros Pandawa et le Iop semblaient boire ses paroles, l'écoutant comme si ses mots charriaient des filons de diamant. Il aurait pu leur raconter n'importe quoi. Les pigeons parfaits.
Du coin de l'oeil, il surveillait tout de même l'Eniripsa, légèrement en retrait par rapport à ses deux acolytes. Il ne l'avait pas lâché du regard un seul instant, et semblait le jauger.
Le Roublard s'en détourna bien vite après lui avoir lancé un petit rictus engageant. Il n'en montrait rien, mais la présence du disciple de la Fée des Miracles l'embêtait au plus haut point.
De toute évidence, il n'était pas interessé par ses récits, et il était même fort probable qu'il n'en croit rien. Un sceptique. Un méfiant. Le genre à servir de voix de la raison à ses camarades moins malins.
Il fallait retourner ses alliés contre lui, ou l'égorger en douce lorsqu'ils auraient le dos tourné. Ou les deux.
Oh, et puis égorger les deux autres aussi ensuite, tant qu'à faire. Histoire de passer le temps.

-Là-bas, à cause du froid, les animaux ont dû s'adapter. Nos bouftous sont 'achement plus gros, et ils sont recouverts d'une fourrure tellement épaisse qu'une Tofoune y perdrait ses petits. On appelle ça des boufmouth.
-Ca doit faire un paquet de bouffe, non ?, s'encquit Brizerain, parvenant pour une fois à suivre un sujet pendant plus de deux minutes.
-Boah, je ne pense pas qu'il y ait plus de boufs' qu'ailleurs, ça se reproduit partout pareil, ces bêtes-là.

Beth observait ses compagnons s'esclaffer en compagnie de ce Roublard envahissant depuis l'autre côté de la table, une chopine à la main. Il n'était pas de ces joyeux bandits rigolards appréciant de chanter des idioties en enchaînant les litres d'alcool et écoutant les inepties des premiers crétins venus. Et puis, ce Roublard lui semblait louche.
Il les avait abordé alors qu'ils commandaient leurs boisson, assurant de leur offrir sa tournée, sous prétexte qu'il les avait croisé en route plus tôt et que c'était, selon lui, un "signe du destin" de les retrouver ici par hasard. Venant d'un Ecaflip, ça aurait peut-être pu être crédible, mais surtout pas de la part d'un Roublard.
Ces types étaient mauvais comme la peste, prêts à toutes les trahisons pour obtenir ce qu'ils convoitaient. A côté d'eux, les Srams étaient, certes, autant voleurs et assassins, mais ils possèdaient un code d'honneur assez strict qui assurait notamment à une personne passant un contrat avec eux de voir celui-ci terminé sans bavures, et surtout, sans se faire égorger en cours de route. Là où le Sram assassinait proprement et sans bavure, le Roublard avait une réputation de traître prêt à toutes les bassesses pour une poignée de sous, ou parfois pour le simple plaisir d'avoir roulé quelqu'un. On n'engageait pas un Roublard, à moins de vouloir finir avec une charge explosive entre les deux yeux une fois leur récompense donnée.
Nul doute que celui-ci cherchait uniquement à les détrousser.

Le guérisseur avait, malgré les apparences, toute confiance en la force de ses deux acolytes, et savait pertinemment qu'ils ne se feraient pas tuer comme des débutants par un homme seul, aussi fourbe soit-il, mais il était certain qu'ils se feraient tout de même dépouiller de leur argent en un temps record.
Enfin, ça ne le regardait pas, après tout. Ils partageaient toujours leur butin, et si ces deux imbéciles perdaient leurs économies il n'irait certainement pas leur prêter de ses kamas... et après tout, ça leur ferait une leçon.

-Et les filles, elles sont comment ?
-Ouais, ouais ! parle-nous des filles, enchaîna Torbwa à la suite de Brizerain.
-Oh, les filles... elles me rendent marteau.

Le brigand à la peau sombre se fendit d'un nouveau sourire, avant d'ajouter, sur un ton de confidence :

-Vous savez, comme il fait froid, on est toujours très habillés, là-bas... alors imaginez un peu une magnifique plante qui se livre à un effeuillage bien en règle, vêtement par vêtement... l'attente monte, l'envie avec, j'vous assure que ça met l'eau à la bouche.
-Ouais, en fait le temps qu'elles virent leur quinze manteaux, z'avez tout l'temps d'vous geler comme des nazes.

Trois paires d'yeux se tournèrent aussitôt vers Beth, qui venait finalement de prendre la parole. Il grimaça un sourire qui sonnait terriblement faux, termina sa bière, puis se releva.

-J'vous laisse avec vot' nouveau copain, grogna-t-il, se dirigeant vers la porte de l'auberge. J'ai besoin d'prendre l'air loin d'vos conneries.

Les trois hommes restèrent silencieux, jusqu'à ce que Torbwa fasse mine de se lever à son tour.

-Je vais pas le laisser seul...
-Ne t'embête pas, l'ami, objecta Lass en le devançant. Reste ici, j'pense que c'est moi l'souci... j'vais aller lui parler un peu.
-Désolé, il est un peu... compliqué. Il n'aime pas les inconnus.
-Ca va, j'en ai pour cinq minutes, je vais lui faire le regard du Chachaton orphelin et il va revenir ici en un clin d'oeil !



Beth donna un violent coup de pied dans la mangeoire à dragodindes en face de l'auberge. D'accord, ça leur filerait une bonne leçon, mais il ne pouvait tout de même pas supporter ce type. Le genre grande gueule incapable de savoir quand se taire, le vaniteux avec toujours une anecdote ininteressante à raconter, à se croire le centre du monde. Et pour combler le tout, il fallait que ça soit un Roublard.
Il avait grand besoin de se calmer. Le tonneau dans lequel ils avaient enfermé le Sacrieur était situé dans une ruelle adjacente, dans la pénombre. Tourmenter Vyem, ça, ça pourrait éventuellement le relaxer. Le prisonnier devait être dans un état lamentable à cause des vapeurs d'alcool, celà le ferait sans doute perdre son visage inexpressif un moment. Il s'imaginait déjà le forçant à marcher, aveugle et complètement ivre. Ca serait amusant, sans aucun doute. Et cruel. Parfait.
Il se réjouissait à cette idée en pénètrant la rue dérobée, lorsque qu'un bruit derrière lui le fit se retourner.

Trop tard.
Lass se jeta sur l'Eniripsa sans lui laisser le temps de réagir, le plaquant sur le sol avec force. Ce dernier tenta de lui envoyer un coup de genou dans les valseuses, assez habitué aux combats pour avoir des reflexes adaptés, bien qu'il ne soit pas un guerrier particulièrement doué au corps à corps. Son genou se contenta cependant de percuter une protection visiblement bien placée, et qui aurait certainement sauvé la mise à bien des noix.
En réponse au bruit de choc sourd que l'impact produisit, le Roublard fit un sourire grimaçant, avant de coller avec violence le canon de son arme à feu contre les lèvres de son adversaire.

-Ha... c'est comme ça que je l'aime, ton regard. Quand on lit la peur dedans. Plus un poil d'arrogance, quand ta vie est sur le fil, hein...?

Le disciple d'Eniripsa avait en effet un visage bien différent de ce qu'il en laissait voir habituellement, les traits déformés par la terreur pure et l'angoisse de mourir, ici même, entre les mains de cet homme.

-Mais... qui sait, je pourrais peut-être me montrer magnanime, hmmm ?

Lui donner un espoir. Laisser sa proie croire à une issue. Profiter de sa détresse pour la rouler dans la boue, l'humilier, pour mieux l'écraser ensuite.
Avec une douceur calculée, il vint de sa main libre glisser ses doigts entre les mèches de cheveux blonds de l'Eniripsa.

-Va falloir convaincre mon flingue. Tu piges ce que je veux dire ? C'est une arme capricieuse, si on n'est pas assez doux avec elle, elle a tendance à cracher. Ca serait dommage que ta cervelle se répande sur le sol, n'est-ce pas...?

Le Roublard se sentit grisé. Ce regard... ce regard ! Il était fasciné par les changements qui pouvaient s'opérer ainsi dans les yeux de quelqu'un qui se retrouvait subitement en danger de mort. Adieu fierté, courage, bonjour lacheté. Cet Eniripsa, tout comme d'autres, était prêt à le supplier, à lui manger dans la main pour avoir la vie sauve. Sa peau frémissait, son dos était moite de sueurs froides. Ses yeux semblaient prêts à lui sauter hors des orbites, ses doigts se crispaient nerveusement, comme agités de tics, compulsivement.
Evidemment, il existait des personnes capables d'afficher un visage impassible devant leur imminente défaite. Beaucoup de guerriers Iops et Pandawas étaient ainsi, gardant la tête droite et le regard menaçant jusqu'à leur dernier instant. Lass ne les appréciait pas, ces gens-là. Les vrais guerriers, ces hommes et femmes munis d'une volonté bien trop forte pour que la perspective de perdre la vie ne les effraye. Des individus considérant la mort comme une possibilité dans leur existence envahie par les risques.
Des imbéciles.

Il pressa d'avantage le canon, afin de forcer l'Eniripsa à ouvrir la bouche. Sa voix s'éleva à nouveau, doucéreuse, alors qu'il commençait à presser la détente.

-...Alors montre-lui que t'as envie de survivre.

Il eut à peine le temps de finir sa phrase que quelque chose l'agrippa par les cheveux et le souleva du sol avec brutalité. Le coup de feu partit presque instantanément, mais manqua largement la tête de Beth, encore tétanisé, complètement sous le choc.
Brizerain envoya le Roublard rencontrer le mur le plus proche avec une violence inouie, un craquement sonore résonnant dans la ruelle lorsque le bras gauche de celui-ci rencontra la surface de pierre. Encore sonné par le choc, Lass se releva, les jambes titubantes, et tenta de se baisser pour récupérer son tromblon. Peine perdue, une paire de mains gigantesques, noires et poilues, fonça droit vers lui, se refermant sur sa tête comme s'il n'était qu'un misérable insecte.

-Vas-y, essaye, et j'transforme ta tête en tas de pulpe, tonna le Pandawa.

Il se mit à serrer les mains, juste assez pour que le roublard puisse sentir une forte pression s'exercer sur son crâne. Difficile de mettre en doute ses paroles : il semblait être pourvu d'une force Goultardéenne, et de cette détermination sans faille propres aux disciples de Pandawa. Si l'un de ceux-ci avait l'audace d'avancer qu'il allait faire des noeuds avec les intestins d'un ennemi, il valait mieux le croire. Surtout si on avait le malheur d'être l'ennemi en question.
Le Roublard laissa immédiatement ses bras revenir le long de son corps, abandonnant bien vite l'idée d'attrapper une autre arme. Pas d'action stupide, ce gros lard lui pulvériserait la tête avant même qu'il n'ait le temps de lui faire une égratignure.

Beth se redressa avec lenteur, s'aidant de la main du Iop, là où il aurait habituellement préféré se débrouiller seul. Il tremblait encore.
Tout s'était passé très vite, et il s'en voudrait longtemps de s'être ainsi laissé avoir. Ce salaud de Roublard avait manqué de le tuer. Il s'était fait surprendre comme un débutant. Ses camarades l'avaient vu dans un état de panique absolue, et l'idée qu'il ait pu afficher tant de faiblesse sous leurs yeux l'insupportait au plus haut point.
Ne pas y penser. Surtout, ne pas y penser. Pas maintenant.
Il repoussa finalement Brizerain, reprenant alors le rôle qu'il avait malencontreusement oublié dans son affolement, celui du chefaillon caractériel et cruel.

Un rictus mauvais vint changer le visage de l'Eniripsa en masque inquiétant. Une expression suintant le mépris, dégoulinante de haine, venait défigurer ses traits pourtant juvéniles. Il essuiya du revers de la main un filet de sang de sa lèvre inferieure, malmenée par le canon de l'arme de son adversaire, et s'approcha avec lenteur.
Lorsque sa voix s'éleva, elle était glaciale, sifflante comme celle d'un reptile.

-Quand j'en aurais fini avec toi, tu m'supplieras de te laisser crever.




-Fin du premier chapitre-


------Blabla Viddhartesque------

Désolé pour ce retard de deux semaines, j'avais d'autres préoccupations, disons. :'p
Je ne suis pas franchement fana de cette dernière partie du premier chapitre, ça manque cruellement de descriptions, ça va un peu dans tous les sens, bref, y a un côté très brouillon qui ne me plait pas trop. Il est possible que je retaffe quelques trucs ici et là si l'inspiration me vient, juste des changements niveau forme, et pas fond.
Bon qu'un peu brouillon en effet, j'ai vraiment bien aimé ce passage. (Tu dévies de plus en plus, en abandonnant peu à peu le sacrieur qui est le personnage principal non ? )


Bon, la fin est un peu prévisible, mais je vois bien la dernière réplique dans un film



Bref, on attend la suite avec impatience !
Nah, c'est voulu, comme partit pris. C'est qu'un mec qui se fait traîner par un trio de brigands durant des pages et des pages au début. Ce que je veux, c'est plus amener le décor, tout ce qui gravite autour du personnage, plutôt que de partir sur de folles aventures dont il est le héros. J'aurais pu commencer dès le début par le libérer, le faire massacrer le trio de bandits, et partir à l'aventure, mais c'est pas assez tordu à mes yeux, je préfère vraiment le placer en "élément du décor" et amener tout doucement les éléments à lui.

Ce n'est pas pour rien que le titre du premier chapitre est "Des Bandits". On suit les trois brigands, ainsi que Lass Depykh le roublard. Vyem, il existe, mais y a un flou complet à son sujet, on ne sait pas qui il est, d'où il vient, comment il est arrivé là. Je préfère amener les réponses au compte goutte, en introduisant tour à tour les personnages qui vont croiser sa route.

J'aime mieux ce traitement, en fait, au final il est plus dur de prendre un partit. Evidemment qu'ils sont salauds, ces bandits, à tuer, piller, asservir, mais le fait qu'on les suive, qu'on découvre leur tempérament, leurs vices, leur histoire, les rend plus humains, et évite de tomber dans le "argh, un méchant méchant OAO! vite, il faut le tuer!".
Jsuis autant flatté quand on me dit "argh, Lass est vraiment détestable" que "j'adore Torbwa *3*". Ca veut dire qu'en un sens, le lecteur s'est laissé atteindre par le personnage, au-delà du fait qu'il soit fondamentalement méchant ou gentil.

Par contre, à savoir s'il est le seul protagoniste, la réponse est non.


Pour la phrase de fin... c'est une joke perso, en fait je cherchais une phrase bien cliché sur laquelle finir le chapitre, et j'hésitais entre celle-ci et "t'es un homme mort". J'ai trouvé que l'autre collait mieux au personnage, plus du genre vicieux que tueur de sang froid.

Merci d'avoir pris le temps de commenter !
Ah d'accord, c'est vrai que je me suis réellement attaché à Beth, je trouve ce personnage vraiment intéressant de part sa mentalité, son rôle de "meneur" etc...



Citation :
Publié par Viddharta
Pour la phrase de fin... c'est une joke perso, en fait je cherchais une phrase bien cliché sur laquelle finir le chapitre, et j'hésitais entre celle-ci et "t'es un homme mort". J'ai trouvé que l'autre collait mieux au personnage, plus du genre vicieux que tueur de sang froid.


Ça, j'avais bien compris
Enfin ! Deux semaines on avait cru que t'étais mort une suite toujours aussi passionnante avec peut être un peu moins de description mais toujours aussi subtile et j'ai aimé le mot de la fin assez vicieux qui correspond parfaitement a l'image que je me fais de l'éniripsa . On voit ton désir de ne pas tout tourner vers le Sacrieur et ta volonté de "poser le décor" est parfaite je trouve.
Continue comme ça !
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